2014-01-01

 





Invitation à la Balade Carnavalesque : les Zapatistes sont toujours là !

Le samedi 11 janvier 2014 à 14h.

RDV à l’angle de la rue du Faubourg du Temple et du boulevard Jules Ferry, métro : République ou Goncourt.

Salut à tous et à toutes !

Fêtons ensemble le vingtième anniversaire du soulèvement zapatiste du Chiapas au Mexique (1994-2014). Et oui… les Zapatistes sont toujours là !

Durant ces vingt années de résistance, de construction, de partage et d’autonomie, les Zapatistes nous ont inspiré dans nos luttes collectives et quotidiennes, nous n’avons pas cessé d’apprendre et d’être surpris de leur parcours rebelle. Tout au long de ces vingt années, des groupes, collectifs, organisations, syndicats, individus très divers ont accompagné et soutenu chacune et chacun à sa façon leur cheminement … tout au long de ces années nous ne les avons pas oubliés !

C’est pourquoi nous vous invitons tous et toutes à la "Balade Carnavalesque : les Zapatistes sont toujours là !" le samedi 11 janvier 2014 à 14h. RDV à l’angle de la rue du Faubourg du Temple et du boulevard Jules Ferry, métro : République ou Goncourt.

Tout en racontant le cheminement des Zapatistes par la lecture d’extraits de leurs déclarations, une balade artistique, festive et collective arpentera les rues de Paris. Tout au long du trajet : de la musique avec la batucata Yolande do Brasil, de la guitare, du saxo, de la trompette et aussi du cirque, une danse de la couleur de la terre, un peu de théâtre avec "nous n’oublions pas les prisonnier-e-s", les marionnettes de Lyllunik. À mi-parcours pour se réchauffer, une pause café avec les contes zapatistes du vieil Antonio par Albert à la Petite Rockette-Ressourcerie, et enfin une performance collective « El Caracol ».

Pour partager, s’informer et fêter ce vingtième anniversaire, nous vous attendons nombreuses et nombreux à cette Balade Carnavalesque, organisée par les Trois Passants (Libérons-Les !) et l’Association Terre et Liberté pour Arauco avec la participation solidaire de la marionnettiste Lyllunik, de la batucata Yolande do Brasil, d’Albert Sandoz et ses contes du Viel Antonio et d’autres artistes solidaires.

Voici le tract de la balade et la carte pour trouver plus facilement le RDV de la Balade.

Vingt ans après, les zapatistes sont toujours là !

Après cinq cents ans d’oubli, après dix années de travail silencieux, clandestin, « YA BASTA ! » a été le cri qui a brisé le silence de l’histoire, la nuit du 1er janvier de 1994, dans la forêt d’un endroit oublié du sud-est mexicain appelé le Chiapas. Des milliers d’indigènes formant l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN) se sont couvert le visage pour, enfin, être vus, et ont déclaré la guerre au gouvernement mexicain pour exiger liberté, démocratie et justice. Le feu et la parole qui ont surgi de la forêt lacandone ont offert une alternative à ce monde assailli par l’avancée brutale du capitalisme. La parole qui fut alors prononcée ne pouvait l’être qu’avec une voix humble et simple : celle de la dignité.

Pendant vingt ans, le gouvernement et toute la classe politique ont pourtant répondu à cette dignité par la guerre et le mensonge, essayant de noyer dans l’oubli une semence d’où fleurissent des lieux de rencontre appelés « caracoles ». Dans ces lieux,les peuples indigènes et les peuples du monde entier se parlent, se retrouvent pour apprendre les uns des autres, mais aussi pour résister au pouvoir et pour construire, par l’autonomie, un autre monde, meilleur. Tout au long de ces vingt ans de rébellion, d’autonomie, de guerre, de fête, de rencontres et de ruptures, d’apprentissage constant et de regards qui parlent depuis le silence, les communautés zapatistes ont réussi à construire leurs propres systèmes de santé, d’éducation, d’économie, de vie collective. Sept principes les ont guidées dans la construction de cette autonomie : servir et non pas se servir ; représenter et non pas dominer ; construire et non pas détruire ; obéir et non pas diriger ; proposer et non pas imposer ; convaincre et non pas vaincre ; descendre et non pas monter. Et aussi le socle de leur éthique : « Tout pour tous et rien pour nous ».

