Ce mois de mars a marqué les débuts en solo de Rap Monster (BTS), avec la sortie de sa toute première mixtape, “RM“. Ainsi, nous avons pu découvrir son univers, notamment grâce à ses trois MV, “Do You” et “Awakening“, et tout récemment “Joke“, et à sa collaboration avec Warren G sur “P.D.D” – sans oublier la participation du jeune homme au morceau de MFBTY, “Buckubucku“, aux côtés de Dino-J et EE.
Bien évidemment, toutes ces activités lui ont permis d’attirer l’attention de nombreuses personnes, comme par exemple les professionnels du milieu hip-hop. Et c’est pour cette même raison que HipHopPlaya et le rappeur se sont entretenus la semaine dernière, afin de livrer au public une interview riche et intéressante, qui permet à celui-ci d’en découvrir plus sur l’idole.
Voici la première partie de l’entrevue traduite.
Lorsque je pense à Rap Monster, la première chose qui me vient à l’esprit, c’est les gens qui s’exclamaient “c’est un génie !”, durant vos années d’apprentissage. Vu que tout le monde disait ça, je me suis simplement dit que ce devait être le cas, mais d’un autre côté, j’étais un peu sceptique, du genre “Quoi ? En quoi est-il si extraordinaire ?”.
RM : Que voulez-vous dire par “génie”…? Le fait que les gens me voient de cette façon, c’est… Je donne probablement une impression de philosophe dans une petite pièce. Je pense énormément pour mon âge. Comment fonctionne le monde, quelle genre de personne je suis, quelle relation j’ai avec le reste du monde. Puisque je suis intéressé par ce genre de choses, j’ai lu du Nietzsche, ainsi que certains travaux en psychologie de Carnegie. Vu que j’avais ce genre de questionnements à un tel âge, et que je les exprimais à travers la musique, c’est peut-être la raison pour laquelle les gens pensaient que j’étais un génie.
C’est plutôt inédit de voir un jeune de 21 ans qui se questionne sur nos racines existentielles, nos relations avec le monde, et notre propre conscience. Il y a tellement de choses sur cette planète que l’on peut apprécier simplement, et plus c’est simple, plus cela nous donne l’impression d’avoir une vie joyeuse et facile, donc quelle est la raison pour laquelle tu te préoccupes de telles choses ?
RM : C’est comme le syndrome de Chuunibyou* (rires). Mais le syndrome de Chuunibyou n’est pas forcément une mauvaise chose. J’ai commencé à écrire de la poésie dès le CE1. Depuis, je pense que je suis obsédé par le désespoir et la solitude, et la relation qu’entretient ma conscience avec le monde. Parmi les poèmes que j’ai écrit à cette époque-là, il y en avait un dans lequel je me comparais à une feuille tombante, mais je ressentais une certaine satisfaction à diviser le monde et moi-même, explorer, réfléchir. Je me sentais vivant, important. Ah ! Il y a des fois où je me sens un génie. Des fois où je me demande “Oh, comment ai-je pu écrire cela ?“. Même après avoir écrit, il m’arrive de regarder mon texte et de gagner en confiance, car il me semble d’une extraordinaire qualité, et quand je le montre aux autres, je reçois la même appréciation. Cela peut être vu comme du narcissisme, mais je pense plutôt que j’ai une certaine habilité à émouvoir les gens. Ces moments-là sont très courts cependant, et la plupart du temps, au final, je n’en ressens que frustration et douleur.
*Le syndrôme de Chuunibyou (ou Middle School 2nd Year Syndrome) est une sensation que beaucoup de collégiens ressentent ; le sentiment d’être supérieur, voire différent et renfermé – allant jusqu’à se méfier et déprécier l’intelligence ou la personne adulte.
Dis-nous en plus sur les fois où vous vous mettiez en position d’échec et de douleur. Les gens aiment écouter les moments sombres de l’autre, en particulier ceux d’un génie (rires).
