2013-10-14

October 12, 2013 - Lençois, Bahia, Brazil

Avant tout, merci, merci, merci pour vos commentaires et mails touchants suite à la reprise du Fil! Les proches du quotidien comme celles et ceux avec qui j'ai moins de contacts réguliers. Ca fait vraiment chaud au coeur...

A vrai dire je me pose toujours la question de la pertinence et de l'utilité de publier ce que j'écris, alors que je pourrais confiner tout ça sur un petit journal de voyage, personnel, intime. Et exposer mes photos dans mon garage ou mes toilettes. Mais au-delà du plaisir évident de partager les sensations et de faire voyager par procuration, je n'envisage pas l'écriture et les photos (ou la musique d'ailleurs) comme quelque chose que l'on garderait pour soi. C'est une forme de communication, et il faut être au moins deux. Alors oui, il faut des lecteurs, des avis, des réactions, sur le fond et sur la forme. J'aime savoir ce que cela a pu générer comme sentiments, comme émotions. C'est ça en fait, susciter des émotions. Je suis bien sûr conscient de l'aspect narcissique de la chose. Combien de "je" dans tous ces articles? Et derrière ça évidemment le besoin de reconnaissance, voire la séduction, deux aspects de ma personnalité avec lesquels j'apprends à cohabiter jour après jour... tant bien que mal. Mais bon, toute entreprise artistique ou créatrice, quelle qu'elle soit, par définition s'expose, appelle le regard de l'autre et s'en nourrit, non?

Bon, sans trop se prendre la tête non plus, c'est la raison pour laquelle j'ai pris le parti d'être le plus ouvert, sincère, direct, transparent possible dans ces écrits, et du reste comme dans la vie de tous les jours depuis mon retour de voyage il y a deux ans. Quitte à heurter certaines sensibilités, ou à m'exposer plus que nécessaire en dévoilant mes fragilités, mes incohérences, mes travers. Et à changer l'image lisse que certains ont de moi, depuis toutes ces années. Ce qui a pu modifier certaines de mes relations proches ces derniers mois. Bref.

Retour au voyage, retour au Brésil.

En préambule, et en référence à mon dernier article, voici ce que j'ai lu (après-coup) dans mon guide de voyage Lonely Planet à propos de Salvador de Bahia, dans le paragraphe Désagréments et Dangers: "La nuit et le weekend, la ville basse est déserte et peu sûre. N'empruntez jamais les rues escarpées qui la relient à la ville haute". Ca, c'est fait.

Lundi dernier je m'apprêtais donc à prendre le bus pour Lençois, petit village à l'intérieur des terres à 7h de route de Salvador. Mais faux départ, les personnes de l'auberge au demeurant très gentilles m'ont mal informé sur les horaires de bus (ou aurais-je mal compris?? ). Résultat je me suis levé une heure trop tard, et je dois remettre au lendemain mon départ. Une journée de perdue? En bon vieux baroudeur expérimenté et philosophe(!!), je me dis que c'est un mal pour un bien, qu'il n'y a pas de quoi se facher ou se frustrer, et la suite me donnera raison. Je profite donc de cette journée off pour me reposer (oui, oui, ça fait à peine 2j que je suis là et j'ai déjà besoin de repos!), lire un peu les nouvelles du monde(.fr), envoyer qq mails, constater à nouveau la magie de voir un visage sur Skype, laver 2-3 vêtements à la main (tiens, j'avais oublié ce "plaisir" du voyage!...). Et faire quelques courses dans une supérette locale. Vous allez rire mais c'est toujours intéressant je trouve de visiter une supérette dans un nouveau pays. Ce que l'on y trouve et la manière avec laquelle les produits sont présentés, ça parle beaucoup du mode de vie des gens, des habitudes culinaires, de l'importance accordée à la nourriture ou à la cuisine. Même si les choses ont tendances à s'harmoniser à travers le monde. Mais entre un étal de légumes aux Etats-Unis, au Guatemala ou au Brésil, je vous assure c'est très différent! Bon ici rien de bien révolutionnaire, je me trouve dans une grande ville d'un pays en (fort) voie de développement (enfin je ne vais pas commencer à digresser sur la notion de "développement" dans ces pays, ça risquerait de mal finir, c'est pas mon cher Max qui me contredira). C'est juste agréable de retrouver des quantités de fruits dits "exotiques" (mais là encore, vous noterez que cette notion est toute relative, ça dépend du quel côté de l'Atlantique on se trouve, n'est-ce-pas!): mangues, papayes, bananes plantain, goyaves, etc. Pour le reste on trouve du salimi et du fromage sous vide, du yaourt, du pain complet. Ben tiens, ça fera un pic-nic improvisé, et en déssert une belle mangue bien juteuse à s'en mettre plein la figure et à avoir des petits fils coincés dans les dents pendant 24h, mais que c'est bon!!

