2016-12-16

Reconnecter les citoyens à l’Europe sociale, c’est la meilleure réplique à apporter aux populistes et eurosceptiques. 119 millions d’européens sont menacés par la pauvreté et l’exclusion sociale . Parmi eux, en premier lieu, les enfants et les familles sont les plus touchés. L’assemblée des évêques européens, la Comece, avance toute une série de propositions. L’appel n’a guère été entendu par les ministres de l’emploi réunis le 8 décembre dernier. Ils ont montré peu d’enthousiasme pour construire le pilier social avec de nouvelles initiatives législatives qui amenderaient ce qu’on appel un peu pompeusement « l’acquis social ».

Alors que la Commission européenne élabore actuellement un socle européen des droits sociaux, les évêques de la COMECE publient une Déclaration sur la pauvreté et l’exclusion sociale en Europe. Dans la ligne de l’économie sociale de marché promue par le Pape François, les évêques avancent 6 recommandations politiques à l’adresse de l’UE et des Etats membres.

Pour en éliminer les causes structurelles, la COMECE recommande à l’UE de mettre la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale au cœur de ses politiques « en particulier dans le cadre du semestre européen et en matière de fiscalité équitable ». La COMECE appelle les Etats membres à avancer vers plus de convergence en adoptant des normes sociales communes adéquates : garantir des conditions de rémunération décentes aux travailleurs, améliorer l’accès à l’éducation pour les enfants précarisés et soutenir les parents isolés.

Cette déclaration a été élaborée par les évêques des 28 Etats membres de l’UE au cours de leur assemblée plénière du 26 -28 octobre qui était consacrée au thème « la détresse des pauvres en Europe et les stratégies de l’UE pour éradiquer la pauvreté ».

La déclaration est notamment adressée au Président de la Commission européenne, M. Juncker, à la Commissaire en charge de l’emploi et des affaires sociales Marianne Thyssen, aux parlementaires européens ainsi qu’à la future Présidence maltaise du Conseil.

D’où la demande d’un suivi régulier de la stratégie dans le cadre du semestre européen en prenant pleinement en compte les indicateurs sociaux et environnementaux. D’où les encouragements en direction des modes de consommation et de production alternatifs et les encouragements à réévaluer notre système de valeurs et une meilleure compréhension du développement. Les évêques visent tout particulièrement les groupes sociaux soumis aux discriminations les plus diverses :ce sont des groupes entiers tels que les Roms soulignent-ils, mais aussi les personnes vulnérables et marginalisées, celles venues chercher refuge dans nos communautés et qui comme les demandeurs d’asile sont privées de leur développement social.

C’est l’occasion pour les évêques de rappeler les objectifs « Europe 2020 « et de placer les Objectifs de Développement Durable (ODD) au cœur d’un nouvel agenda pour 2030. L’épiscopat européen recommande à cet effet de lier le principe du libre marché avec les préceptes de la solidarité et les mécanismes du service du bien commun. A cet effet les recommandations portent en priorité sur le fait de reconnaître les familles comme des acteurs clés de la société. Plus particulièrement il est recommandé de garantir l’égalité d’accès à l’éducation et de soutenir les parents isolés ainsi que les familles pauvres et nombreuses. Ne jamais oublier qu’en cas de difficultés la famille est le premier recours. L’UE se doit donc d’apporter à la famille un soutien plus important, de veiller à, son unité et de promouvoir les politiques centrées sur la famille.

Dans le cadre du dialogue ouvert transparent et régulier qu’elle a pour mission (selon les traités) de mener avec l’UE, la COMECE espère voir ses propositions reprises par les décideurs européens dans les prochains mois. Mais il faut bien admettre que l’on est loin du compte lorsqu’on suit les travaux du Conseil.

La réunion de Bruxelles des ministres de l’emploi, le 8décembre, a permis de constater que la majorité des Etats membres ne désirait pas soutenir des projets législatifs au niveau européen en matière de politique sociale et de l’emploi. A l’exception de la révision la Directive travailleurs détachés qui déchaînent les passions que l’on sait mais l’engagement social reste faible et généralement peu partagé, les autres dossiers législatifs comme l’Acte pour l’accessibilité ou l’égalité de traitement n’avance pas. Le débat sur le projet européen d’un pilier des droits sociaux lancé avec une certaine emphase par Jean-Claude Juncker lui-même,(lors de son discours sur l’Etat de l’Union le 14 septembre dernier), a témoigné du peu d’enthousiasme pour de nouvelles initiatives alors que la Commission doit rendre publiques ses idées dans le domaine en mars en vue du sommet européen à Rome pour le soixantième anniversaire du Traité.