RM : La frustration, je la ressentais des centaines de fois dans une seule journée. Je suis en train de travailler sur le prochain album des BTS, mais avant ça, je me suis beaucoup donné pour ma mixtape. Toutefois, leur style respectif est bien différent. Ainsi, je bloque sur un mot, une parole, et tout ce travail se transforme en frustration. Par exemple, je devais écrire quelques lignes d’hier à ce matin 9 heures, mais je n’ai pas arrêté de faire d’autres choses jusqu’à 2h30 du matin. Je suis allé sur un forum et je regardais les commentaires, je lisais des bande-dessinées sans intérêts, je me suis intéressé à l’actualité… Et tout en faisant cela, j’ai rallumé mon ordinateur à 7 heures du matin, et je me suis mis au boulot. Si j’écris et que je me dis “Oh ? Ça me plait. J’aime ce que je viens de faire“, alors je ressens beaucoup de bonheur et de joie, mais ce genre d’occasion n’arrive pas souvent. C’est pourquoi c’est très dur [pour moi]. Il arrive souvent que je pense “Ah, c’est la seule chose que je sais faire et pourtant je n’y arrive même pas“. Je me demande si c’est la douleur qui émane de la création artistique, dont beaucoup de gens parlent. Cependant, je dois arriver à la combattre. Je dois la vaincre.
Pourquoi sors-tu une mixtape ? Lorsque je vois le chemin qu’a emprunté les BTS au cours des dernières années, j’ai l’impression que vous avez réussi à vous élever contre les idées reçues telles que “Des idoles font du hip-hop ? Connaissez-vous seulement le hip-hop ?”, mais est-ce un moyen [une fois de plus] de le prouver ?
RM : Entre autres, oui. Lorsque je vois mes aînés G-Dragon (BIGBANG) et Zico (Block B), ils sont très doués en musique, mais il y a encore des gens qui ne reconnaissent pas leurs talents pour la seule et unique raison qu’ils sont des idoles. Premièrement, j’ai réalisé cette mixtape parce que j’avais une certaine confiance en moi, mais s’il y a des personnes qui ne reconnaissent pas que c’est du hip-hop malgré tout ça, alors je ne peux rien y faire de plus… C’est ma façon de penser.
Tu sembles être solennellement déterminé.
RM : Oui, je suis solennellement déterminé. Mon cœur est déterminé, les chansons sur ma mixtape sont déterminées… (rires) Je veux m’imposer sur scène pour ça. Je veux que cela marque un nouveau départ. C’est un peu une thèse sur la personne que je suis devenue. En un mot, c’est comme si je venais de finir le premier volet.
Est-ce que travailler sur l’album de BTS est très différent de ta musique personnelle ?
RM : C’est différent. La musique de BTS vise un public “jeune”. Elle se concentre sur les pensées et inquiétudes que les jeunes dans la dizaine ou la vingtaine affrontent, et nous parlons pour eux. Cependant, ma musique, c’est simplement moi. Ma musique est un moyen de montrer mon côté sombre, inquiet, avide, monstrueux, que j’ai au fond de moi. C’est plutôt ambigu, [ça parle] de solitude, d’être seul, de vouloir être seul, de blesser à force de vouloir être seul, mais ce n’est pas pour autant que je n’aime pas la solitude. C’est une promenade de mon moi intérieur. De plus, je pense que tout le monde est ambigu, et peut être à la fois un démon et un ange. Mais je pense que la personne qui est la plus extrême dans cette caractéristique, c’est moi. Je ne veux pas essayer de le cacher, au contraire, je souhaite le prouver à tout le monde à travers ma musique.
Tu as récemment sorti un morceau en collaboration avec Warren G. J’ai alors eu l’impression que ceux qui sont plus intéressés par Rap Monster que par BTS apprécieraient grandement ce titre. Comment était-ce de travailler avec Warren G ?
RM : Il y a deux choses que Warren G m’a dites et que je n’oublierai jamais. La première est “le hip-hop est ouvert à tout le monde“. Peu importe ton origine, ou ta nationalité, le hip-hop est un genre musical toujours prêt à se développer pour ceux qui l’apprécient. Il ne sert à rien de se restreindre à cause de quelques préjugés. La deuxième est “tu te débrouilles bien, peu importe ce que les autres disent, crois en toi et fais ce que tu veux“. Bien que ce soit une expression utilisée par beaucoup, je pense que j’ai été touché du fait que ce soit lui qui me le dise. Il dit souvent “C’est trop bien !“, mais je pense que c’est une sorte de croyance. Quelque chose comme “Hakuna Matata“. “C’est trop bien“, quand je pense à cette phrase ces jours-ci, je me sens moins stressé.
J’ai entendu dire que tu es tombé amoureux du hip-hop à l’âge de 14 ans, et tu t’es mis à vivre à Hongdae, dans le quartier où se déroulaient des tournois de hip-hop, ce qui a fait de toi ce que tu es aujourd’hui.
