2017-03-01

Véronique Lamazou-Duplan, « Les Foix-Béarn-Navarre et leurs archives. Inventaires en question »

Véronique Lamazou-Duplan travaille sur la vie et les archives familiales à la fin du Moyen Âge. Elle a soutenu en 1994 une thèse sur Les oligarchies toulousaines : familles et sociétés (fin XIIIe-mi XVe siècle). Elle a porté le projet sur « Les cartulaires des rois de Navarre » (2008-2011) ; elle a ensuite dirigé et coordonné le programme « Signatures, écritures et pouvoirs autour de Gaston III comte de Foix dit Fébus », qui a abouti à la publication de l’ouvrage : Signé Fébus, comte de Foix, prince de Béarn. Marques personnelles, écrits et pouvoir autour de Gaston Fébus en 2014. Enfin, elle s’est occupée de la direction et de la coordination scientifique du programme « Archives de famille en Péninsule ibérique (fin XIIIe-début XVIIe siècle) » – ARCHIFAM porté par la Casa de Vélasquez. L’idée n’était pas de faire l’histoire des familles, mais de proposer l’étude de la mise en archives et de la constitution des archives familiales, pour savoir comment des documents sont devenus des archives, par le filtre de leur classement, leur sélection, leur transmission. Ces archives ont différents statuts et usages et ont un rôle dans la constitution des identités familiales. La question du rôle des processus de domination reste également à poser dans le cadre de cette étude des archives. (Voir sur le site de la Casa de Velázquez, l’onglet : Programmes achevés (quinquennal 2012-2016), « ARCHIFAM » :

http://www.casadevelazquez.org/recherche-scientifique/programmes/ecrits-archives-recits/archifam/archifam/presentation-generale/).

Les archives départementales des Pyrénées-Atlantiques disposent d’une belle série d’inventaires anciens des titres des Foix-Béarn-Navarre. Les plus anciens datent du XVe siècle (Foix) et du début du XVIe siècle (Béarn-Navarre). Au cours du précédent programme sur les cartulaires des rois de Navarre, ces inventaires avaient été sollicités dans le cadre de l’édition de ces cartulaires mais aussi pour la tenue d’une exposition regroupant pour la première fois depuis le Moyen Âge les cinq cartulaires conservés de part et d’autre des Pyrénées (conservation à Pampelune et à Pau). Le questionnement s’est alors déplacé depuis les cartulaires vers les inventaires, mais tous ces documents sont les témoins d’une mise en archive et d’une mise en ordre du royaume de Navarre. Dans leur cas, il est en effet nécessaire de tenir compte du contexte politique, administratif et familial.

Le programme, toujours en cours aujourd’hui, comporte plusieurs objectifs : en premier lieu, il s’agit d’éditer les inventaires inédits les plus anciens, objets en soi de cette étude, pour pallier les pertes de documents (liées notamment à un incendie survenu à Foix en 1803, à Pau en 1908 et à la disparition volontaire des documents les plus anciens). Une base de données a été conçue, relevant jusqu’aux systèmes de cotation anciens. Cela a permis de confronter les inventaires avec les documents originaux encore conservés. Les informations des inventaires sont en effet à croiser avec les autres documents (inventaires postérieurs, extraits du chartrier de Foix transférés à Paris sous Louis XIV, documentation encore conservée en France, en Navarre, etc.) : il s’agit de confronter les pièces originales et les copies modernes présentes dans tous les fonds. Toutefois cette base de données a été inégalement alimentée : pour l’instant deux inventaires inédits du XVIe siècle ont été transcrits et saisis dans le cadre du contrat doctoral d’Alvaro Adot (Casa de Velázquez/UPPA), les trois inventaires de Foix sont en cours de transcription et de saisie (2 sur 3 sont déjà intégralement transcrits) ; G. Brunel avait aussi proposé une première étude sur la documentation du chartrier de Foix captée lors du règne de Louis XIV. Le projet vise l’intégration dans la base de plusieurs autres dossiers, notamment la layette « Navarre » du Trésor des Chartes ou encore trois inventaires de Foix pour le XVe siècle.

Le but de l’étude est d’étudier les inventaires d’un point de vue formel. Comment ont-ils été dressés ? Quelles sont les raisons d’être de ces inventaires ? Quelles sont les pratiques archivistiques qui ont accompagné les nombreuses cotations et recotations des archives de cette famille aux nombreuses lignées parallèles ?

Le fonds principal est composé de plusieurs volumes : 1J 290 et E1 (inventaires du XVIe siècle qui ont déjà été intégrés à la base de données).

Les trois inventaires du chartrier de Foix du XVe siècle sont actuellement en cours d’étude (le plus ancien, totalement inédit, a été entièrement transcrit, le deuxième est actuellement en cours de transcription et une comparaison entre les deux est en cours ; s’y ajoute un inventaire des archives du château de Castelbon, intégralement transcrit par Jean-Pierre Barraqué († 2013)).

La série des inventaires médiévaux et modernes sera d’abord présentée…

… avant de parler des trois inventaires de Foix du XVesiècle en présentant les premiers résultats (notamment l’inventaire E 391, totalement inédit et du tout début du XVe siècle).

Ce plan en deux parties permettra de comprendre comment ces archives ont été organisées. Sont-elles un « Trésor », terme utilisé dans les documents eux-mêmes ? Sont-elles régulièrement consultées ou sont-elles mises à l’abri ? Comment participent-elles à la constitution d’une mémoire familiale ?

Le petit Trésor des chartes de Pau

Quand on parle de « Trésor », on fait référence au Trésor des chartes des rois de France, conservé aux Archives nationales (voir à ce propos la contribution de Yann Potin du 9 décembre 2016). Dans le fonds des Foix-Béarn-Navarre, ce terme désigne des inventaires anciens datant de la fin du Moyen-Âge et de l’époque moderne qui permettent une entrée vers les documents répartis des deux côtés des Pyrénées, c’est-à-dire dans les domaines des Foix-Béarn alliés aux rois de Navarre et aux Albret. Il apparaît clairement que le chartrier, désigné dès le XVe siècle par le terme de Trésor, est organisé dès le Moyen Âge et que l’on peut observer des liens clairs entre les inventaires et les originaux, dispersés dans les différents lieux de conservation du/des chartrier(s).

En effet, après l’alliance des Foix-Béarn à la fin du XIIIe siècle, en 1484, Catherine de Foix-Béarn, héritière de la famille des Foix-Béarn-Navarre, fille de Gaston IV de Foix, mariée à l’héritier des Albret, Jean, règne sur le royaume de Navarre. Ces familles ont des alliances et des possessions des deux côtés des Pyrénées. Ici, le changement de statut de la famille des Foix-Béarn a un impact sur le rapport aux archives, on passe en effet d’un chartrier d’une grande famille aristocratique à celui d’une famille de rang « royal ». Au début du XVIe siècle, en 1512, lorsque Ferdinand roi d’Aragon prend le contrôle de la Navarre, Catherine de Foix et Jean d’Albret se réfugient à Pau : ils restent alors rois de Navarre, mais de la « petite Navarre » (ou Basse-Navarre). Les inventaires anciens sont répartis entre les châteaux de la famille, à Foix ou à Pau, ou dans les archives des familles alliées. Cet éparpillement est lié à celui des domaines, mais ce n’est pas l’anarchie. Ils sont répartis en fonction des éléments prouvant la parenté ou les droits pesant sur une principauté composite. Les inventaires conservés à présent à Pau se situent donc hors de leur contexte de production, puisqu’ils sont séparés des chartriers auxquels ils étaient liés.

