2016-07-03



Dans son Petit Traité des Grandes Vertus, André Comte-Sponville propose un ensemble d’essais philosophiques sur un certain nombre de vertus. Ainsi la tempérance, la tolérance, le courage, la générosité etc …

Celle par laquelle il commence n’est pas une grande vertu : il s’agit de la politesse. Il explique clairement que si ce n’est pas d’une disposition suffisante, c’est néanmoins un élément indispensable à la vertu.

Soucieux d’un management vertueux, j’ai très rapidement intégré cette dimension dans mes pratiques de coaching.

Un chien dans un jeu de quilles

Lorsque j’arrive dans une nouvelle équipe, je tâche de conserver à l’esprit que je suis une pièce rapportée, un peu comme un chien dans un jeu de quilles, un corps étranger que les membres de l’équipe n’ont certainement pas demandé. Se basant sur les expériences précédentes, ils imaginent parfois que je vais travailler en vase clos avec le manager, sans venir les voir, puis leur imposer un nouveau processus / outil / ensemble de pratiques.

C’est dans ce contexte peu favorable que je dois accompagner l’équipe dans des changements qui auront, en outre, pour objet de changer certaines de leurs croyances.

La politesse (bonjour, vouvoiement, sourire) est évidemment un impératif mais j’ai constaté une pratique qui, rapidement, les intrigue et que les personnes de ces équipes apprécient : je connais leurs prénoms dès le second jour.

Notre mot préféré

Dans un de ses ouvrages, le médecin David Servan-Schreiber rappelle avec justesse que le mot que chacun d’entre nous préfère entendre est son prénom. Remarquez comment lors d’une soirée le fait d’entendre le vôtre dans un groupe de personnes suscite instantanément votre attention.

Une petite marque de respect

Dire « Bonjour » de façon indéterminée à chacun, même avec un grand sourire, n’a pas la même portée que dire « Bonjour Nathalie », « Bonjour Emmanuel », « Bonjour Olivia » etc … Il s’agit d’une marque de respect : je reconnais la personne en tant qu’être humain unique plutôt qu’en tant qu’une personne supplémentaire de l’équipe. Une petite marque de respect, simple mais c’est déjà ça. Le respect c’est un peu comme l’amour ou la confiance : il n’y a pas de Respect mais des preuves de respect.

L’objectif n’est pas de me faire accepter, mais tout au moins obtenir le bénéfice du doute sur mes intentions. Je note que rapidement, les personnes de l’équipe apprécient cette attention et ne me portent plus le même regard. Ils apprécient que j’ai fait cet effort somme toute naturel. Cela ne veut pas dire que le projet de changement va réussir, cela veut juste dire que j’ai supprimé un premier obstacle à mon acceptation par l’équipe.

Lean = Respect des personnes

Le respect des personnes est un des éléments essentiels du Lean originel. Nous sommes très, très, très sérieux sur ce sujet. Et comme d’habitude dans le Lean, nous ne sommes pas dans de la théorie fumeuse mais par des ensembles de pratiques. J’en vois trois principales :

Mettre les personnes en position de réussir leur journée. Chacun a le droit de réussir et cela commence par réussir sa journée. On va donc les aider à clarifier le challenge puis à voir les obstacles qui les empêche de réussir cette journée. On va ensuite leur permettre de développer des compétences métier spécifiques en travaillant sur des problèmes opérationnels précis. Ce blog regorge de multiples exemples, à ce sujet.

Aller voir sur le terrain, sans a priori ni jugement, et demander pourquoi : la clef de la bienveillance comme l’explique admirablement Cécile Roche dans son dernier ouvrage. Nous présupposons que chaque personne vient le matin pour faire du mieux qu’elle peut – l’approche théorisée comme Theory Y par Douglas McGregor.

Considérer chaque personne comme unique et distincte et pas comme des « ressources humaines » interchangeables et anonymes. Au delà de toutes grandes théories démagogiques, cela commence simplement par connaître leur prénom.

Mauvaises excuses et mauvais leadership

Je suis très frustré lorsque je coache un chef de projet qui au bout de 3 semaines ne connait toujours pas le nom des collaborateurs en prétextant qu’il y a des choses plus importantes à faire. Si l’on veut faire cette chose, violente, qui consiste à remettre en cause les pratiques de travail d’une équipe, je ne pense pas qu’il y en ait. Inversement, je me suis moi même fait rattrapé par un de mes chefs de projet qui me reprochait de confondre le prénom de deux gestionnaires assises côte à côte.

Je pense à ce directeur d’un département qui connait le prénom et le parcours de chacune des 120 personnes qu’il encadre. Étrangement, ce directeur est particulièrement respecté par ses équipes. Une des raisons invoquées par celles-ci est justement le fait qu’il connaisse et salue les personnes. Je suis toujours très étonné par les leaders qui évincent cette dimension, prétextant le grand nombre de personnes dans leurs équipes. Notre cerveau peut gérer 150 relations : si votre équipe en comporte moins, il n’y a pas d’excuse à ne pas les connaitre. Par quelle acrobatie rhétorique peut-on, sans ce pré-requis obligatoire, s’imaginer être un bon leader ?

Techniques de mémorisation

Le problème devient alors : comment faire ? Un moyen mnémotechnique qui semble me convenir : je fais un anagramme des prénoms de chacune des marguerites (groupement de bureaux) : OMIJ pour Olivia, Marie, Isabelle et Johann. Avec cette méthode pratique, je peux saluer chacun par son prénom dès le second jour d’accompagnement. Accessoirement, si le respect des personnes ne vous intéresse guère, vous pouvez toujours vous dire que ces exercices mnémotechniques permettent de conserver un cerveau en bonne santé.

Ainsi, dès que je rentre dans l’espace de travail de l’équipe je fais cet exercice pour me répéter mentalement le prénom de chacun en les regardant. Je peux ensuite aller les saluer sans bafouiller grâce à cette rapide répétition.

Il s’agit pour moi un impératif. Car dès le second jour dans le lean, nous sommes à côté des opérationnels qui créent la valeur, pour comprendre cette valeur et, en creux, les gaspillages qu’ils subissent. Si un premier lien, même ténu, n’a pas été créé, l’exercice risque de s’avérer particulièrement délicat.

Quelle est votre première marque de respect lorsque vous accompagnez une nouvelle équipe ?

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