RM : Tout à fait. À l’époque où j’allais voir des performances [de hip-hop] à Hongdae, Supreme Team était très populaire. Avant que tout ne devienne si médiatisé… À ce moment-là, c’était bien différent d’aujourd’hui, puisque Illionaire s’est emparé du milieu, mais Jiggy Fellaz, Big Deal, Soul Company, Verbal Jint… De nombreux musiciens avaient leurs propres styles, tels les quatre animaux de l’astrologie chinoise, et c’était comme si chacun d’entre eux se battait contre l’autre, c’était vraiment cool. Avant cela, Epik High m’avait beaucoup influencé. En Corée, c’était Epik High et Garion, et à l’étranger, c’était Nas et Eminem. Ces quatre inspirations m’ont ouvert la voie sur le genre de musique que je voudrais faire à l’avenir.
Ces quatre inspirations ont-elles quelque chose en commun ?
RM : Bien que ces quatre aient des inclinations différentes, toutes leurs paroles étaient tellement remplies de vérité que je ne pouvais avoir d’autre envie que de faire ce genre de musique. Je crois que ces personnes ont une certaine habilité à raconter une histoire réelle plus intéressante que ce qu’elle ne pouvait l’être à la base.
Je serais curieux de connaitre les premières paroles que tu as écrites. De quel sujet traitaient-elles, et sur quelle expérience réelle tu te confiais.
RM : Bien que je ne me souvienne pas du titre, c’était en septembre 2007. J’ai écrit une chanson à partir d’une instrumentale amateur sur le site Jungle Radio, mais je pense que j’étais inspiré par Eminem à cette époque-là. “Dégager ce mal-être mélangé au bluff, et renverser les dominos, c’est la façon dont je prévois de m’en sortir“. C’était quelque chose comme ça. Ça ne veut rien dire. Pourquoi faudrait-il renverser des dominos ? Mélangé au bluff… (rires) J’avais 14 ans, mais je pense que ce qu’il faut en retenir, c’est l’essence même de ce que j’écris à l’heure actuelle.
Bien que le hip-hop soit un genre musical, il apparaît des fois comme une sorte de religion ou de philosophie [de vie]. Dis-moi, qu’est-ce que c’est le hip-hop ? Pourquoi tant de personnes semblent s’en éprendre ?
RM : Définir le hip-hop, c’est aussi fastidieux que définir l’amour. S’il y a 6 milliards de personnes dans ce monde, alors il y a 6 milliards de définitions de l’amour, et de ce fait, chaque définition du hip-hop varie en fonction de la personne. Bien sûr, il est possible de donner la définition du dictionnaire. En 1970, un certain DJ Here, résidant dans le Bronx, animait une soirée – lors d’un break dans sa musique, quelqu’un rappait, quelqu’un d’autre dansait, et encore une autre personne dessinait des graffitis. C’est ainsi que le hip-hop est né, et tout le monde appelle ça les 4 éléments du hip-hop. Cependant, les définitions du dictionnaire, une grande partie d’entre nous les connaissent, mais [peu d'entre nous] peut démystifier son essence même… En un mot, c’est quelque chose qui ne peut être expliqué. Pour moi, c’est un moyen de revendiquer sa liberté, mais aussi de se rebeller. De plus, cela permet à beaucoup de monde de s’amuser et de prendre du bon temps, et l’on peut même y entendre des messages d’amour et de paix. Si vous deviez comparer [le hip-hop] à un Pokémon, ce serait un Métamorph. Personnellement, à mon sens, le hip-hop représente le monde. Le monde dans lequel je vis… C’est compliqué, n’est-ce-pas ? Pour être honnête, c’est compliqué pour moi aussi
Peut-être est-ce parce que je ne connais pas grand chose du hip-hop, mais il y a de nombreux aspects culturels et stylistiques du hip-hop que j’ai du mal à assimiler. Les grosses chaînes en or, les pistolets, ce genre d’images… De plus, je ne comprends pas le terme “swag”, qui est souvent employé.