Venez nombreuses et nombreux !

En silence les zapatistes font du bruit.

C’est le bruit de votre monde qui est en train de s’écrouler.
C’est celui du nôtre qui est en train de ressurgir.
Le jour qui a été le jour était de nuit.
Et de nuit sera le jour qui sera le jour .

Sous-commandant Insurgé Marcos

Mexique, Décembre 2012

Plus de 40 mille zapatistes se mobilisent dans 5 municipalités du Chiapas

En silence, ils occupent les places centrales d’Ocosingo, de San Cristobal de Las Casas, de Palenque, d’Altamirano et de Las Margaritas.
Puis ils disparaissent de façon ordonnée.

Plus de 40 mille bases d’appui zapatistes ont marché ce matin en silence dans cinq villes du Chiapas. Il s’agit de la mobilisation la plus importante de cette organisation depuis le soulèvement de l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN), le premier janvier 1994.

Originaires des cinq caracoles* zapatistes de la forêt Lacandone, de la zone de Los Altos et de la zone nord, les peuples mayas en rébellion (tzeltales, tzotziles, choles, tojolabales, mames et zoques) du Chiapas ont occupé les places centrales d’Ocosingo, San Cristóbal de Las Casas, Palenque, Altamirano et Las Margaritas et cela dans un silence complet à chaque endroit où ils étaient présents.

À 6h30, près de 6 mille indigènes zapatistes, en majorité des jeunes, se sont concentrés dans les environs de l’Université de la Selva, près de la zone archéologique de Toniná. De là, ils ont marché vers le parc central d’Ocosingo, où ils sont restés pendant trois heures en face du bâtiment du conseil municipal, qu’il y a 19 ans les insurgés et les miliciens de l’EZLN avaient pris par les armes après avoir déclaré la guerre au gouvernement mexicain.

Cette fois, l’action a été civile et pacifique et les seuls qui ont parlé, ce sont les poings gauches levés de tous les zapatistes quand ils sont montés en ordre sur une estrade installée pour l’occasion. Vers 10h30 les derniers manifestants ont abandonné la place et sont retournés dans la forêt.

De la même façon, dans les autres endroits mentionnés les zapatistes ont placé des estrades où ils sont montés le poing levé, lors d’un défilé d’un impressionnant silence.

A San Cristóbal de Las Casas environ 20 mille hommes et femmes zapatistes ont marché. Selon des rapports, au moins 7 mille indigènes se sont réunis à Las Margaritas, et 8 mille à Palenque. À Altamirano le chiffre est inconnu. Conformément au témoignage d’un chauffeur de la zone d’Ocosingo, du Caracol de La Garrucha, le double d’indigènes aurait pu venir mais il n’y a pas eu suffisamment de véhicules pour les transporter, raison pour laquelle seulement 6 mille personnes se sont déplacées.

Les jeunes et les femmes étaient particulièrement nombreux.

Durant ces dernières semaines, de manière intermittente, le site web « Lien Zapatiste » (Enlace Zapatista) annonçait la publication d’un « message » du Comité Clandestin Révolutionnaire Indigène, Commandement Général de l’EZLN, ainsi que des commissions Sexta et de la Sexta Internationale. On pense que ces communications pourraient se faire connaître bientôt, mais ce n’est pas encore le cas.