Je profite également de cette journée pour faire une petite vidéo de 30s qui sera diffusée au mariage de mon Ami, confident, modèle, et partenaire de tant de voyages et autres activités sportives, j'ai nommé Sébito! J'en vois certains qui disent "mais qui c'est celui-là?" (vous pouvez passer directement au paragraphe suivant sans toucher les 10 000 euros, merci). Mais pour ceux qui le connaissent, oui, vous avez bien lu, Sebito se marie!! Je vous passe les détails, ce n'est pas à moi d'en parler, mais ça c'est décidé assez rapidement, et mes billets d'avion étaient déjà pris... Donc ma présence se résumera à cette petite vidéo prise sur la plage de Salvador, faute de mieux... snif...



En fin de journée je tente un petit footing au bord de la plage, soleil couchant, torse-nu (tout à fait banal ici, sauf pour la couleur de la peau où j'ai un peu de retard sur le bronzage), afin de tester la cheville, toujours douloureuse après ma galipette en scooter au mois de mars dernier. Ca semble bon, pas de douleurs, et récompense suprême, un petit plouf dans la mer après l'effort. Plus belle la vie!

Le lendemain, départ donc aux aurores pour le terminal de bus, plein de bonne énergie et de motivation à l'idée de passer quelques jours dans la nature, et de randonner. Je me présente au guichet pour prendre mon billet, derrière moi ça parle français... mais avec un petit "accent" (j'expliquerai les guillemets un peu plus loin). Tabarnouche, des québecoises! La conversation s'engage, le courant passe bien, de maladresse je me renverse la moitié de mon jus de mangue sur le tshirt, c'est bon, la glace est brisée. Je vous présente Leslie et Catherine, avec qui je vais passer les 4 prochains jours...



Trajet en bus long, monotone (je ne suis pas assis à côté de mes nouvelles amies!), à travers le certaõ, le "bush" brésilien. C'est sec, souvent plat, quelques arbustes, pas grand chose à se mettre sous la dent (ou les yeux, devrais-je dire). 8h à regarder dehors sans vraiment regarder, à laisser partir les pensées, à dormir. Et puis le réconfort de la musique dans mon iPod, ça me ramène direct aux routes d'Amériques Latines, c'est rassurant, et certaines chansons sont tellement connotées de souvenirs, de personnes, de lieux, de sensations...

Arrivée à Lençois en milieu d'après-midi donc (mardi). Dès la sortie du bus on se fait alpaguer par des "rabatteurs" pour dormir à telle ou telle auberge, et pour faire tel ou tel tour avec eux. C'est le moins cher, c'est le plus mieux. Non merci, laissez moi tranquille, naõ preciso nada! Cela laisse peu de doutes sur la principale activité économique de ce petit village de "backapackers" loin de tout, si ce n'est du parc national Chapada Diamantina: le tourisme. Comme son nom l'indique, il fut un temps (deux-trois siècles à la louche) où l'on trouvait des diamants et autres pierres précieuses dans cet immense parc qui fait un peu figure d'oasis dans le paysage plat et sec ambiant. Le petit village de Lençois s'est ainsi développé, d'où ses nombreuses églises, et petites maisons colorées typiques.

