2016-12-30

On appelle communément Anthologia graeca, « Anthologie grecque », l’ensemble des épigrammes qui nous sont parvenues de l’Antiquité et du Moyen-Âge grâce à la compilation appelée « Anthologie palatine », augmentée des épigrammes de l’« Anthologie de Planude » (parfois appelée Appendix Planudea), c’est-à-dire des épigrammes de l’« Anthologie planudéenne » qui ne figurent pas dans la Palatine, et, éventuellement, de divers appendices d’épigrammes récoltées ici ou là.

Cette appellation mérite quelques précisions : en grec, ἀνθολογία signifie en premier lieu « le fait de cueillir des fleurs », « faire un bouquet ». Il s’agit donc de choisir puis de rassembler.

Comment l’Anthologie grecque nous est-elle parvenue ? L’histoire éditoriale de ce corpus est aussi fleurie que son contenu et nous allons tâcher d’en donner les moments-clefs. Ce sera là la première étape d’une série d’études que nous entamons ici sur l’Anthologia graeca et sur ses avatars.

L’Anthologie Planudéenne



Ms. Venise, Bibl. Marc. gr. Z 481

En 13011, Maxime Planude (vers 1255/1260- vers 1305/1310), moine et érudit byzantin, achève la compilation de deux séries d’épigrammes retrouvées dans deux manuscrits distincts, compilation à laquelle il donne le titre Ἀνθολογία διαφόρων ἐπιγραμμάτων, « Anthologie d’épigrammes diverses ». On en compte au total environ 2 4002.

Quelques mots sur ce manuscrit autographe qui repose aujourd’hui à la Biblioteca nazionale Marciana de Venise sous la cote « gr. Z 481 (coll. 863) ». Il est arrivé en Italie, semble-t-il, par l’entremise du marchand et humaniste sicilien Giovanni Aurispa (1376-1459). Vingt ans plus tard, il était en possession du Cardinal Bessarion (1403-1472) qui devait en faire don en 1468 à la Marciana. Le manuscrit ne contient pas que les deux compilations élaborées par Planude. On y trouve aussi, suite à la première série d’épigrammes, les Sentences de Ménandre, le poème Sur les thermes pythiques de Paul le Silentiaire, des Problèmes en vers d’Euclide, le De terrae motibus d’Hermès Trismégiste ; les Poèmes de Théognis ont, semble-t-il, appartenu à un quaternion aujourd’hui manquant3 ; après la seconde série, la Paraphrase évangélique de Nonnos de Panopolis, puis un index de Plutarque.

On ne connaît pas les manuscrits utilisés par Planude, mais on connaît les buts qu’il s’était fixés. Il indique en effet lui-même, à propos de la collection qu’il avait trouvée, que χύδην γὰρ ἦν καὶ ἀναμὶξ ἅπαντα ἐν τῷ ἀντιγράφῳ… κἀντεῦθεν οὐ ῥαδία τῷ ζητοῦντι ἡ ἑκάστου τῶν κεφαλαίων εὕρεσις ἦν· νῦν δὲ ῥᾳδία τῇ τάξει τῶν στοιχείων ἐφεπομένη, « elle était totalement sans ordre et pêle-mêle dans le manuscrit antigraphe… en conséquence, retrouver chacun des chapitres était difficile pour celui qui cherchait : désormais, elle obéit simplement à l’ordre des lettres. »

Planude a en effet organisé l’ensemble des épigrammes collectées en sept parties :

1. épigrammes démonstratives et exhortatives

2. épigrammes satiriques

3. épigrammes funéraires

4. épigrammes descriptives

5. Description des statues des bains de Zeuxippe de Christodoros

6. épigrammes votives

7. épigrammes amoureuses



Liste des sections du premier livre de l’Anthologie planudéenne (éd. Estienne, 1566)

À l’intérieur de ces parties – à l’exception, évidemment, de la Description de Christodoros –, il a classé les textes selon des lemmes rangés par ordre alphabétique. On relève ainsi, dans la première partie, 91 sections, allant de εἰς ἀγῶνας (« sur les concours ») à εἰς ὥρας (« sur les heures »).

L’objectif didactique est ici très clair, d’autant que Planude a, de manière tout à fait affichée, renoncé à relever un grand nombre d’épigrammes amoureuses, en particulier les épigrammes pédérastiques, qu’il jugeait impropres à l’étude pour ses élèves. En philologue, il a aussi apporté un grand nombre de corrections à des textes qu’il jugeait, à tort ou à raison, corrompus par la tradition.



