Soif d’ailleurs avec Nadia
Nadia Fournier
C’est la saison des paillettes, du strass, des couleurs brillantes et de l’effervescence un peu partout, à commencer par les verres.
Vrai, la consommation de champagne et autres vins effervescents n’est plus réservée aux grandes célébrations et au temps des Fêtes, mais si je vous demandais ce que vous comptez ouvrir le 31 décembre, je serais très surprise de ne pas vous entendre me nommer au moins une, sinon deux ou trois cuvées de bulles.
Un rapport de l’Organisation Internationale de la Vigne et du Vin (OIV), publié en début d’année 2015 permettait d’ailleurs de confirmer que les vins effervescents se taillent maintenant une place dans les habitudes régulières des amateurs de vin. La tendance s’observe facilement sur le marché québécois puisque la SAQ affiche des ventes en hausse de 78 % depuis 2010 – 48 % pour les champagnes seulement.
L’autre bonne nouvelle, c’est que tout ne se joue pas dans le volume, mais aussi dans la qualité et dans la diversité.
Le choix des vins mousseux à la SAQ n’a jamais été aussi vaste qu’aujourd’hui. Au cours des cinq dernières années, la SAQ a ajouté plus de 150 vins de Champagne à son répertoire, la plupart venant de petits propriétaires récoltant-manipulant. Longtemps seules dans leur bulle, les grandes marques champenoises doivent désormais jouer du coude à l’exportation, avec ces vignerons indépendants, dont les vins connaissent une forte popularité, tant dans la restauration, qu’auprès d’une clientèle de connaisseurs, mois sensible aux arguments du marketing.
Pour vous guider dans vos achats de la fin d’année, voici mes coups de cœur de la dernière année.
Allez-y, à toute occasion, faites sauter le bouchon!
Brut Non-Millésimé
Les champagnes non-millésimés – aussi nommés « brut sans année » ou BSA – représentent plus de 80 % des ventes annuelles de la Champagne. Créés à la demande des marchands britanniques qui souhaitaient réduire les variations d’une année à l’autre, ces cuvées sont issues d’un assemblage de vins de plusieurs millésimes, cépages et terroirs. Chaque maison a son style et obtient ainsi un vin plus constant au fil des ans.
Tout fraichement arrivé à la SAQ, le Brut Tradition de la maison De Sousa & Fils donne pleine satisfaction pour le prix. Un bon vin de facture classique, délicatement brioché et porté par une mousse fine et assez persistante. (56,50 $) Plus complexe encore, la Cuvée 3A s’appuie sur un assemblage de trois terroirs de Grand Cru sur les communes d’Avize, d’Aÿ et d’Ambonnay, d’où le nom. Belle bouteille qu’on pourra apprécier dès maintenant ou laisser reposer en cave encore quelques années. (74 $)
L’amateur de Champagne à l’affut d’aubaines voudra aussi découvrir le Grand cru, Blanc de noirs de la maison Barnaut, produit sur le terroir de Bouzy, à une vingtaine de kilomètres au sud-est de Reims. Vineux, structuré, ample et on ne peut plus rassasiant à ce prix. (48 $)
Marque-culte, célèbre pour ses vins riches et profonds, vinifiés en fût de chêne, Bollinger est aussi propriétaire du domaine Langlois-Chateau, dans la Loire. Toujours impeccable, le Special Cuvée est un modèle en matière de brut non millésimé. Plus consistant et structuré que la moyenne, une saine acidité rehausse ses arômes de noisette et ses tonalités crayeuses. Persistant, très stylé et doté belle tenue en bouche. (69,25 $)
Entreprise restée familiale, Pol Roger s’est gagné la confiance d’amateurs des cinq continents qui ne jurent que par son style droit et raffiné, l’image même de cette grande marque. Le Brut non-millésimé compte pour 70 % de toute la production de la maison. Une référence, à juste titre. (61,25 $)
