Posted in: "hyporadar" via Marie-Anne in Google Reader
Par le fait même de revenir ici, plein d’envies en viennent à s’exprimer à nouveau.
Des envies d’écriture, d’échanges, l’envie de prendre le temps de penser à des questions qui reviennent régulièrement mais auxquelles je ne donne pas nécessairement la possibilité de s’installer, ailleurs. Par manque de temps essentiellement. Par l’injonction à l’action dans laquelle je me trouve prise du fait de nouvelles activités professionnelles qui m’ont beaucoup, au moins provisoirement, éloignée de mes réflexions de recherche.
Je crois que le fait de s’installer dans un lieu numérique libère des formes d’écriture. Je le crois d’autant plus que le temps passé hors de lieux de réflexion numériques m’a confrontée depuis près de 5 mois au manque du dire et du penser-écrire.
Prendre le temps donc, à nouveau, dans un espace. Un espace numérique. Qui voit se déployer mois après mois les réflexions de ses habitant.e.s. Et plaisir de contribuer ainsi de nouveau à cette expérience collective étonnante.
De quoi vais-je donc parler pendant le mois de mai, de quoi vais-je vous entretenir à partir de ce qu’évoque pour moi la question de la réflexivité ?
J’aimerais aborder la question du choix. De l’explicitation du choix et de la fréquence des non-choix, des reproductions systématiques, des évidences non questionnées. De la difficulté à identifier les non-choix et à s’approprier les choix de manière dynamique. A donner sens aux choix.
Photographie : “CoverStory- People walking through”, par “Cougar-Studio”, licence CC-BY-NC-SA , source : http://www.flickr.com/photos/37321283@N00/1273657633
A quels choix ? Non pas aux choix décisifs d’un parcours, à ces inflexions qui marquent une trajectoire, qui la définissent, parfois, et qui lui permette de se raconter. Je m’intéresserai plutôt à cette multitude de petits choix quotidiens qui ponctuent nos pratiques professionnelles et qui viennent questionner notre rapport à celles-ci.
Que l’on soit chercheur.e, enseignant.e, enseignant.e-chercheur.e, étudiant.e, acteurs de l’université, de l’enseignement, de la mise en circulation et en accès des savoirs, nous avons intégré des normes de fonctionnement, des systèmes de valeurs, par notre formation essentiellement, et puis au cours de l’expérience professionnelle, par la fréquentation et l’intégration d’un groupe. Et peut-être même parfois pour pouvoir intégrer un groupe, ses modes de fonctionnement, de pensée, sa culture.
Je crois que j’aurais aussi envie de faire l’éloge de la marge de l’institution, comme l’espace dans lequel la créativité, le questionnement de la norme, des évidences peuvent se déployer. Avec un moteur, un initiateur, celui du conflit de normes justement, du conflit de valeurs comme moteurs de cette créativité, de cette mise en mouvement. Et d’un mouvement réflexif.
Par la démarche que je m’apprête à déployer, j’espère pouvoir tester un peu plus, différemment, l’hypothèse qu’un carnet de recherche constitue un potentiel espace de réflexivité s’il n’est pas conçu uniquement comme un lieu de communication, de valorisation ou de promotion de recherches individuelles ou collectives. Il constitue un espace potentiel d’élaboration d’une écriture contextualisée, située, et qui se concevrait comme telle, contextualisée, située.
Je conçois ainsi le carnet de recherche comme un espace de penser-écrire, où l’on se trouve au contact d’autrui. Un espace qui peut donc se transformer en expérience du penser-avec, pour peu1 que les billets et les commentaires soient écrit en ce sens. Un espace où la temporalité de prise en charge de l’autre dans l’écriture est inédite par rapport aux formes de publications de la recherche actuelle, et qui conditionne donc ce qui peut s’y écrire. De mon expérience, cela m’a amené à interroger de manière plus aiguë et plus continue “d’où je parle”.
