2013-03-15

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Fig.1 : dos de couverture Tibet (SIS, 1998)

Cet article a été réalisé dans le cadre d’une intervention lors des journées d’études organisées par l’IUFM de Caen à l’attention des Master MEEF ouverts aux étudiants des séminaires de Jean-François Thémines et Serge Martin.

Tu noteras des signes brefs sur un petit carnet que tu dois, sans cesse, porter sur toi ; et qu’il soit de papier teinté afin que tu ne puisses faire du neuf avec du vieux, car ces choses ne peuvent pas être effacées, elles doivent au contraire être préservées avec grand soin, car les formes sont en nombre si infini que la mémoire n’est pas capable de toutes les retenir.

Léonard de Vinci, Carnets,

Cette citation empruntée à Léonard de Vinci m’invite d’emblée à dessiner les contours de l’objet sur lequel je vais fournir quelques pistes de réflexions menées dans le cadre d’une recherche plus vaste sur les espaces perçus dans les albums pour enfants et les rapports que les personnages entretiennent avec ces dits espaces. Le « carnet de voyage » est devenu un « genre », si on me laisse croire qu’il s’agit bien d’un genre éditorial, qui a connu un véritable engouement depuis le début des années 1990 avec notamment la collection « Carnets du Monde » chez Albin-Michel et l’album-pionnier d’Yvon Le Corre, Antarctide, journal de bord d’un peintre dans les glaces, paru en 1992 chez Gallimard ou encore la revue Carnets de Voyage lancée en 1994 par l’éditeur PEMF…. pour ne citer que ces quelques exemples.

En 2008, Anne-Marie Quéruel et Pierre Gallo définissaient le carnet de voyage de la manière suivante :

Le carnet de voyage est un genre littéraire et plastique qui évoque un voyage réel ou imaginaire : une exploration d’une terre inconnue pendant un temps déterminé, voyage intérieur, voyage autour d’un thème (découverte d’œuvres littéraires, d’œuvres d’art, d’un patrimoine de proximité…). Tout à la fois journal intime, recueil de souvenirs et livre d’artiste, c’est un espace de mémoire matérialisé par un assemblage très libre mais pensé de mots, d’images, de croquis, de photographies et de collages, incitation à confronter le rêve et l’expérience, le réel et l’imaginaire […].[1]

Le carnet de voyage serait donc à distinguer du récit de voyage qui serait, quant à lui, une reformulation a posteriori et qui se rapprocherait davantage des formes texte seul ou texte illustré. Dans la mesure où le carnet de voyage rend compte d’un déplacement dans l’espace, des impressions provoquées par la perception de cet espace mais également de la perception des pratiques de cet espace, il devient un objet culturel géographique.

À l’intérieur de mon corpus de recherche qui se compose de 165 albums pour enfants -sur la sélection desquels je pourrais revenir ultérieurement- je me suis intéressé à ceux qui « utilisaient » la forme et le genre carnet de voyage pour faire le récit d’un voyage le plus souvent imaginaire ou imaginé. J’ai ainsi retenu dix-neuf titres dont la parution s’est étalée entre 1987 (il s’agit d’un album australien) et 2007 pour le plus récent. À l’intérieur de ces albums, soit toutes les pages prennent la forme d’un carnet, à l’instar d’Escales de Rascal et Louis Joos (1992) ou seulement quelques pages comme les « attrape-lecteurs » des vingt-six histoires de l’Atlas des géographes d’Orbae de François Place (1996,1998 et 2000).

Le géographe peut alors être amené à se poser plusieurs questions sur ce corpus : pourquoi l’album a-t-il recours à ce genre littéraire pour s’adresser à un lectorat d’enfants ? Comment ce genre rend-il compte des espaces et des spatialités évoquées ? Quel est le projet, le message des auteurs construit dans l’album en se référant au carnet de voyage ? Que faut-il entendre par voyage ? Je tenterai de montrer, d’abord, que le carnet de voyage fonctionne selon des procédés très similaires à celui de l’album pour enfants ; qu’ensuite, il donne à lire un « récit d’espace » construit par un observateur la plupart du temps « étranger » ; et qu’enfin, il est très souvent l’expression d’un message et d’un voyage intérieur accompli par le narrateur.

I, L’album pour enfants et le carnet de voyage : Deux iconotextes

Dans sa thèse soutenue en 2009, Le carnet de voyage : Approches historique et sémiologique, Pascale Argod[2] voit dans le carnet de voyage l’expression d’un « genre intermédiatique et hybride », issu d’une « interaction esthétique entre les arts et les médias ». Si je m’arrête momentanément sur les deux termes relevés chez cette auteure, à savoir « hybride » et « interaction », je peux dire que le carnet de voyage et l’album sont deux objets très proches.

