2017-01-01

Après une longue parenthèse, il est plus que temps de reprendre ce carnet. Il faut dire que deux éléments récents me donnent l’occasion d’un billet sur un thème important de ma thèse, mais aussi du débat public. Le premier d’entre eux est un documentaire télévisé, diffusé le 29 octobre dernier sur Public Sénat. Réalisé par les journalistes Tristan Dessert et Clément Lacombe, Le Tournant, quand la gauche a cessé de rêver est consacré au « tournant de la rigueur » de 1983 (la bande-annonce est ici). Le deuxième élément est une tribune de la sociologue Dominique Méda, publiée dans Le Monde en réaction à l’élection de Donald Trump, et dans laquelle elle fustige les multiples renoncements de la gauche de gouvernement (américaine, européenne et française) à ses combats historiques. De manière significative, les exemples qu’elle égrène à l’appui de sa démonstration commencent avec le tournant de 1983, lorsque la gauche accepta « de se soumettre à une Europe qui ne parvenait pas à devenir politique », et abandonna la défense de « l’intérêt du paradigme keynésien ».

Ces deux exemples montrent à quel point l’épisode de 1983 a été construit mémoriellement comme le moment d’un basculement politique majeur… et à quel point il fait l’objet de reconstructions a posteriori, et d’interprétations plaquées. Chacun à leur manière, le documentaire de Public Sénat et la tribune de Dominique Méda témoignent d’une telle cristallisation. Le « tournant » de 1983 fait décidément l’objet de toutes les attentions. Allons nous aussi y regarder de plus près.

Drame en cinq actes

Dans ce billet, je vais commencer par analyser le documentaire de Clément Lacombe et Tristant Dessert. Pour résumer le propos des réalisateurs, la gauche aurait d’abord appliqué une généreuse et insouciante politique de cigale, pour finir par se ranger, rattrapée par la réalité, du côté des fourmis (je reprends ici une image présente dans une archive télévisée utilisée dans le documentaire). L’idée de virage à 180 degrés structure en effet le film tout entier : elle est présentée dès les premières minutes par un effet de montage qui met en parallèle l’annonce des revalorisations de prestations sociales de juin 1981 et celle des mesures de rigueur de mars 1983, et se conclut par l’opposition du « rêve » et de la « réalité ».

Résumons tout d’abord rapidement le propos du film, déroulé tout au long de cinq « chapitres » (les cinq actes d’une tragédie ?). Le premier d’entre eux est intitulé « changer la vie », reprenant ainsi le titre du programme socialiste de 1972, utilisé ici comme symbole du volontarisme de 1981. Ce choix s’éclaire au vu de la présentation des premiers mois de pouvoir de la gauche, décrits comme ceux de tous les optimismes et de toutes les ivresses. Le commentaire présente les « 110 propositions pour la France de François Mitterrand comme « résolument de gauche », tandis que la journaliste Catherine Nay ironise sur la « vision enchanteresse du socialisme » du Premier ministre Pierre Mauroy, et que les multiples réformes de la première année du pouvoir sont égrenées.

La contrepartie de cette sympathique mais dangereuse orgie de naïveté est donnée dans le chapitre 2 (« Premières alertes »). La parole est donnée à l’accusateur principal : Michel Rocard. Visage de cire émergeant à peine d’une lumière sépulcrale, il donne ici son ultime témoignage. « J’étais totalement convaincu que cela nous menait à une catastrophe économique épouvantable », assène-t-il, avant de fustiger la « ligne absolument folle » suivie par le président de la République. La décision de ne pas dévaluer le franc en mai 1981 est qualifiée d’« imbécillité majeure » témoignant de l’« inconscience la plus totale ». Jean Peyrelevade, conseiller économique de Pierre Mauroy, fustige ensuite l’étendue des nationalisations bancaires, puis la voix off en vient à ce qui est présenté comme les conséquences financières de cette dispendieuse politique : « le gouvernement a vite fait de vider les caisses de l’État. En quelques mois, le déficit est multiplié par 6 par rapport à 1980 ».

