2017-02-20

Virgile Mayo (M1, Ens de Lyon)

Le Vin hispanique, publié en 2000, a été co-écrit par Robert Étienne, professeur titulaire de la chaire d’histoire romaine à l’Université de Bordeaux III jusqu’à son décès en 2009, et Françoise Mayet, responsable de la Mission archéologique française au Portugal. Tous deux ont participé à des fouilles archéologiques au Portugal, leur collaboration sur de nombreux projets a donné naissance à plusieurs livres et ils ont notamment été associé dans le cadre de l’ouvrage qui est paru à la suite de la découverte de l’épave Port-Vendres II survenue en 19771). L’analyse des amphores retrouvées à ce moment-là soutient une partie importante de l’argumentation du Vin hispanique. C’est d’ailleurs la découverte d’un certain type d’amphores (Haltern 70) dans l’épave Port-Vendres II, mais aussi trois années consacrées à un séminaire de recherche sur ce qu’ils considèrent comme les « trois clés de l’Hispanie romaine », le vin, les salaisons et sauces de poissons et l’huile, qui les ont conduits à proposer ce premier volet d’un triptyque qui devait être suivi par Salaisons et sauces de poisson hispaniques (2002), puis par L’huile hispanique (2004).

À travers Le Vin hispanique, publié en 2000, les auteurs cherchaient donc à faire le point sur les connaissances accumulées sur le vin comme objet de l’économie locale, mais ils avaient aussi pour ambition de réexaminer la typologie des amphores et de réviser la désignation des produits transportés. Et effectivement, ils passent en revue dans ce livre la quasi-totalité des sources disponibles. Dès l’introduction, ils reconnaissent toutefois qu’ils livrent à leur lecteur une vision très partielle de la réalité qu’ils tentent de cerner. Certes, les sources exploitées, à la fois littéraires, numismatiques et archéologique, présentent une grande variété mais le vin hispanique est en fait surtout attesté par les amphores dans lesquelles il était transporté. De surcroît, seules les amphores vinaires de Bétique et de Tarraconaise étaient connues en 2000 et toute trace de ce commerce s’efface à partir de la fin du IIe siècle, sans doute en raison du remplacement de ce type de contenant par le tonneau en bois. Le vin hispanique est donc étudié surtout à partir des amphores et l’ère chrono-culturelle qui délimite cet ouvrage court logiquement de la fondation des provinces d’Hispania Ulterior et Citerior en 197 av. J.-C. jusqu’à la fin du IIe siècle ap. J.-C. La question des techniques de production est laissée de côté en raison de la difficulté qui demeure pour distinguer les pressoirs à vin et ceux à huile et parce que les auteurs n’ont pas mené de fouilles sur ces outils.

Concernant la structure du livre, les auteurs (a.) ont adopté un plan géographique, choisissant de s’intéresser successivement à chacune des trois provinces de la péninsule ibérique, puis ils proposent une quatrième partie plus synthétique sur le commerce du vin hispanique. Ils expliquent la disproportion des différentes parties de l’ouvrage par une documentation inégale selon les provinces et signalent dès les premières lignes que leur étude sur le commerce du vin hispanique a fait apparaître deux marchés bien distincts, l’un à destination des masses et l’autre pour satisfaire une clientèle plus aisée. Dans chaque chapitre, les différentes sources sont généralement présentées et examinées les unes après les autres en vue de parvenir à des hypothèses ou à des conclusions fermes, quoique parfois l’interprétation soit réalisée en mêlant des matériaux différents.

Le premier chapitre est consacré au vin de Lusitanie, la région pour laquelle les lacunes documentaires sont les plus importantes et qui est par conséquent la moins bien connue. Aucune amphore vinaire typiquement lusitanienne n’est attestée et ce sont d’autres sources qui permettent d’éclairer la situation de cette région en ce qui concerne la place du vin dans les pratiques. Une citation de Polybe, historien du IIe siècle av. J.-C., témoigne de l’existence d’un vignoble et d’une production de vin écoulée sur les marchés locaux dans la province pendant la première moitié du IIe siècle et sans doute dès l’installation des premiers colons dans les deux provinces hispaniques initiale (Hispania Ulterior et Hispania Citerior) en 197. Il s’agit alors d’un vin bon marché et de qualité médiocre qui ne pouvait rivaliser avec les produits italiens et dont devaient se contenter le peuple et les soldats.