Ces inventaires sont quasiment tous inédits, sauf les deux documents suivants :

E 392 (rédigé au milieu XVesiècle). Cet inventaire est bien connu car il contient également la Chronique des comtes de Foix (qui occupe les 26 premiers folios sur 334). Le texte de la Chronique a été édité par Hélène Biu ;

E2 (rédigé entre 1686-1689). Il s’agit d’un document particulièrement lisible, utilisé par les érudits depuis longtemps (en ligne sur le site web des Archives départementales des Pyrénées atlantiques).

Les autres inventaires sont restés dans l’ombre car jugés peu fiables, mal écrits et obsolètes par rapport à l’inventaire du XIXe siècle. Ces inventaires sont rassemblés dans la série E, mais c’est un effet de sources qui repose sur la logique organisationnelle de Paul Raymond qui a mis en place l’inventaire de la série E des archives départementales entre 1867-1873. La série E s’appuie sur les archives de la famille royale de Navarre et les grands fiefs possédés : les archives sont actuellement classées selon un classement par fief, sans que cela reflète la réalisation originelle du classement. La logique de l’inventaire de Paul Raymond s’oppose alors à la logique primitive que l’historien peut cependant restituer grâce aux mentions archivistiques et aux inventaires. Les premières cotes de l’inventaire de la série E correspondent aux archives déposées au château de Pau : E1 est un inventaire de ces archives conservées dans le lieu central du domaine des Foix-Béarn. Ce registre, daté dans l’inventaire de Paul Raymond de 1609, a en réalité été établi à partir du début des années 1580 (vers 1584) avec des ajouts jusqu’en 1609 ; il contient, parfois, des mentions de déplacements des pièces, ce qui en fait un guide particulièrement précis pour l’étude des archives. Les inventaires E2 à E9 sont des inventaires aux objets variés, réalisés lors d’une campagne sous Louis XIV (1686-1689). Viennent ensuite les domaines de la famille royale par ordre alphabétique, la lettre A correspondant aux Albret (six inventaires d’archives, avec les titres et les meubles), F aux Foix, P au Périgord, etc. Le fonds Périgord contient des inventaires des archives et des titres. Les inventaires des titres des comtes de Foix sont cotés E391, E392 et E393. On trouve également, classé dans série 1J, un inventaire dressé en 1533-1544 sous Henri II d’Albret (1J290) (cf. Anne Goulet etSusana Herreros Lopetegui) : ce document a eu un parcours complexe, sorti du chartrier princier il n’a été retrouvé et reversé dans le Trésor des chartes de Pau qu’au cours du XXe siècle.

Le classement de Paul Raymond, centré sur les archives de la famille de Navarre, écrase l’ensemble de l’organisation « active » des archives telle qu’elle pouvait l’être aux époques médiévale et moderne : les historiens ont pu démontrer que la branche béarnaise de la famille est connue pour un rapport à l’écrit précoce, aussi fort que dans le reste du domaine Foix-Béarn, ce qui n’apparaît plus en l’état du classement (il a existé un chartrier à Orthez, tout autant qu’à Foix puis à Pau). De même, pour la partie fuxéenne, si l’on reprend l’histoire de la famille, la famille de Foix-Béarn a l’antériorité sur celle de Navarre : il faut certainement penser que le chartrier de la famille de Foix avait une existence distincte du reste du chartrier « de Navarre ». Ses archives sont réparties entre les châteaux de Foix, de Castelbon et d’Orthez : les mentions dans les inventaires indiquent clairement que des documents ont été déplacés d’un site à l’autre ce qui oblige à penser les archives comme un objet « vivant ». La même démonstration pourrait être faite pour les Albret. Les archives de la famille de Navarre sont bien le résultat d’un long processus, l’aboutissement d’une longue évolution. Chaque chartrier n’est pas un isolat : il est en relation avec les autres chartriers des différents châteaux. Ces pièces bougent, peuvent être regroupées puis à nouveau dispersées : les documents sont également prêtés d’un lieu de conservation à un autre pour établir des copies, etc. Ces dépôts sont dispersés mais organisés. Les différents inventaires les lient entre eux. Il faut donc reprendre le contexte de leur réalisation et des raisons qui ont amené à leur nécessaire rédaction.

Lorsque l’on étudie les inventaires du XVIe-XVIIe siècle (et notamment le E1), il apparaît que les documents médiévaux ne sont pas pris en compte, au contraire des inventaires de la fin du XVIIe siècle. Quelle est la raison d’une telle différence de traitement ? Le contexte est celui de la régence de Catherine de Bourbon, sœur d’Henri IV, sur la Navarre à partir de 1577. La campagne d’inventaires a pour objectif d’inventorier les archives pour en prendre connaissance et pour en prendre le contrôle, dans un contexte politique très particulier.

Le Trésor des Archives voisine le Trésor des pièces précieuses : tout comme on observe des transferts de documents, on observe également le déplacement d’objets précieux d’un lieu à un autre, d’un château à une autre résidence. Ce qu’il est intéressant de noter c’est le faible nombre de personnes attachées à ces tâches : il s’agit très souvent des mêmes individus qui produisent l’inventaire des objets et des archives.

Plus que de séries d’inventaires, il s’agit donc plutôt de « générations d’inventaires » car le terme évoque des points communs de contexte de réalisation et de conservation des documents, mais renvoie aussi à une idée de réfection cyclique des inventaires en fonction de nouveaux contextes, de nouvelles pratiques ou postulats.

Les trois inventaires de Foix : des inventaires faits dans un espace-temps donné.

Pour le début du XVe siècle, deux inventaires ont été conçus dans un laps de temps très proche : le plus ancien, E 391, date de 1403 et concerne les archives de Foix ; le suivant, E393, date de 1405 et concerne le château de Castelbon.

L’inventaire E 391 est un registre en papier in-4° de 121 feuillets (dont certains restés vierges). Il a été principalement réalisé en cinq mois durant l’année 1403 mais contient des ajouts régulièrement apportés jusqu’en 1412 puis, plus sporadiquement, jusqu’en 1429. Il a été rédigé sur l’ordre du comte de Foix dans le contexte créé par l’épineuse succession de Gaston Fébus, par un curé de Béarn (Bertrand d’Auga/Dauga) ; un notaire de Foix apparaît également à la fin du registre, rémunéré pour son travail de copie (Michel de Bernis). L’inventaire est rédigé en langue d’oc, avec seulement deux actes en latin. Il serait intéressant de solliciter des philologues (Hélène Biu par exemple) pour déterminer s’il s’agit d’une langue d’oc tournée vers le gascon (Béarn, d’où est originaire B. d’Auga) ou vers le languedocien (fuxéen, le chartrier inventorié est celui de Foix et le scribe est fuxéen). Au dernier folio, on trouve une double foliotation mais comme, lors de la reliure du XIXe siècle, il a été mal remonté et qu’il a été massicoté, nous ne pouvons pas déterminer s’il possédait une foliotation médiévale.

