2017-03-07

Par Jean Beuve

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Vidéo 1 : Risques de la commande publique et leur gestion

Quels sont les risques liés à la délégation des services publics ?

Le risque essentiel, il est bien connu c’est celui de la dégradation de la qualité de service. Dès lors que l’on délègue la fourniture d’une infrastructure publique ou la gestion du service public à des opérateurs privés dont l’objectif final reste le profit, effectivement il y a des dangers qui peuvent peser sur la qualité du service qui va être fournit au citoyen. Alors ce qui est intéressant c’est qu’il y a beaucoup de travaux sur l’impact de la délégation de service public sur les coûts, et donc là, les travaux sont nombreux et il y a un consensus qui se dégagent de ses travaux qui est qu’effectivement délégué la gestion des services publiques permet d’économiser sur les coûts. Et donc les métas analyses qui ont pu être menés font état de réduction coûts qui sont compris entre 10 et 20%.

En revanche, il y a beaucoup moins de travaux qui ont été fait sur l’impact qui a la délégation sur la qualité, et en plus du fait que ces travaux sont peu nombreux, il n’y a donc pas de consensus qui se dégage. C’est-à-dire que certains nous montrent que l’on a une qualité identique, là c’est plutôt bien puisque à un coût inférieur on a une qualité identique donc on est dans l’atteinte des objectifs, certains travaux, nettement moins nombreux, font état d’une qualité supérieure donc là, on est dans une situation idéale, c’est-à-dire que le service coûte moins cher et on a une meilleure qualité de service mais d’autres travaux font état d’une qualité inférieure, d’accord ? et donc là finalement, l’objectif n’est pas rempli parce que certes ! on a un service qui coûte moins cher mais la qualité de service qui est fourni au citoyen est dégradée.

Qu’est-ce que cela nous dit ? le fait qu’il n’y ait pas de consensus dans les différents travaux académiques qui ont pu être menés quand l’impact de la délégation de service public sur la qualité. Et bien ce que cela nous dit, c’est que cette question de l’impact sur la qualité, cela ne renvoie pas à la question : Est-ce-qu’il faut déléguer ou pas ? mais cela renvoi à la question de « Comment il faut déléguer ?

Comment faut-il déléguer la gestion d’un service public ?

Il y a des moyens qui sont à la disposition des autorités du service public qui peuvent leur permettre d’éviter que la délégation du service public n’entraine une dégradation de la qualité de service et ce à différents moments. Cela peut se faire dès l’attribution des contrats. C’est-à-dire que l’on va mettre dans les appels d’offres des critères plus nombreux et pas seulement le critère du prix. Du coup on va également mettre des critères de qualité et l’on va pouvoir pondérer ces critères de manière à ne pas nécessairement sélectionner l’entreprise la moins chers mais une pondération de critères qui permet plutôt de sélectionner économiquement la plus avantageuse.

On peut également intervenir à l’écriture même des contrats, c’est-à-dire que l’on, peut inclure dans les contrats des standards de qualité et associé à ces standards de qualité des clauses incitatives. Ces clauses incitatives vont prendre la forme de pénalités si par exemple la qualité qui est fournie est inférieur au standard de qualité qui était prévu contractuellement ou la forme de bonus c’est-à-dire aussi que l’on peut prévoir des bonus dans la situation où la qualité fournie dépasserait les attentes qui étaient prévues initialement. Et enfin au moment clé pour s’assurer qu’il n’y aura pas de dégradation de la qualité c’est le moment de l’exécution des contrats donc ici c’est la question clé du suivi des contrats donc il est tout à fait possible pour la puissance publique de surveiller la bonne exécution des contrats et donc cela c’est un élément très important pour la bonne gestion des services publics et comme le veut un petit peu l’adage « la délégation n’exclue pas le contrôle » et donc cela c’est très important et donc évidemment à condition de se doter des moyens techniques et humains  suffisants pour être en mesure de le faire efficacement, le suivi de l’exécution des contrats est le moyen le plus direct, finalement, de s’assurer qu’il n’y aura pas de dégradation de la qualité.

Existe-t-il une autre solution pour éviter les effets adverses ?