Les a. tirent aussi des informations des monuments funéraires représentant des cupae-barriques – ces tonneaux cerclés destinés au transport de denrées et y compris des fruits des vendanges – qui selon eux n’ont jamais été complètement exploités. L’inventaire de ces vestiges, datant tous des IIe et IIIe siècles ap. J.-C. à quelques exceptions près, indique que la vigne était cultivée sur un espace plus vaste qu’au IIe siècle av. J.-C. C’étaient sans doute les surplus qui étaient transportés dans ces barriques, représentées de façon très réaliste sur les sarcophages, comme le laisse penser la rareté dans amphores vinaires. Les similitudes en termes de matériau utilisé et de style rendent compte, par ailleurs, d’une certaine unité des pratiques artisanales en Lusitanie, et plus précisément, c’est la romanisation des populations locales qui transparaît. En effet, l’imagerie et les inscriptions qui apparaissent sur les tombes présentent plusieurs éléments des rites funéraires romains tels que l’adresse aux dieux mânes, les offrandes aux dieux, la libation. L’installation d’un simulacre de barrique de vin au-dessus du sépulcre, s’il évoquait la vie quotidienne du défunt, devait aussi « offrir un support matériel à la présence mystique du vin » en assurant au défunt la bienveillance divine de Saturne ainsi qu’un trajet sans encombre vers l’au-delà, grâce à cette « éternelle libation ».

Le deuxième chapitre est dédié au vin en Bétique. La viticulture est probablement apparue rapidement après la création des deux premières provinces de la péninsule ibérique, qui s’est accompagnée de l’arrivée de colons italiens, mais pour préciser l’expansion chronologique du vignoble, ce sont ici les sources numismatiques figurant des symboles de cette culture qui sont mises à contribution et qui permettent de mettre en évidence la croissance continue des activités viticoles de la première moitié du IIe siècle jusqu’à l’époque augustéenne. Les sources littéraires antiques et arabes n’apportent pas beaucoup plus d’informations, si ce n’est que le vin de Bétique a vite gagné en qualité et que cette production abondante et destinée à des consommateurs aisés montre une continuité jusqu’au IXe siècle.

Le chapitre sur les amphores à vin de Bétique débute par un rappel sur la faiblesse des connaissances à propos des vases contenant le vin de cette région. Néanmoins, les a. tiennent à exposer les trois avancées qui ont eu lieu dans ce domaine, notamment depuis les années 1970, grâce à l’accroissement de la documentation. Un premier éclaircissement concerne des amphores qui ont reçu la dénomination « Dressel 1C » en 19732. Ayant réexaminé le matériel disponible, les a. démontrent que, contrairement à ce qu’on a longtemps cru, il ne s’agit pas d’amphores à vin mais d’amphore à garum et proposent de moduler leur dénomination en « Dressel 1/Dressel 12 » ou « Dressel 1/12 » afin d’éviter les confusions avec l’amphore italienne Dressel 1C3. Une deuxième mise au point porte sur une hypothèse de 19774 selon laquelle des amphore de type Dressel 2-4 auraient été produites en Bétique pour le transport du vin. À partir de la documentation dont ils disposent, les a. montre qu’il est légitime de douter de cette possibilité. L’importance d’un deuxième vecteur potentiel du commerce du vin de Bétique est ainsi relativisée.

Enfin, un long développement est proposé sur l’amphore Haltern 70, principal témoignage du commerce du vin de Bétique. La fameuse découverte de l’épave Port-Vendres II en 1977, qui contenait entre autres des amphores Haltern 70, a permis d’identifier ce vase de transport comme l’un de ceux qui étaient utilisés pour les exportations du vin local et qui étaient produits en Bétique. La fourchette chronologique proposée par les a. pour la production et la diffusion de ces amphores s’étend du milieu du Ier siècle av. J.-C. au milieu du Ier siècle ap. J.-C.. Ils évoquent également les pistes ouvertes à propos des autres amphores qui ont pu servir au transport du vin de la région (amphores Dressel 10 et variantes, amphores Dressel 28) et insistent sur le fait qu’il reste encore beaucoup à découvrir sur les amphores vinaires de Bétique puisque ces amphores Haltern 70 demeurent les seules amphores vinaires de la province qui sont attestées. Les recherches sur les fours sont aussi porteuses de grands espoirs selon eux.