RM : Cette vogue des armes et de la drogue n’est pas le vrai caractère du hip-hop. C’est juste devenu un produit dérivé qui s’est construit autour de la musique hip-hop, mais ce n’est pas son vrai caractère. Bien qu’il y ait une image bien spécifique qui apparaisse à l’esprit lorsque l’on pense à la mode hip-hop, elle est pourtant devenue bien plus large [que cela]. Jetez un œil à A$AP Rocky ou Kanye West. Ils ne portent plus de pantalons qui tombent. Afin de comprendre “swag”, il faut comprendre quelle valeur peut prendre cette phrase dans le milieu du hip-hop : “y arriver par soi-même“. Y arriver par soi-même est un concept très important et respecté. Je vais prendre Jay-Z comme exemple. Jay-Z était un dealer de drogue. Il vendait de la drogue sur le toit-terrasse d’un grand stade appelé le Barclays Center, mais il a réussi [sa vie] et a acheté le bâtiment. [...] Wow, vous vous rendez compte comme c’est cool ? Il y a pas mal de temps, Jay-Z a sorti une chanson appelée “99 Problems”, et il y rappe : “J’ai 99 problèmes, mais une meuf n’en fait pas partie“, et pourtant il a fini par se marier à Beyoncé un peu plus tard. N’est-ce pas fabuleux ? Il a commencé en tant que dealer de drogue, est devenu un homme extrêmement riche et a épousé la femme la plus merveilleuse au monde. Je pense que cela donne de l’espoir et de l’ambition aux hommes. Montrer de telles prouesses au monde entier est ce que l’on appelle le “swag”. Même s’il le montre excessivement, on ne peut pas le détester ou lui en vouloir. Car [les gens comme lui] ont commencé au plus bas, et ne doivent leur succès qu’à eux-mêmes.
Revenons-en à la mode, beaucoup de fans se plaignent de ton style vestimentaire… (rires)
RM : J’aime énormément le style gothique, et de ce fait, je porte des couleurs monotones. Cependant, certains fans n’aiment pas ça et racontent que je ressemble à un moine ou un magicien. J’ai visionné un défilé de Rick Owens il y a quelques années, et c’était vraiment cool. Je l’ai regardé, et j’étais ensorcelé – je me demandais “Qu’est-ce que c’est que ces vêtements noirs ?“. Toutefois, un vestiaire gothique demande, non seulement de l’argent, mais aussi une bonne dose de courage. À quel point cela peut-il être mauvais que je sois comparé à un moine ? Quoiqu’il en soit, j’aime [cette griffe]. Je pense pouvoir ainsi exprimer tous les doutes et la solitude que je ressens, à travers ma signature vestimentaire. Je pense que je m’investis à peine à 10% dans ce style, mais je compte m’y impliquer jusqu’au bout.
Tu es connu pour avoir une intelligence sexy, mais j’ai entendu dire que ton critère idéal chez une femme était également “l’intelligence sexy”. Quel genre d’intelligence sexy recherches-tu chez le sexe opposé ?
RM : Premièrement, j’aime qu’elle ait ses propres opinions et qu’elle soit subjective. Non pas pour quelque chose qui va à l’encontre de la morale, mais il faut qu’elle soit subjective concernant ses propres pensées, afin qu’elle puisse exprimer toute situation qui ne la met pas à l’aise. Et quand elle s’exprime, cela me touche profondément. Pour faire simple, cela me donne la possibilité d’apprendre de nouvelles choses de cette personne, je ressens le désir de la connaître mieux – si je parle avec elle, j’ai l’impression de m’enrichir l’esprit. Quelqu’un qui me donne cette impression est sexy [à mes yeux]. J’aime aussi une femme qui comprend la solitude. J’aimerais qu’elle me dise “Oui, je sais ce que tu ressens“, plutôt que “Pourquoi es-tu tout le temps tout seul ?” lorsque je lui parle de solitude.
Finalement, qu’est-ce-que tu cherches dans le hip-hop ? Communiquer avec le reste du monde, ou te dire quelque chose à toi-même ?
RM : Je veux juste montrer tel que je suis maintenant, je suis ce genre de personne et j’ai vécu de telle façon, mais c’est ma manière de penser à l’heure actuelle. Dans le futur, je serai autrement. Les gens veulent que leur vie ait un sens, sans jamais voir de limite. Je pense que la raison pour laquelle je fais de la musique c’est que, tout en racontant mes expériences, je m’assure que ma vie a un sens [ndt : un but ultime]. Je ne veux pas être insignifiant, je veux marquer l’histoire. Parce qu’on a qu’une seule chance de vivre, je veux pouvoir influencer les gens à jamais, leur donner de l’espoir, et devenir un rêve. Jusqu’à ce que j’en arrive là, je continuerai à aller de l’avant. Car c’est le seul moyen pour moi de confirmer que mon existence en vaut la peine dans ce monde, et d’être sûr de qui je suis vraiment.