Cet inventaire de 1403 n’est pas le résultat de la première campagne de classement du fonds mais il correspond plus vraisemblablement à la révision et à la réorganisation des archives du château de Foix. Ce nouveau classement va de pair avec la livraison d’une armoire pour accueillir les archives et les documents conservés, le texte de l’inventaire permet sur ce point d’en restituer l’organisation. L’organisation des archives dans l’armoire correspond en effet à l’organisation des archives telle qu’elle apparaît dans l’inventaire : l’armoire comporte cinq soliers, divisés en trois caissons (quinze caissons au total), comprenant eux-mêmes trois caissettes : l’organisation des archives coïncide donc avec une organisation visuelle, pratique, du classement de l’inventaire « papier ».

Le contenu de cet inventaire est par ailleurs divers : les deux premiers folios contiennent une copie du mandement comtal par lequel le comte ordonne la révision du chartrier, la rédaction d’un inventaire des documents. On apprend qu’il existait deux inventaires : l’exemplaire personnel du comte, qui le suit dans ses déplacements, et un second qui restait au château de Foix. Suit un règlement des archives qui détaille comment extraire ou déposer un document dans le chartrier. Aux folios 2-90, se trouve l’inventaire des documents, puis à partir du feuillet 96 jusqu’à la fin du livre, un officier a compilé les entrées et sorties des documents.

Le manuscrit E 393 est l’inventaire des titres de Castelbon par le même curé béarnais, Bertrand d’Auga : il présente les mêmes caractéristiques formelles que le registre E 391. Il s’agit là aussi d’un registre in-4° de papier, mais de 41 feuillets seulement. Cet inventaire a été transporté à Foix, auprès du comte, et contient également, aux premiers feuillets, un règlement de l’organisation des archives. Là encore, une armoire à archives est également installée, comme on peut le constater dans une quittance de paiement de 1405 (Arch. dép. des Pyrénées atlantiques, E 423) dont les destinataires sont le curé déjà mentionné et les menuisiers qui ont réalisé l’armoire munie de ferrures et de serrures. À Foix comme à Castelbon, il faut deux à trois officiers comtaux pour ouvrir l’armoire : un tel partage des clés est typique de l’époque.

Des indices présents sur les documents laissent supposer l’existence d’une organisation plus ancienne (cf. mentions dorsales qui présentent des éléments de cotation). Cette organisation pourrait remonter à Gaston Fébus et peut-être à la régence de sa mère, Aliénor de Comminges. Depuis au moins le milieu du XIVe siècle, et de façon assurée depuis le principat de Gaston III, les archives des comtes de Foix avaient sans doute une réelle organisation. Au début du XVe siècle, elles sont réorganisées.

Ces deux registres du XVe siècle sont de format maniable, destinés à être lus et mis à jour soit par le comte, soit par des officiers, comme les ajouts postérieurs (jusqu’aux années 1420) le montrent. Les archives apparaissent comme des objets en mouvement (l’enregistrement des entrées et des sorties en est une claire représentation) : le début du XVe siècle est donc une période de rapport neuf aux archives, à leur usage et aux nécessités de les conserver.

Il faut cependant atténuer l’impression d’élan initiateur de la conservation des archives : aucun officier spécifique dédié à la garde des archives n’est nommé (le trésorier ou le notaire s’occupent de l’accès au chartrier). De même, l’inventaire de Castelbon ne comporte aucune mention marginale, pas d’enregistrement des entrées et sorties des documents : on peut donc supposer qu’il est très vite devenu un registre fossile, déplacé à Foix et déconnecté du chartrier de Castelbon. Enfin, si l’inventaire de Foix a bien enregistré le mouvement des pièces jusqu’aux années 1420 et signale l’existence d’un chartrier vivant par des ajouts, les recherches, les restitutions de pièces apparaissent surtout entre 1404 et 1412, puis de manière plus épisodique : l’arrêt de la mise à jour de l’inventaire donne l’impression d’un projet d’archivage abandonné.

C’est probablement pour cette raison qu’en 1445, un second inventaire des titres du château de Foix est mis en place par un mandement de la comtesse de Foix, sous la responsabilité de Michel de Bernis (l’actuel E 392). Cette fois-ci il s’agit d’un registre monumental (in folio en papier de 334 feuillets), un registre de prestige plus qu’un registre de travail (il s’agit d’ailleurs d’un objet physiquement pesant). Il s’ouvre par la Chronique des comtes de Foix, véritable panégyrique (H. Biu) qui met en perspective les pièces d’archive inventoriées et sélectionnées pour reconstituer la mémoire du lignage familial. Il sert de fabrique à un lignage idéal à travers une mise en page qui joue également le rôle de mise en scène. Ce registre d’inventaire doit être étudié dans le détail mais même si son contenu est divers, il faut retrouver le sens à donner à ces deux parties distinctes (la chronique et l’inventaire proprement dit) : ces deux parties du registre entrent en résonance et forment un ensemble cohérent.

Les trois inventaires sont les résultats du travail d’un tandem d’experts en rédaction et copie d’inventaires de chartriers : Bertrand d’Auga et Michel de Bernis. Cela rejoint des observations menées par des historiens sur d’autres espaces seigneuriaux (voir notamment Jean-François Nieus qui a pu montrer que l’on recourait à des hommes précis, des « spécialistes » pour dresser des cartulaires). Cependant, même si Michel de Bernis intervient comme scribe dans E 391, puis comme notaire-archiviste responsable de l’inventaire E 392, et premier chroniqueur, ces deux registres sont de conception et d’usages bien différents.

Les inventaires de Foix du XVe siècle : Trésor, arsenal, mémorial

Justifications archivistiques

Les inventaires du XVe siècle portent des explications sur leur raison d’être : en 1403 et 1405, il s’agit de « visiter et inventorier », de « réviser » les archives ; en 1445, l’objectif est de les « remettre en ordre ». Le désordre des archives tel qu’il nous apparaît constitue un « topos » qui doit être interrogé.

Les inventaires doivent être remis en contexte : au début du XVe siècle, la rédaction des inventaires s’accompagne de l’installation d’une armoire (alors qu’il n’y a pas de référence à une armoire ou à des coffres antérieurement) dans un espace dédié pour renfermer une collection de documents. Des indices glanés dans le registre E 391 supposent l’installation des archives au deuxième étage de la tour carrée du château de Foix ; pour la période antérieure, seules des mentions de sacs et de caissettes contenant des archives ont pu être trouvées. Il est désormais établi par les historiens et les archéologues (C. Pailhès, F. Guillot…), qu’au début du XVe siècle, la tour ronde du château de Foix ne renferme pas encore les archives (cette tour, à la maçonnerie du XVe siècle, est achevée dans les années 1440) ; les archives sont alors conservées dans une pièce, à l’étage d’une tour, où les officiers notent la présence d’une cheminée. Il s’agirait selon toute vraisemblance d’une salle au deuxième étage de la tour carrée, réaménagée au milieu du XIVe siècle par Aliénor de Comminges (installation de nouvelles clés de voûtes). Le chartrier se trouve ainsi au cœur du château comtal, au plus près du lieu du pouvoir.

