2013-01-31



L'article qui suit fut à l'origine publié sur mon blogue au mois de juillet. Il s'inscrivait dans une série de billets visant à faire le bilan de la saison de certains des attaquants les plus importants du CH. Le billet, comme la plupart de ceux que j'écris, est truffé de statistiques. J'ai ajouté des descriptions pour les statistiques présentées dans les tableaux, mais autrement le texte est tel quel. Vu la situation actuelle de Lars Eller, Jean-François, éditeur du contenu français de ce site, m'a suggéré de le republier ici. J'espère qu'il vous permettra d'avoir un regard plus informé sur le grand Danois.

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Lars Eller est arrivé au camp l'an dernier avec l'étiquette du "gars qu'on a eu en retour de Halak". Parce que Price est vraiment bon, la chose n'a pas gangrené et Eller a pu monter tranquillement les échelons. Commençant comme 13e attaquant, il aura mis une vingtaine de matchs à tasser Dustin Boyd de la 4e ligne. Après quelques séjours à l'aile et un stage prolongé sur la 4e ligne, l'arrivée de Desharnais en janvier 2011 permet à Martin d'installer Halpern à l'aile de Plekanec et Cammalleri, Desharnais entre Darche et Pouliot sur la 4e et de constituer le trio Moen-Eller-Kostitsyn comme 3e ligne. J'en ai souvent parlé, la constitution de ce trio marquait selon moi un choix de Martin quant à Eller: celui-ci devenait le dauphin et l'appui défensif de Plekanec, permettant ainsi aux deux autres trios de prendre des vocations plus offensives. Après avoir connu de beaux moments en 2010-11, le trio Eller-Kostitsyn-Moen aura repris du service sous Martin en 2011-12, avant d'être victime d'un accès de crétinisme de Cunneyworth.

Avant d'aller plus loin, résumons les derniers articles:

Pour Desharnais, on a constaté que ce dernier avait vu sa charge de travail augmenter tout au long de la saison. Protégé aux mises en jeu et aux adversaires affrontés par Martin, DD a produit offensivement, surtout à partir du moment où il fut jumelé à Cole et Pacioretty. Si les choses se sont corsées sous Randy (baisse des taux de mises en jeu, augmentation des minutes contre les meilleurs adversaires), ce trio a quand même su générer beaucoup de chances de marquer. C'est ce décrochage des pourcentages de chances obtenues (53-54% sous Randy) par rapport aux mises et aux TVF (49-50%) qui ressort des résultats du premier trio. Je ne crois pas qu'il s'agisse là de l'expression d'un talent particulier. Les dés sont ainsi tombés, c'est tout. Par ailleurs, ces chiffres ont selon moi souligné un aspect intéressant du petit #51: talent offensif réel, Desharnais n'est pas pour autant un leveur de fonte, un centre qu'on envoie contre les meilleurs éléments adverses pour les neutraliser et leur mettre des points. Utilisé dans ces situations avec les meilleurs ailiers du club, il s'est maintenu, sans plus. Ça n'est pas suffisant et ça me fait dire qu'il serait plus adapté à un rôle d'exploitation (protégé aux mises comme aux confrontations, comme sous Martin) ou encore devrait être muté à l'aile.

Un examen plus approfondi des performances de Cole et Pacioretty a confirmé ce que l'on voyait déjà dans les résultats de Desharnais sans ses sbires: ces deux-là tirent systématiquement le traîneau. Lorsque jumelés à Plekanec, ils dominent les meilleurs éléments adverses, ce qui m'a fait dire que de les coller tous les deux à Desharnais n'était peut-être pas la meilleure idée du monde.

L'examen de la saison de Plekanecc a fait ressortir plusieurs éléments, dont 3 me semblent plus importants: Plekanec, si on lui donne au moins un bon ailier, peut faire de sérieux dommages, et ce même lorsqu'on l'enterre aux mises en jeu contre les meilleurs éléments adverses. En plus de Cole et Pacioretty, Gionta semble aussi être un ailier qui, jumelé à un bon centre, permet de lever de la fonte. Enfin, après Cole, Gionta et Pacioretty, le CH n'a pas d'autres bons ailiers du genre. Cammalleri est parti et Bourque n'a certainement pas démontré qu'il était aujourd'hui un ailier de minutes dures. Qu'il joue ou non avec Plekanec, les ratios de ce dernier restaient à plat. Mauvais signe.

À court d'un ailier et avec Desharnais qui n'est pas un vrai leveur de fonte, le top-6 du CH est en fait un top-4. Ça mettait beaucoup de pression sur le reste de l'alignement et, à moins d'un ajout tardif, la situation restera la même au début de la saison prochaine.

Or, le reste de l'alignement, c'est pour l'essentiel une façon fancy de dire Lars Eller. Après lui, le déluge.

Description du tableau :

Toutes les données concerent le temps de glace à 5v5 et les données de ce tableau sont tirées du site behindthenet.ca

TOI/60 = Temps de glace par match

TirsM = Tirs Manqués

Dist = distance moyenne en pied à laquelle les tirs furent décochés

%Tirs = ratio buts sur tirs + tirs manqués

Tirs/60 = Tirs tentés par tranche de 60 minutes de jeu

Rang CRQC = Parmi les joueurs ayant disputé au moins 20 matchs avec le club, rang sur l'indicateur "Corsi Relative Quality of Competition", qui illustre la qualité des adversaires affrontés basé sur la capacité démontrée par ceux-ci à déclasser leurs adversaires au temps de possession

MenJ = pourcentage de mises en jeu prises en zone offensive.