L’hybridité nous la retrouvons dans ce qui fait de l’album un système cohérent à trois dimensions : texte, image et support. L’interaction, l’interdépendance entre les images, les mots et l’objet livre, font de l’album contemporain un iconotexte, c’est-à-dire pour Michaël Nerlich, « une unité indissoluble de texte(s) et d’image(s) dans laquelle ni le texte ni l’image n’ont de fonction illustrative et qui -normalement mais non nécessairement- a la forme d’un livre[3] ».



Fig. 2 : pages du carnet de Delacroix (1832)

Si je prends comme pièce maîtresse du carnet de voyage type le premier du genre, celui qu’Eugène Delacroix tint en 1832 pendant son séjour au Maroc, répertorié sous le titre d’Album d’Afrique du nord et d’Espagne, nous y trouvons les principaux éléments constitutifs du carnet de voyage. Il s’agit d’abord d’un objet de petite taille (19,3×12,7 cm), au format à la française et non à l’italienne comme c’était le cas, à cette époque, des albums amicorum. Comme on le voit, il s’agit d’un carnet multifonction : carnet de recherches artistiques, de notes visuelles, de mémoire. Carnet de notes ethnographiques et géographiques, il propose une déambulation dans les paysages à travers les croquis réalisés sur le vif (technique du rough). Dans l’espace de la double page, on voyage visuellement du plan général au plan particulier jusqu’au détail, multipliant ainsi les échelles, notion éminemment géographique ! Pascale Argod note que « l’insertion du texte dans l’image est primordiale : dans une rapidité du geste et du mouvement, Delacroix saisit l’instant. » En même temps, l’artiste compose sa double-page de carnet. L’espace y est pensé autant que l’espace observé et perçu y est traduit.



Fig.3 : couverture d’Escales de Rascal et Joos

La couverture d’Escales. Carnet de croquis de Rascal et Louis Joos, paru en 1992 aux éditions Pastel, se présente comme un carnet de croquis de type Annonay à la taille d’un carton à dessin. Quelques représentations d’autocollants évoquent le voyage en bateau, et le nom des compagnies (White Star Line, Lloyd). Des ports escales (Southampton et New York) suggèrent qu’il sera question d’un voyage à bord du Titanic dont le nom ne sera jamais précisé par ailleurs. L’auteur du carnet est un artiste qui vient d’être engagé par la White Star Line pour peindre 1500 répliques en bois offertes aux passagers en souvenir « du voyage inaugural de plus grand paquebot du monde » (RASCAL, LOOS, p.4). Les images multiplient les portraits des divers occupants du paquebot (passagers, équipage, mécaniciens, musiciens).

Fig.4 : RASCAL, JOOS, p.38-39

On trouve quelques scènes de la vie à bord ou sur le quai : l’embarquement, l’entretien des ponts, la promenade des chiens,  la soirée inaugurale des premières classes, l’activité des cuisines, etc. Ces scènes rendent compte du microcosme qui s’est créé à bord, image de la société hiérarchisée (pour ne pas dire de « classes ») qui existe « à terre ». Certains décors extérieurs et intérieurs sont traités comme des paysages.

Fig.5 : RASCAL, JOOS, p.18-19

Escales est également une hybridation artistique. Différentes techniques graphiques sont utilisées : le rough, le fusain, l’aquarelle, le pastel, le lavis, l’encre de Chine. Tout est là pour faire penser que les dessins ont été faits sur le vif. De la même manière, le texte manuscrit semble remplir graphiquement les vides. Les notes au crayon de papier prises sur l’instant se différencient des notes à l’encre ajoutées ultérieurement.

Le texte est à la fois descriptif mais également intime. Il donne des précisions sur ce que le narrateur a vécu dans la journée et représenté. Il livre certaines impressions, quelques sentiments perçus :

Je n’ai jamais gagné la sagesse promise au fil des ans.

Cette prudence de vieillards.

L’après-midi, je suis allé souhaiter le bonjour à Elia et son oncle (il supporte assez mal la traversée).

J’ai promis à Elia une balade sur la proue du navire. (RASCAL, JOOS, p. 34)

À quelque chose près, tous les éléments vus plus haut pour les carnets de Delacroix sont présents dans Escales. La différence fondamentale et sur laquelle nous reviendrons plus tard est que l’album de Rascal et Joos est « à la fois un article manufacturé et un produit commercial[4] » Il s’adresse donc à un public qu’il s’agit de faire « monter à bord du Titanic ».

Fig.6 : couverture du Grand Livre des peurs

En 2007, l’auteure britannique Emily Gravett fait paraître aux éditions Mac Millan puis Kaléidoscope, pour sa traduction, un ouvrage particulièrement intéressant tant par sa démarche artistique que par sa thématique. Il s’agit d’un livre intitulé Le Grand Livre des peurs (Big Book of Fears) qui semblerait, à première vue, s’éloigner d’un intérêt géographique. La narratrice, qui s’avère être une souris, y fait l’inventaire de toutes les peurs qu’elle a pu rencontrer. En cela, l’ouvrage se fond à un type de carnets intimes que Pascale Argod nomme « psychologiques ». Le voyage, ici, réside dans un voyage intime au pays des peurs et c’est là qu’il prend une dimension toute géographique.