Le troisième chapitre (« Une alliance secrète », conclue entre Pierre Mauroy et son ministre des Finances Jacques Delors afin de changer de politique) est consacré à la genèse des décisions économiques de juin 1982, ce « plan de rigueur qui ne dit pas encore son nom ». Après que Delors a plaidé fin novembre 1981 pour une « pause dans l’annonce des réformes », la « descente aux enfers » (selon la formule d’Élisabeth Guigou) du franc lors du premier semestre 1982 conduit  à l’adoption du blocage des prix et des salaires afin de casser l’inflation, ainsi qu’à une première tentative de limiter les dépenses publiques.

Le quatrième chapitre (« Les visiteurs du soir ») est consacré à l’épisode de mars 1983, lorsque François Mitterrand envisagea de tourner le dos aux choix effectués au mois de juin précédent et de sortir du SME, avant de se rallier aux vues de son Premier ministre et de le conforter dans le choix de la rigueur. Le cinquième et dernier chapitre est consacré à une vision rétrospective, centrée sur l’accusation de trahison des idéaux de la gauche et sur la théorie de la « parenthèse » développée par Lionel Jospin pour défendre la rigueur. Pour finir, la conclusion fait du combat entre gauche qui rêve et gauche réaliste un affrontement éternel.

Les avatars d’une vulgate

J’ai sur ce documentaire une appréciation mitigée, qui tient en un mot à ce qu’il reprend sans distance une « vulgate » depuis longtemps remise en question par les historiens ayant travaillé sur les archives de la période, mais qui traîne encore et toujours dans les récits (journalistiques la plupart du temps, mais aussi dans certains ouvrages de synthèses rédigés par des historiens) de la période. J’emprunte l’expression de « vulgate » à l’historien de l’économie Michel Margairaz. Voici d’ailleurs ce que ce dernier écrivait sur le sujet en 2001, synthétisant les apports d’un colloque organisé en janvier 1999, et que je ne saurais mieux exprimer que lui :

« Une vulgate, élaborée dès 1983 et répétée depuis lors par divers auteurs et les principaux médias, indique que l’on serait passé d’une relance irréaliste en 1981-1982 à une gestion plus raisonnable à partir de 1983. Cette thèse émane à l’origine de la « deuxième gauche », des minimalistes qui ont rongé leur frein durant les premiers dix-huit mois et ont relevé la tête après mars 1983. Le tournant présumé leur rendrait raison a posteriori. L’analyse attentive des archives de l’Élysée [sur lesquelles les communications du colloque de 1999 étaient fondées] permet d’avancer que, de l’intérieur les enchaînements ont été autres et plus complexes[1] ».

Précisément, les deux réalisateurs du Tournant se sont faits embarquer par le discours de Michel Rocard. Depuis les événements de 1981-1983 et jusqu’à son dernier souffle, celui-ci s’est employé à répéter, avec une ardeur jamais démentie et dans des ouvrages innombrables, qu’il avait économiquement raison avant tout le monde, qu’on (c’est-à-dire le PS, la gauche, la France…) aurait dû l’écouter plutôt que Mitterrand, et que la potion amère de 1983 a été le prix à payer pour l’incurie insouciante des premiers temps. C’est une vision toute personnelle, largement déterminée par la rivalité nourrie des décennies durant avec François Mitterrand. Qu’elle soit devenue la seule version audible dans les champs politiques et médiatiques tient à ce qu’elle est politiquement très pratique pour beaucoup d’acteurs. Les rocardiens l’utilisent pour revendiquer le monopole de la compétence économique au sein du PS. À droite, elle entérine l’incapacité de la gauche, passée par tous les égarements avant de revenir in extremis à la réalité, à gérer les affaires du pays. À gauche du PS, elle sert à fustiger les renoncements socialistes, l’Europe néolibérale et l’abandon de toute volonté de transformation sociale : le « tournant » change alors de sens et devient synonyme de trahison. Cette vulgate donne aussi le beau rôle à tous les hauts fonctionnaires libéraux exerçant alors dans les postes clé du ministère des Finances et à la Banque de France, puisqu’elle en fait les gardiens du bon sens et les professeurs en économie de ces écervelés de socialistes.