En effet, les archives sont des pièces « profitables » pour ancrer le pouvoir des comtes de Foix et pour définir leurs droits face aux rois de France et « d’Espagne ». Il s’agit d’asseoir leur légitimité mais aussi de trouver des éléments de bonne gouvernance. Parmi les archives, il existe également des pièces jugées « non profitables », qui ne sont jamais décrites précisément, parfois placées hors de l’armoire des archives. Dans le registre E 391, on trouve ainsi une liste qui signale des classements antérieurs, notamment sept caisses de documents précédemment cotés (par exemple, deux caisses dites « B »). Ces documents ne sont pas décrits dans l’inventaire et sont placés hors de l’armoire, tout en restant dans la même pièce. D’autres documents sont déposés dans divers endroits de la salle : dans la cheminée (des livres de comptes ou des registres de montres d’hommes d’armes) ou dans une grande huche (là encore des livres de compte du temps de la régence du comté au milieu du XIVe siècle, considérés comme vieux et inutiles au début du XVe siècle). Certains de ces documents sont déposés « dans la grande grande (sic) chambre basse », probablement celle qui relie les deux tours. On comprend bien alors que la distinction entre les documents se fait également par l’emplacement où ils sont gardés : dans la salle des archives, nommée cartulari (chartrier), dans ou hors de l’armoire, ou ailleurs dans le château ; seuls ceux qui sont conservés dans l’armoire constituent « le trésor » en voie de constitution. L’absence de classement n’implique cependant pas l’« élimination » des documents : mêmes les pièces considérées comme inutiles ne sont pas détruites (à cette période).

Au milieu du XVe siècle, se manifeste une nouvelle mise en scène et conception des archives : l’achèvement de la tour ronde permet le transfert des archives dans un nouvel espace (la tour ronde, à l’écart de la partie résidentielle, domine l’éperon de manière spectaculaire ; les archives y sont conservées avec plus de sûreté et d’ostentation), dans un mouvement contemporain à la rédaction du nouvel inventaire (E 392) ouvert par la chronique des comtes de Foix. Les archives restent ensuite dans la tour ronde jusqu’à la Révolution, dans une armoire toujours fermée par trois clés, qui, au moment de la Révolution, est d’abord portée à l’abbaye Saint-Volusien, puis disparaît.

Inventaire, classement et mouvement des archives

La comparaison des différents inventaires conservés pour le XVe siècle présente une sorte de « professionnalisation » progressive de la méthode d’archivage. C’est le cas de la relation entre l’armoire et l’inventaire : en règle générale, leurs classements correspondent absolument. Dans chaque caisson, chaque caissette porte une lettre, avec une courte mention pour définir son contenu. De même, le classement des archives est géographique selon les alliances et les domaines du comte de Foix et thématique lorsqu’il s’agit de traiter de dossiers particuliers (par exemple pour une affaire de fausse monnaie, on trouve les pièces judiciaires avec l’outillage du faux monnayeur). Les caissettes de l’armoire vides renvoient également aux feuillets vierges du nouvel inventaire, dans l’attente d’un accroissement potentiel. 1311 items sont ainsi listés dans l’armoire mais ces items renvoient à des descriptions archivistiques diverses, depuis des analyses pièces à pièces à des analyses globales d’une liasse. Il est prévu que les pièces soient mises à l’abri et consultées par les officiers : ces pièces sont bien devenues des archives mais elles restent en mouvement.

Grâce aux registres E 391 et E 393, le règlement des archives nous est connu, pour deux fonds différents (il faut rappeler qu’il n’y a pas de texte équivalent dans l’inventaire de 1445, ce qui tendrait à confirmer une fossilisation de ce Trésor). Ces règlements d’archives explicitent les modalités d’extraction d’un document : un registre d’entrées et de sorties doit être tenu (avec la mise en place d’un fantôme ?) ; chaque sortie de document doit se faire en présence de plusieurs témoins ; il faut, enfin, avertir le comte des entrées de documents dans le chartrier, afin qu’il tienne à jour l’exemplaire de l’inventaire qu’il garde auprès de lui. Lorsque l’on recherche un document précis, il est recommandé, en premier lieu, de chercher la caissette correspondant à l’objet de la recherche (grâce au petit regeste présent sur la caisse), puis de consulter l’inventaire afin de vérifier que le document en question se trouve bien dans la bonne boîte, avant de prendre la pièce dans la caissette. Cette méthode semble bien avoir été appliquée par les officiers, les cas de recherche documentaire suivant bien cette procédure.

L’inventaire E 391 contenant l’enregistrement des entrées et des sorties de 1406 à 1417 (textes en langue d’oc), il est possible de suivre la gestion du chartrier par les officiers au « quotidien ». Ces hommes opèrent des opérations très précises sur les documents conservés, repérées par des verbes d’action : « retirer », « extraire » / « mettre », « poser », « déposer », « reposer », « retourner ». Il permet de tracer la chronologie du mouvement des pièces qui se fait à la demande du comte du Foix ou des juges : les archives sont clairement mobilisées comme arsenal pour faire preuve des droits des comtes de Foix mais aussi pour administrer, au quotidien, le comté. On trouve de multiples annotations dans le registre pour faire restituer des documents conservés par les notaires ou les communautés. Des copies de pièces sont demandées pour les procès (cf. avec les capitouls de Toulouse). Ces archives permettent au comte de mieux connaître son comté et de mieux gouverner (fisc, droits et privilèges des communautés), notamment lorsque, à partir du milieu du XVe siècle, les comtes de Foix-Béarn ne sont plus présents aussi fréquemment sur leurs terres. Elles montrent l’existence d’un dialogue entre le comte, ses officiers et les communautés. Le délai de « prêt » des archives s’étend entre un jour et 14 mois (dans le cadre d’un problème entre les châteaux et le roi d’Aragon). Ces inventaires ont permis la réformation du comté de Foix, de multiples annotations marginales le prouvent, en particulier dans E 391. Ce sont donc aussi des outils de travail pour les officiers.

Les inventaires nous font connaître une véritable attention prêtée aux documents par les praticiens de l’écrit : chaque entrée dispose d’une courte description de la pièce (quelques mots ou quelques paragraphes), probablement reprise des mentions dorsales. Elle utilise un vocabulaire diplomatique en occitan avec un intérêt pour le sceau, le nom du notaire qui a établi l’acte et des indications sur la matérialité du support (parchemin ou papier). L’armoire est garnie d’actes de tailles différentes et d’objets variés, depuis les actes isolés, aux rouleaux, registres, etc. Le tout est entassé dans les caissettes, sans volonté de rangement par thématique ou par format matériel.

Une petite proportion d’actes est déjà cotée, avant même que le premier inventaire n’ait été établi. Certains fonds sont cotés, un fonds a été entièrement coté, celui des lettres des rois de France (avec des cotes continues-CC) pour la période de 1274 à 1383 (soit depuis le moment de la mise au pas du comté de Foix à la fin du XIIIe siècle jusqu’au principat de Gaston Fébus). Toutefois, d’autres lettres royales se trouvent ailleurs, ce qui doit nous interroger sur les modalités de sélection et de classement de certaines pièces. Il se trouve également un autre fonds coté, celui des subsides des officiers royaux.