Enfin, il y a un dernier mécanisme qui existe et que l’on appelle, le concurrent sourcing que l’on pourrait traduire en Français par la gestion combinée, ce mécanisme de la gestion combinée consiste pour une autorité publique qui délègue sa gestion son service publique à un ou des opérateurs privés à garder en interne une certaine proportion de services publics. C’est-à-dire qu’elle va continuer elle-même à gérer une partie du service ce qui va lui permettre d’extraire de l’information sur la manière dont ce service peut être géré et même doit être géré et donc cette information est importante pour l’autorité publique puisqu’elle va lui permettre d’augmenter son expertise et donc çà c’est très important notamment lorsqu’elle va négocier, rédiger les contrats et assurer leurs suivis et cela va également lui permettre de renforcer le pouvoir de négociation des autres autorités publiques puisque dès lors qu’elle gère une partie des services publics en interne et bien cela permet de rendre  la menace du retour en gestion publique plus crédible et donc cela fournit des incitations aux opérateurs privés pour être plus efficaces. Donc, il y a différents moyens qui existent pour faire en sorte que la délégation du service public ne s’accompagne pas d’une dégradation de la qualité et donc ce sont essentiellement des moyens contractuels et des moyens du suivi des contrats qui sont absolument nécessaires à mettre en place par les autorités publiques.

Vidéo 2 :  Efficiences et autres objectifs de la commande publique

La commande publique doit-elle seulement viser l’efficience économique ?

La question de savoir si la commande publique doit seulement viser l’efficience économique est une question qui fait aujourd’hui débat au sein des économistes avec deux visions opposées :

D’un côté, en raison des montants considérables qu’elles représentent, la commande publique est souvent estimée à hauteur de 15% du PIB soit dans le ces français : 300 milliards d’euros, on pourrait penser que c’est un levier pertinent et potentiellement très efficace pour essayer d’atteindre d’autres objectifs que la seule efficacité économique comme des objectifs sociaux et environnementaux. C’est aujourd’hui fréquent de trouver des marchés publics qui incorporent ce type de considérations donc on a des marchés publics avec des critères sociaux d’attributions ou des clauses sociales qui par exemple vont demander aux entreprises pour pouvoir candidater et obtenir les marchés d’embaucher des travailleurs qui appartiennent à des catégories défavorisées du marché du travail. On a également les marchés publics écologiques qui visent à acquérir des biens et des services respectueux de l’environnement.

Donc il serait assez légitime vue les montants que la commande publique soit utilisée pour poursuivre d’autres types d’objectifs.

Pourquoi ne pourrait-on pas préconiser d’autres objectifs pour les commandes publiques ?

On pourrait penser qu’utiliser la commande publique pour poursuivre des objectifs qui sont autres que l’efficience économique, cela pourrait se révéler inefficace, il y a deux raisons à cela :

La première c’est ce que nous dit la théorie économique c’est que pour qu’une politique qui vise à corriger une défaillance de marché soit efficace il faut qu’elle soit uniforme, il faut qu’elle soit globale et donc on pourrait penser que des outils plus directs de types taxes ou subventions seraient potentiellement des outils plus efficaces pour poursuivre ces objectifs plutôt que de passer par le moyen détourné que serait la commande publique.

La seconde raison c’est qu’introduire ce type d’objectif secondaire à celui de l’efficience économique dans la commande publique, cela peut créer finalement des distorsions dans la concurrence et faire perdre finalement les avantages que l’on a à l’externalisation. Le fait d’avoir des critères dans les appels d’offres peut encourager les entreprises à se segmenter. Certaines se spécialiseraient dans les marchés publics avec des clauses sociales et ou environnementales et d’autres entreprises se spécialiseraient dans des activités où il n’y a pas besoin de ce type de considération et donc cela risquerait de réduire au final la concurrence.

Donc, il est assez difficile aujourd’hui de répondre de manière tranchée à cette question puisque l’on manque assez cruellement de travaux académiques et scientifiques sur l’efficacité de ce mécanisme. Aujourd’hui on aurait besoin de travaux qui permettraient de savoir si lorsqu’un marché public comporte une clause sociale ou environnementale, est ce qu’effectivement il coûte plus cher ? Est ce qu’effectivement cela se traduit par une réduction de la concurrence avec moins d’entreprises qui répondent ? Et surtout, et cela est un défi assez énorme, il faudrait trouver des moyens d’évaluer les bienfaits de ce type de mécanisme sur l’emploi local, sur l’environnement, ce qui est évidement difficile puisque les outils de mesure ne sont pas toujours existants.

Vidéo 3 : La modernisation de la commande publique

Quel est l’impact de l’économie numérique sur la commande publique ?

Le développement de l’économie numérique depuis plusieurs années n’est pas sans conséquence sur la commande publique. Il y a deux éléments qui doivent être avancés ici,

En premier lieu, c’est que l’économie numérique et les nouveaux outils qu’elle propose sont des opportunités extrêmement intéressantes et il est indispensable que la commande publique s’en saisisse pour améliorer son fonctionnement. Il faut améliorer la commande publique telle qu’elle existe aujourd’hui.