Le Tradition Grand Cru de Egly-Ouriet est issu essentiellement de pinot noir et élaboré par Francis Egly, vigneron récoltant-manipulant. Un mariage exquis d’élégance, de structure et de pureté, des saveurs pénétrantes et complexes. Grand vin! (93,75 $)
Brut Blanc de Blancs
La maison Henriot est également propriétaire de Bouchard Père & Fils et du domaine William-Fèvre en Bourgogne. Le Brut Blanc de blancs provient essentiellement des terroirs de premier et grands crus de la Côte des Blancs et a profité d’un élevage de cinq années sur lies. Cette année encore, un vin harmonieux, persistant, délicieux. (78,75 $)
Le vignoble de la famille Doquet est conduit en agriculture biologique. Fruit d’un assemblage des récoltes 2009 et 2010, la Cuvée Horizon est issue à 100 % de chardonnay. Le dosage est perceptible, mais n’ajoute aucune lourdeur et le vin présente un bel équilibre d’ensemble. Toujours parmi les bons achats à moins de 50 $. (47 $)
Sur la vaste propriété qui appartient à leur famille depuis 1750, Olivier et Didier Gimonnet misent sur des dosages limités qui laissent le fruit s’exprimer dans toute sa subtilité. Depuis son entre sur le marché, la Cuvée Cuis Premier Cru Brut se distingue par sa bouche est fraîche et élancée, mettant en valeur les plus beaux atouts du chardonnay. (57,25 $)
Réputé à juste titre pour la précision de ses vins, Pierre Larmandier cultive son vignoble en biodynamie. Le Terres de Vertus Premier cru 2010 est une autre référence au rayon des Blancs de Blancs. Quelle finesse! Les amateurs du genre seront comblés. (71,75 $)
Plus abordable, mais très loin d’être un prix de consolation, Les Vignes de Montgueux du domaine Jacques Lassaigne prouve que le département de l’Aube – souvent considéré comme le parent pauvre de la Champagne – peut donner des vins aussi inspirés que ceux de la Marne. Sec, vif et tranchant; parmi les meilleurs champagnes pour accompagner les huîtres. (56 $)
Le meilleur des rosés
Les déceptions sont nombreuses au rayon des rosés… Très rarement aussi complet ni aussi distinctif que leur pendant blanc, mais toujours significativement plus cher. Heureusement, certaines maisons font exception.
C’est le cas de la famille Fleury, dont le vignoble est cultivé en biodynamie depuis 1989. Le Rosé De Saignée est l’un des meilleurs champagnes rosés disponibles à la SAQ. Le terme « saignée » indique que la couleur du vin exclusivement relève du contact du moût avec les peaux des raisins de pinot noir, plutôt que d’un assemblage de chardonnay « coloré » par l’ajout de vin rouge, une pratique largement répandue en Champagne. La couleur est donc plus soutenue que la moyenne, et le vin comporte une bonne dose d’extraits secs qui laisse une texture quasi tannique en bouche. À découvrir sans faute, surtout que le prix, pour un rosé, n’est pas du tout excessif. (63,25 $)
En plus des deux vins commentés plus haut, la famille De Sousa & Fils élabore le Brut rosé, un rosé d’assemblage qui demeure assez fidèle à l’esprit de la maison, avec une facture classique et des saveurs franches et persistantes de fraises des bois. (70,50 $)
Il y a une trentaine d’années, Bruno Paillard a fondé cette maison et s’est vite taillé une réputation enviable dans cette région où règnent des institutions centenaires. Comme d’habitude, son Brut rosé Première Cuvée est fort agréable par la précision de ses saveurs fruitées et florales. (76,75 $)
Petite excursion hors-Champagne, avec le De Nit 2013 de Raventós i Blanc, un rosé catalan dont la couleur est attribuable à une petite proportion de monastrell (mourvèdre). L’attaque en bouche est franche, agrémentée de saveurs fruitées nettes. Toujours un très bon achat. (24,80 $)
Secs ou archi-secs?