À la date où plusieurs imprudents dans le monde ont cru que le monde se terminerait, selon l’interprétation opportuniste des « prophéties » (en réalité, des calculs mathématiques) des anciens Mayas, les communautés bases d’appui de l’EZLN, appartenant aux peuples mayas contemporains qui, dans ces langues se nomment « les véritables Hommes », ont réalisé, le visage couvert, une puissante démonstration de force et de discipline, parfaitement alignés sous la pluie tenace, inhabituelle à cette époque de l’année, qui a accompagné les mobilisations dans les différentes régions pendant toute la matinée.

Habiles pour « apparaître » tout d’un coup, les rebelles indigènes ont « disparu » aussi proprement et silencieusement qu’ils étaient arrivés à l’aube, dans une ville qui, deux décennies après l’irruption traumatique de l’EZLN lors du nouvel an 1994, les a reçus cette fois avec étonnement et curiosité, sans aucune expression de rejet. Sous les arcs de la mairie, qui a suspendu aujourd’hui ses activités, des dizaines d’habitants se sont réunis pour photographier avec leurs téléphones portables et leurs appareils photo la concentration spectaculaire des hommes et des femmes cagoulés qui ont rempli à ras bord le parc comme dans un jeu de Tetris, avançant entre les jardinières avec ordre, comme dans une chorégraphie, pour monter sur l’estrade mobile installée avec rapidité depuis tôt le matin, pour lever le poing et pour dire, silencieusement, nous sommes toujours là. Encore une fois.

* Les Caracoles (les "escargots"): lieux ou structures d’autogouvernement, points de convergence, qui sont rattachés à cinq zones territoriales. Il existe cinq caracoles : La Realidad, Oventik, La Garrucha, Morelia, Roberto Barrios.

Traduit par les trois passants
Correction Valérie

Source 1 ici source 2 : ici

Vidéo: En silence, les zapatistes occupent les places centrales

La petite école , nouvelle étape dans le cheminement zapatiste

Du moulin aux champs en passant par les livres de cours : L’école zapatiste est la vie quotidienne autonome, la liberté.

Par les trois passants

Le son du silence murmurait déjà

Nous nous sommes réveillés comme tous les jours sans nouvelles hors du commun. Ensuite, nous avons été secoué-e-s, surpris-es, intrigué-e-s, intéressé-e-s, figé-e-s, content-e-s ce 21 décembre 2012 quand plus de quarante mille bases d’appui zapatistes ont marché ce matin-là en silence dans cinq villes du Chiapas. Il s’agissait de la mobilisation la plus importante et surprenante des zapatistes depuis le soulèvement de 1994. Originaires des cinq caracoles zapatistes, les mayas rebelles : tzeltales, tzotziles, choles, tojolabales, mames et zoques ont occupé les places centrales du Chiapas et cela dans un silence total à chaque endroit où ils se rendirent. C’était en réalité un silence assourdissant qui nous rappelait que les zapatistes sont toujours là et, discrètement, n’ont jamais cessé de construire un autre monde. Ce qui s’annonçait par la suite était la naissance de quelque chose de nouveau, de profond… La petite école zapatiste et ses conséquences.

Parmi les mille six cents élèves invité-e-s à la petite école, distribué-e-s dans les cinq Caracoles zapatistes, nous étions trois cents personnes au Caracol III de la Garrucha.

Après avoir été accueilli-e-s ce 12 août d’une façon très chaleureuse par tous les zapatistes hommes, femmes, enfants et ancien-ne-s du Caracol qui avaient attendu jusqu’à 2h du matin notre arrivée et formaient une haie d’honneur en criant avec un heureux fond musical : Vive les élevés, Vive les maitres et maitresses d’école, vive les gardians et les gardianes ! Un discours de bienvenue nous a été lu par l’assemblée du bon gouvernement. Ensuite une fête nous attendait et nous nous sommes réveillés avec elle, la fatigue se diluait entre l’émotion et la curiosité pour connaître finalement notre gardien ou gardienne et cœur du peuple, notre « votan », c’est-à-dire la personne qui nous accompagne, nous guide, nous montre, nous fait regarder, nous fait cheminer pendant toute l’école.