Les travaux des historiens de l’économie ont pourtant depuis longtemps abandonné ce schéma explicatif, en insistant sur deux aspects principaux. Tout d’abord, la politique économique mise sur pied au printemps 1981 n’a pas eu le caractère d’une relance débridée et sans contrôle. Il n’y a pas eu d’illusion lyrique, ni d’insouciance naïve de ce point de vue. Les éléments chiffrés (établis depuis longtemps…) sont très parlants : proportionnellement, la relance de 1981 (autour de 35 milliard de F, soit environ 1 % du PIB) a été deux fois moins importante que celle effectuée par le Premier ministre Jacques Chirac en 1975 ! Décortiquant les données économiques de 1981, Jean-Charles Asselain a même montré que le pouvoir d’achat des Français a davantage augmenté au premier trimestre 1981 que dans le reste de l’année ! Il en vient même à qualifier la relance Mauroy de « relance naine[2] ». Il ne faut donc pas se laisser tromper par la farandole des pourcentages de juin 1981 : 20 ou 25 % d’augmentation des prestations sociales, cela est considérable vu d’aujourd’hui, mais cela est beaucoup moins impressionnant lorsque l’on précise que le taux d’inflation était de 14 % ! Le déficit public a augmenté (tout en restant inférieur aux 3% du PIB), mais il y avait des marges de manœuvre laissées par le gouvernement Barre. Même chose pour un certain nombre de réformes sociales emblématiques, souvent perçues aujourd’hui comme généreuses mais déraisonnablement coûteuses. La retraite à 60 ans a été en fait la généralisation de ce qui existait déjà largement sous un autre nom (la « garantie de ressources », forme de préretraite devenue quasi systématique en 1981), tandis que la marche vers les 35 heures avait été calibrée pour ne pas trop grever les comptes des entreprises… et a été abandonnée dès qu’il est apparu que la formule mise au point avant les élections était inapplicable.

Un tournant introuvable ?

Ensuite, il faut abandonner l’idée d’un tournant brusque, d’un virage à 180 degrés. Cette conception suppose une homogénéité et une fixité des conceptions économiques des socialistes français durant les années 1970, ce qui n’a absolument pas été le cas. Matthieu Fulla a magistralement montré dans sa thèse comment les conceptions économiques du PS ont fluctué durant cette décennie, la raison en étant d’abord et avant tout politique[3]. Aucun caractère rectiligne ici, mais des tournants et des inflexions régulières. Certes, certaines grandes options (la redynamisation de la planification, l’usage raisonné et prudent de la relance de la consommation, la nationalisation des grandes entreprises clé de l’économie française) ont constitué un socle permanent… mais justement pas remis en cause fondamentalement par les tenants de la deuxième gauche, dont la spécificité tenait surtout à l’insistance sur des thèmes spécifiques (l’autogestion, l’autonomie de la société civile face à l’État, la décentralisation…) Michel Rocard n’était opposé ni à la relance de la consommation, ni au principe des nationalisations (même si une fois au gouvernement il s’est prononcé avec d’autres en faveur d’une prise de contrôle à hauteur de seulement 51 % du capital des entreprises concernées). Les divergences portaient sur le rythme et la vigueur des mesures, pas sur leur nature même.

En outre, entre 1981 et 1983, rigueur et relance ont existé simultanément au sein de la politique économique et sociale de la gauche, avec certes une évolution progressive de son « dosage subtil et évolutif[4] » en faveur de la rigueur. Pierre Mauroy incarne au plus haut point cette volonté de concilier générosité sociale et réalisme économique. Il s’agissait pour lui d’être à la hauteur des glorieux précédents que sont le Front Populaire et la Libération, tout en évitant les erreurs économiques qui ont trop souvent confiné les gouvernements de gauche au statut d’expériences éphémères. Pour réussir, il fallait durer. Son discours de politique générale du 8 juillet 1981 est tout à fait clair là-dessus :

« Avec la durée, nous pourrons changer la vie et changer la France. Cette démarche […] sera conduite dans la rigueur. Cela signifie la rigueur budgétaire. Cela signifie que nous défendrons le France et le maintiendrons dans le système monétaire européen. Cela signifie une lutte déterminée contre l’inflation. […] Nous lutterons contre le chômage sans céder à la facilité et en rétablissant les équilibres économiques[5] ».