Fig.7 : GRAVETT, 2007, p.22-23

Aux pages 22-23, il y ait question de ce qu’Emily Gravett appelle la « whereamIphobia » (la peur d’être perdu). Une carte, fac-simile d’une carte routière anglaise, est collée, invitant le lecteur à la déplier. Cette carte est celle de l’île des Frayeurs. Les différents symptômes de la peur sont cartographiés sur un territoire qui prend la forme d’une souris debout. La carte joue d’ailleurs avec les trois dimensions dans la mesure où les repères topologiques du plan horizontal sont mêlés à ceux, topographiques, du plan vertical. Au nord de la carte correspond par exemple des altitudes élevées mentionnées sur le rebord de la carte : la latitude correspond au niveau par rapport à celui du sol, les différents parallèles correspondent à des altitudes de plus en plus élevées (un peu plus haut, grand, point d’inconfort, j’veux descendre !, Aaaaaah, Trop haut, trop haut, collé). Sans rentrer dans le détail de la carte, la légende donne en figurés les différentes peurs présentées dans l’album et en aplats de couleur un gradient de l’intensité de ces peurs allant du « fébrile » au « pétrifié ».

Fig. 8 : carte des Peurs

Au dos de la carte, la narratrice a tracé un plan et noté quelques indications jouant une nouvelle fois avec la peur de se perdre. Sur cette carte mentale, des flèches ont été ajoutées dans tous les sens ainsi qu’un certain nombre de mises en garde : « Rappelle-toi, le rouge veut dire arrête-toi ! », « Si tu arrives jusqu’ici c’est que tu es allé trop loin ! »…

Fig.9 : GRAVETT, p.12-13

L’objet album prend la forme d’un cahier dont les pages ont été grignotées. Artistiquement, l’auteure joue avec les techniques du scrapbooking (collimage ou créacollage en français). Sur des fonds de pages de cahier, on y trouve du crayonné (rough), des tâches d’encre et de graphite, mais surtout beaucoup de collages ou d’agrafages de publicités, d’extraits de journaux, de photographies, de partitions, d’extraits de magasines. Ces différents collages réunissent dans le même espace de l’album/carnet de voyage intime, des medias très divers : la carte postale, l’affiche et le catalogue publicitaire, la presse, le polaroïd, la musique, la carte.

Dans les années 1970, l’artiste-voyageur Peter Beard, pour rendre-compte de ses nombreux voyages en Afrique, avait été le précurseur du carnet de voyage au croisement de la photographie, du collage, du photomontage et du journal intime. L’ouvrage d’Emily Gravett se situe donc au croisement du livre-objet apparu dans les années 1960 et du scrapbook des années 1980. Pour Pascale Argod, ces procédés techniques poussent le carnet de voyage au paroxysme de ce que Jürgen Müller[5] nomme l’intermédialité, mettant en interaction le maximum de medias différents.

[L’intermédialité est le ] fait qu’un media recèle en soi des structures et des possibilités d’un ou de plusieurs autres médias et qu’il intègre à son propre contexte des questions, des concepts et des principes qui se sont développés au cours de l’histoire sociale et technologique des médias et de l’art figuratif occidental.[6]

II, L’album pour enfants et le carnet de voyage : Des récits d’espaces

Hybride et intermédiatique, le carnet de voyage dans l’album pour enfants est aussi à envisager comme « l’album d’une Odyssée personnelle », selon les mots de Pascale Argod. Mêlant des observations ethnographiques et géographiques, les albums du corpus sont des « récits d’espace », pour réutiliser l’expression de Michel de Certeau.

Dans Escales, pour continuer avec cet album, le lecteur est invité à embarquer avec le narrateur et à investir des espaces tridimensionnels de différentes échelles. D’une part, nous entamons une traversée de l’Atlantique qui s’achève brutalement dans les eaux glacées nordiques. Au fil du journal, nous appareillons de Southampton le mercredi 10 avril 1912 à 12h00, nous faisons escale à Cherbourg vers 18h30, nous atteignons Queenstown en Irlande le jeudi 11 à 13h30. Le dimanche 14, nous entrons « dans le vent glacial de l’Atlantique Nord ».

Mais d’autre part, nous sommes amenés à nous déplacer dans le paquebot entre les ponts de première classe, de deuxième classe et de troisième classe, des cuisines, aux différents salons, aux promenades. Cette visite des lieux n’est plus localisée sur un plan horizontal mais vertical ici.

Dans  6 cas sur 17, les albums du corpus ne prennent pas la forme globale d’un carnet de voyage mais  intègrent des pages qui jouent avec le genre « carnet de voyage ».