Après ces réflexions sur les amphores, la partie de l’ouvrage portant sur le vin de Bétique se clôt avec le problème du defrutum. Les a. ont identifié le contenu des amphores Haltern 70 à partir de ce terme de defrutum qui apparaît sur trois des amphores retrouvées dans l’épave Port-Vendres II et ils entreprennent de préciser la réalité à laquelle ce terme renvoie. Avec l’aide de P. Ribéreau-Gayon, directeur de l’Institut d’œnologie de Bordeaux jusqu’à sa mort en 2011, ils tranchent une controverse sur la nature du defrutum en confirmant que ce liquide contient bien de l’alcool : il s’agit en fait d’un vin cuit. La prise en compte d’autres amphores Haltern 70 contenant des olives dans du defrutum indique que ce produit pouvait également servir à la conservation de légumes et de fruits, mais comme les mentions de ce genre sont minoritaire, il faut conclure que cette amphore était bien une amphore à vin et qu’elle était utilisée pour transporter le plus souvent du vin ordinaire, parfois du defrutum.

Dans une troisième partie est examinée la question du vin de Tarraconaise. Les sources littéraires sont alors plus loquaces que pour les deux autres provinces et les a. en tirent à la fois des indices sur la localisation du vignoble et sur la perception de différentes qualités de vins. Ils distinguent en fait deux gammes de vin en ce qui concerne cette province : certains plaisaient pour leur abondance, c’était le cas des vins grossiers, de second ordre, qui étaient destinés à la masse des clients et des affranchis, d’autres étaient appréciés pour leurs qualités gustatives, ils pouvaient concurrencer les vins italiens et étaient consommés par une élite économique. Les uns étaient cultivés en Laletania, les autres, à Tarragone, Lauro ou encore dans les Baléares.

Au chapitre suivant, les a. ne manquent pas de rappeler que les amphores vinaires de Tarraconaise sont les mieux connues de la péninsule ibérique et que par conséquent le tableau de la viticulture qui peut être dressé pour cette région est celui qui est le plus proche de la réalité antique. La description des caractéristiques des différents types d’amphores produites en Tarraconaise en termes d’aspect et de pâte, leur datation et l’identification de leur fabricant à partir des estampilles nous éclairent sur trois points. Sur les six amphores vinaires produites dans la province, quatre d’entre elles – Pascual 1, Léétanienne 1 et Dressel 1B de Tarraconaise – imitent un modèle italien – l’amphore Dressel 1B – et une cinquième – la Gauloise 4 – imite une amphore gauloise. Ceci nous informe du triomphe culturel de Rome, mais les a. vont plus loin. Constatant que l’une des amphoreS – le type Dressel 1B de Tarraconaise – ne se distingue de son modèle que par la pâte et par quelques centimètres de hauteur, ils posent la question de la contrefaçon (qui est plus qu’une simple imitation) et font l’hypothèse que les producteurs de ces amphores avaient volontairement copié l’amphore italienne à des fins commerciales : « les Tarraconais donnaient à un vin abondant (copia) et de médiocre qualité, par la seule ˝diffusion˝ dans ces amphores, l’elegantia des grands crus ». Troisièmement, une coupure chronologique dans l’occupation du sol et dans l’organisation de la production d’amphores transparaît. Si les amphores les plus anciennes étaient fabriquées par des colons dans un cadre familial, ce n’est en fait plus le cas des suivantes dont les estampilles sont le signe d’une production industrielle. Cela signifie que, progressivement, la fabrication des amphores est devenue indépendante des domaines viticoles. Selon les a., on peut voir se dessiner derrière ces changements la mise en valeur de la Viticulture en Tarraconaise et la domination économique des colons auxquels Auguste a attribué de vastes domaines.

Bien qu’ils aient écarté la question des techniques de fabrication, les a. dressent néanmoins un bilan des connaissances sur les centres de production d’amphores. La Tarraconaise est la seule province où des sites de ce genre sont attestés mais les découvertes recouvrent cependant des réalités très vastes de sorte qu’il est ardu de distinguer les petits ateliers des grands complexes productifs. L’inventaire de ces lieux de fabrication des amphores permet d’identifier quelques caractères généraux. Tout d’abord, une opposition entre la frange littorale et les collines de l’intérieur se dessine. Certes, l’implantation de ces ateliers est localisée essentiellement sur le littoral pour les amphores les plus anciennes, c’est-à-dire de la fin de la République à l’époque augustéenne mais les matériaux plus récent ont davantage été retrouvés à l’intérieur des terres. Les uns devaient fabriquer des vases servant au transport d’un vin destiné aux masses alors que les autres produisaient les amphores des vins plus fins, comme le confirme une étude des sources littéraires et épigraphiques, ainsi que les tituli sur les vases qui indiquaient justement le cru. D’autre part, les ateliers sont souvent liés à des villas ou à des domaines ruraux et si les fours présentes une typologie très variée, ceux de forme circulaire sont les plus nombreux. Finalement, les a. retiennent surtout la grande diversité des ateliers qui les amène à abandonner le projet de chercher un modèle. Ils distinguent une évolution dans la production des amphores dans les ateliers entre des sites produisant un même type de vase et appartenant à des propriétaires viticoles d’origine italique dans un premier temps, puis d’autres, vers la fin du règne d’Auguste, où étaient fabriquées différentes amphores. Cela implique que «  certains ateliers fonctionneraient dès lors de façon indépendante » et que « les producteurs de vin ne se préoccupent plus des emballages destinés à l’exportation de leur récolte ». Il convient de rester sceptique quant à l’identification des propriétaires d’ateliers mais les a. affirment qu’il ne peut s’agir de negotiatores. Enfin, ces lieux de productions n’étaient assurément pas tous liés au commerce du vin, d’autres récipients que les amphores vinaires devaient sortir de leurs fours.

