Chestnut, l’épisode 2 de la nouvelle création made in HBO dérivée du film culte des années 1970 Mondwest, pose davantage les bases de l’univers futuriste Westworld, avec un scénario qui se veut intriguant et promet en amont une avalanche de rebondissements. Mais à ce stade, il est difficile de prévoir si le résultat sera à la hauteur du potentiel scénaristique.
En attendant le bilan de l’épisode 3, je vous propose de faire un petit tour d’horizon du show, histoire de cerner le « dit-phénomène » d’un peu plus près.
PETIT DÉTOUR PAR LES ORIGINES DE WESTWORLD
Pour ceux qui ne le sauraient pas encore, la série puise directement dans le script d’un film ovni, sorti en 1973, dans lequel Michael Crichton, un auteur fan de science-fiction (à qui l’on doit notamment Jurassic Park), nous présente sa version du Puy du fou 2.0 où il est possible de s’offrir un petit séjour dans différentes époques mythiques comme l’antiquité romaine ou le Far West et d’y vivre des épopées grâce aux androïdes ultra-réalistes qui peuplent les parcs, des robots avec lesquels il est possible d’interagir, conçus pour faciliter l’immersion dans différents scénarios prévus pour les visiteurs.
A la base, inutile de préciser que cet avant-propos sent le nanar de science-fiction à plein nez. Le film source se présente comme un thriller fantastique et le rendu, outre les effets spéciaux qui gagnent en charme vintage, oscille entre comédie et burlesque tant le scénario et les événements paraissent surréalistes. Des badauds déguisés poursuivis par malfrats et cow-boys bioniques en plein désert, il y a de quoi sourire gentiment. Précisons aussi que les époques choisies pour être recréées ne sont absolument pas réalistes mais directement tirées de leur version Hollywoodienne fantasmée : le péplum ou le western, où il est possible de secourir des demoiselles en détresse aux coupes de cheveux et maquillages étrangement soignés tout en allant disputer une partie de cartes avec des bandits rasés de près. Un univers parodique où tout est clinquant et scripté, avec des androïdes destinés à satisfaire le moindre désir de touristes « en mal d’aventures ». Un détail qui pousse à s’interroger sur les véritables motivations d’un tel divertissement pour les clients, comme pour les créateurs.
Fibre optique, tissus, tout est recréé dans sa grande complexité, pour entretenir l’illusion
La série sortie des fourneaux HBO et diffusée depuis le 3 octobre dernier reprend donc le fond de l’histoire pour développer davantage son aspect thriller psychologique, avec une tonalité plus dramatique, tout en concentrant son contexte sur la partie Far West. A l’instar de Mondworld, nous suivons la progression de visiteurs du parc, venus en grande partie pour se saouler et laisser libre cours à leurs fantasmes les plus médiocres, mais aussi des personnages récurrents qui sont de véritables poncifs sans âme comme le gentil héros, la jeune fille en détresse ou la maquerelle du saloon. Peu à peu, les notions de scénario et d’entretien du décor et des personnages, tâches gérées en coulisses par les techniciens du resort, sont mises en place, et quelques portraits des créateurs phares de Westworld se construisent en parallèle.
Outre les moyens déployés pour offrir au spectateur une création de bonne qualité avec une photographie de cinéma ainsi qu’un casting de prestige (Ed Harris, Anthony Hopkins, Evan Rachel Wood) et une bande-originale composée par Ramin Jawadi (compositeur des thèmes magistraux de Game Of Thrones), les showrunners ont surtout identifié les ressorts clés du scénario qui permettront de propulser ce pitch insolite au firmament du thriller science-fictionnel (ou pas).
Dolores (Evan Rachel Wood)
A commencer par la question majeure lorsqu’on parle de robotique, qui est celle de l’intelligence artificielle et ses limites. Mondwest était axé sur le bouleversement causé par les androïdes se révoltant et développant soudainement une conscience propre pour anéantir les visiteurs du parc. L’intérêt de Westworld n’est donc pas de savoir si les androïdes vont buguer ou non, étant donné qu’ils prennent déjà certaines libertés, mais bien quand et comment. Des indices sont déjà semés, tels que la préparation d’un nouveau scénario ambitieux et inédit qui selon le créateur du parc va révolutionner l’image de celui-ci, ou encore la quête du grand méchant, le visiteur de longue date campé par Ed Harris. Une problématique qui n’est pas sans rappeler celle de la série suédoise Real Humans, où des avatars robotisés à l’apparence humaine, utilisés par les humains comme auxiliaires de vie, tentaient de se frayer un chemin dans la société et d’y trouver leur place avant de développer une défaillance qui les pousseraient à agir par eux-mêmes, allant jusqu’à nuire pour préserver leurs semblables. Mais le show, malgré une bonne réalisation et l’exploitation de son potentiel de thriller, n’a pas su quoi faire de cette rébellion symbolique, pourtant largement questionnée et expliquée par ses protagonistes. En sera t-il de même pour Westworld ?
L’autre question posée par Westworld, est celle de l’éthique des créateurs qui via leur attraction à la pointe de la technologie, font mine de rien délibérément souffrir des êtres qui leur ressemblent et qu’ils prennent plaisir à contrôler pour de l’argent. Qui dit robot ne dit pas forcément humanoïdes. Créer des machines qui ressemblent en tous point à des humains, jusqu’à repousser toujours plus loin les limites du mimétisme n’est pas anodin et relève d’une certaine perversion, surtout quand ceux-ci sont offerts en pâture aux pires frustrés.