Comment as-tu eu l’occasion de travailler sur le morceau “P.D.D” ?
RM : Grâce à la télé-réalité que nous avons tourné avec BTS sur Mnet l’année dernière, j’ai pu rencontrer Warren G pour la première fois. À ce moment-là, Warren G a avoué qu’il voulait nous confier une instrumentale. Après s’être demandés l’un l’autre sur quel album elle pourrait figurer, j’ai fini par l’interpréter pour ma carrière solo.
Il y a des rumeurs qui avancent que vous [les BTS] l’avez soudoyé (rires). Ce serait bien que tu fasses lumière sur la réelle histoire.
RM : Lorsque nous enregistrions l’émission, l’offre de collaboration nous a été offerte par Warren G lui-même. C’était son souhait personnel, et je me souviens encore que le manager de Warren G avait l’air tout à fait réceptif à cette proposition. Honnêtement, en dehors de “P.D.D”, Warren G a confié qu’il aimerait remixer une chanson de BTS et l’utiliser pour l’album. Au début, je pensais que c’était des paroles en l’air. Mais il nous a assuré être sérieux, et c’est à ce moment-là que j’ai assimilé ce qui était en train de se passer. Il nous a dit : “Quand vous rentrerez en Corée, j’en parlerai officiellement avec votre agence“. Peut-être était-ce pour lui un moyen d’essayer quelque chose de nouveau. Bien sûr, il y aura probablement des personnes qui ne voudront pas y croire jusqu’à la fin (rires).
J’ai entendu dire que vous avez déjà reçu quelques morceaux.
RM : Au début, nous en avions reçu trois. Cependant, nous n’avions pas un bon pressentiment [suite à l'écoute]. Ce n’était pas le genre de feeling que j’attendais de Warren G. Je m’attendais à un titre tel que “Regulate” ou “This DJ”, mais ce n’était pas du tout dans le même style. C’est pourquoi, je lui ai demandé qu’il nous envoie d’autres instrumentales, et il nous en a fait parvenir à nouveau trois. Parmi elles, “P.D.D” se rapprochait le plus de ce qui me plaisait chez Warren G.
“P.D.D” est assurément un morceau typique du hip-hop “West Coast”. Y avait-il une raison particulière d’écrire de telles paroles sur ce genre de musique ?
RM : Dès que j’ai entendu l’audio, les mots “Please Don’t Die” me sont venus instinctivement à l’esprit. J’ai pensé inconsciemment qu’il serait intéressant d’aborder un sujet légèrement brutal sur une instrumentale plutôt douce.
Quand l’on pense à une “battle” de rap, on l’associe automatiquement à des paroles très explicites. Quelque chose du genre, “Je vais tous vous tuer !” (rires). Cependant, ce morceau ["P.D.D"] ne semble pas s’adresser à quelqu’un directement.
RM : Elle reflète l’état d’esprit que j’adopte lorsque je suis en face de gens qui me détestent ou qui me critiquent. Avant, cela m’irritait énormément, et je me mettais très en colère. Cependant, depuis, j’ai pu apprendre à passer au dessus de tout ça. Je voulais sincèrement que cela se ressente dans la chanson. C’est également le message caché derrière la phrase “Si tu veux venir avec moi, même maintenant, alors allons-y“.
Lorsque je regarde les paroles du pont, je me dis que tu as plus de facilités qu’avant.
RM : C’est vrai. Ce n’est pas forcé, et c’est tout le temps comme ça ces derniers temps. Même si quelqu’un m’a déjà critiqué par le passé mais décide de me suivre dorénavant, alors je l’accepte aussi. Je suis beaucoup plus à l’aise. J’ai aussi l’impression d’avoir un peu gagné en maturité.
Tous ceux qui ne connaissent pas les nombreuses variétés de “battles” de rap, les traditions du hip-hop “West Coast” ou même la beauté cachée du hip-hop, continueront à penser que ce titre est ennuyeux et n’offre rien d’intéressant.
RM : J’accepte leur avis. Je respecte les goûts de tout le monde. Je n’ai pas envie de les forcer à aimer ou de me justifier. Cependant, je suis reconnaissant envers tous ceux qui comprennent mes intentions ou qui apprécient [ma chanson].
