Training d'un JEUDI matin - Yantai, China
Yantai, China
À peine plus d'un mois s’est écoulé depuis que je vous ai raconté notre journée du mercredi. C’est étrange comme le temps peut sembler passer vite et lentement tout à la fois. J’ai l’impression que cela fait deux mois. En tout cas, me voici maintenant rendue à vous présenter le jeudi. Je sais, je n’ai pas commencé un lundi, ce n’est que la deuxième journée que j’explique, mais bon. On y va comme on le sent.
Ce fût un plaisir pour moi de me réveiller ce matin et de réaliser que je ne m’étais pas levée de la nuit! J’ai fait ma nuit au complet (20h00 à 5h30); ça fait du bien. La veille, nous sommes allés faire un tour à un petit bar, si on peut appeler cela comme cela, juste collé derrière notre salle d’entraînement. Il faut aller sur la route et tourner à la première porte, le premier chemin. Rappelons ici que l’alcool est prohibé à l’académie. Néanmoins, les sifus tolèrent cette pratique tant qu’il n’y a pas d’exagération. Vous savez que pour moi ce n’est pas un problème; j’ai amené mon thé. La bière est à 3 yuans (0.50$) pour les intéressés et elle est 50% plus grosse qu’une bière régulière chez nous. Ils vendent aussi des bâtons de nourriture grillé : tofu, viande, pain, etc. Nous sommes allés là parce que Roberto, un étudiant arrivé il y a un mois, nous quitte pour aller dans l’école sœur de la nôtre qui se trouve dans un véritable temple shaolin. Si je ne me trompe pas, on a récemment utilisé ce temple pour un film d’arts martiaux. Durant l’hiver, tous les étudiants se font transférer où nous sommes parce qu’il n’y aucun système de chauffage au temple shaolin. Maintenant que le temps s’est réchauffé, ils ouvrent à nouveau le temple pour l’enseignement.
5h30 : Alors, je me réveille de bonne humeur. J’ai faim, mais ça ne fait pas changement. Nous avons oublié de demandé à quelqu’un de nous ramener des bananes la fin de semaine passée et je le regrette. N’empêche que je me rends au tai chi avec Jo, toujours prêt.
5h50 : C’est franchement plus facile maintenant que le soleil se lève plus tôt. Il fait donc clair et relativement chaud quand on met les pieds dehors. Mes articulations se réchauffent plus vite et j’arrive à m’étirer plus aisément que durant l’hiver. Nous sommes nombreux autant du côté débutant pour la forme 24 que de l’autre côté avec master Guo. La dernière fois que je vous ai décrit une journée, je venais juste de transférer et je révisais ma forme 24 avec master Guo. Aujourd’hui, je travaille sur ma forme Chen, la 71, tout comme Jonathan. Il est à un mouvement de la fin; j’en suis à mes débuts. Le style est difficile et très exigeant pour les genoux. Je n’arrive pas encore à trouver la trame, la rythmique de cette forme et peine à me concentrer pour ressentir pleinement l’effet méditatif du tai chi. Je persévère cependant. Jo, de son côté, progresse à merveille. Le tai chi, c’est vraiment son truc et le sifu le sait. Il faut dire qu’il a aussi beaucoup pratiqué le tai chi avant de venir en Chine. Il considère tout de même que le Chen, c’est vraiment ardu. Concentrés sur nos mouvements et le contrôle de notre énergie, on voit à peine le temps passer que nous sommes rendus au Qigong.
6h45 : Alors, l’ensemble des étudiants se positionnent en deux lignes. Le cours de tai chi a été un peu plus long que d’habitude et il ne reste que quinze minutes. Pour moi, c’est parfait, parce qu’après quinze minutes, je me mets à franchement trop réfléchir. Le sifu soutient toutefois qu’on devrait faire au minimum trente minutes chaque fois. La position debout, comme vous pouvez voir sur la photo, est la plus effective. Dans certain temple taoïste, ils pratiquent cette forme de Qigong, debout, en ouvrant et refermant lentement les bras, pendant deux heures d’affilés. Un étudiant s’est informé à master Guo pour savoir ce qu’il faut faire pour développer notre pouvoir énergétique explosif et être capable de vraiment se guérir. Il a obtenu comme réponse qu’il fallait pratiquer ce Qigong au moins quatre heures par jour. Master Guo est un grand maître de Qigong en Chine. Je crois en avoir déjà parlé, mais je le rappelle ici. C’est le seul à pouvoir casser une brique de marbre sur un morceau de tofu sans brisé l’aliment. C’est assez incroyable, mais je n’en doute pas une seconde. Enfin, lorsque la séance de méditation est terminée, je suis assez fière parce que je commence à réussir à me concentrer et faire le vide dans mon esprit. Je demeure persuadée cependant que si nous avions fait trente minutes, j’aurais décroché. En tout cas, le froid en moins, c’est plus simple d’exercer des pratiques internes.