J'avoue, c'est très mignon. Puis le cours des pierres a chuté, et malgré une dernière tentative pour "industrialiser" la recherche des diamants avec l'aide de grosses machines (ce qui a eu des conséquences irréversibles sur la nature, et notamment la plupart des animaux du parc qui se sont fait la malle), le gouvernement a décidé de tout stopper au début des années 90, et donc depuis ce temps Lençois se tourne vers le tourisme, et les nombreuses activités de plein air à faire dans le parc (rando, cheval, escalade...).

Les petites ruelles pavées du centre sont donc toutes belles toutes propres, investies par les restos, les bars, les agences de trek, les marchands d'aventure, et autres magasins de souvenirs. Le soir venu les tables des restaurants et des bars investissent la rue, c'est vrai qu'il fait particulièrement bon en soirée, ça sent les vacances et la caipirinha à plein nez.

Mais dès que l'on s'éloigne un peu, il n'y a plus de pavés, juste des rues en terre, des chiens errants tout boiteux, des enfants qui jouent pieds nus, des mamies à la fenêtre, la peinture colorée qui s'écaille des façades, des portes de maison entre-ouvertes sur des tout petits intérieurs, un canapé, une télé allumée, de la musique... ce que j'imagine être le vrai Brésil, ou en tout cas une de ses facettes les plus authentiques, et qui me rappelle bon nombre de petits villages d'Amérique Latine. A la différence près qu'ici tout le monde est noir, d'un beau noir marron, chocolat chaud. Quelle histoire, quel passé pour ces peuples!... Je regrette vraiment de ne pouvoir tenir une conversation en portugais, ce sont ces gens que j'aimerais croiser. Comme me le rappelle un petit gamin, pour l'instant je ne suis qu'un gringo parmi d'autres, avec mes yeux bleus et ma peau claire (enfin avec mes 3 mots de portugais j'ai quand même pris le temps de lui expliquer la différence entre un gringo et une grenouille, au ptit gars! Non mais!).

Autre initiative d'envergure pour promouvoir la région, un immense festival de musique qui se tient à Lençois, et qui fête son 15ème anniversaire... ces jours-ci! Des grands noms de la musique brésilienne s'y produisent chaque année (ma culture est un peu limitée à ce niveau-là, je reconnais néanmoins le nom de Gilberto Gil parmi les artistes venus au tout début), attirant ainsi des centaines voire des milliers de brésiliens pendant les 4 jours du festival. On est donc arrivés en plein dedans!!

N'ayant absolument rien organisé (ça fait partie des leçons du précédent voyage), j'ai donc tout loisir de me joindre à Leslie et Catherine qui ont prévu un trek de 3 jours dans le parc. Non, ce n'est pas de l'incruste, c'est une décision partagée et qui ravit tout le monde! On part dès le lendemain, c'est parfait, même si dans l'absolu j'aurais préféré faire un tour un peu plus long, mais le courant passe tellement bien avec les filles, mon petit doigt me dit que c'est la bonne décision.

Et c'est le cas. Bonne humeur et rigolade à toute heure. Et de bonnes marcheuses qui plus est. Notre guide, Raõ, est rasta pur beurre. Le look, l'accent, les cheveux, la philosophie, tout y est. La quarantaine (il en fait plus, et je ne dis pas ça pour me rajeunir!), c'est un des premiers guides du parc. Il le connait donc sur le bout des doigts, et a été témoin de son évolution. De plus en plus de touristes (essentiellement brésiliens), de moins en moins d'animaux, de moins en moins de pluie aussi, changement climatique oblige. Excellent cuisinier, bon porteur, c'est un peu de la rando 4 étoiles pour nous, tout est sous contrôle, les sacs sont plutôt légers, y'a plus qu'à profiter du paysage.

Pas facile de décrire ce que l'on voit. Pour faire simple, je dirais que ces trois jours me rappellent fortement le cirque de Mafat à La Réunion (en beaucoup moins bien, évidemment, Dave!), et par certains côté des paysages de Grand Canyon. En 2h de route on contourne le parc, la moitié sur des routes en terre qui traversent de rares villages. De l'extérieur c'est une chaine de falaises érodées qui semble infranchissable. La grimpette commence sur un chemin escarpé qui permet d'arriver à un col derrière lequel se découvre une immense plaine avec relativement peu de végétation, sauf le long des quelques rivières qui la jalonne. C'est l'occasion de faire des pauses et de se baigner dans une eau couleur rougeâtre/noirâtre, mais néanmoins pure et étonament potable.