Fig.10 : SIS, 1998, couverture de Tibet

C’est le cas de Tibet, les secrets d’une boîte rouge de Peter Sis. Un premier niveau de lecture de cet album est celui du carnet de voyage laissé par un père à son fils qui constitue le niveau de base de l’ensemble de l’album. C’est à partir des notes retrouvées dans le carnet que le passé remonte à la surface et que le souvenir se construit en récit. Les pages qui sont sensées reproduire celles du carnet d’origine prennent l’apparence du papier jauni et reviennent régulièrement à l’intérieur de l’album. En deux double-pages, elles introduisent à chaque fois une histoire dans laquelle la réalité et la fiction s’entremêlent : d’abord celle de l’enfant aux clochettes, puis celle du Yéti, ensuite celle des poissons du lac bleu et enfin celle du Potala.

Fig.11 : SIS, 1998, p.6-7

Les deux premières double-page (pp.6-7) donnent le ton. La page de gauche qui sert de fond perdu à la boîte rouge ouverte prend l’aspect d’un vieux papier jauni, oxydé à certains endroits. D’emblée, le lecteur est invité à  remonter le temps. Avec le narrateur, il a ouvert la boîte « avec une clé rouillée », cette « tombe de souvenirs enfouis dans une odeur sucrée de miel, de colophane et de bois de santal… » Le texte qui accompagne cette page ajoute à l’image du temps qui vieillit tout, l’odeur des voyages passés. À la page suivante, les pages du carnet, « comme des feuilles d’automne desséchées » (SIS, 1998, p.6) et dont on nous dit qu’elles tiennent à peine ensemble, sont disposées de façon à former un quadrillage. À travers les notes et dessins de ces pages, on devine en surimpression ou en sous-impression quelques objets à l’encre rouge (rose des vents, labyrinthe, roues, échafaudages…). Le papier jauni qui sert de fond prend alors l’aspect d’un palimpseste insistant sur l’idée du temps qui a fait s’ajouter et se superposer les traces les plus diverses. Les objets représentés concourent eux-mêmes à cette idée (la roue de la vie, le labyrinthe).

Ces pages qui font allusion au carnet de voyage propulsent le lecteur à la fois dans le temps et hors du temps. Dans le fil de l’album tout entier, ces césures créent des instants où le temps semble s’arrêter sur des moments du passé renvoyant aux moments de la prise de notes du propriétaire du carnet. La rédaction fractionnée du carnet de voyage demande à son auteur des moments d’isolement, de retour sur soi, sur les moments vécus. Tout se passe comme si pendant ces moments, ponctuels, l’auteur s’affranchit de l’espace et du temps.

Tout se passe également, comme si Peter Sis, pendant ces pages-carnets, s’affranchissait également des règles du livre-album qu’il débute par l’histoire du carnet et de sa propre histoire. En effet, il serait aisé ici de paraphraser le poète Alphonse de Lamartine qui, préfaçant la publication de ses carnets de Voyage en Orient en 1835, écrivait ceci :

Ceci n’est ni un livre, ni un voyage ; je n’ai jamais pensé à écrire l’un ou l’autre. […] Rentré en Europe, j’aurais pu sans doute revoir ces fragments d’impressions, les réunir, les proportionner, les composer, et faire un voyage comme un autre. Mais, je l’ai déjà dit, un voyage à écrire n’était pas dans ma pensée.[7]

Le carnet de voyage est un récit de voyage particulier : il ne possède aucune organisation préalable, l’écriture s’y fait au fil des idées, des sensations, des sentiments. Les pages collectent et rassemblent pêle-mêle des éléments pris ici et là pendant le voyage. C’est ce que nous pouvons constater à la page 7 de Tibet, en avant-propos, et ce que nous découvrons dans toutes les autres pages composées de textes écrits à la main, de ratures (p.45), de notes manuscrites ou marginales, tapées à la machines, de croquis, de dessins, de photographies sépia collées. Cette non-organisation de la double-page produit deux effets. D’un côté, elle aurait tendance à substituer à la vérité générale, qui pourrait être énoncée dans un récit « construit » après coup, l’authenticité d’expériences vécues par un individu en particulier[8]. D’un autre côté la juxtaposition de ces différents éléments fait sens et tente de recréer l’atmosphère du voyage.

Fig.12 : SIS, 1998, p.16-17

Si le livre est destiné à un public, les notes du carnet ne s’adressent à personne en particulier. Elles sont, selon Lamartine, « le regard écrit », « le coup d’œil d’un passager assis sur son chameau ou sur le pont de son navire, qui voit fuir des paysages devant lui, et qui, pour s’en souvenir le lendemain, jette quelques coups de crayon sans couleur sur les pages de son journal ». Dans les double-pages, on trouve ainsi la trace de deux auteurs.

Fig.13 : SIS, 1998, p.44-45

Dans la page 45, par exemple, on trouve, d’une part, les notes prises par Vladimir Sis s’adressant le plus souvent à lui-même :

Je repense aux hivers d’autrefois quand ma grand-mère me réveillait pour l’école.

Ou bien, il écrit machinalement ce qu’il voit sans penser à un interlocuteur précis :

Un village de stupas – rouge, blanc et noir- et des lamas qui s’y promènent en liberté.