7h00 : C’est l’heure du déjeuner. Je me plais encore à manger le mélange lait de riz, poudre de lait de soya, riz, œuf dure et petit pain. Depuis une ou deux semaines, toutefois, je n’arrive pas à finir mon déjeuner. Le « lait » me paraît un peu trop sucré et j’ajoute de l’eau et j’ai rapidement le sentiment d’être pleine. Il faut dire qu’il y a deux semaines, j’ai passé une semaine avec un gros rhume et mal de gorge et que la semaine dernière, nous avons pogné un virus qui nous a fait courir les toilettes pendant trois jours. Cela dit, durant deux semaines mon système n’était pas à point et je n’ai pas dormi la moitié de mes nuits. Cette semaine, je ne me sens pas totalement dans mon assiette et Jo à maintenant le fameux rhume. Cela ne nous empêche pas de s’attaquer à tous nos entraînements et faire de notre mieux.
7h30 : C’est un plaisir pour nous d’avoir un moment pour se reposer. La famille est sur Skype et on peut voir notre petit minou avec sa nouvelle coupe lion. On remplit nos bouteilles d’eau, met nos souliers, se brosse les dents et s’occupe un peu. Je tourne en rond et m’affale finalement sur le lit parce que je n’ai pas le goût de lire ou d’étudier mon chinois.
8h30 : Toute l’académie forme des rangs plus ou moins droits devant nos sifus respectifs. Il n’y a rien de spécial ce matin et nous partons vite courir. Il fait maintenant assez chaud pour que nous allions tous faire la course sur la route. Certains la font encore à l’intérieur, mais je me botte un peu les fesses pour aller dehors. En dedans, on finit par courir moins pas mal tandis que sur la route on a une distance à faire. Une fois rendue au bout, je touche l’arbre et je suis découragée malgré l’habitude. Je me dis que je n’arriverai pas à courir tout le retour, mais je le fais. J’aurais cru qu’après quatre mois, ça deviendrait plus ou moins facile, car je pense que c’est moins de dix minutes…mais non. Il faut dire qu’avec les congés des fêtes et les congés maladies, je réalise que je ne me suis entraînée que deux mois et demi depuis mon arrivé. Il y a encore de l’espoir, mais la température grimpante ne va pas m’aider. Je suis complètement en sueur parce qu’il fait douze degrés. Dans la journée, l’atmosphère est bien celle du mois de juillet à Québec. Une traductrice se moque de moi parce que ce n’est que le début du printemps et ça me fait rire aussi. Dans un autre sens, ça fait peur. Bon, de toute façon, le mot d’ordre c’est : fais- le. Donc, je le fais.
8h50 : Nous avons couru et nous sommes étirés un peu. Le sifu nous demande de commencer les réchauffements et ajoute le célèbre mot de l’académie : «faster! ». Comme chaque matin et après-midi, nous faisons un complet réchauffement suivi de plusieurs mouvements de base pratiqués en ligne. Après les exercices de bases, c’est l’une des parties les plus ludiques de nos semaines qui s’en vient; c’est l’heure du Circuit Training. Cela consiste à placer tout autour de la salle d’entraînement des stations où nous aurons différents exercices à faire. Nous aimons beaucoup cet entraînement qui passe toujours très vite parce qu’on ne fait jamais la même chose plus de deux minutes et que l’objectifs est clair, faire le tour complet des stations. La plupart du temps, on dépasse le temps normal du cours de vingt minutes. C’est ce qui arrive encore ce matin, mais je ne m’en rends pas vraiment compte d’autant plus que nous prenons des photos en souvenir et pour vous les montrer! La plupart des exercices sont là pour travailler le haut du corps. En fait, je pense qu’il n’y a qu’un seul exercice qui concerne les jambes. Donner des coups de poing sur une cible, propulser un tronc d’arbre avec nos bras, grimper sur une corde, donner des coups de coude dans un sac de boxe, s’endurcir les mains sur un sac de riz et donner des coups de poing en tirant un pneu de vélo dégonflé sont tous des exercices que nous réalisons durant le circuit d’entraînement. Celui-ci n’a lieu qu’une semaine sur deux. Les autres jeudi, nous allons plutôt travailler avec la série de sacs de boxe accrochés près de la grande salle d’entraînement. Ce sont essentiellement des frappes de sanda et de baji que nous pratiquons alors. Enfin, nous préférons le Circuit Training, mais l’alternative n’est pas trop mal non plus. Ça varie et c’est bien comme cela parce que sinon, il y a beaucoup de choses qui ne change pas.