Et puis tout à coup, sans qu'on s'y attende, une immense dépression qui s'ouvre devant soi, le bord du cirque, et qui laisse voir une grande vallée boisée, valonnée, et entourée de montagnes plutôt minérales. Nous y sommes, c'est la Vale do Pati, magnifique.

Une descente un peu raide pour arriver en contre-bas, et poser nos affaires dans un petit gîte: 2-3 maisons aménagées de manière très rustiques pour les touristes, confort minimum mais confort tout de même, des matelas à même le sol, des draps propres, des sanitaires, une cuisine, et de l'électricité grâce à des batteries alimentées par des panneaux solaires. Nous serons les seuls promeneurs pendant ces 3j, c'est la saison creuse en ce moment (et c'est tant mieux), même si non loin de là des centaines de personnes affluent vers Lençois pour assister au festival de musique.

Point question de relater ici ces 3 jours de rando en détail, les photos sont là pour ça. Au menu des points de vue spectaculaires, des bains sous des cascades idylliques et dans des petites piscines naturelles, des grottes immenses, des gouffres, des chutes d'eau et des canyons vertigineux... mais sans eau (il n'a pas plu depuis longtemps).

Ca ne vous étonnera guère mais je retiendrai surtout la rencontre avec Leslie et Catherine, et l'alchimie qui s'est créée entre nous pendant 3 jours. Les deux soirées ont donné lieu à des conversations passionnantes sur... un peu tout. En particulier nos cultures respectives, et principalement la langue, que l'on partage... avec toutes ces différences. Et d'arriver à la conclusion toute bête que ni le québécois ni le français parlé chez nous n'est dépourvu de, ou ne possède, un accent, l'un par rapport à l'autre. Ce sont 2 langues, avec des points communs et des différences. Je leur explique que je suis toujours surpris de l'influence de l'anglais, et de l'américain en particulier, dans la culture et la langue québecoises, qu'ils défendent pourtant becs et ongles. J'ai toujours vu cela comme un paradoxe. Cette propension à vouloir traduire littéralement bon nombre de mots ou d'expressions anglaises, qui sont usuelles en France (un "parking" par exple), et en même temps d'intégrer tellement d'expressions qui paraitraient complètement décalées chez nous (du "Oh my god" en français dans le texte, à des verbes anglais francisés). En tout cas Leslie et Cat l'assument parfaitement, cela s'explique aussi par leur éducation très mixte, entre anglais et français, les études dans des universités anglophones, les voyages, etc. Et de mon côté je repense au franglais largement utilisé à Airbus. Comme quoi, on n'a de leçons à donner à personne!

A la faveur d'un feu de bois sous les étoiles, la première soirée est particulièrement agréable. Leslie fait remarquer qu'elle a aperçu une guitare qui trainait dans un coin du gîte... est-ce que quelqu'un sait en jouer? Euh... moi, je crois!! Oui, bon, je sais, ça fait un peu cliché, mais la guitare dans ces moments-là ça a vraiment quelque chose de magique. Je retrouve tant bien que mal les accords de la seule chanson québecoise que je connais ("I lost my baby" de Jean Leloup), les filles m'aident pour les paroles, le refrain tourne en boucle, super moment de partage. C'est rigolo aussi de chanter en français des chansons tellement connues chez nous, mais pas forcément au Québec, et de voir la réactions des filles qui les découvrent (Renan Luce, Goldman, M) et qui reprennent en coeur les refrains avec moi. Pour terminer, rien de mieux que LA chanson franco-anglaise par excellence(!), "It is not because you are" de Renaud, avé l'accent franchouillard qui va bien. Fou rire garanti (moyennant parfois une petite explication de texte, "rouler une pelle" ça ne se dit pas en québécois!).