Des contextes politiques prégnants

L’objectif de ces inventaires et de ces archives est d’en faire un arsenal dans un contexte particulier. Au tournant des XIVe-XVe siècle, il y a des problèmes de légitimité et de droits de successions, mêlés à des affaires de mariage et de successions difficiles, le tout entre royaume de France et péninsule ibérique. Gaston III Fébus meurt en 1391 sans héritier (il avait tué son fils). Son petit-cousin, Mathieu de Castelbon, lui succède mais meurt sans enfant en 1398. Sa sœur Isabelle et son époux, Archambaud de Grailly, prennent la suite et doivent négocier avec le roi de France qui reçoit des pièces, par exemple le testament de Gaston II et la clause de substitution. Le chartrier est alors ouvert pour être mobilisé de façon efficace sur le plan archivistique et historique. En 1401, la famille est reconnue par le roi de France et récupère Castelbon en 1402. En 1403-1405 (dates de rédaction des deux inventaires de Foix et de Castelbon), les Foix-Béarn-Castelbon [-Grailly] sont une famille fraîchement établie, contestée du côté français et aragonais. Il y a donc clairement une relation de causalité entre la reprise ou la perte de seigneurie, la prise de contrôle et la domination de ce pouvoir, et la rédaction d’un nouvel inventaire accompagnée de la mise en ordre des chartriers.

Au milieu du XVe siècle, le contexte consacre l’articulation entre l’archivage et l’écriture de l’histoire. Gaston IV a lancé une réformation de son comté et le registre E 392 semble être tenu pour garder mémoire de cette réformation (tandis qu’E 391 aurait contribué à la préparer). Gaston IV est un fidèle du roi de France, mais il doit justifier son titre comtal « par la grâce de Dieu » ; celui qui établit le mémoire justificatif est Michel de Bernis, le même notaire qui a participé à l’inventaire de 1405 et surtout a supervisé l’inventaire de 1445. Dans ce contexte de justification de la place de Gaston IV à la tête du domaine, on voit progressivement apparaître la notion de « source », par l’utilisation, notamment, d’un acte du IXe siècle. Cet acte, le plus ancien du corpus, date de 842, même il s’agit probablement d’une forgerie. Il s’agit du récit (nébuleux) de la fondation de l’abbaye de Lézat par les comtes. Il a été copié in extenso dans l’inventaire de 1403 (c’est le seul document ainsi traité dans l’inventaire), mais aussi dans celui de 1445 (où, toutefois, d’autres actes sont copiés intégralement) et, surtout, dans la partie Chronique du manuscrit. L’inventaire de 1445 apparaît donc bien comme un inventaire de prestige, servant la mise en scène de la sacralité ancrée en Foix par les comtes (cf. travaux de Claudine Pailhès). À la même période (1456), apparaît Esquerrier, premier historiographe de la famille : il utilise également l’acte faux de 842 (ce qui signifie que les actes compilés dans ces inventaires ont bien été communiqués). Cependant, alors que l’œuvre d’Esquerrier avait vocation à être connue et diffusée, ce n’est pas le cas de la Chronique de Michel de Bernis, copiée en tête du registre de l’inventaire, destiné d’abord au comte et, éventuellement, à son entourage, à ses hôtes de marque.

La chronique gomme alors les ruptures généalogiques et insiste sur la continuité. On le voit, les archives participent à ce travail de mémoire, qui peut être également l’objet de manipulation, d’effacement (certains actes sont clairement passés sous silence de façon volontaire) : on sait ainsi qu’il a existé un dossier sur Jeanne d’Artois, emprisonnée par son fils, Gaston II. Or cette affaire représente une caissette entière dans l’armoire, mais seulement deux items dans l’inventaire. La même situation se reproduit pour Agnès de Navarre : il n’y a pas de caissette de rangement à son nom, mais elle apparaît ponctuellement dans certains actes dispersés. Or si, du côté du comté de Foix, elle n’est jamais dite « comtesse de Foix », les très nombreux documents conservés aux archives de Navarre, conservées à Pampelune, montrent bien qu’elle porte ce titre de façon constante.

Conclusion

Les inventaires d’archives de la famille des Foix-Béarn sont donc constitués, pour le XVe siècle, de deux « générations » d’inventaires, pour lesquelles nous pouvons trouver des points communs et des évolutions divergentes.

Les archives ont, semble-t-il, été organisées au XIVe siècle, mais les premiers inventaires ne datent que du début du XVe siècle. E 391 et E 393 sont des inventaires cousins, voire jumeaux, dressés à la même époque pour réorganiser les archives de Foix et Castelbon au moment de l’accession au pouvoir des Castelbon, de l’affermissement de leur pouvoir : à ce titre, ils peuvent être compris comme des registres de travail. E 392 repose sur une autre conception et d’autres usages. Il contient de nombreuses copies d’actes in extenso (d’où son rapprochement possible avec la forme d’un inventaire-cartulaire). À partir des années 1440-1445, le « petit trésor des chartes » des Foix-Béarn est en voie de fossilisation (comme le remarquait Yann Potin pour celui conservé aux Archives nationales) : il devient un chartrier-fossile que l’on exhibe, dans une pratique plus mémorielle qu’utilitaire (il faut d’ailleurs noter qu’il n’y a plus de mention de règlement des archives, de procédure de consultation, etc.). Ces inventaires témoignent de la façon dont les fonds ont été transmis et recomposés, mais, malgré le souci d’accroissement noté dans E 391, ces inventaires ont rapidement été obsolètes. À la fin du XVe siècle, avec l’accès des Foix-Béarn au trône de Navarre, on observe un changement de lieu, d’échelle et de nature du pouvoir de la famille, qui se transcrit dans les inventaires et la gestion des chartriers.

À ces inventaires, il faut ajouter les missions de Louis XIV et les inventaires des années 1760 (Arch. dép. de l’Ariège, E 6 et E 7). Il n’y a pas d’inventaire des archives de Foix aux XVIe-XVIIe siècles, ce qui doit sans doute être mis en relation avec l’intégration dans le domaine de Navarre avec un changement de lieu (Pau) et d’échelle pour la Navarre quand Henri de Navarre devient Henri IV (on se tourne alors vers Paris). Pendant cette période, à Pau, le chartrier centralise désormais progressivement les archives de la famille royale de Navarre, alors que les notaires-archivistes disparaissent au profit de nouveaux officiers, plus spécialisés (garde des archives, etc.), mouvement qui coïncide avec des pratiques plus professionnelles (telle les cotes numériques). Lors de l’inventaire des années 1580 pour la Navarre (ADPA E1), on sépare les titres féodaux de ce qui relève de la souveraineté : les archives sont alors distinguées selon les différentes cours et juridictions.

L’ensemble de ce dossier, ici traité par une partie du lignage seulement, montre aux historiens à quel point ils sont tributaires des classements successifs des archives, dont il faudrait prendre plus largement compte.

Discussion

Marlène Helias-Baron (MHB) : Vous avez évoqué un inventaire-cartulaire ? De quel registre s’agit-il ? Qu’entendez-vous par là ?

Véronique Lamazou-Duplan (VLD) : J’ai utilisé cette dénomination pour l’inventaire E392 parce qu’il contient la copie d’actes in extenso, à côté des habituelles analyses d’actes (dès E 391 et E 393) qui, pour certains, ne sont plus conservés aujourd’hui (d’où la nécessité d’éditer ce registre). La logique est cependant bien celle d’un inventaire : les actes sont copiés dans la logique du classement de l’inventaire. Il s’agit d’une comparaison avec les registres E 391 et 393 qui, eux, ne contiennent que de rapides analyses des actes.

Olivier Canteaut (OC) : Les archives de Foix ont été détruites au début du XIXe siècle. Y a-t-il eu un effort pour unifier les archives ?