Quelques notes marginales, s’adressent à son fils :

Peter, on utilise la même sorte de bateaux que les vieux Babyloniens !

D’autre part, Peter Sis a lui-même annoté certains passages du carnet. La typographie utilisée est très clairement identifiable car tapée à la machine :

(Après ce passage, une demi-page du journal a été effacée en 1956.)

Lorsqu’en 1835, Lamartine dans ses carnets d’Orient indiquait qu’il ne s’agissait pas d’un « voyage », il entendait par là ne pas vouloir marcher sur les traces de voyageurs précédents. Il se présentait alors comme un « explorateur » découvrant de nouveaux espaces. C’est également ainsi que se présente Vladimir Sis à la page 23 :

D’après la carte que le garçon a laissée, nous sommes au « Tibett ». Si c’est cela le Tibet, c’est extraordinaire. Je me souviens vaguement d’histoires que j’ai lues dans les magazines illustrés, à propos d’un pays interdit et de ses monastères à l’allure de châteaux cachés dans les montagnes. À ma connaissance, jamais un Tchèque n’est encore venu ici. (SIS, 199, p.23)

Son regard l’amène à découvrir des espaces qu’il n’a jamais vus ailleurs. À travers quelques lignes, nous observons comment le pays montagneux de l’Himalaya qui lui est placé sous les yeux se transforme peu à peu en paysage.

Où que l’on regarde, on voit des montagnes. Elles ressemblent aux tuyaux d’orgue des églises d’Europe – d’interminables tuyaux d’orgue. (SIS, 1998, p.23)

À l’instar du philosophe Alain Roger, nous serions tenté de dire que Vladimir Sis, en pénétrant sur des espaces qui n’ont pas encore été médiatisés, est plus « dépaysagisé » que dépaysé. La perception qu’il a du pays ne trouve aucune référence à des paysages qui lui sont familiers, en revanche elle se réfère immédiatement à sa culture artistique : le massif himalayen le renvoie à l’image des orgues des églises d’Europe. Alain Roger, en citant Montaigne[9], parle d’artialisation de la nature. Par ce processus, le pays devient paysage et peu à peu l’observateur « s’empayse », faisant peu à peu partie du décor qui lui était initialement étranger.

Fig.14 : SIS, Couverture de L’Arbre de la Vie

Dans L’Arbre de la Vie, paru en 2003, Peter Sis a encore recours aux procédés du carnet de voyage dans quatorze pages (pp.12 à 25) de son album, dédié entièrement à la vie et l’œuvre de Charles Darwin. Ces pages lui servent à présenter l’expédition autour du monde à bord du Beagle qui se déroula entre le 27 décembre 1831 et le 2 octobre 1836.

Fig.15 : SIS, 2003, p.12-13

La première double-page, sur un papier quadrillé jauni, est consacrée aux préparatifs du départ : Charles Darwin vient de recevoir du botaniste, le professeur John Henslow, son mentor, la proposition d’accompagner le capitaine Fitz-Roy « que le gouvernement a chargé d’une mission cartographique au sud du continent américain » (SIS, 2003, p.12). La principale préoccupation de Darwin est alors de convaincre son père de le laisser partir. Les blocs de texte et les images gravitent autour de l’image du Beagle sans une réelle logique de lecture. Le lecteur se laisse aller à la divagation dans la double-page ce qui exprime assez bien le temps relativement long de tergiversation avant que le Docteur Darwin ne donne son autorisation.

Fig.16 : SIS, 2003, p.14-15

La double-page suivante rend compte du voyage depuis l’Angleterre jusqu’au Brésil et de la vie à bord. Six paysages montrent le Beagle approchant les côtes des différents ports d’escale : Madère et le Cap-Vert, d’un côté de l’Atlantique sur la page de gauche ; les Rochers de Saint-Paul et Bahia, de l’autre côté de l’Atlantique, sur la page de droite. La dernière vignette de la page de gauche évoque la haute mer et le passage de l’équateur ; la dernière de la page de droite, l’expédition en terres fermes. L’ensemble de ces images gravitent cette fois-ci autour de deux plans du Beagle faisant ainsi référence à la vie à bord pendant cette première partie du trajet.

Fig.17 : SIS, 2003, p.16-17

Dans les deux double-pages qui suivent, Sis reproduit les pages du pseudo-carnet de voyage du naturaliste Charles Darwin. Faune, Flore, comportements ethniques, notes journalières : tout ici renvoie à ce que nous avons déjà dit du carnet de voyage. Huit pages extraites du carnet flottent au-dessus d’une ligne d’horizon tirée entre ciel et mer.

Fig.18 : SIS, 2003, p.18-19

Avec la tourne de page, les notes semblent s’intensifier et se diversifier. Nous passons de huit à trente-deux pages qui occupent l’espace entier de la double-planche. Inspiré par l’exemplaire de Voyages d’Alexander Von Humboldt que Henslow lui a fourni avant de partir, Darwin diversifie ses notes et y inclut des croquis de paysages, des observations ethnologiques.