Je me donne ainsi comme point de départ l’idée de la réflexivité comme mouvement, comme déplacement, qui permettrait d’expliciter la perspective selon laquelle l’on se situe, on parle, on entre en dialogue avec autrui. Un mouvement qui peut être celui de la boucle, de la torsion, de la spirale tournée vers l’extérieur, du pas de côté, du décalage2. Une perspective qui se construit par une histoire , un parcours, une place que l’on occupe, etc. Et autrui que l’on ne rencontre à mon sens qu’à condition de :
“Prendre le temps de comprendre d’où part notre interlocuteur et de quoi il parle” Julie Henry
La réflexivité comme un mouvement donc, qui fait quelque chose : ne serait-ce que par commencer à donner du volume, du relief, des dimensions à une situation. Comprendre qu’il existe cette façon de voir parmi d’autres, et que si je l’adopte, c’est un choix, celui d’une perspective parmi une diversité. Une conception qui permet d’éviter d’aplanir ce que l’on voit et de passer du cercle à la sphère, en constatant et en prenant en compte la partie nécessairement cachée, hors-cadre, hors vision que le choix d’un point de vue induit.
Source : http://www.le-dessin.fr/wp-content/uploads/2013/02/cercle-sphere-apprendre-a-dessiner.png
Lunettes -”L”œil magique” – De l’aplat faire surgir des dimensions, qui ont toujours été présentes mais que d’abord on ne voyait pas (voir le principe de “l’œil magique” expliqué ci-dessous)
Principe de “l’œil magique” - Parle-t-on dans ce texte de réflexivité ? D’une autre manière de voir en tout cas…
“Apprendre à voir avec votre oeil magique est un peu comme apprendre à faire de la bicyclette. Une fois que vous avez pris le coup, celà devient de plus en plus facile. Si possible, essayez d’apprendre à utiliser votre oeil magique dans un endroit et à un moment à la fois calme et reposant. Il est difficile, pour la plupart d’entre nous, d’avoir une expérience tridimensionnelle profonde si nous sommes en même temps préoccupés par les agitations de la vie. Si vous n’y parvenez pas dans les premières minutes, recommencez plus tard calmement. Et si cela vous est difficile, rappelez-vous que la petite fée ne vous a pas oublié. On y arrive rarement en un clin d’oeil. Presque tout le monde affirme que l’effort en valait la peine.
Dans tous les dessins tridimensionnels, vous remarquerez un motif répétitif. Afin de voir une vision magique, il y a deux choses à faire. Premièrement, un oeil doit se fixer sur un point de l’image tandis que l’autre oeil regarde le même type de point dans le motif suivant. Deuxièmement, vous devez garder vos yeux dans cette position pour que la merveilleuse structure du cerveau puisse recevoir l’information tridimensionnelle. Celle-ci a été conçue avec des motifs répétiifs par des ordinateurs.
Il y a deux manières de voir les images tridimensionnelles : loucher ou écarter les yeux (strabisme convergent ou divergent). Vous louchez lorsque vous fixez un point entre vos yeux et une image. Vous écartez vos yeux lorsque vous regardez un point au delà de l’image.”
Source : http://www.opticien-lentilles.com/relief/relief2.html
Alors je ne sais pas encore bien à quoi ressemblera le mois de mai passé ici, j’espère qu’il ne sera pas trop décousu, j’espère que vous arrivez à suivre les fils que je vais essayer de tisser.
En voici quelques tonalités, que j’aimerais voir s’y retrouver et que vous pouvez tout du moins considérer comme sous-jacentes à la réflexion qui va se construire petit à petit ici pendant le mois de mai.
Penser-avec…
Des billets qui puisent leur matière de lectures qui donnent à penser sur la question de la réflexivité.
Penser à partir…
Des billets qui s’ancrent dans
- l’expérience vécue ;
- des discours.