Ms. Londres, BL Add. 16409, fol. 2

Planude connut son second manuscrit source après avoir achevé sa première compilation. Lorsqu’il eut accès au second manuscrit, il effectua une nouvelle compilation en suivant exactement le même ordre de classement. Deux manuscrits témoignent de ce travail de compilation double : le manuscrit Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, gr. Z 481 (qui n’est, hélas ! pas accessible en ligne), et le Londres, British Library, Add. 16409, entièrement numérisé. Le premier, daté de 1301, est de la main de Planude, le second a été réalisé par un scribe du cercle planudéen dans les années qui ont suivi. Peu de temps après, ces deux séries, classées selon les mêmes lemmes et les mêmes parties, ont été rassemblées en une seule. On en connaît peu d’exemplaires, mais le plus ancien identifié, aujourd’hui à l’état fragmentaire, semble être le Paris, BnF, grec 2744, qui date des environs de 1320. Les épigrammes du modèle b y sont ajoutées, à chaque lemme, aux épigrammes du modèle a.

Première page de l’édition de Lascaris

C’est cette version « définitive » qui fut éditée par Janus Lascaris en 1494 à Florence, chez l’imprimeur Lorenzo d’Alopa. Elle porte le même titre que dans le manuscrit.

Vinrent ensuite les trois éditions par Aldo Manuzio à Venise, sous le titre latin Florilegium diversorum epigrammatum in septem libros. La première, en 1503, reprend le texte de Lascaris, en y ajoutant plusieurs épigrammes, ainsi que les poèmes de Paul le Silentiaire, d’Euclide et d’Hermès Trismégiste. Surtout, elle contient un appendice de leçons d’autres manuscrits. Celles de 1521 puis de 1551 reprennent essentiellement la première édition, mais les savants y noteront surtout que les fautes de la première édition demeurent, voire augmentent en nombre.

Michel Maittaire signale une édition aldine en 15174, mais dont nous n’avons trouvé aucune trace dans les catalogues.

En 1519, est parue une édition chez les Giunti de Florence, mais il ne s’agit que d’une reproduction de l’aldine de 1503. Celle de Josse Bade, à Paris en 1531, reprend l’aldine de 1521.

Henri Estienne (1528-1598) donna une édition en 1566, sous le titre Florilegium diuersorum Epigrammatum ueterum, in septem libros diuisum , magno epigrammatum numero & duobus indicibus auctum. Il y adjoint les poèmes de Paul le Silentiaire, d’Euclide et d’Hermès Trismégiste. Il ajoute ensuite une longue série d’épigrammes moissonnées dans divers manuscrits florentins (p. 497-539), qu’elles soient épigraphiques ou littéraires.

D’autres éditions parurent, mais on retiendra surtout la vaste édition de Hieronymus de Bosch (1740-1811), érudit et poète néerlandais, en cinq volumes (1795-1822), avec une traduction latine faite par Hugo de Groot (1583-1645), qui n’avait jamais été publiée. Le recueil paraît sous le titre Anthologia graeca cum uersione latina Hugonis Grotii, mais une seconde page de titre, après les Prolegomena de De Groot, indique Florilegium uariorum epigrammatum, latinis uersibus redditum ab Hugone Grotio. Les sept parties de l’Anthologie planudéenne figurent dans les trois premiers volumes (vol. 1, parties 1 et 2, 1795 ; vol. 2, parties 3 et 4, 1797 ; vol. 3, parties 5 à 7, 1798) ; le troisième volume contient en outre divers appendices : 1) les poèmes d’Euclide et ceux d’Hermès Trismégiste, sous le titre Mantissa uetus ; 2) les additions d’Henri Estienne, sous le titre Mantissa secunda ; 3) regroupées sous le titre Mantissa tertia, les inscriptions métriques grecques publiées par Jan Gruter dans ses Inscriptiones antiquae totius orbis Romani, parues à Amsterdam en 1707 ; 4) une série d’épigrammes trouvées dans des manuscrits, sous le titre Mantissa quarta ; 5) les Idylles III, XVIII et XXVII de Théocrite. Le tout est suivi d’une longue série de Notes par Pierre-Daniel Huet, où l’on trouve encore l’édition du De Thermis de Paul le Silentiaire. Les deux derniers volumes contiennent les notes et commentaires : le vol. 4 paraît en 1810 sous le titre Obseruationes et notae in Anthologiam graecam quibus accedunt Cl. Salmasii. Notae ineditae ; le vol. 5 paraît en 1822 à titre posthume, grâce au travail de reprise de Jacob van Lennep, sous le titre Obseruationum et notarum in Anthologia Graeca uolumen alterum, quod et indices continet. Opus Boschii morte interruptum Dauid Jacobus van Lennep absoluit.