Dans une dernière partie, les a. changent d’échelle pour tenter de déterminer dans un premier temps la diffusion du vin hispanique, et ensuite le commerce dont cette denrée faisait l’objet. C’est une étude de la diffusion des vins de Bétique et de Tarraconaise qui est d’abord proposée, ceux-ci étant « les seuls vins hispaniques à pouvoir être suivis hors des centres de production », et le propos qui suit s’appuie exclusivement sur les découvertes d’amphores et d’épaves de bateaux qui en transportaient. Pour la Bétique, comme une seule amphore vinaire est attestée, le modèle Haltern 70, la diffusion du vin est difficile à établir. Un plus grand nombre d’amphores vinaires en Tarraconaise et un intérêt plu précoce des chercheurs pour ces question permet de donner une image plus précise de la diffusion du vin de Tarraconaise. La méthode choisie par les a. est de rendre compte des localisations de chacune des amphores vinaires hispanique dans l’Empire romain : pour cela, ils présentent les inventaires de différents chercheurs comme ceux de J. Miró5 et proposent des cartes qui en récapitulent le contenu ; ils choisissent ensuite d’évoquer les découvertes d’amphores de trois sites particuliers – celui des Allées de Tourny à Bordeaux, La Favorite et Bas-de-Loyasse à Lyon et, à Ostie, le site de La Longarina. Un tel travail de synthèse a pour objectif de développer des hypothèses concernant les routes commerciales.

Une première idée est que « vin de Bétique et vin de Tarraconaise n’ont pas eu la même diffusion », et ce, ni d’un point de vue géographique, ni sur le plan temporel. Deux routes principales apparaissent : un axe Rhin-Rhône et un autre en direction de l’Italie et notamment de Rome. Le vin de Bétique n’est prépondérant nulle part mais se serait maintenu pendant un siècle à un niveau relativement faible quoique constant. Le vin de Tarraconaise est dominant sur les deux axes évoqués mais il circule aussi par une troisième route qui relie Narbonne à Bordeaux. Sa diffusion est plus vaste puisqu’il est vendu jusqu’en Grande-Bretagne et dans les camps augustéens le long du limes germanique mais elle semble avoir connu un déclin progressif entre le Ier et le IIe siècle ap. J.-C. La circulation de ce vin est par ailleurs semblable à celle des vins italiens, ce qui laisse penser que « la présence d’Italiens dans le développement de la viticulture hispanique, comme dans le commerce du vin, a été un facteur déterminant ». Il reste à savoir si ce vin n’était pas véhiculé dans d’autres contenants comme des barriques.

Le commerce du vin est défini comme « l’activité volontariste de marchands qui empruntent des itinéraires balisés et qui, une fois explorées les possibilités d’un marché, l’alimentent régulièrement pour satisfaire les demandent des consommateurs » et les a. avouent d’entrée  que les documents qui permettent d’aborder cette question sont probablement insuffisants. Ils s’essaient néanmoins, avant de conclure leur ouvrage, à une identification de l’origine géographique des negotiatores. Dans cet objectif, trois noms de commerçants sont tirés de sources épigraphiques, deux pour la Bétique et un pour la Tarraconaise. Deux des personnages sur trois résidaient en Narbonnaise, ou du moins en Gaule, avant 50 ap. J.-C., et les a. déduisent de cela que, « au moins au début du commerce du vin hispanique, les Narbonnais ont mis la main sur le commerce des productions de Bétique ». La troisième inscription évoquant un individu ayant vécu au IIe siècle, la thèse proposée est que, à partir du IIe siècle, « les gens de Bétique se feront une place à part dans le commerce de l’huile, sans que l’on puisse savoir la partie des commerçants de vin en activité ». Il est par conséquent nécessaire pour les a. de distinguer les producteurs des commerçants, au moins pour le Ier siècle durant lequel les uns sont originaires de la péninsule ibérique alors que les autres habitaient en Gaule, dans d’autres provinces ou en Italie. C’est sans doute un des seuls passages de l’ouvrage où des hypothèses sont affirmées avec des arguments fragiles et sans précaution.