VLD : A la fin du Moyen Âge (jusqu’à la Révolution ?), les archives de Castelbon sont à Castelbon, les archives de Foix sont dans la tour ronde du château, etc. À la Révolution, les archives sont déménagées avec l’armoire et tout est descendu à l’abbaye de Saint-Volusien, située à l’aplomb du château de Foix. Les archives sont ensuite transférées dans le dépôt des futures archives départementales, mais elles ont été incendiées en 1803. À Pau, les archives sont progressivement centralisées dans le donjon (très visible dans les inventaires du XVIe siècle), elles y sont encore au XIXe siècle. Mérimée, et d’autres, en donnent d’ailleurs une description épouvantable (humidité destructrice). Elles sont successivement transférées en trois points différents de Pau. Il y a eu un incendie à la préfecture au début du XXe siècle, la partie « Trésor des chartes » a été préservée mais d’autres séries ont été touchées. Beaucoup de ce qui existait pour Gaston Fébus a été perdu (perte des registres comptables par exemple !). Du chartrier d’Orthez, à Orthez, il ne reste rien (mention d’un inventaire du chartrier d’Orthez dans les inventaires du XVIe siècle, mais ce registre n’est pas pour l’heure retrouvé…). Ne pas oublier aussi que les guerres de religions ont causé beaucoup de pertes.

OC : Il n’y a pas de mouvement de centralisation des archives au XVIe siècle.

VLD : Les rois de Navarre essaient de centraliser leurs archives à Pau et il y a eu un effort de rassemblement à Foix aux XVe et XVIe siècles (cf. la thèse à soutenir d’Alvaro Adot qui a étudié en détail les deux inventaires inédits du XVIe siècle).

Julie Claustre (JC) revient sur le registre des entrées et des sorties. Qui demande la sortie d’un document ? Les communautés ? Est-ce qu’il est possible de comparer les affaires concernées par ces demandes ? Comment ces documents étaient-ils concrètement utilisés ?

VLD : Les sorties se font à la demande du comte, de grands officiers comtaux ou de juges. Ce qui vient des communautés, ce sont des privilèges (notamment les preuves de ces privilèges), en termes de délimitation de territoires, d’exemptions ou de privilèges fiscaux, etc. Ces entrées et sorties montrent le « dialogue » à l’œuvre entre le comte et les communautés. Mais il serait possible, actuellement, de comparer des fonds de procès opposant des communautés aux comtes de Foix-Béarn, comme dans le cas d’un procès avec les capitouls de la ville de Toulouse (à propos des leudes), procès dont je sais qu’il existe une documentation conservée pour partie dans les archives des Foix-Béarn, pour partie aux Archives municipales de Toulouse. Il est nécessaire de nourrir davantage la base pour la mettre à la disposition de la communauté scientifique.

Sophie Ravary-Despert, « Lignages d’archives et archives de lignages : le fonds des ducs de Gramont (XIIIe-XXIe siècles) »

Il s’agit de présenter ici une partie des recherches menées sur l’histoire du fonds de Gramont et sur une étude précise des comptes de bouche dans le cadre du master 2 pro Archives de l’Université Versailles-Saint-Quentin en Yvelines en 2014. Le fonds des ducs de Gramont est conservé aux Archives nationales à Pierrefitte (101 AP). La notion d’archives privées a connu une reconnaissance qui n’a pas été évidente : il n’y a pas d’obligation de dépôt dans la série AP, ce qui pose le problème de la représentativité de ces fonds. Cette série a été inventoriée par vague successive -d’abord le marquis de Voguë en 1891, puis Charles-Victor Langlais et Henri Stein- qui ont lancé progressivement une dynamique de dépôts d’archives privées. Aux Archives nationales, il s’agit de la série ABXIX et AP. La famille de Gramont a déposé aux Archives nationales plusieurs milliers de documents entre 1981 et 1990, utilisés déjà depuis plusieurs décennies par plusieurs gestionnaires et feudistes pour proposer une histoire de la famille. Toutes les pièces concernant l’histoire des archives de cette famille (constitution, achats, déplacements) ont été rassemblées dans un seul volume dans la série A.

Le propos se composera de trois points :

Le fonds des ducs de Gramont

Une vie archivistique très mouvante

Une lignée de producteurs d’archives

Le fonds des ducs de Gramont : une mise en perspective

La famille de Gramont est implantée entre la Navarre et le Béarn. C’est une famille de noblesse ancienne, originaire de l’Aragonais. Elle possède le château de Bidache (en ruine aujourd’hui) et appartient aux douze grands barons du royaume d’Aragon. Le titre des Gramont  a évolué dans le temps : en 1168, ils s’intitulent « comtes » ; à partir de 1203, ils prennent également le titre de « prince souverain indépendant de Bidache » ; enfin, en 1643, la terre de Gramont est érigée en duché (le titre devient alors héréditaire). Ils se sont alliés à plusieurs grandes familles aristocratiques comme les Comminges et les Menaud d’Aure, ce qui a entraîné la constitution d’une memoria familiale, qui transparaît avec les nombreuses strates documentaires qui apparaissent dans leurs archives.

Les principales possessions des ducs de Gramont se situent au pays Basque, mais dans son versant atlantique : Bayonne, Saint-Jean-Pied-de-Port, Bidache. Au XVIe siècle, les comtes de Gramont reconstruisent le château, ce qui entraîne la « réactivation » de certains de leurs droits (possessions foncières). Le château de Bidache constitue le « sanctuaire » de la famille : par exemple, tous les Gramont sont inhumés dans la chapelle de la paroisse de Bidache. Ils achètent également des biens à Paris, notamment l’actuel Hôtel Ritz de la place Vendôme qui appartenait aux Gramont (1704-1721).

Les déplacements des membres de la famille Gramont ont entraîné des modifications, transferts, etc., de leurs archives, qui ont été déposées aux Archives nationales en plusieurs vagues successives, les premières donations ayant été faites par Antoine XIII de Gramont dans les années 1980. Pendant longtemps, une partie de ces archives était conservée au château de Vallière (commune de Mortefontaine, Oise), alors que d’autres pièces étaient déjà déposées aux Archives nationales. Par le statut des archives privées déposées (loi 1979), les microfilms des pièces sont consultables après demande auprès des Archives nationales, tandis que les originaux ne sont consultables qu’avec l’accord des déposants. Ils ont été déposés sous la cote 101 AP. C’est un ensemble de 225 cartons dont 130 cotés 101 AP/a/1 à j/5 (qui représente 36 ml et 116 liasses), et, à part, 101 AP I et II (fonds Greffulhe, comtes, banquiers, avec lesquels les Gramont avaient noué des alliances matrimoniales). Les pièces conservées dans ce fonds ont été rédigées en plusieurs langues, depuis des langues nationales (français, allemand, anglais, etc.) jusqu’aux langues régionales. Cette remarque souligne encore une fois la grande diversité de la provenance des archives conservées dans le fonds de Gramont, puisque beaucoup d’entre elles sont en fait présentes suite à l’agglomérat d’archives d’autres familles.

Comment ce fonds fonctionnait-il ? Pour les sous-séries A-J, un feudiste a mis de nouvelles cotes, au XVIIIe siècle, sur l’ensemble des documents et cette cotation a été complétée plus tard. On trouve un « Trésor des chartes » de Bidache (A-B) ; C rassemble les dons et les achats ; D, les archives postérieures à 1789 ; E, les registres (notamment les comptes de bouche), qui représentent à eux seuls 22 % du fonds ; F, les titres de la seigneurie de Lesparre ; G, les titres de Mortefontaine ; H, des suppléments de l’Ancien régime ; J, la branche Gramont d’Aster et enfin « supplément », pour les suppléments non classés.