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Références – Multiples points de départ, de constructions de perspectives pour l’écriture de ce billet / liens hypertextes semés dans le corps de ce billet
Casilli, A.A., 2011, «Pratiquer la transdisciplinarité dans la discipline. Temporalité, territorialité et réalisme des professions scientifiques», in F. Darbellay et T. Paulsen (dir.), Au miroir des disciplines, Bern, Berlin, Bruxelles, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien: Peter Lang, pp. 65-81.
Casilli, A. A., 2012, «Comment les usages numériques transforment-ils les sciences sociales ?», in P. Mounier (dir.), Read/Write Book 2, Marseille, OpenEdition Press, pp. 239-247.
[Vidéo] Antonio A. Casilli, 2013. L’impact du numérique sur les disciplines et les temporalités de la recherche en SHS
Faury, M. 2012. “Parcours de chercheurs – De la pratique de recherche à un discours sur la science : quel rapport identitaire et culturel aux sciences ?” Thèse de doctorat en sciences de l’information et de la communication. En ligne sur TEL-SHS
Faury, Mélodie (3 mars 2013) “Espaces physiques ou numériques : s’en servir ou les habiter”. Espaces réflexifs [carnet de recherche]. Consulté le 1er mai 2013. http://infusoir.hypotheses.org/3998
Faury, Mélodie (7 août 2012) “Où est l’autre ? – Adresse et réflexivité dans l’écriture”. Espaces réflexifs [carnet de recherche]. Consulté le 1er mai 2013. http://infusoir.hypotheses.org/3377
Faury, Mélodie (11 juin 2012) “Ces lieux de pensées”. L’infusoir [carnet de recherche]. Consulté le 1er mai 2013. http://infusoir.hypotheses.org/3173
Faury, Mélodie (30 mars 2012) “A la recherche d’espaces de réflexivité”. Espaces réflexifs [carnet de recherche]. Consulté le 1er mai 2013. http://infusoir.hypotheses.org/2579
Faury, M. (12 février 2012) “ Qu’est-ce que la réflexivité ?”. Espaces réflexifs [carnet de recherche]. Consulté le 1er mai 2013. http://reflexivites.hypotheses.org/703
Faury, M., Mois de février 2012 dans les Espaces réflexifs.
Faury, M., 2012 à 2013 : Billets thématiques de l’Infusoir sur “Le carnet de recherche”
Henry, Julie (4 février 2012) “ Les commentaires : espace et outil de réflexivité, ou occasion d’exprimer ses marottes ?”. Espaces réflexifs [carnet de recherche]. Consulté le 1er mai 2013. http://reflexivites.hypotheses.org/316
Kermoal, B., Mois de juillet 2012 dans les Espaces réflexifs.
Paveau M.-A.,Mois de mars 2013 dans les Espaces réflexifs.
Paveau M.-A., 8 mars 2013, “Éloge du latéral“, Espaces réflexifs [Carnet de recherche], http://reflexivites.hypotheses.org/4272, consulté le 1er mai 2013.
Paveau M.-A., 21 janvier 2013, “Environnement“, Technologies discursives [Carnet de recherche], http://technodiscours.hypotheses.org/311, consulté le 1er mai 2013.
Paveau M.-A., automne 2012 – Série de saison : “Discours de place“
Paveau M.-A., Mois de mars 2012 dans les Espaces réflexifs.
Piponnier A., 15 avril 2013, “Pour une poétique du déplacement”, Espaces réflexifs [Carnet de recherche] Url : http://reflexivites.hypotheses.org/4584. Consulté le 1er mai 2013.
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Pour citer ce billet
Faury, Mélodie (1er mai 2013) “Revenir autrement – Mouvements, choix et perspectives dans nos manières de penser”. Espaces réflexifs [carnet de recherche]. Consulté le …. http://reflexivites.hypotheses.org/4610
et c’est en fait beaucoup
et je vous renvoie aux passionnants mois de mars 2012 et 2013 au cours desquels Marie-Anne Paveau a développé l’idée de la boucle et du pas de côté