Une fois notre votan assigné nous avons suivi le premier cours tous ensemble, les trois cents élèves avec tous les maîtres et maîtresses d’école. Les thématiques traitées ont été très vastes, elles partaient de la formation de l’EZLN, le chemin nécessaire de la clandestinité, le recrutement dans les années de 1983 ; l’évolution de l’organisation et l’importance de la discrétion dans ce processus ; l’éducation, la difficile conquête de la liberté, le gouvernement collectif, la structure du gouvernement autonome…Nous comprendrions plus tard d’une autre façon, le sens de tous cela, la réalité et le vécu.

Les familles, la vie, l’autonomie collective, l’école

Accompagné-e-s à tout moment de nos votan en partageant même le sommeil avec elles et eux, vingt personnes de tous les horizons possibles, employé-e-s, ouvrier-e-s, étudiant-e-s, activistes, profs, musicien-e-s, comédien-e-s, chômeur-euse-s, qui faisant une pause ineffaçable dans leurs quotidiens, nous sommes rendu-e-s à la terre rebelle communale de San Miguel, village de Queretaro, municipalité Francisco Gomez du Caracol III de la Garrucha. Une fois arrivés, nous avons rencontré nos familles, toutes diverses, toutes zapatistes… l’école commençait.

Vers 4h du matin pour les femmes, le moulin du maïs s’imposait, faire les tortillas, le pozol et les haricots ne nous empêchaient pas d’échanger. Nos conversations étaient accompagnées d’un café et le cours commençait, d’abord nous avons commencé sans nous en rendre compte véritablement par « la loi révolutionnaire des femmes , la conquête de leur liberté » chez moi il n’y avait que des femmes et un petit garçon de 5 ans. La mère de famille était sage femme par héritage maternel. Ma gardienne était promotrice de santé reproductive à la clinique Comandanta Ramona, elle était aussi traductrice et mère de 4 enfants dont un qui n’était pas là, décédé, mais toujours présent.

Le chemin des femmes a beaucoup changé, la vie chez elles passe par la double résistance ; il faut tenir la maison certes, mais si les femmes ont des fonctions spécifiques au niveau de la communauté, de la municipalité autonome ou de l’Assemblée de bon gouvernement, leur mari doit les remplacer, doit s’occuper des enfants. Les relations ont beaucoup changé, les femmes peuvent si elles le souhaitent accéder à des fonctions et leurs compagnons les soutiennent, ils apprennent aussi à cheminer avec leurs femmes autrement, en partageant les tâches qu’autrefois seules les femmes assumaient. Cela n’a pas été facile mais ça avance.

La justice a également changé, les femmes peuvent se défendre si leur mari ou compagnon est violent avec elles. Elles sont soutenues par le système de justice, elles ne sont pas obligées d’avoir des enfants, elles peuvent décider quoi faire de leurs vies ; la liberté c’est aussi cela.

Les échanges ont été très riches, il y avait des questions de tous les côtés et la curiosité devenait peu à peu apprentissage.

La liberté pour ma famille passait aussi par la nourriture « sans la payer » – comme elles disaient – le fait d’avoir leurs champs familiaux ou collectifs, de semer leurs haricots, leur maïs, leur bananes, leurs légumes et quelques fruits leur donnait une grande satisfaction, elles n’achetaient rien ou presque, cela représentait la liberté et l’autonomie familiale et collective.

À plusieurs reprises elles me disaient : « nous avons repris la terre, nous l’avons récupérée, soignée, semée, vous devez faire là-bas la même chose, il ne faut pas avoir peur ».

Les Miroirs

Les exemples d’apprentissage et d’échange ont été multiples, très divers ; la joie, la tristesse, la curiosité, l’étonnement faisaient irruption dans chaque conversation, toujours avec respect, nous avons eu de longues discutions sur les réalités d’ici et là-bas.