Quatre ensembles documentaires homogènes peuvent être distingués :

un fonds ancien (A, B, E et F)

un fonds « nouveau » par achats (C)

le fonds de Mortefontaine (famille du baron de Saint-Marc) (G)

Plusieurs « suppléments d’Ancien régime » (H) et le fonds de la « Branche Gramont d’Aster (J)

Du point de vue de la nature documentaire, ces fonds contiennent des documents variés, documents généalogiques, documents sur leurs charges. Ils contiennent finalement peu d’actes notariés et d’inventaires, mais surtout des pièces de procédure.

Une « vie » archivistique très mouvante et liée aux lignages

Les archives étaient conservées au château de Bidache (et ce, peut-être depuis le XIIIe siècle). On trouve bien la mention d’une armoire, d’un cabinet et d’une bibliothèque, de caisses et de sacs pour les archives, mais sans détail ni précision à travers un inventaire. Le duc de Gramont a peu de lien direct avec ses archives, ce sont principalement ses officiers qui gèrent les archives. La transmission des archives est associée à la transmission du titre : donc seul l’héritier aîné conserve les archives. Il ne s’agit pas d’une procédure strictement mise par écrit, mais plutôt d’une pratique naturelle. Il s’avère en tout cas que cette pratique a entraîné un processus de centralisation des archives dans les mains d’une branche ou d’un individu.

Le premier inventaire date de 1623 et plusieurs récolements ont suivi. C’est un fonds relativement bien conservé au cours du XVIIIe siècle : la mise à disposition de ces archives auprès d’un public extérieur à la famille ne s’est faite qu’à partir de la fin du XIXe siècle. Il n’a ainsi pas subi de vols par les érudits.

Le fonds a été localisé à plusieurs endroits :

Au château de Bidache dans la salle du trésor (1646) jusque dans les années 1870 ;

À Paris (rue Quentin Bauchart) entre les années 1870 et 1925 ;

Au château de Mortefontaine (Oise) de 1925 à 1980 ;

Aux Archives nationales depuis 1981.

Entre les XIe et XVIe siècles, on ne sait pas où se trouvaient les archives. La première mention date de septembre 1523, quand après l’incendie du château de Bidache par les troupes de Charles Quint, Jean II de Gramont demande à la chambre des Comptes de Pampelune une copie de tous ses actes et installe un nouveau trésor. Le château est alors reconstruit entre 1525 et 1534. Un nouvel incendie a lieu en 1560-1561 qui nécessite la copie de nouveaux titres. En 1567, par mariage, le chartrier grossit par l’entrée des titres de la famille d’Andoins (c’est également le cas en 1592 avec celui de la famille de Nompar). En août 1623, est dressé un inventaire appelé « Inventaire nouveau de tous les titres, documents… » : or nous ne disposons pas de l’ancien inventaire, ce qui laisse présumer une perte documentaire qu’il est difficile de chiffrer. En 1650-1673, est rédigé un cahier de déplacement des archives (sous forme fragmentaire). En 1720, un nouvel inventaire des biens et des titres est établi suite au décès d’Antoine IV. Cette date est vraiment importante dans la constitution des archives de la famille de Gramont, car c’est la première fois que la mort d’un membre de la famille conduit à la rédaction d’un inventaire. Cet inventaire est suivi par un autre en 1721 par le sieur Durrah. En 1726, est dressé un inventaire des biens et des titres du château de Bidache, puis entre 1727 et 1741, un inventaire des titres de Lesparre. En 1775, est mis en place un inventaire général des titres et papiers du trésor du château de Bidache, puis en 1778, un état des papiers, alors que dans le même temps certains documents font état de façon certaine d’un déplacement des archives depuis Bidache vers Versailles. Entre 1789 et 1880, les archives sont murées, mais comme un violent incendie a lieu en 1796 au château de Bidache, les documents sont transportés pêle-mêle. Selon les textes de cette période, les archives auraient été sauvées « presqu’entier». En 1870, les archives sont transférées à Paris, rue Quentin Bauchart, dans la nouvelle demeure du duc de Gramont. Les titres sont reliés dans des registres et des boîtes par J. Weber, relieur (44 rue du Cherche-Midi, Paris). En 1892, une nouvelle campagne de reliure des documents aurait été lancée (mais les informations sont peu fiables sur ce point). Entre 1892 et 1922, quelques pièces d’archives entrent à la Bibl. nat. de France. Entre 1922 et 1930, après une nouvelle campagne de reliure, les archives sont classées puis inventoriées en 1951-1953 (cf. inventaire AN et Yvonne Lanhers, « Les archives de la maison de Gramont », Revue historique, vol. 211, 1954, p.11-18). Entre 1981 et 1990, le fonds des Gramont est déposé aux Archives nationales, avec un don en parallèle à la Bibliothèque nationale ; dans le même temps, le fonds Greffulhe est également déposé aux Archives nationales. En 2013, le fonds est déplacé à Pierrefitte.

Un des premiers lieux de conservation supposé est la tour carrée du château de Bidache : avant la période moderne, peu de documentation est conservée en général. La Tour carrée du château de Bidache est une tour médiévale du XIVe siècle, avec, peut-être, la présence d’un dôme. On y trouve les chroniques, les titres originaux, les titres de famille. Au château de Vallière (à Mortefontaine), le château est construit par les ducs eux-mêmes en 1894. Les archives y sont conservées dans la bibliothèque au rez-de-chaussée (7 m linéaires, 75 liasses rangées dans des recueils factices). On trouvait également des caisses en bois. Mais, des attestations permettent d’affirmer que certains folios ont déjà été arrachés des registres factices.

Ces archives contiennent en réalité de nombreux types d’archives : à la fois des documents écrits (le plus ancien document date de décembre 1205), mais aussi des objets comme les bonnets et chemises de baptême des ducs du XIXe siècle ou encore des documents rares tels que le passeport d’un des membres de la famille. Les registres de comptes, notamment, ont connu des campagnes de restauration / reliure / reconditionnement. Ces documents ont connu des conditionnements divers : des sacs (que l’on ne conserve plus aujourd’hui) ; des boites en fer blanc du XVIIe siècle ; des registres (série E) ; des volumes factices (ex. des pièces de correspondance montées sur onglet) ; des caisses en bois toujours conservées (elles contiennent en général les documents les plus prestigieux, en parchemin, pliés en deux) ; des pochettes en carton (surtout pour les acquisitions supplémentaires, les documents non classés). Les volumes factices ont fait l’objet d’une campagne de reliure assez précise, avec des tranches ornées et traitées esthétiquement : cette série s’intègre alors à l’idée plus générale de collection, ce qui renvoie également au lieu de conservation (bibliothèque) et à l’existence d’un catalogue de bibliothèque.

Une lignée de producteurs, de « petites mains » et d’ « archivistes »

Les producteurs sont les Gramont (209 boîtes et liasses) et les familles alliées (Gramont d’Aster : 6 boîtes ; Andoins (4) etc.) 92 % des actes concernent les Gramont directement.