Le deuxième élément qui est un peu plus prospectif c’est que : Cette nouvelle économie numérique se traduit par des moyens d’échanger et de se coordonner qui sont assez nouveaux. Et bien cela va de manière inévitable nous conduire à une réflexion sur une redéfinition des limites et des contours de la gestion des services publiques.

Y a-t-il des exemples d’utilisation de ces nouveaux outils numériques dans la commande publique ?

Le mieux, serait peut-être d’utiliser un exemple avec la procédure qui a été lancée en 2014 par le SGMAP : Le secrétariat à la modernisation de l’action publique., avec la procédure dite des marchés publics simplifiés. Et donc, ici, l’idée est d’aller toujours plus vers la dématérialisation d’un marché public. Cela veut dire quoi dématérialiser ? Cela veut dire pouvoir passer un marché soit en passant par un marché électronique, en recevant les offres par mail, soit en passant par des plates-formes centralisées de publicité et de candidature. Donc en 2015, aujourd’hui en France seulement 11% des marchés publiques sont dématérialisés, l’objectif étant d’atteindre les 100% en 2018.

L’Avantage de la dématérialisation c’est que cela va énormément simplifier les procédures et donc toujours selon l’étude du SGMAP qui a été faite en 2015. On s’est aperçu qu’aujourd’hui lorsqu’une entreprise répond à un appel d’offres 64% des informations qui lui sont demandés sont déjà connus par l’administration, donc en fait il y a une redondance dans le besoin d’informations qui est renseignées à chaque candidature qui est une perte de temps faramineuse. Donc, avec les marchés publics simplifiés, on va introduire le principe de : dites-le nous une fois, ce qui permettra aux entreprises de renseigner leurs informations une première fois et ensuite cela va faciliter l’actualisation de ces informations et surtout le partage d’informations entre les différents services de l’état. Et donc toujours selon l’étude du SGMAP en 2015, ils arrivent à la conclusion que si l’on appliquait à cette dématérialisation de cette formalisation très allégée de la procédure des 300 milles marchés publics qui sont passés chaque année en France, on arriverait à une économie qui se chiffrerait à 60M d’€ côté entreprises avec en moyenne 2h d’économisés à chaque appel d’offre cela permettrait d’améliorer la concurrence et à des économies de 30M d’€ du de la puissance publique avec notamment un temps précieux liés au dépouillement des offres.

Ces nouveaux outils permettent-ils de réorganiser les services publics ?

En second lieu, l’économie numérique va aujourd’hui conduire à une réflexion, des débats sur la manière dont il faut oui ou non réorganiser les services publics et finalement les contours des services publics vont devenir de plus en plus flous. Ici, encore on peut illustrer cela par l’exemple puisque l’on s’aperçoit que de plus en plus les citoyens sont impliqués, participent activement à la gestion des services publics. Il y a aujourd’hui plusieurs applications qui existent et qui permettent aux citoyens de signaler une panne dans des équipements publics ou des problèmes sur la chaussée, tous types de disfonctionnements possibles et ils peuvent le signaler via les applications directement aux services techniques de la ville. Ce types d’applications peuvent être développées par les villes elles-mêmes, c’est le cas à Paris qui a lancé l’application « Dans ma rue » et les villes peuvent également faire appel à des prestataires privés. C’est l’exemple de l’application « Tell My City » qui a été retenu par plusieurs villes de France et dont les premiers retours d’expérience sont assez encourageants. Donc, ici, on voit finalement que c’est un moyen de renforcer l’efficacité potentielle de la commande publique puisque le citoyen devient un acteur de la gestion des services publics et donc on voit bien où est le potentiel d’économies puisque finalement on va transférer une partie du travail d’un fonctionnaire sur le site web. Ce n’est pas sans dangers, toutefois, et l’écueil à éviter ici est de transformer le citoyen en habitant professionnel, d’accord ? Et cela se sont des débats dont on parle beaucoup aujourd’hui et qui montre un petit peu qu’elles sont les limites finalement de l’économie participative, est-ce que l’on a envie réellement d’être consulté sur tout et tout le temps, c’est une réponse qui n’a absolument rien d’évident et je pense que dans le cas des services publics ce qu’il faut surtout garder en tête c’est que la provision des services publiques c’est avant tout le rôle et la responsabilité de la puissance publique.

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