L’Anthologie palatine

Ms. Heidelberg, Pal. Graec. 23, p. 207

Ce remarquable travail éditorial n’allait pourtant pas être appelé à devenir l’édition de référence des épigrammes grecques. Alors qu’il n’était encore qu’un jeune étudiant, Claude Saumaise (1588-1683) découvrit à Heidelberg, en 1606, le manuscrit aujourd’hui coté Heidelberg, Universitätsbibliothek Pal. gr. 23 + Paris, BnF, Suppl. gr. 384. Ce manuscrit du milieu du Xe siècle contient, entre autres, ce que l’on appelle aujourd’hui l’« Anthologie palatine », c’est-à-dire 15 livres regroupant au total environ 3 700 épigrammes. Son histoire est pleine de rebondissements et de périples : écrit à Constantinople, probablement vers 940 – la date exacte, inconnue, fait encore débat – il transita par l’Italie à une date indéterminée, avant d’arriver, à la fin du XVIe s. à la Bibliothèque Palatine de Heidelberg (d’où l’appellation de l’Anthologie qu’il contient). Il fut transféré à Rome après la prise de Heidelberg en 1622 par Tilly et resta au Vatican jusqu’en 1797. Il fut alors cédé à la France et déposé à la Bibliothèque Nationale. En 1816, il fut réclamé par les Alliés pour le rendre à Heidelberg, mais seul le premier tome fut rendu, car l’on n’avait pas pris garde qu’il était divisé en deux tomes. C’est ainsi que le second tome est toujours à Paris aujourd’hui.

Le contenu n’est pas moins riche : outre les 15 livres qui forment ordinairement ce qu’il est convenu d’appeler l’Anthologie palatine, on trouve en premières pages la Métaphrase évangélique de Nonnos de Panopolis, la Description de Sainte-Sophie et la Description de l’Ambon par Paul le Silentiaire, puis, insérées entre les livres XIV et XV, la Descriptio Tabulae Mundi de Jean de Gaza, et divers Technopaegnia de Théocrite, Simias et Dosiadas. Enfin, un quaternion certainement mal placé lors du montage du codex, et contenant des Anacreonta, précède aujourd’hui le livre XV quand il a dû originellement lui succéder. Çà et là sont réparties, en complément de pages d’abord restées blanches, des séries d’épigrammes qui forment une compilation connue sous l’appellation Σπ, sur laquelle nous aurons l’occasion de revenir dans un autre billet.

Première page de l’édition de Brunck (1772)

Les épigrammes de l’Anthologie furent publiées par Richard-François-Philippe Brunck (1729-1803) dans ses Analecta veterum poetarum graecorum (vol. 1 en 1772 ; vol. 2 en 1773 ; vol. 3 avec lectiones et emendationes en 1776) qui les classa par auteur, selon leur ancienneté. Son édition repose sur une comparaison entre les épigrammes contenues dans l’Anthologie planudéenne et les diverses copies qu’il parvint à obtenir du manuscrit palatin, qu’il n’avait lui-même pas consulté. L’ensemble sera réédité en 1785, sous le titre Analecta veterum poetarum graecorum. Editio quarto volumine aucta, mais il n’y eut jamais de quatrième volume.

Vint ensuite l’édition majeure de Friedrich Jacobs (1764-1847), sous le titre Anthologia graeca sive, Poetarum graecorum lusus ex recensione Brunckii, qui parut à Leipzig en treize tomes entre 1794 et 1814 :

1794, Anthologia Graeca, sive Poetarum Graecorum Lusus. Ex Recensione Brunckii. Indices et Commentarium adjecit F. Jacobs ;

t. 1 et 2 ;

t. 3 et 4 ;

1795, t. 5. Indices in Epigrammata quae in Analectis Veterum Poetarum a Brunckio editis reperiuntur ;

F. Jacobs Animaduersiones in Epigrammata Anthologiae Graecae secundum ordinem Analectorum Brunckii

1798, vol. 1, part. 1 ; vol. 1, part. 2 ;

1799, vol. 2, part. 1 ;

1800, vol. 2, part. 2 ;

1801, vol. 2, part. 3 ;

1802, vol. 3, part. 1 ;

1803, vol. 3, part. 2 ;

1814, vol. 3, part. 3.