Fig.19 : SIS, 2003, p.20-21

Comme une transition, le planisphère qui occupe les pages 20-21 accélère le rythme de la narration. Nous quittons le Brésil et nous voyons d’un seul coup tout le périple effectué par le Beagle. Le voyage que vient déjà de réaliser Darwin est en train de l’éclairer sur le monde. À la phrase, sur le côté gauche : « Les livres dont je dispose ne me renseignent guère, et ce que j’y trouve, je ne peux pas l’appliquer à ce que je vois… » ; celle située sur le côté droit semble répondre : « La carte du monde n’est plus blanche ; elle se remplit des figures les plus variées et les plus animées. » Comment un géographe pourrait-il interpréter cela ? C’est bien la pratique de l’espace qui permet à cet espace d’exister, et pour nous lecteur, c’est le récit, iconotextuel dans le cas de l’album, que l’on nous fait de cet espace qui nous permet de le rendre réel. Paraphrasant Michel de Certeau, nous pourrions dire que ce qui créé l’espace c’est le récit :

Dans l’Athènes d’aujourd’hui, les transports en commun s’appellent metaphorai. […] Les récits pourraient également porter ce beau nom : chaque jour, ils traversent et ils organisent des lieux ; ils les sélectionnent et les relient ensemble ; ils en font des phrases et des itinéraires. Ce sont des parcours d’espaces.[10]

Le travail de François Place mené sur quatre années (de 1996 à 2000) dans l’Atlas des géographes d’Orbae fait régulièrement référence au genre « récit de voyage » (4 sur les 26 histoires que compte la globalité des trois volumes[11]), réitérant avec la démarche de son premier album Les Derniers Géants (1992).  Dans sa macrostructure, l’Atlas des géographes d’Orbae est conçu comme une architecture géopoétique[12] qui permet de penser un monde élaboré, fini et descriptible, bâti autour des lettres de l’alphabet, renouant ainsi avec le voyage odysséen.

Dans sa microstructure, chaque histoire relatant un territoire particulier est élaborée selon des principes réguliers. Le récit s’ouvre sur une lettrine cartographique, le nom du pays et un avertissement au lecteur. Suit un incipit qui laisse une large part à l’image puisque le texte, lancé par la représentation isolée d’un élément repère, se lit en écho avec le grand panoramique qui l’accompagne dans lequel le lecteur va s’aventurer et retrouver en espace les éléments mis en scène par les mots. Le récit se clôt enfin, après une alternance régulière du texte et de l’image, sur une double-page de croquis légendés, sorte de « carnet de voyage » du monde qui se ferme, reprenant des éléments présents dans le récit ou le complétant. Cette double-page constitue pour François Place un élément facilitateur et incitateur, au même titre que la carte en début de l’histoire. C’est ce qu’il appelle lui-même un « attrape-lecteurs »[13] de ces récits d’espace « en kits ». Il appartient donc aux lecteurs de remettre du sens dans les notes disposées sur cette double-page pour finalement re-créer ou re-construire l’espace parcouru.

Fig.20 : WHEATLEY, RAWLIND, 1987, couverture

Pour clore cette deuxième partie, je serai tenté d’évoquer le cas d’un album australien, non traduit à ce jour en français, au titre très géographique : My Place. L’ouvrage raconte l’histoire d’une maison située dans une ville australienne.

Fig.21 : WHEATLEY, RAWLINS, 1987, p. 10-11

La forme des double-page reprend ce que nous avons déjà vu du carnet de voyage : crayonné, dessins, croquis et plans disposés pêle-mêle sur la page, blocs de texte qui semblent remplir des vides, récit à la première personne. Le voyage proposé par Nadia Wheatley et Donna Rawlins est ici un voyage dans le temps qui permet de rendre compte des transformations d’un même lieu où se sont succédées des générations de colons européens.

Fig.22 : WHEATLEY, RAWLINS, 1987, p. 22-23

Le voyage remonte le temps depuis 1988 jusqu’en 1788 où le lieu était propriété des Aborigènes. Le narrateur change à chaque double-page : il est toujours l’enfant des occupants du lieu (maison, ferme, cabane, hutte). Les différents paysages mis en relation avec les plans ou cartes mentales du lieu permettent au lecteur d’apprécier les transformations.

Fig.23 : WHEATLEY, RAWLINS, 1987, p. 4-5

Il est toujours question d’un récit d’espaces… mais cette fois-ci dans le temps. Le genre « carnet de voyage » semble encore faciliter et inciter au voyage.

III, Carnet de voyage ou guide touristique ? Un journal de l’extime

En 2001, Anne-Laure Witschger réalise chez Seuil Jeunesse un album intitulé Voyage au Sénégal qui est sensé retracer le voyage de Corinne, une jeune parisienne, qui rencontre Marie, standardiste à Dakar, une « femme moderne sénégalaise ».