Pour être honnête, “P.D.D” a quelques similarités avec “Regulate” quand on s’y intéresse de près. Bien que “Regulate” ait reçu une réponse positive de la part du public coréen grâce à sa mélodie légère, c’est une musique qui a beaucoup de sens, même par rapport à l’histoire qu’elle raconte et, plus encore, les paroles de “Regulate” sont assez violentes, et sont en contraste avec la sonorité.
RM : Tout à fait. J’ai beaucoup été influencé par “Regulate” sans même m’en rendre compte. Sincèrement, lorsque j’ai entendu “Regulate” pour la première fois, je l’ai trouvé assez étrange (rires). Je pensais alors : “Le son est bon, mais pourquoi de telles paroles ?“, “Pourquoi parle-t-il du fait qu’il ait été cambriolé de manière si douce ?“.
Apprécies-tu en temps normal écrire ce genre de rap agressif ? Même si tu n’attaques personne en particulier.
RM : Oui, tout à fait. J’aime écrire [ce genre de rap]. Et je pense également qu’il n’y a nul besoin d’attaquer quelqu’un ou quelque chose en particulier.
Que veux-tu dire lorsque tu mentionnes qu’il n’est pas nécessaire d’attaquer quelqu’un ?
RM : Je ne suis pas du genre à aimer défier. Même si l’on m’attaque, je ne suis pas du style à répondre de façon très agressive. Cependant, je suis du genre à dire tout ce que je pense. Peu importe le degré [d'agressivité], je crois qu’il faut le résoudre à travers la musique. Bien que certains puissent dire “Si tu veux attaquer quelqu’un, fais-le correctement” après avoir écouté “P.D.D”, c’est ma façon de faire.
J’ai entendu dire que Warren G s’était beaucoup comporté comme ton mentor.
RM : Je voulais lui demander beaucoup de choses à propos du hip-hop. Comme il m’a fait remarquer, les choses telles que tirer au pistolet, prendre de la drogue, faire des braquages ne sont pas le composant essentiel du hip-hop, mais plutôt un aspect négatif compris dans le hip-hop. C’est un peu comme un invité indésirable qui s’est incrusté dans le hip-hop, mais certaines personnes affirment que ça, c’est le hip-hop. Il m’a aussi dit que le hip-hop est ouvert à tout le monde, peu importe son origine ou son langage. Il a fait preuve de beaucoup de bons raisonnements en plus de ceux-là. Bien que cela paraisse évident, les mots n’avaient pas le même poids dans la bouche de Warren G. Et après chacune de ses phrases, il rajoutait “C’est trop bien“. Quand je l’entendais prononcer ces mots-là, je me sentais mieux. Pourrais-je le comparer au sentiment que l’on a lorsqu’un grand frère raconte une histoire ? (rires)
Selon toi, Warren G est-il mieux avec ou sans ses lunettes ?
RM : Avec le temps, je pense que je le préfère avec des lunettes. Il y a longtemps, c’était un homme très charmant… [Vous pouvez le constater si] vous regardez des photos ou des clips anciens.
Donc pour en finir, on va dire que par le passé, il était mieux sans lunettes, et maintenant, il est mieux avec. Veux-tu rajouter quoique ce soit concernant “P.D.D” ?
RM : Euh… En tout cas, c’était une grande chance pour moi de pouvoir rapper sur une instrumentale de Warren G. Même si certaines personnes essaient de m’atteindre pour telle ou telle raison, je suis très fier, et c’était une expérience hors du commun.
Parlons de ta mixtape. Peux-tu nous décrire son concept ?
RM : Si vous jetez un coup d’œil à la pochette, mon visage est maquillé en noir et blanc. Je voulais montrer ma dualité. Des fois, je suis positif, et d’autres, je suis plutôt négatif. Il m’arrive de parler d’espoir, et il m’arrive aussi de ne plus m’y intéresser. Vous pouvez voir [ma mixtape] comme mon introspection, montrant les différentes facettes de ma personnalité. Je voulais exprimer cette idée de “J’ai plusieurs aspects, mais au final, je suis moi, et toi qui écoutes, tu es toi“. J’aime la chanson “Just Do You” d’India Arie. Elle m’aidait à trouver du réconfort lorsque j’étais perdu. Je pense sincèrement que le message de ce morceau a beaucoup influencé la réalisation de ma mixtape. C’est pour cela même que le titre qui représente le plus le message que je veux faire passer à travers ma mixtape est “Do You”.