Des archivistes et des feudistes ont également travaillé dans les archives. Qui a constitué les inventaires ? En 1623, pour le premier inventaire conservé, son auteur / responsable n’est pas connu ; en 1646, il s’agit d’Arnaud Oihénart (avocat au barreau de Bordeaux et intendant dont les papiers ont été versés à la Bibliothèque nationale et sont consultables sur gallica) ; en 1647, Signar Fazen. Ce sont en général des avocats ou des procureurs mais pas des spécialistes de l’archivage (garde des registres, etc.).

Si l’on étudie précisément les modalités de classement, l’inventaire de 1623 suit un classique classement topographique puis alphabétique par pièce. Il s’agit probablement de la reprise d’un inventaire plus ancien mais qui sert de base pour les inventaires et classements suivants. En parallèle à cet inventaire, est conservé le cahier de déplacement des pièces pour les années 1584-1777, fragmentaire qui contient 7 feuillets seulement : la taille réduite de ce registre pour une si large période pose problème. Pourquoi n’a-t-il pas été utilisé plus fréquemment ? La gestion du chartrier fait l’objet de nombreuses notes, mais elles ne sont pas reportées dans un registre en particulier : ainsi, on apprend en 1650 qu’une pièce a été délivrée à l’abbé de Lahonce dans le Pays Basque par l’intendant Lamy. En 1703 et 1705, le duc de Gramont lui-même demande à faire établir une liste des pièces envoyées à Paris (ce qui signifie que les inventaires du chartrier de Bidache du XVIIe siècle ne concernent qu’une partie seulement du chartrier). Enfin, en 1777, l’intendant a fait extraire du chartrier certaines pièces nécessaires à un procès, pièces qui sont listées dans un document à part.

L’existence de plusieurs inventaires permet de suivre l’évolution du classement lui-même. Le classement topographique est conservé pour de nombreuses liasses, mais on observe une recotation pour certains actes (par exemple les actes concernant Bidache ont d’abord été classés AAA à HHH puis AA à JJ). De même des documents ont été perdus pour le péage du Bousquet. Après les incendies, l’arrivée des titres copiés a-t-elle permis une nouvelle cotation ?

Quels sont les liens entre les originaux et les inventaires ? Il semblerait y avoir une parenté entre les notes dorsales et les cotes des documents inscrites dans les inventaires.

Conclusion

Les archives nationales possèdent d’autres documents sur la famille des Gramont (61 AP, Emile Olivier), mais aussi aux arch. dép. des Pyrénées atlantiques ou des Yvelines (petit fonds). C’est un fonds très riche qui a connu une mise en volumes factice, signe de la reconnaissance de la valeur patrimoniale des archives, mais qui, de ce fait, est difficile à appréhender dans son entier. L’intérêt de ce fonds est également la grande diversité de son contenu typologique, depuis des documents jusqu’aux objets, situation relativement rare, y compris pour des fonds privés : même si il y a eu transferts, sélections (et peut-être élimination), cela montre que la conservation des archives de la famille Gramont a connu une longue tradition. De même, ce fonds contient les sources de l’histoire du fonds du point de vue archivistique : en son sein, les documents permettent de suivre son évolution, sa constitution au gré des alliances matrimoniales. Ici les trois mots-clés sont « lignage / feudistes / archivistes » : c’est le travail et l’interaction entre ces trois entités qui a permis de constituer une tradition de conservation qui participe à une histoire de la conservation. Le choix lexical de « Trésor des chartes » est somme toute traditionnel mais renvoie bien à la connaissance des archives des rois de France.

Discussion

Isabelle Bretthauer (IB) : Dans le tableau de la constitution progressive du fonds, des éléments partent à la Bibliothèque nationale à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. De quoi s’agit-il ?

Sophie Ravary (SR) n’a pas encore vu de quoi il s’agit.

MHB : Concernant la seigneurie Lesparre, s’agit-il de Lesparre dans le Bordelais ? Cette question est lié à un travail sur un livre d’archive du milieu du XIVe siècle produit pour l’archiprêtre de Lesparre dans le Médoc et réapparu en 2013 lors de la vente de la collection d’Elie Szapiro.

SR : Il faut voir la documentation en ligne. Il n’y a pas de mention de localisation précise. Il peut plutôt s’agir de Lesparre en Béarn.

Pierre Chastang (PC) revient sur la mise en place de collections documentaires, dans une forme de synthèse des deux communications. Il est fréquent d’associer inventaire et collection. Mais peut-être faudrait-il revenir sur la notion d’« inventaire » : l’inventaire n’est pas (forcément) lié à des opérations de récolement de fonds d’archives, mais il peut être un état d’une sélection ou d’un tri comme l’a montré V. Lamazou-Duplan. L’inventaire apparaîtrait alors comme un moment de monumentalisation, un élément de la formation d’une collection d’archives et non comme un élément d’une opération de classement d’un fonds d’archives ; il faut mettre au point une typologie de ces inventaires.

Pauline Lemaigre-Gaffier (PLG) : Qu’en est-il des individus qui ont eu la fonction d’archiviste de ce fonds au XIXe siècle ?

SR : Il y a eu seulement deux personnes. Pour la mise en reliure, il y a la mention du nom du relieur mais pas de l’archiviste : la mise en reliure apparaît donc non pas comme une opération interne à l’archivage des documents mais comme une opération indépendante, liée au travail d’autres spécialistes. Au XIXe siècle, il n’y a pas eu d’inventaire.

PC revient sur l’importance des opérations matérielles sur les archives : on suppose l’existence d’un archiviste, or cela peut n’être qu’un relieur. Pour les archives des Béarn-Navarre, on avait construit des armoires. Une opération d’archivage ne nécessite pas forcément la présence d’un archiviste.

SR : On ne peut pas défaire les volumes qui ont été reliés : la constitution de la collection en tant qu’objet matériel peut ne pas être liée à un inventaire / classement.

PC : Le moment où le fonds se fige est souvent lié à l’action des feudistes au XVIIIe siècle. Des ajouts sont faits au XIXe siècle pour des questions liées à la transmission du patrimoine. Les fonds se figent et les opérations des familles du XIXe siècle ne viennent pas bouleverser la manière dont cela s’est fixé.

SR : Les travaux d’Yvonne Lanhers dans le fonds Gramont entraîne une fixation (voir : gallica).

VDL évoque le cas d’Oihénart. Ses papiers doivent être consultés, mais ils sont difficiles à déchiffrer.

Laurent Feller (LF) : À quoi cela sert-il à ces familles de conserver ces titres ? Quel lien avec l’existence du château familial ?

SR : C’est un trésor de famille.

VDL : A Mortefontaine, ils avaient les archives dans la bibliothèque.

PC : Ce qui importe ici c’est que le trésor contient à la fois des objets et des archives. Mais il n’y a pas besoin d’avoir une masse de documents pour constituer un « trésor » : le Trésor de Foix contenait en moyenne moins de 30 documents par tiroirs. C’est très réduit finalement, alors qu’il y avait un règlement contraignant. Cela explique peut-être la cotation à la pièce, lorsque les dossiers ou les caisses contiennent peu de documents.

VDL : Les actes des rois de France étaient tous cotés. S’il y a bien une moyenne de 30 documents par caissette, certaines caissettes atteignaient 110 documents (hommages du comté) ou 60-70 et d’autres en avaient finalement très peu.

PC : Parfois, il n’est pas nécessaire de coter pièce à pièce. Au XIXe siècle, ces archives sont un moyen de preuve pour des recherches ponctuelles.

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