Si vous aimez le champagne en mode sec, vif, tranchant, il vous faut absolument goûter le Brut Nature 2006 de Roederer, produit en collaboration avec le designer Philippe Starck, qui a participé à l’assemblage et conçu l’étiquette, évidemment. Premier vin sans dosage de la gamme Roederer, ce vin issu de pinot noir et de chardonnay est disponible en exclusivité dans les succursales Signature. Encore très jeune, malgré qu’il soit âgé de neuf ans; à la fois citronné et minéral, il se développe admirablement dans le verre et laisse en finale une sensation vibrante. (104 $)
Un peu moins complexe, mais vendu pour la moitié du prix, le Zéro Brut Nature de la famille Tarlant ne manque pas d’attraits. Très sec, vif, épuré et digeste, idéal pour l’apéritif. (51,25 $)
Pour quelques dollars de plus, l’Arpège Brut Nature de Pascal Doquet est un pur régal. Un savoureux blanc de blancs, gras, assez substantiel et d’une intensité à faire rougir bien des champagnes de grandes maisons. (55,75 $)
Agrapart exploite à peine une dizaine d’hectares de vignes, qu’elle soigne scrupuleusement (labour des sols à l’ancienne, emploi de levures indigènes, élevage en fûts). Excellent champagne d’emblée agréable par son attaque en bouche franche, la cuvée Terroirs, Blanc de Blancs, Extra Brut déploie de bons goûts de pomme verte, sur un fond brioché. (69,75 $)
Avant-gardiste et biodynamistes de la première heure, les membres de la famille Fleury donnent leurs lettres de noblesse aux terroirs de la Côte des Bars. Le nez légèrement rancio du Extra Brut 2002 pourrait faire craindre une oxydation prématurée. La bouche présente ces mêmes notes évoluées, entre la pomme blette et la cire d’abeille, mais n’accuse aucune fatigue. Excellent champagne de terroir à boire au cours des deux prochaines années. (73,75 $) Plus cher, mais un cran plus complet et complexe, le Bolero 2004 déploie toute la sève des meilleurs blancs de noirs. Un champagne d’envergure à apprécier dès maintenant ou à laisser reposer en cave jusqu’en 2019. (94,25 $)
Après la Champagne, le reste du monde
Le mot « Champagne » sur une étiquette désigne exclusivement un vin produit dans la région du même nom, au nord-est de Paris.
Ailleurs, on ne produit pas du champagne, mais du vin mousseux : cava en Espagne, Franciacorta, Prosecco ou spumante en Italie, sekt en Allemagne, crémant en France, sparkling wine aux États-Unis, en Australie, en Nouvelle-Zélande et au Canada, etc. Des vins très souvent élaborés selon la méthode champenoise, maintenant nommé méthode traditionnelle.
Depuis 2010, la SAQ a ajouté 80 mousseux – hors Champagne – à son répertoire, ce qui porte le nombre de vins en inventaire à plus de 200.
La France d’abord
On produit des vins mousseux dans presque toutes les régions viticoles françaises. Les meilleurs crémants de Bourgogne et du Jura sont sans doute ceux qui se rapprochent le plus des vins de Champagne. Cela s’explique sans doute par l’emprunt des mêmes cépages – chardonnay et pinot noir, essentiellement.
Sur la commune de Le Vernois, les Baud produisent une foule de vins de table, mais aussi deux excellents crémants vendus à la SAQ. Le Brut Blanc de Blanc est d’emblée attrayant avec son nez qui évoque les scones fraîchement sortis du four. À ce prix, on peut l’acheter à la caisse! (19,50 $)
Un cran plus nourri, le Brut Sauvage repose sur un assemblage de chardonnay (70 %) et de pinot noir, auquel un long élevage de 24 mois sur lattes apporte onctuosité et gras. À moins de 25 $, il est rare de trouver un vin effervescent qui offre autant de plaisir. (23,25 $)
La famille Tissot est une autre des forces de la viticulture jurassienne. Il y a plusieurs années, André et Mireille ont transmis les rênes à leur fils Stéphane qui s’inscrit parmi les vignerons les plus talentueux de sa génération. Son Crémant du Jura se signale par sa constance exemplaire. Savoureux et assez consistant et couronné d’une saine amertume qui se dessine en finale et met le fruit en relief. (24,60 $)
Plus complet que par le passé, il me semble, le Crémant de Bourgogne 2011, Perle Rare de Louis Bouillot est moins dosé et laisse une impression de raisins plus mûrs. (22,95 $) Plus abordable encore, la Cuvée Excellence du Moulin des Verny est composée exclusivement de chardonnay et s’avère assez fin, dans un style classique. Très bon crémant de Bourgogne, fruité et nerveux, avec des goûts de pomme blette. Bon rapport qualité-prix. (19,10 $) Arrivé à la SAQ il y a quelques semaines, le Belaire, Gold Brut est constitué de chardonnay bourguignon, sans que la bouteille n’en fasse mention. Plus ouvert et fruité que la moyenne des mousseux bourguignons, à défaut de profondeur.