« Quand on se prend pour Dieu, on connaît forcément le Diable »
Westworld est une série consciente de la portée morale de son scénario; d’entrée de jeu, le viol et le meurtre dont sont victimes les « hôtes » du parc sont présentés comme le train-train quotidien de ces marionnettes manipulées avec soin par des ingénieurs plus ou moins cyniques. La question du libre arbitre est centrale et donne lieu à des scènes plutôt glauques comme le nettoyage machinal du système reproducteur de Maeve (Thandie Newton), l’une des prostituées qui s’éveille brusquement sur le billard. Dans Mondworld déjà, une servante suite à son refus d’avoir des relations avec l’un des clients était reprogrammée pour être plus « docile », car telle est sa fonction. Quant à Ed Harris, il use de son statut d’habitué pour trucider et torturer en toute impunité le moindre pantin secondaire ou tertiaire pour assouvir sa curiosité en disséquant littéralement le fonctionnement du parc. Les abattus de chaque journée sont rincés et réparés pour être de nouveau prêt à être sacrifiés le lendemain. C’est simple, tous les moyens sont bons pour ne pas frustrer le consommateur. Nul doute que cette cruauté présentée comme une évidence assumée, est à double tranchant et finira par se retourner contre le système qui l’a engendrée. Les dialogues entre les créateurs vont d’ailleurs dans ce sens, entre peur de sombrer dans l’insensibilité et conscience de n’être pas blancs comme neige. D’où la phrase de l’épisode 2 à retenir « Quand on se prend pour Dieu, on connaît forcément le Diable » (Dr Robert Ford)
AVIS : UN DÉMARRAGE UN PEU TROP DISCRET
Bernard Lowe (Jeffrey Wright) et Robert Ford (Anthony Hopkins)
Mais il est difficile pour le moment de juger de l’exacte facture de la série qui reste pour ce second épisode dans son emballage plastifié. La seule chose qu’on pourrait reprocher à Westworld, c’est son aspect trop lisse et cliché, allant certainement de paire avec le fait que les androïdes et l’univers eux-mêmes soient artificiels. Cependant, le fait qu’on ne dépasse pas ce premier palier opaque qui met tout sur le même plan -que ce soit le décor ou son envers, tout est retravaillé, synthétique et évident- ne contribue pas à installer la tension dramatique qui devrait contrebalancer avec la linéarité du monde des robots. Les coulisses de Westworld sont trop lumineuses et les rapports entre les créateurs sont trop abstraits pour qu’on s’y intéresse réellement. Aucune personnalité forte, hormis celles du personnage d’Ed Harris ou du Docteur Robert Ford, interprété par Anthony Hopkins, ne se démarque pour l’instant. Comme le genre du western tend à mythifier ses personnages avant même qu’ils ne soient apparus à l’écran, Westworld use de cette évidence pour nous imposer des stéréotypes, à la fois pour les rares portraits de visiteurs, soit naïfs, soit stupides, que pour ceux des techniciens du parc à peine esquissés et pourtant déjà récurrents. Ce problème demeure gênant pour l’introduction d’une série au scénario atypique, censée inspirer le mystère : il y a tant à montrer qu’on ne s’attache à rien ni personne en particulier.
« Dans ce monde, tu peux choisir d’être qui tu veux… » (Violeur ou pilier de comptoir)
Logan (Ben Barnes qui a rendu son costume de prince charmant) et William (Jimmi Simpson)
De même qu’il est difficile de s’identifier aux visiteurs et d’avoir de l’affect pour eux. Et si ce n’est pas forcément ce qu’on nous demande ici, rien ne vient compenser cette impression perturbante de vide, comme si l’intrigue si bien ficelée soit t-elle, tournait en roue libre, un peu comme les scénarios du parc. Ce qui peut, à la longue, constituer un réel problème pour le ton de la série. Le fait de considérer que la vérité de l’existence émane de relations avec des machines qui incarnent des stéréotypes fantasmés, n’est pas une vision que tout le monde partage, de même que « tester ses limites » n’équivaut pas pour chacun de nous à avoir des relations (sexuelles ou autres) avec des androïdes, ou à dézinguer impunément tout ce qui se présente devant soi. Où est l’aventure là-dedans ? Si la série ne justifie en rien ces actes, elle ne nous montre que des figures types d’adultes à la mentalité de pré-pubères (hommes et femmes) qui testent lamentablement les limites de la morale sociale, « parce que c’est trop cool ».
Bien-sûr, nous ne sommes qu’au deuxième épisode et tout ceci est en passe d’évoluer, mais dans quel sens ? Dépasserons-nous le niveau « divertissement cathartique et grand spectacle hollywoodien », pour atteindre celui du thriller science-fictionnel qui tient en haleine et marque les esprits ? En attendant, l’inquiétante vérité qui devrait se dégager de ce monde paradoxal car « sans foi ni lois », mais créé de toutes pièces, est noyée sous un trop plein de théâtralisation destinée à présenter l’univers à la fois complexe et standardisé de Westworld. Si les plot-twists mettent du temps à arriver et la gradation vers le soulèvement des hôtes s’annonce sinueuse, le rendu énigmatique attendu n’y est pas. L’effet de ces deux premiers épisodes peut donc se résumer en : 1-On ne sait pas bien où ils veulent en venir et 2-Le pire comme le meilleur peut être à venir.
Que de questions, peu de réponses, rendez-vous pour le bilan de l’épisode 3, déjà disponible sur les plates-formes OCS GO.
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