Le ton de l’ouvrage retrouve la mesure et la prudence qui sied à une étude de ce genre dans la conclusion. Il ne faut pas oublier que notre vision de la production et du trafic du vin reste partielle, quelle que soit la région étudiée du fait que les tonneaux en bois ont disparu. Pendant les deux premiers siècles de l’Empire, amphores et tonneaux ont dû cohabiter, puis après la disparition des amphores, le commerce du vin s’est poursuivi grâce à cet autre récipient. Le rôle des colons dans cette civilisation des amphores est souligné. Ceux-ci sont les maîtres de la production et de l’exportation, ce qui les conduit, mus par l’appât du gain, à contrefaire les amphores italiennes. Enfin, les auteurs dressent un bilan sur les vins des différentes provinces. Tous ont existé. Toutefois, les sources ne permettent pas de suivre la diffusion du vin de Bétique où les contenants en bois devaient être largement utilisés. L’amphore Haltern 70 produite en Bétique a probablement transporté davantage de vin que de defrutum et le vin tarraconais semble être celui qui a été le plus marqué par la civilisation de l’amphore, au point que certains vases qui servaient à son transport constituent de parfait exemples de contrefaçon.

En définitive, avec Le Vin hispanique, Robert Etienne et Françoise Mayet proposent un travail de synthèse remarquable par la quantité de sources qu’il exploite et qui témoigne aussi des nombreuses relations que ces deux chercheurs entretiennent avec leurs collègues espagnols. Ils mettent à la disposition du lecteur des corpus à la fois épigraphique, numismatique et archéologiques ne se contentant d’ailleurs pas de présenter le travail d’autres qu’eux mais analysant la valeur de chaque thèse pour en dénoncer certaines, valider ou compléter d’autres, toujours de façon argumentée. Quelques démonstrations sont particulièrement pertinentes et éclairent le lecteur, comme lorsqu’il s’agit de localiser un lieu (telle « Ceretanum », une ville de Bétique et non pas italienne) ou de préciser la signification d’un terme (comme « defrutum », un vin cuit et non un sirop comme certains le croient). En outre, la prise en compte des événements politiques majeurs est bienvenue car elle participe aussi grandement à la clarté de du propos. On regrettera seulement le manque de citations des textes antiques, les fréquents renvois aux notes infrapaginales (qui ne fournissent que la localisation du passage évoqué) étant parfois frustrantes. Mais quoi qu’il en soit, la lecture de cet ouvrage est certainement très enrichissante autant pour des spécialistes de la question en terme de contenu que pour des étudiants d’un point de vue méthodologique. Il offre véritablement une photographie du travail de recherche qui se donne à voir par la mise relation des études déjà publiées sur un même sujet, par les incessantes prises de positions, critiques et les propositions d’hypothèses toujours rationnelles, de plus, les a. n’hésitent pas à ouvrir de nouvelles pistes de recherche et refusent de se prononcer lorsque la documentation dont ils disposent ne le permet pas ; en résumé, c’est bien la construction scientifique de nouvelles connaissances qui est ici mise en lumière.

Bibliographie complémentaire

Tchernia A., Brun J.-P., Le vin romain antique, Grenoble, 1999.

Sciallano M., Sibella P., Amphores : comment les identifier ?, Aix-en-Provence, 1991.

Colls D., Etienne R., Lequément R., Liou B., Mayet F., L’épave Port-Vendres II et le commerce de la Bétique à l’époque de Claude (Archéonautica, 1), Paris, 1977.

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Domergue C., Belo I. La stratigraphie, Publications de la Casa de Velazquez, série Arch., I, Paris.

Sciallano M., Sibella P., Amphores : comment les identifier ?, EDISUD, 1991.

Beltrán Lloris M., Problemas de la morfología y del concepto histório-geográfico que recubre la noción tipo. Aportaciones a la tipología de las ánforas béticas, Publications de l’École française de Rome, 32/1, 1977, p. 87-131.

Miró, J., La producción de ánforas romanas en Catalunya. Un estudio sobre el comercio del vino de la Tarraconense (siglos I a.C.- I d.C.), Oxford, 1988.

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