10h30 : La pause a été écourtée à dix minutes plutôt que trente en raison du premier cours qui a été plus long, comme d’habitude les jeudis. J’ai eu le temps de remplir ma bouteille d’un mélange d’eau chaude et de poudre de sésame noire que j’aime bien. Vous vous souvenez peut-être que Saray m’en avait donné quand j’ai été malade en janvier parce qu’il y a des minéraux là-dedans. En tout cas, j’en ai racheté depuis le temps et je m’en fais toujours un pour la seconde classe le jeudi. Cette classe est particulière, c’est celle qui nous donne le choix entre un cours d’acuponcture, de taoïsme ou de pratique personnel. Durant un certain temps, j’en profitais subtilement pour me reposer, mais ils ont un peu resserré la vis sur le sujet et je me suis poussée à faire quelque chose. Parfois, Jo organisais des échanges de wing chun informel ou révisait ses formes. Ensuite, j’ai décidé d’essayer le cours d’acuponcture que je n’ai pas tellement aimé. Ils fonctionnent avec un livre et ne font que dire à quoi servent les points présentés et donnent la profondeur et l’angle de l’aiguille à insérer. Le tout est de façon très théorique. Finalement, les données numériques pour l’aiguille ne me seront d’aucune utilité et les informations concernant les effets de la stimulation de chaque point n’est pas meilleur que si tu prends un livre plus complet et le lis. Bon, je suis peut-être un peu trop négative. Le sujet est plus qu’intéressant, mais le cours ne l’est pas tellement et j’ai du mal à suivre ce genre de sujet en anglais. Je verrai plus tard si j’y retourne, parce que maintenant le Sifu qui s’en occupait a quitté l’académie. Ils sont supposés engager un professionnel pour ce cours et celui de massage bientôt. Master Guo a voulu les faire, mais il est vraiment surchargé. Alors, nous nous rendons au cours de taoïsme, cours que nous suivons depuis environ un mois. Le sujet est fort intéressant, mais il demeure franchement difficile à suivre. J’y vais, essaie de comprend du mieux que je peux et prend le temps de réfléchir sur tout ce qui concerne la philosophie et la spiritualité taoïste qui influence grandement la Chine. C’est bien de prendre un moment pour cela et ça repose. C’est master Guo, notre sifu, qui donne ce cours. Encore là, il utilise un livre, mais ça va, c’est comme se faire raconter une histoire. Je suis déçue de ne pas mieux comprendre l’anglais pour tout saisir. La culture taoïste m’accroche beaucoup même s’il y a des épisodes farfelus dans son histoire. Aujourd’hui, sifu nous parlait de la conception du paradis et de l’enfer. Assez amusant comme dans tout courants spirituels ou religieux.
11h30 : Nous nous endormons un moment dans notre chambre. Cela arrive parfois et ça fait du bien. Je sais, je dors près de dix heures par nuit déjà, mais vous feriez surement pareil à notre place. Il faut l’accepter. Puis, avant dîner, ça trompe la faim. Honnêtement, ça nous arrive plus souvent après dîner plutôt qu’avant comme aujourd’hui. Peu importe. Ensuite, nous descendons pour aller dîner. C’est temps-ci, ils nous arrivent aussi de rester dehors avant midi et de jouer au frisbee avec d’autres élèves. La température est tellement agréable depuis une dizaine de jours et le soleil nous donne de le sourire.
Suite à venir…