Quelques pays se sont exprimés pour un engagement fort comme la Slovénie, dont le ministre a souhaité ambition et audace et demandé un grand pas en avant. D’autres pays se sont exprimés sur une ligne voisine : France, Suède, Italie, Luxembourg, Autriche, Portugal, Chypre , Belgique. Ils souhaitent un projet social fort, sans pour autant appeler à de nouvelles mesures législatives concrète et ceux qui ont évoqué cette question l’on fait pour signaler qu’ils n’en voulaient pas comme la Pologne. Des pays comme le Danemark, la Finlande, le Royaume-Uni, la République Tchèque, la Roumanie, la Hongrie la Lithuanie se sont opposés à des changements qui viendraient affecter le principe de subsidiarité, les compétences des institutions européennes, le fonctionnement du marché intérieur, la politique de cohésion, le processus dus du Semestre européen. C’est vraiment prêter beaucoup d’effets à une politique sociale quelle qu’elle soit ! L’Allemagne, les Pays-Bas, la Bulgarie, l’Estonie, la Croatie, la Lettonie se placent à mi-chemin, dans le camp des réalistes et si pour le principe l’Allemagne soutient l’idée de créer un pilier des droits sociaux elle garde à l’esprit les principes du réalisme de la compétitivité internationale.

Faut-il souligner la très grande importance qu’il faut attacher en cette période à la définition moderne du socle social européen, « c’est le plus grand défi du XXIè siècle. Ce qui est en jeu souligne Marianne Thyssen pour l’emploi et les affaires sociales, c’est « l’évolution du monde du travail. La mondialisation, la révolution numérique, et les nouveaux modèles d’entreprises ont une incidence sans précédent sur notre façon de travailler. Nous devons être prêts à anticiper et à influencer ces tendances et cette évolution. Nous devons nous poser les questions fondamentales suivantes :les politiques sociales au sens large, de l’Union européenne et des Etats membres sont-elles adaptées au XXIème siècle ? Comment pouvons-nous assurer la pérennité du modèle social européen ? »

Il n’en faut pas douter le socle européen des droits sociaux définira un certain nombre de principes essentiel afin de garantir le bon fonctionnement et l’équité des marchés du travail et des systèmes sociaux au sein de la zone euro à qui s’adresse en priorité le socle social européen, mais les autres pays n’en sont nullement exclus. Il s’agit d’évaluer l’acquis social actuel, mais l’objectif va bien au-delà. L’expérience des dernières années, et plus particulièrement depuis les derniers élargissements a montré que des déséquilibres persistants dans un ou plusieurs Etats membres peuvent compromettre la stabilité de l’ensemble de la zone euro. Comme il est préconisé dans le rapport dit « des cinq présidents », intitulé « Compléter l’Union économique et monétaire », une attention accrue doit être portée aux performances sociales et aux résultats en matière d’emploi dans le cadre d’un processus plus vaste de convergence, vers des structures économiques plus robustes.

Les principes proposés ne remplacent pas les droits existants, mais permettent d’évaluer et de niveler par le haut les performances des politiques sociales et de l’emploi nationales.

Dans le dernier discours sur l’état de l’Union le 14 septembre 2016, Jean-Claude Juncker déclarait : « Nous sommes tenus de travailler au plus vite sur le pilier européen des droits sociaux (…)L’Europe n’est pas assez sociale. Nous devons changer cela ».

Pour en savoir plus

Texte intégral de la déclaration (FR) http://www.comece.eu/dl/puOLJKJKollLJqx4KJK/COMECE_poverty_Statement_FR_FINAL.pdf?ts=1481561105 (EN) http://www.comece.eu/dl/OrrsJKJKollkJqx4KJK/COMECE_poverty_Statement_EN_FINAL.pdf?ts=1481561232

Vers un socle européen de droits sociaux http://ec.europa.eu/priorities/deeper-and-fairer-economic-and-monetary-union/towards-european-pillar-social-rights_fr?ts=1481561424

Discours sur l’état de l’Union (14 septembre 2016) http://ec.europa.eu/priorities/deeper-and-fairer-economic-and-monetary-union/towards-european-pillar-social-rights_fr

Dossier de la Commission européenne sur le socle européen des droits sociaux http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=1226&langId=en&intPageId=3600

Lancement de la consultation publique sur le socle européen des droits sociaux http://europa.eu/rapid/press-release_IP-16-544_fr.htm

Le document établit des liens vers toute une série d’autres documents d’un grand intérêt : Mémo, questions et réponses vers un socle européen des droits sociaux. Tendances et évolutions dans le domaine économique et social. Page web consacrée au socle européen des droits sociaux. The EU social acquis. Key economic, employment and social trends behind a European Pillar of Social rights. Lancement de la consultation publique. Première ébauche préliminaire du socle européen des droits sociaux.

Classé dans:#LaReplique, Dignité humaine, DROITS FONDAMENTAUX, Face au populisme, Par des actions citoyennes

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