Jacobs a fondé son édition sur la recension de Brunck, dont il ne souhaitait au départ qu’écrire les commentaires. Mais il obtint la collation de l’Abbé Giuseppe Spalletti, effectuée en 1776 et, de l’avis unanime des savants, la meilleure de l’époque, qui lui permit de rééditer le texte de l’Anthologie.

Durant la rédaction des Commentaires de Jacobs, le Codex Vaticanus, ainsi qu’on l’appelait alors, fut transféré à Paris. Laissons ici la parole à Félix-Désiré Dehèque (1794-1870) pour nous rapporter les évènements des années qui suivirent :

« Pendant que ce savant philologue travaillait à ses adnimadversiones et les publiait, les triomphes des armées françaises en Italie nous avaient procuré, par le traité de Tolentino, les chefs-d’œuvre des musées de Rome, les trésors de ses bibliothèques. Le manuscrit palatin de Heidelberg, devenu le Codex Vaticanus, se trouva parmi les dépouilles opimes, et ne fut pas le moins beau trophée de nos victoires. Le bruit de cette conquête littéraire se répondait en Allemagne, et fit venir à Paris des savants qui purent collationner les copies manuscrites et les textes édités. Armé de ces instruments nouveaux de la science et surtout d’une ancienne copie de Spaletti très-bien faite, le laborieux philologue de Gotha, le savant commentateur des Analecta de Brunck se remit à l’œuvre avec une nouvelle ardeur, pour donner une édition parfaitement conforme à l’original. »5

Entre 1813 et 1817, en effet, Jacobs réédita le texte de l’Anthologie, sous le titre Anthologia graeca ad fidem codicis olim palatini nunc parisini, ex apographo gothano edita en 3 volumes : le vol. 1 et le vol. 2 contiennent le texte de l’Anthologie ; le vol. 2 contient en outre l’appendice des épigrammes de Planude non présentes dans le manuscrit palatin, ainsi qu’un Appendix epigrammatum apud scriptores veteres et in marmoribus servatorum. Le vol. 3 contient des notes critiques et des index.

Dans cette édition, qui restera la référence pour les éditions ultérieures, les épigrammes sont agencées selon l’ordre du manuscrit palatin. Il s’agit donc à proprement parler d’une édition de l’Anthologie palatine augmentée de deux appendices.

Première page de l’édition de Dübner (1864)

Suivant le même plan, Johann-Friedrich Dübner (1802-1867) fit paraître aux éditions Didot le texte des 15 livres (qu’il intitule « chapitres ») de l’Anthologie palatine avec une traduction latine, suivie d’un Appendix Planudea en chapitre XVI et d’un appendice pour les autres épigrammes, sous le titre général Epigrammatum Anthologia palatina cum Planudeis et appendice nova epigrammatum veterum ex libris et marmoribus. Le premier volume (chap. I à VIII) parut en 1864 et le deuxième (chap. IX à XVI) en 1872, après la mort de Dübner. Le volume 3, que Dübner n’a pu mener à bien, est le travail d’Edme Cougny (1818-1889) : il parut en 1890 et contient 7 chapitres d’épigrammes additionnelles, présentées selon les mêmes principes qui avaient présidé à l’édition des deux volumes précédents. Ces appendices sont très vastes : on compte ainsi, pour le chap. 1 (Epigrammata dedicatoria), 372 épigrammes ; pour le chap. 2 (Epigrammata sepulcralia), 775 épigrammes ; pour le chap. 3 (Epigrammata demonstrativa), 422 épigrammes ; pour le chap. 4 (Epigrammata exhortatoria et supplicativa), 143 épigrammes ; pour le chap. 5 (Epigrammata irrisoria), 82 épigrammes ; pour le chap. 6 (Oracula), 323 épigrammes ; pour le chap. 7 (Problemata, Aenigmata), 81 épigrammes. Au total, ce sont donc près de 2 200 épigrammes supplémentaires qui nous sont ici rapportées.

La redécouverte des épigrammes a suscité dans le monde savant un engouement qui n’a jamais cessé depuis. Au fur et à mesure des découvertes de manuscrits, les éditeurs ont souhaité livrer au lecteur un nombre toujours plus grand d’épigrammes, des anthologies toujours plus complètes. On constate aussi une tendance à vouloir éditer toujours plus d’épigrammes que les manuscrits n’en ont eux-mêmes contenu. Mais dès lors qu’il s’agit de classer ces épigrammes, on observe un respect religieux de l’ordre établi par les prédécesseurs les plus lointains qu’il nous soit permis de connaître, en l’occurrence Maxime Planude et le compilateur du manuscrit palatin, et l’on ajoute en appendices plus ou moins ordonnés les épigrammes supplémentaires, en successeurs de ces maîtres de l’époque byzantine ; ou bien, à l’instar de Brunck, on les livre par auteur, ce qui permet d’augmenter à l’infini le Thesaurus des épigrammes, mais en ne faisant pas cas de l’histoire de leur transmission dans les collections byzantines ou antérieures. On aboutit ainsi, tout comme ce fut le cas pour les Apophtegmata Patrum, à deux types de collections : l’une systématique, l’autre alphabétique. Par ailleurs, puisque les deux Anthologies classent parfois une même épigramme dans deux chapitres différents, quelle valeur a le classement systématique ?