Fig.24 : WITSCHGER, 2001, couverture

Cette nouvelle amitié lui permet de découvrir le pays de l’intérieur d’en transmettre une image qui se veut fidèle. Dans un style graphique qui rappelle les dessins d’enseignes africaines, Anne-laure Witscher incorpore dans son carnet de voyage des cartes, des personnages, des scènes de la vie quotidienne, des collages qui apportent une touche de réalisme. L’album semble séduire un lectorat important puisque Seuil Jeunesse exploite le « filon » en demandant à Anne-Laure Witschger de renouveler le même travail en 2002 avec Voyage au Portugal, en 2004 avec Voyage à la Réunion et en Grèce et en 2005 avec Voyage en Islande.

Fig.25 : WITSCHGER, 2001, p. 16-17

Le genre « carnet de voyage » est alors en plein essor dans la littérature jeunesse. Si le récit est de la fiction, les destinations sont des destinations que l’on pourrait qualifier de « touristiques ». La question est donc de savoir ce qui est montré et comment il est montré ? Le genre « carnet de voyage » qui jusque-là concernait des relations d’explorations, de découvertes glisserait-il vers le guide touristique. Dans Voyage au Sénégal, l’auteure montre les différents modes de transports, les différents petits métiers, évoque les secrets de beauté des femmes sénégalaises, s’intéresse à la faune, à l’architecture, aux musiques et aux recettes de cuisine. Ce qui est montré ce sont alors des objets culturels stéréotypés qui renvoient à l’exotisme recherché par une lecteur-touriste. Ce qu’il trouve dans l’album sont des formes rassurantes, « euphorisantes » dirait Yves Winkin[14], d’un pays étranger dont on a déjà quelques idées préconçues. Il n’est pas question de montrer les dures réalités économiques de l’Afrique, d’analyser les impacts écologiques de la pollution entraînée par un trafic urbain composé de véhicules déclassés en provenance de l’Europe… La série des albums Voyage d’Anne-Laure Witschger est là pour produire de l’enchantement en se rapportant à des lieux et des paysages aux couleurs vives « dans l’intention de créer chez ceux qui les fréquentent un état de permanence euphorique » (WINKIN, 1996, p.216). Tout se passe comme, si tout n’était que « fun, fantasy and food »[15].

Si la forme « carnet de voyage » apporte à cet album la touche d’exotisme, l’incitation au voyage, elle, n’en retire pas moins son côté « guide touristique » :

[…] le guide est le double du touriste : il est celui qui non seulement médie le regard du touriste, s’interpose entre celui-ci et la réalité, mais encore participe activement à la construction de cette réalité, en fournissant à son « client » des cadres de perception et des signes d’accréditation de l’univers qu’il découvre. (WINKIN, 1996, p.222)

Alors, une question se pose d’emblée : qu’est-ce qui peut différencier le voyageur du touriste ? le carnet de voyage du guide touristique ? La réponse à ces interrogations pourrait se trouver chez Jean-Didier Urbain[16] et le « syndrome d’Armstrong », le fantasme du premier piéton lunaire, qui est omniprésent dans les premiers carnets de voyage dont nous avons parlés.

C’est ce vécu fantastique du voyage qui permet précisément au voyageur de s’élever au stade quasi démiurgique du Grand Témoin ; ou, du moins, d’en revendiquer le prestige du rôle. […] Elle fait de lui un observateur supérieur, un découvreur, un révélateur du réel. Le touriste, lui, ne peut être qu’un spectateur ; et le tourisme, qu’une parodie d’exploration qui ne révèle rien ! (URBAIN, 1991, p.77)

Le « syndrome d’Armstrong » serait donc un révélateur du réel. Chez tous ces explorateurs, le voyage et la découverte d’un espace nouveau transforme leur vision du monde mais également leur vision d’eux-mêmes. L’explorateur sort transformé de son voyage, il révèle une réalité qui dormait en lui jusque là.

Fig.26 : couverture de GUYENNON-DUCHENE, 1994

En comparaison, l’artiste plasticienne Claudie Guyennon-Duchêne avait fait paraître en 1994, le carnet d’un voyage qu’elle avait effectué au Togo en 1992. D’un petit format, plus conforme au « carnet », ce n’est pas l’Afrique offerte à tout un chacun qu’elle donne à découvrir mais celle d’une réalité crue qui fait cohabiter couleurs chatoyantes, dessins naïfs et « rats de garenne », « soldats gras, haineux et teigneux comme des chiens fous », parcours dans le marché de Kara et visite chez le sorcier Napo Tchapo…

Fig.27 : GUYENNON-DUCHENE, 1992, p.10-11

Si, pour terminer notre analyse d’Escales, nous nous attachons au cheminement intime du narrateur, nous constatons que le voyage inaugural auquel il appartient lui donne l’occasion à différents moments de revenir sur sa vie et de tenter une réconciliation intérieure et intime avec son père.