Cette déclaration n’était pas qu’une clause de style : lors de la toute première réunion de son cabinet à Matignon, il avait déjà explicitement donné comme instructions à ses collaborateurs de mettre en place le « changement », mais « sans dérapage » et « en tenant la monnaie et les grands équilibres[6] ». Il n’est rien de plus faux que de le portraiturer en grand naïf innocent, comme Catherine Nay le fait pourtant avec une condescendance assez ahurissante. Sait-on bien assez que le mot de « rigueur » fut prononcé par Pierre Mauroy lors de sa toute première déclaration sur le perron de Matignon, à peine serrée la main de Raymond Barre ? Son gouvernement, dit-il alors, serait celui de la « rigueur et de l’imagination[7] ». L’un n’allait pas sans l’autre dans son esprit, même s’il s’est résolu à privilégier la première à partir du printemps 1982.

Les témoignages d’acteurs, indispensables mais piégés

Le lecteur l’aura compris, le récit mis en scène dans le documentaire de Clément Lacombe et Tristan Dessert me paraît globalement insatisfaisant. Non pas que tout soit à jeter, bien au contraire : le téléspectateur lambda apprend des choses, et la deuxième moitié du film est moins caricaturale que la première. Elle parvient même assez bien à mettre en valeur les inflexions successives de 1981-1982. Comme Jean Peyrelevade a été interviewé et que pour celui-ci le moment décisif se situe en juin 1982, ce dernier épisode est presque davantage mis en valeur que 1983, ce qui est un choix que je trouve judicieux. Tout de même, l’équilibre général du documentaire pose problème car il tend à corroborer des raccourcis qui circulent depuis maintenant bien trop longtemps sur cet épisode.  Cela est d’autant plus problématique qu’il a été, autant que j’en puisse en juger, plutôt bien reçu dans la presse. Le Monde en a fait son « choix du week-end », tandis que le correspondant à Berlin du quotidien du soir, anciennement chargé du suivi de l’Élysée sous Hollande[8], a salué sur Twitter un « super doc » aux « témoignages exceptionnels ». Bref, les préjugés des gens cultivés en sont sortis renforcés, et cela est toujours préoccupant pour la qualité du débat public (même s’il faut bien sûr faut convenir qu’il y a actuellement des urgences autrement plus graves sur le front de l’information).

Au fond, le problème central de ce documentaire vient de son dispositif. Il est tout entier centré sur la parole d’un petit nombre d’acteurs de la période, sans contrepoint externe pour contextualiser cette parole. De ce fait, certains témoins sont en roue libre, et se permettent de raconter des fables. La question n’est pas celle du mensonge : je suis tout à fait convaincu qu’ils croient sincèrement à leur fable ! Mais cela n’en fait pas une vérité. J’ai eu moi-même à me confronter, au cours de ma thèse, à ces témoins (exaspérants, faut-il le préciser ?) qui se soucient moins de raconter ce qu’ils ont vu ou ce qu’ils ont fait, que d’être eux-mêmes leurs propres historiens. De par leur statut et leur prestige, il est souvent difficile de remettre en cause leur parole. Saurait-on mieux qu’eux ce qui s’est passé, eux qui y étaient ? Dans un colloque récent de Sciences-Po, un témoin m’a ainsi lancé à la figure « vous n’y étiez pas ! Moi si ». Mais l’enjeu n’est pas là : aucun témoin ne saurait avoir tout vu, ni se souvenir de tout… et bien souvent les acteurs eux-mêmes ne saisissent pas tous les enjeux de l’histoire qu’ils sont en train d’écrire. Il est illusoire de penser qu’il est possible, grâce aux témoignages oraux, de reconstituer précisément des événements vieux de 35 ans. Les témoignages donnent avant tout accès à des représentations, en attendre davantage est souvent trompeur.

D’après mon expérience, les difficultés redoublent même lorsqu’un témoin consigne ses mémoires, et/ou qu’il est fréquemment interrogé sur une période précise… comme c’est précisément le cas sur le « tournant de la rigueur », épisode ressassé entre tous. Il s’en tient alors à ce qu’il a déjà écrit, voire « révise » avant l’entretien en potassant les quelques livres incontournables sur la période… Il existe des ouvrages de souvenirs qui réutilisent abondamment des récits journalistiques extérieurs, pour mieux contextualiser ou pour coller au mieux aux événements en se servant d’un support pour éviter les trous de mémoire. Par un curieux retournement, un ouvrage journalistique (La décennie Mitterrand, de Pierre Favier et de Michel Martin-Roland, deux reporters de l’AFP en charge de l’Élysée dans les années 1980) est ainsi devenu un véritable manuel pour beaucoup d’acteurs de la période voulant publier leurs mémoires. Les « souvenirs » ainsi forgés deviennent donc des hybrides à l’utilisation pour le moins délicate ! Le meilleur exemple de ces chimères mémorielles est un livre célèbre dont le titre est un mot latin… je reviendrai plus tard peut-être (sans doute !) sur son cas dans un autre billet.