La deuxième soirée permettra de se dévoiler encore un peu plus, parler de sa vie perso, son passé, ses voyages, ses projets, ses envies, ses résolutions... On ne se connait que depuis 2 jours, et c'est comme si on avait toujours été amis. Le voyage et le lieu permettent ça bien sûr, les barrières tombent, pas de gêne, pas de tabou, malgré les 10 ans de différence d'âge. Peut-être le fait de savoir qu'on ne se reverra peut-être jamais aussi... Quand je repense à quoi elle tient cette rencontre. Un bus loupé qui m'oblige à différer mon départ d'une journée (il est d'ailleurs arrivé presque la même histoire aux filles, qui devaient partir un jour plus tôt de Salvador, mais pas de place dans le bus!), un timing parfait où l'on se retrouve à la même minute au guichet pour prendre le billet, la conversation qui s'engage, et voilà. C'est tellement fort, tellement heureux, et tellement fragile et improbable à la fois. Et de me demander de combien de personnes passe-t-on à côté chaque jour, sans que la rencontre se fasse, alors qu'il y aurait tant à partager. Et pourquoi cela n'arrive-t-il presque exclusivement qu'en voyage, alors que nous sommes si nombreux à vivre les uns sur les autres dans nos grandes villes, sans se voir, sans se parler... Bref, je m'égare.

En voyage tout est permis, même de fêter son anniversaire de manière complétement décalée. Les filles avaient décidé de fêter le leur pendant ce trek, alors qu'aucune des deux n'est née ce mois-ci. Comble du hasard je suis né le même jour que Cat! Ce deuxième soir au gîte c'est donc gateau au chocolat, bougies-étincelles, nutella, et Petits Ecoliers goût chocolat blanc (ramenés de France, au cas où)!!

De retour à Lençois, dernière soirée avec les filles qui repartent le lendemain. Le village s'est rempli de centaines de brésiliens pour le festival qui a commencé pendant que nous étions en vadrouille dans le parc. L'occasion de voir à quel point ce peuple est mixé de toutes les origines, à la fois sur le plan physique et culturel. Ca fait du bien de se retrouver dans un tel mélange qui semble totalement naturel, alors que chez nous tout est tellement uniformisé, ou ségrégué: porte ouverte à la peur de l'autre... Je ne sais pas dire si c'est propre à cette région du Brésil, la photo est probablement très différente dans le sud du pays, beaucoup plus "européen" de ce que j'en ai compris.

J'accompagne Leslie et Cat au terminal de bus, celui-ci a 2h de retard, derniers instants ensemble, envie de profiter et tristesse mélangée. J'ai déjà vécu cette scène tellement de fois. Rares sont ceux que j'ai revus ensuite. Même si ça ne tient qu'à nous.

Les voilà parties, pas le courage de me mêler à la foule pour assister à un immense concert de reggae, je suis plutôt agoraphobe dans ces moments-là. Dodo.

Mauvaise nuit, je me lève du pied gauche, cheville douloureuse, je me sens fatigué, sans énergie. 2 rayons de soleil en cette matinée, mais de courte durée, et qui laissent chacun un goût amer. Une conversation sur Skype mais trop courte et où la "connexion" n'y est pas, et le mariage de Sebito que je peux suivre en direct, grâce à une petite webcam qu'il a installé à la mairie pour les amis et la famille de sa chère et tendre, Maria, originaire d'Argentine. C'est exceptionnel et émouvant de pouvoir suivre ça en direct, moi au fin fond du Brésil, eux dans le sud de la France. Je reconnais des amis dans l'image de mauvaise résolution: JJ et Nat, Fafa, Aline... C'est chouette ce petit bout de mariage, c'est simple, drôle, naturel, original, tout à leur image. J'en pose une petite larme. La connexion s'arrête, c'est dur de ne pas être avec eux.

Encore et toujours ce sentiment qui me revient parfois de ne pas être au bon endroit au bon moment. Certes, ce n'est pas donné à tout le monde de voyager au Brésil, mais là ce matin, c'est un peu dur.