Un premier problème persiste : si les titres d’Anthologie palatine ou d’Anthologie planudéenne reflètent une réalité évidente, comment appeler un corpus d’épigrammes dont la masse varie selon les éditions, qu’elles prennent en compte uniquement les deux anthologies précitées ou qu’elles y ajoutent des appendices de tailles variées ? L’Anthologia graeca est-elle un corpus clos ? Est-ce que seules les éditions aussi complètes que possible, telles celle de Dübner et Cougny, peuvent porter le nom d’Anthologia graeca ou bien ce choix est-il laissé à la discrétion de l’éditeur ? Car enfin, est-il juste de ne pas prendre en considération ces quelques 2 200 épigrammes qui ne figurent pas au nombre des deux anthologies principales, au seul motif que les deux compilateurs les en ont exclues, au demeurant, peut-être du simple fait de ne les avoir point connues ?

Une autre question se pose : doit-on inclure dans l’Anthologie les œuvres complètes d’épigrammatistes comme Posidippe de Pella, par exemple, dont une infime partie de la production littéraire figure déjà dans l’Anthologie, alors que les nouvelles découvertes nous en livrent des recueils entiers ? De même, qu’en est-il des Idylles de Théocrite dont certaines sont insérées dans l’Anthologie ? Quid encore des citations de tragiques comme Euripide ?

Ce sont ici autant de questions qu’il n’est pas simple de résoudre d’un point de vue bibliographique, dès lors qu’il s’agit de définir l’objet étudié et édité. Il apparaît en fait que seule l’édition de Dübner et Cougny répond fidèlement au titre d’Anthologia epigrammatum graecorum, puisqu’elle livre l’ensemble de la matière épigrammatique grecque connue alors, tout en préservant les classements établis par les érudits de l’époque byzantines.

Pour finir cet article, et avant de passer à l’histoire de la constitution des corpus, une épigramme funéraire de l’époque hellénistique, attribuée à Asclépiadès (Anth. Pal. VII 145) :

ἅδ’ ἐγὼ ἁ τλάμων Ἀρετὰ παρὰ τῷδε κάθημαι

Αἴαντος τύμβῳ κειραμένα πλοκάμους

θυμὸν ἄχει μεγάλῳ βεβολημένα εἰ παρ’ Ἀχαιοῖς

ἁ δολόφρων Ἀπάτα κρέσσον ἐμεῦ δύναται.

C’est moi, la patiente Vertu, qui suis assise près

de ce tombeau d’Ajax, la chevelure tondue,

Le cœur atteint de la vive douleur que chez les Grecs

la fourbe Tromperie l’emporte sur moi.

Cette date est sujette à débat. Maxime Planude a noté la date à laquelle il acheva le manuscrit sous deux formes : « 13e indiction » (soit 1299) et « an 6810 du monde » (soit 1301). Selon certains savants, la seconde date serait celle de la révision du manuscrit ; selon d’autres, il s’agirait d’une erreur de Planude dans les concordances, et l’an du monde serait la date à conserver. Le débat sur cette date n’étant pas l’objet de cet article, nous ne considérons que la date la plus tardive, date à laquelle le manuscrit est de toute façon achevé.

Certaines épigrammes apparaissent parfois sous deux versions légèrement différentes. Selon les éditeurs, elles sont comptabilisées séparément ou une seule fois, ce qui rend le total variable.

Cf. Carlo Gallavotti, « Planudea », Bollettino del Comitato per la preparazione della Edizione nazionale dei Classici greci e latini, N.S., fasc. VII, 1959, p. 27.

Annales typographici ab anno MD ad MDXXXVI. t. I, pars prior. Apud Fratres Vaillant et Nicolaum Prevost, 1722, p. 303

Anthologie grecque traduite sur le texte publié d’après le manuscrit palatin par Fr. Jacobs avec des notices biographiques et littéraires sur les poëtes de l’Anthologie. t. 1, Paris, Librairie L. Hachette, 1863, p. vii.

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