Tu es en solo, non en groupe, et c’est une mixtape, non pas un album. Y-a-t-il eu un procédé bien spécial afin de la réaliser ?
RM : Je voulais être confortable dans mon travail. J’essayais de ne pas sur-analyser. Même s’il y a des paroles qui pourraient déclencher une controverse, tant qu’elles n’étaient pas trop violentes, je les ai gardées. Je ne suis pas maître d’un album de BTS, je dois m’accorder au concept du groupe, c’est pour cela qu’il y a beaucoup de choses auxquelles il faut faire attention, mais vu que c’est ma propre mixtape, j’ai essayé de me pencher sur mon vrai moi, et travailler de manière confortable.
Les blasphèmes et les expressions agressives ressortent beaucoup.
RM : Honnêtement, je n’aime pas vraiment être vulgaire. Cependant, je pense qu’il y a certaines émotions qui s’expriment à travers des “m*rde” ou des “p*tain“. J’ai utilisé ces mots aux moments où ils étaient absolument nécessaires. Ce n’est pas comme si mes travaux devaient être édulcorés.
Dans quel ordre as-tu placé tes titres sur la mixtape ?
RM : Premièrement, après avoir choisi leur ordre, j’en ai parlé à ma compagnie. Par exemple, lorsque j’ai enregistré la première piste, “Voice”, j’ai pensé qu’elle devait paraître en premier, par logique. Cette chanson est la seule qui conte mon histoire, de ma jeunesse à aujourd’hui. Je l’ai réalisé après voir été beaucoup influencé par des rappeurs étrangers qui rappaient sur une mélodie au piano. Après cela, “Do You”, qui possède le message principal de ma mixtape, suit, et arrive alors “Awakening”, dans laquelle je m’exprime sur les choses qui me tenaient à cœur. Ensuite, “Monster”, “Throw Away”, “God Rap” s’enchaînent, car je voulais simplement “rapper” dans ces chansons. Je les ai écrites tout en pensant aux morceaux de hip-hop qui sont agréables à l’écoute et… Cela m’a donné envie.
Parles-tu du “plaisir auditif” qui ne peut être ressenti qu’à travers le rap et non le chant ?
RM : Tout à fait, c’est ça. Je n’arrivais pas à m’exprimer (rires). Et pour la dernière piste, j’ai choisi “I Believe”. La raison pour laquelle je l’ai placée à la fin, c’est parce que, peu importe la façon dont je m’y prends, je finis par croire en moi. C’était ma conclusion.
Sans même avoir écouté ton explication, “Voice” justifie d’elle-même sa première place, tout comme “I Believe” correspond à une fin. Y-a-t-il eu une chanson mise de côté durant la réalisation ?
RM : [Oui], elle s’appelle “Dreams”. C’est une chanson que j’ai écrite il y a à peu près 2 ans, mais, selon moi, elle ne s’accordait pas avec le concept de la mixtape, donc je ne l’ai pas intégrée. Même s’il y a quelques chansons que l’on peut qualifier de mélodramatiques, je trouvais que ["Dreams"] semblait sortir de nulle part. Ah, il y avait également un titre qui parlait d’argent, mais vu que je n’en ai pas encore beaucoup gagné, je l’ai laissé de côté. De plus, je n’ai jamais eu de gros souci ou d’inquiétude à propos de l’argent, donc je ne pensais pas être capable d’émouvoir les gens avec ce sujet. Pour être honnête, lorsque j’ai écrit ce morceau, il y a eu des passages ou j’étais bloqué, ou je manquais d’inspiration, mais je crois que c’est parce que je ne m’en préoccupe pas beaucoup, ou parce que je n’ai pas encore beaucoup d’expérience derrière moi.
Donc penses-tu avoir fait le bon choix en éliminant ces pistes ?
RM : Bien que j’étais absorbé par mon travail lorsque je les ai composées, je pense que le résultat, tel qu’il est, est bon. Même si j’étais un peu triste au début, ma mixtape semble plus fignolée est travaillée maintenant. Et dans tous les cas, je pourrais toujours utiliser ces [deux] titres à l’avenir.
Sources : HipHopPlaya + Yasuis.
Cet article Rap Monster (BTS) épanche son cœur dans une interview intime avec HipHopPlaya [Partie 1/2] est apparu en premier sur Soompi France.