Dans les premières pages du « carnet », le narrateur écrit, page 5 : « Cela fait bien longtemps que je ne t’ai écrit, papa. Je ne t’ai jamais vraiment oublié. Tu as toujours eu ta place au fond de mon cœur. »

Avant de partir, entraîné vers les fonds abyssaux par le naufrage, sa dernière pensée est encore pour son père : « Et l’eau froide viendra me chercher jusqu’au ventre du navire et éteindra bientôt mon cœur de cendre. Tu te rappelles papa ce que tu me disais quand j’étais petit… « À tout donner, tu vas brûler comme les étoiles, petit, tu finiras comme les étoiles » ». Le carnet devient ici un « journal extime[17] » : les pensées les plus intimes, tout ce qu’il n’a très probablement jamais pu être dit, se trouvent notées dans l’espoir sans doute d’être lues… un jour. L’extimité, dont parle Jacques Lacan, définie par Serge Tisseron comme étant une « mouvement qui pousse chacun à mettre en avant une partie de sa vie intime, autant physique que psychologique », est un élément qui semble constitutif du genre « carnet de voyage » conçu pour la publication.

Dans Tibet, les secrets d’une boîte rouge, Peter Sis montre combien le voyage vers Lhassa a transformé son père, l’a en quelque sorte transcendé. Ainsi, à la page 12, le peuple tibétain et la construction de la route par les Chinois sont présentés de la manière suivante :

La grande route donnera accès à une région du fin fond de la Chine, habitée par un peuple primitif que dirigent des « Moines Noirs ». Cette région s’appelle « La Montagne Obscure »… La route amènera des médicaments, l’information et la civilisation, et va ouvrir ce monde au vingtième siècle. […]  On entend parler sans cesse de bandes de brigands dans ces montagnes. (SIS, 1998, p.12)

Quelques pages plus loin et après plusieurs jours de marche dans l’Himalaya et la rencontre du peuple qui l’habite, Vladimir Sis écrit ceci :

Nous continuons notre périple dans les montagnes vers Lhassa… Les gens que nous rencontrons sont doux et serviables… Grand sens de l’humour. [...] Nous n’avons toujours pas rencontré de moines tyranniques ni de brigands. (SIS, 1995, p.33)

J’éprouve la nécessité urgente d’arriver au Potala pour prévenir le Dalaï-Lama. La construction de la route est vraiment un exploit. Mais, même si elle apporte des hôpitaux, l’électricité et la technique, de petites routes conduiront au lac, à la vallée des yétis, aux grottes et aux monastères. Que va-t-elle enlever ? Elle risque de prendre plus de choses qu’elle n’en apporte. Je dois expliquer tout cela à l’Enfant-Roi pour qu’il comprenne ce que ça signifie. Je dois le faire comprendre à mes étudiants. (SIS, 1998, p.43)

On le voit, le « voyage » à la rencontre du peuple tibétain a provoqué une prise de conscience chez le « voyageur ». Vladimir Sis qui, au début de son périple, était guidé par ce que le régime chinois lui avait dit des moines tibétains, du Dalaï-Lama et du bienfait que les Communistes souhaitaient apporter aux Tibétains contre leur gré, change progressivement. Cet éveil face à un endoctrinement insidieux est l’aboutissement d’un parcours spatial et d’un cheminement intérieur.

Fig.28 : SIS, 2003, p.24-25

La dernière page consacrée au pseudo-« carnet de voyage » tenu par Charles Darwin dans son expédition autour du monde montre le retour en Angleterre. Ce sont d’ailleurs les pages du carnet disposées en quinconce, et de plus en plus petites, qui reconduisent le narrateur à Falmouth en Cornouailles. La dernière note manuscrite de la page 25 indique :

L’expédition du Beagle fut de loin l’événement le plus important de ma vie, et s’avéra déterminante pour l’ensemble de ma carrière. C’st à ce voyage que je dois ma première éducation, ma première véritable formation intellectuelle. (SIS, 2003, p.25)

Peter SIS a utilisé l’insertion de ces pages du type « carnet de voyage » pour mettre en exergue cet épisode qui va bouleverser le cours de la vie de Charles Darwin : il ne sera pas médecin comme papa, il deviendra géologue puis le naturaliste que l’on sait dont les principales théories (l’origine des espèces) sont issues de cette expédition.

Fig.29 : SIS, 1993, p.26-27

Sis a recours au même procédé dans Petit Conte du Grand-Nord, paru en 1993, pour raconter d’une part la territorialisation quasi-coloniale de son personnage, Jan Welzl, dans les terres du Grand Nord canadien (pages 14-15) ; puis la découverte des Esquimaux, les nombreux échanges entre eux et Welzl (pages 26-27). Là encore il est question de rendre compte d’une prise de conscience : Jan Welzl est un anti-Christophe Colomb. Si, comme son lointain prédécesseur, Welzl est venu chercher de l’or dans le Klondike, il ne réduira pas

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