Eller est durable, c'est déjà un gros point en sa faveur. Sa production de tirs est demeurée la même malgré une augmentation notable de la qualité des adversaires affrontés. Ladite augmentation de charge de travail ne l'a pas empêché de se maintenir quant à sa capacité à tenir l'avantage du territoire, et ce malgré une légère baisse de ration de mises en jeu en zone offensive. Ajoutons à cela qu'il a passé beaucoup moins de temps à l'aile (ce qui avait certainement dopé son score de qualité des adversaires affrontés en 2010-11) et globalement, on a un jeune centre qui progresse lentement mais sûrement.

Parce qu'il n'a pas passé beaucoup de temps avec des ailiers talentueux (Kostitsyn est le seul), on est encore un peu dans le noir quant à ses aptitudes offensives réelles. N'empêche, s'il progresse encore un peu, on parle d'un centre qui peut marquer 15 buts à forces égales sans jouir d'appui significatif de ses coéquipiers. Pas une vedette, mais un foutu bon joueur.

Comme pour tout le monde, les choses se précisent lorsqu'on regarde ce qui s'est passé sous Jacques et Randy.

Description des tableaux (encore une fois, toujours à 5v5):

Les données sont tirées de mes propres compilations de chances et de l'analyse des feuilles de match publiées par la LNH. Les colonnes 1, 2, 3 et 4 représentent un classement des adversaires affrontés en fonction de leur capacité à déclasser l'adversaire aux tirs vers le filet, donc au temps de possession. Il s'agit d'une simple division en quatre quarts.

Chances = ratio de chances de marquer obtenues par le CH sur le total des chances de marquer survenues lorsque le joueur est sur la glace

Mises en jeu = ratio de mises en jeu prises en zone offensive sur le total des mises en jeu prises en zone offensive et défensive.

Présences = temps de glace en minutes et en pourcentage du temps de glace total passé à 5 contre 5

TVF = "tirs vers le filet" (aussi appellé "corsi rating"). Sur le total des tirs au but, buts, tirs manqués et tirs bloqués effectués lorsque le joueur est sur la glace, part des tirs obtenus par le Canadien. Cet indicateur sert d'approximation du temps de possession.

Tirs/60: Tirs vers le filet pour et contre le canadien par tranche de 60 minutes. Permet de voir si le TVF% est obtenu par une baisse ou une hausse du volume d'une des composantes.



Ce premier tableau nous indique que peu importe l'entraîneur, Eller est demeuré 3e centre. Peu de minutes contre le premier quart adverse et peu de départs offensifs contre ces mêmes meilleurs. Les choses se gâtent sensiblement sous Randy, reflet de la baisse de qualité des ailiers disponibles.

Sous Jacques Martin, Eller avait en fait deux rôles bien distincts. Simple centre de minutes molles lorsque séparé de Moen, il s'en tire fort bien, mais dispose généralement d'une bonne protection territoriale. Avec Moen, la charge de travail défensif s'accroît de manière bien précise: si ces deux-là ne jouent pas beaucoup contre les meilleurs adversaires, ils prennent néanmoins contre eux une solide dose de mises en zone défensive et réussissent au total à tenir le coup aux TVF. Ce qui traverse ce tableau, c'est la capacité d'Eller, surtout lorsque jumelé à Moen, à ne pas accorder beaucoup de tirs à l'adversaire. Sous Jacques Martin, l'équipe accorde en moyenne 55 tentatives de tirs à l'adversaire à l'heure. Qu'Eller se maintienne autour de 50 tirs accordés à l'heure est fort intéressant et ses résultats avec Moen sont encore plus intrigants. S'ils ne produisent jamais beaucoup ensemble, ce duo donne quand même l'impression de constituer une base solide pour un trio défensif.

Les choses se gâtent sous Randy, on le sait tous. Les performances défensives d'Eller perdent beaucoup de leur lustre, surtout lorsque Moen tombe au combat. La charge défensive ici attribuée à Eller n'est pas nécessairement représentative d'un rôle particulier; m'est avis qu'on est ici simplement en présence du triste destin d'un centre de 3e ligne sur une équipe dépassée. Les 500 minutes passées sans Moen sont un modèle d'instabilité: 99 combinaisons différentes, dont 15 pour au moins 10 minutes de temps de glace.

Encore ici, sitôt qu'Eller est jumelé à au moins un joueur de qualité (Plekanec, Pacioretty ou Cole), les choses décollent. Mais autrement il n'y a pas grand-chose à voir. Blunden et Geoffrion sont tous deux grossièrement inadaptés au rôle de 3e trio, alors que la présence de Bourque semble encore ici toxique (et Leblanc n'aide pas vraiment...).

Ces données ne nous en disent pas aussi long sur les aptitudes d'Eller que sur l'état de délabrement avancé du fond d'alignement du CH en deuxième moitié de saison. Les ajouts de l'été sont visiblement destinés à combler ces carences, ce qui indique au moins que notre DG cherche à régler des problèmes réels et non des problèmes imaginés. C'est un progrès. Les solutions apportées (Armstrong et Prust) sont-elles les bonnes? À mon avis, non.

Heureusement, Trevor Timmins veille au grain. Si un ou des joueurs parmi les Leblanc, Palushaj et Gallagher forcent la porte du vestiaire en cours de saison, ça ne sera pas pour voler le job de Pacioretty, Cole, Desharnais, Gionta, Plekanec ou Eller. Si deux de ces 3 jeunes s'établissent, Eller en sera le principal bénéficiaire.

On croise les doigts.

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