Revenons au documentaire de Clément Lacombe et Tristan Dessert. Le casting de témoins est plutôt riche. Il n’y a pas lieu de le critiquer outre mesure, tant je sais difficile et laborieuse la pêche aux témoignages. Il est bien sûr toujours possible de pinailler, de regretter l’absence de tel ou tel, mais enfin les auteurs devaient faire un documentaire d’une heure, pas plus, et la récolte n’est finalement n’est pas si mauvaise. La place donnée à Michel Rocard m’apparaît plus problématique. Le moins que l’on puisse dire, et d’après mon expérience des divers colloques ou événements commémoratifs où je l’ai vu, c’est que ce dernier n’était pas un très bon témoin… et le visionnage du documentaire ne m’a pas fait changer d’avis. Il rejoue la violente opposition politique qu’il a eu avec François Mitterrand, sans tellement se préoccuper d’autre chose que de prouver que lui-même avait totalement raison et que son rival avait complètement tort. Il est certes impressionnant, en statue du commandeur qui laisse échapper quelques phrases en forme de testament politique, mais son témoignage révèle davantage la virulence de sa détestation de Mitterrand qu’il n’informe de l’histoire qui s’est réellement déroulée. Je regrette aussi la présence de Catherine Nay, inexplicablement présente au rang des personnes interrogées, et qui alterne de manière consternante jugements grotesques et propos infondés.

En revanche les autres témoins sont plutôt bons, en ce qu’ils se limitent assez bien au récit de leur propre expérience, sans trop baguenauder au passage. Fiterman est sobre comme d’habitude, Fabius également, et les autres (Jacques Attali, Pascal Lamy, Jean Peyrelevade, Élisabeth Guigou et Michel Camdessus) apportent des éclairages intéressants. La critique la plus forte que je formulerais est que tous ces témoignages ne sont pas remis en perspective par une parole extérieure qui permettrait de contextualiser les propos tenus. C’est Thomas Legrand qui est censé remplir ce rôle, mais il n’a pas grand-chose à dire de plus que des généralités très vagues. Je regrette en définitive qu’aucun historien spécialiste de la question (par exemple Michel Margairaz, qui est sans doute celui qui connaît le mieux tout ça) n’ait été interrogé. Cela aurait permis d’éviter quelques chausse-trappes et de dissiper quelques illusions… Cela aurait aussi permis de mieux comprendre le rôle de la conjoncture économique mondiale dans l’échec de la relance de 1981 (ce que les témoins n’évoquent pas beaucoup).

En somme, sans les écarter, il aurait fallu accompagner les mémoires des témoins d’un peu plus d’histoire…

[1] Michel Margairaz, « L’ajustement périlleux entre relance, réforme et rigueur », in Serge Berstein, Pierre Milza et Jean-Louis Bianco (dir.), Les années Mitterrand, les années du changement, 1981-1984, Paris, Perrin, 2001, p. 334.

[2] Jean-Charles Asselain, « L’expérience socialiste face à la contrainte extérieure (1981-1983) », ibid., p. 399.

[3] Les socialistes français et l’économie, 1944-1981 :  une histoire économique du politique, Paris, Presses de Sciences Po, 2015, 468 p.

[4] Michel Margairaz, « L’ajustement périlleux entre relance, réforme et rigueur », op. cit., p. 336.

[5] Journal officiel de la République française. Débats parlementaires Assemblée nationale, séance du mercredi 8 juillet 1981, p. 48

[6] Archives nationales 19850743/214, procès-verbal de la réunion de cabinet du 29 mai 1981

[7] Cité dans Le Monde, 23 mai 1981.

[8] Et à la formation d’historien : j’ai le souvenir d’une colle d’agrégation sur Mendès France, effectuée il y a bien longtemps avec ledit (pas encore) journaliste comme interrogateur…

Show more