Dans la région de la Loire, pas de chardonnay ni de pinot noir, mais du chenin blanc, un cépage singulier qui donne des vins nerveux et vigoureux. Le Brut 2013 de Vincent Carême est particulièrement achevé. Pureté cristalline, précision et, comme toujours chez Carême, une vivacité qui appelle la soif et met en appétit. (24,20 $)
Même dans le sud de la France au bord de la Méditerranée, on peut trouver des vins étonnamment rafraîchissants. Laurens et son Clos Des Demoiselles 2012 en font foi chaque année. Toujours un bon achat au rayon des crémants de Limoux. (23,90 $)
Ensuite, l’Espagne
En Espagne, au sud de Barcelone, des entreprises colossales se spécialisent dans la production de cava et autres mousseux, dont la qualité est en nette progression. Certaines cuvées haut de gamme font même preuve de beaucoup de race et de profondeur.
Josep Maria Raventós et son fils Manuel ont vendu leurs parts dans Codorniu en 1986 pour constituer ce domaine d’une centaine d’hectares, juste en face des installations ancestrales. La famille Raventós a aussi décidé de quitter l’appellation cava, jugeant la qualité des vins de l’appellation trop hétérogène. Leurs vins sont désormais commercialisés sous la dénomination Conca del Riu Anoia.
Beaucoup plus substantiel que la moyenne régionale, le De la Finca 2011 se distingue par son ampleur et ses saveurs persistantes. Tout le caractère authentique du cava (même sans le nom), mais avec une touche d’élégance qui le porte dans le peloton de tête. (31,25 $)
Bien que plus simple, le Parès Baltà, Cava Brut offre un rapport qualité-prix remarquable. Issu des cépages parellada, maccabeu et xarel-lo, cultivés de manière biologique; friand et bien mûr, tout en conservant une fraîcheur rassasiante. (17,45 $) Plutôt que les traditionnels cépages blancs catalans, la famille Cusiné a choisi de miser sur le chardonnay et le pinot noir pour son cava haut de gamme, le Blanca Cuisiné 2009. Excellent vin mousseux au caractère rancio, porté par une bulle tendre et persistante. Exclusivité SAQ Signature. (35 $)
Enfin, de ce côté-ci de l’Atlantique…
Outre-Atlantique, la Californie s’impose par d’excellents vins mousseux très souvent mis au point par des grandes maisons de Champagne venues s’y installées. On trouve aussi sur le marché quelques très bons vins effervescents de Colombie-Britannique, de la Nouvelle-Écosse et du Québec.
Longtemps vendu exclusivement au domaine, L’Orpailleur Brut est maintenant vendu en succursales. Une belle occasion de constater le potentiel du terroir québécois pour l’élaboration de vins mousseux de qualité. Juste assez dosé pour tempérer la vigueur du seyval et toujours aussi vif et pimpant. (32 $)
Si vous habitez la région des Cantons de l’Est, une petite visite à North Hatley s’impose. Le Domaine Bergeville se consacre exclusivement à l’élaboration de vins effervescents. Ses propriétaires, Ève Rainville et Marc Théberge, croient fermement au potentiel des vins mousseux québecois et élaborent dans les règles de l’art, trois très bons vins, dont le Blanc 2013 Brut, issu de cépages hybrides cultivés selon les principes de la biodynamie. Un deuxième millésime couronné de succès; vendu uniquement à la propriété.
Produit en bordure dy lac Brome, le Courville Brut séduit d’amblée par son nez aux accents de noix de grenoble qui annoncent un vin fort original. Issu exclusivement de seyval, vinifié selon la méthode traditionnelle, sans ajout d’une liqueur de dosage. 27 $, à la propriété.
Dans le sud de la vallée de l’Okanagan, la famille Mavety cultive la vigne depuis plus de 20 ans, au domaine Blue Mountain. Leur Brut s’appuie sur un assemblage de pinot noir, de chardonnay et de pinot gris.
Et pour terminer en beauté, l’un de mes effervescents préférés hors-Champagne, le Roederer Estate Brut. Sans blague, j’ai bien dû en acheter au moins une caisse par an depuis que j’ai découvert ce vin il y a une dizaine d’années. D’ailleurs, lorsque dégusté à l’aveugle aux côtés de grandes cuvées de Champagne, il n’est pas rare que ce mousseux de la Anderson Valley se taille une place de choix parmi les favoris. On peut acheter les yeux fermés. (36 $)
Santé! Joyeuses Fêtes!
Nadia Fournier
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