Je dors une partie de l'après-midi, épuisé, à la limite de me sentir malade. Envie de ne rien faire, fermer les yeux, ne pas penser, attendre que le temps passe, lacher. C'est dur la solitude dans ces moments-là. Personne pour te prendre la main et t'aider à te relever, à avancer. Ne compter que sur soi-même, encore et toujours. Le jour décroit déjà, il faut se reprendre, je me force à me lever, une douche. Pas de réponse du guide pour organiser un nouveau trek de 3j à partir de demain, c'est la raison pour laquelle je suis resté en fait. Les personnes de l'auberge ne sont pas très aidantes, impossible de le contacter, mais tout le monde s'en fout, et mon portugais est tellement nul que je n'ai pas le courage de me battre. Je file au petit terminal pour réserver ma place dans un bus demain, il faut que j'avance, c'est mon seul salut. Oui, ça ressemble à une fuite, un abandon... Pas l'énergie de me battre. Sur le chemin, bien sûr, je croise le guide par hasard, il a bien eu mon message mais me propose de partir un jour plus tard. Dans l'absolu ça pourrait le faire mais ma décision est prise, je rentre demain à Salvador, d'autant que la douleur à la cheville s'est légèrement réveillée suite aux 3 jours de marche, et il est peut-être plus raisonnable de ne pas trop forcer. Les signes ne sont pas favorables on va dire, et un an de voyage ça vous apprend un truc super important: savoir déchiffrer et écouter les signes, surtout quand ils disent tous la même chose.

Billet de bus en poche (enfin un truc qui fonctionne aujourd'hui!), je tente d'organiser la suite du voyage et de réserver mon billet d'avion sur internet pour partir vers le nord du pays dans 2-3 jours. Mais impossible de faire la réservation, le système refuse de prendre mon adresse en France, et sans ça, pas de réservation possible. C'est vraiment la poisse, quand ça veut pas, ça veut pas... Je tente toutes les possibilités, toutes les ruses, je m'invente une adresse bidon au Brésil, rien n'y fait. J'essaie d'appeler, sans succès. Je me vois alors coincé à Salvador, ou alors à devoir faire 3 jours de bus non stop pour rejoindre le nord du pays. Super! Bon, devant tout ce massacre, je décide d'arrêter les dégats, assez pour aujourd'hui. On verra demain.

Cette fois encore le salut viendra de la musique (pour d'autres c'est dieux, pour moi c'est la musique, chacun son truc). Ce soir derniers concerts du festival. Coup de pied aux fesses, je me mêle à la foule à contre-coeur après avoir mangé dans la rue une sorte de crêpe salée à la farine de tapioca, comme beaucoup d'autres personnes autour de moi. La scène est prête, je ne sais pas qui on attend, mais il y a beaucoup de monde. Et tout à coup elle apparait, une ombre drapée de blanc dans une lumière bleuâtre (comprenez une belle robe blanche sous des projecteurs bleus!!), elle se déplace en frolant à peine le sol. Premières notes, c'est de la bossa ou de la samba, je ne sais pas trop dire. Elle esquisse un mouvement de danse à peine perceptible, quelle sensualité!! La voix est chaude, puissante, douce, tellement juste. Vanessa da Mata. Une diva, je ne trouve pas d'autres mots. Et quelle présence sur scène, tout à la fois joueuse, danseuse, séductrice, naturelle, simple, forte. Que c'est bon de vivre ça, c'est tellement apaisant. Et quelle chance de partager ça avec des centaines de brésiliens, qui manifestement l'adule, dans ce petit bout de village colonial loin de tout, sous une température idéale. C'est une musique que je n'écoute jamais, certains accents me font penser à ma première année de cours de guitare, avec mon prof de bossa nova. Comme un retour aux sources.

Alors je lâche tout ce qu'il s'est passé aujourd'hui, tout ce qui n'a pas marché, toutes ces personnes loin d'ici avec qui j'aurais voulu être. Et je suis enfin là, en ce lieu, en cet instant présent, précis, et nulle part ailleurs. Comme quelques jours auparavant dans le Parc avec Leslie et Cat.

Merci Vanessa. Merci les filles.

Toutes les photos de Lençois et du parc Chapada Diamantina: cliquer ici.

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