- Elles me demandaient comme on faisait pour aller en France en avion ? – Nous avons besoin de papiers ? Car nous n’en avons aucun – disaient-elles – Un jour les papiers ne serons pas nécessaires – disais-je. – Alors vous avez beaucoup de travail à faire encore là-bas chez vous – me disaient -elles.

À la fin de la petite école, nous avons fait une cérémonie d’adieux, ils – elles nous ont demandé de laisser quelque chose dans la communauté, les vingt élèves se sont mis d’accord et ont créé collectivement une performance. Nous avons aussi mûri en tant que société civile pendant ces vingt années, nous avons réalisé en peu de temps une construction collective sans prise de tête, humblement, avec respect et sans mépris. Ensuite eux nous ont fait leurs adieux. Ça était dur de dire avoir aux familles, à la communauté toute entière.

Une fois à la Garrucha, l’Assemblée du bon gouvernement nous disait ses derniers mots :

Nous sommes désolés pour les problèmes de transport que vous avez eus. Nous sommes désolés pour le lit dur et les contraintes que vous avez eus. Nous sommes désolés si vous vous êtes fatigués. Nous sommes désolés si vous avez eu froid, faim où soif. Mais nous sommes ainsi les zapatistes, nous vivons ainsi et nous sommes contents.

Impossible de leur dire merci, ils-elles nous répondent à chaque fois que c’est eux-elles qui nous remercient d’être venu, mais depuis ici nous n’arrêtons pas de remercier pour le moulin, le lit, les mots, les haricots, les galettes, merci pour ce grand apprentissage sur la liberté, l’autonomie, la vie. Nous reviendrons (si nous sommes invité-e-s), pour l’instant nous avons encore beaucoup de choses à faire ici où nous vivons, beaucoup à apprendre.

Voir les votan ou les gardien-nes

Notes sur le cours "La Liberté selon les Zapatistes"

Par Gilberto López y Rivas*

Ce fut un honneur d’assister en tant qu’élève au cours du premier niveau La liberté selon les zapatistes qui s’est déroulé parallèlement dans plusieurs territoires des gouvernements autonomes ainsi que dans le Centre de Formation Intégrale -Unitierra à San Cristóbal de Las Casas, Chiapas, du 12 au 17 août.

Par ses multiples significations politiques, stratégiques, programmatiques et tactiques dans l’actualité tragique d’un pays dévasté par ce traître de gouvernement national et par ses associés corporatistes- répressifs (le crime organisé inclus), le cours donné par des indigènes des diverses ethnies qui forment les gouvernements autonomes zapatistes représente un appel urgent à la conscience nationale, aux hommes et aux femmes dignes et intègres pour s’organiser, résister et lutter pour un monde meilleur où l’on commande en obéissant aux peuples à partir de sept principes (1. Servir et ne pas se servir. 2 . Représenter et ne pas dominer . 3. Construire et ne pas détruire. 4. Obéir et ne pas diriger. 5. Proposer et ne pas imposer. 6. Convaincre et ne pas vaincre.7. Descendre et ne pas monter) et en se basant sur la principale maxime éthique qui régit l’EZLN : Tout pour tous et rien pour nous, c’est-à-dire tout le contraire du comportement avec lequel la classe politique mexicaine agit.

Tout au long de cette semaine mémorable, accompagnés par notre Votan, le tuteur ou cœur -gardien du peuple et de la terre, et de nos livres pour la lecture-consultation-discussion, nous, les élèves, nous nous sommes plongés dans l’étude de l’histoire du gouvernement autonome. Nous nous sommes souvenus des années dures de la clandestinité avec l’arrivée des Forces de Libération Nationale dans la forêt Lacandone, le 17 novembre 1983 ; des 10 années de préparation qui ont précédé la déclaration de guerre ; du processus lent mais de la prise de conscience accrue du rôle à jouer quand de temps à autre surgissent des hommes et des femmes qui pensent aux autres, qui se rebellent pour exiger terre et liberté.

On nous a rappelé la création de 38 municipalités autonomes rebelles zapatistes (Marez), dès que l’échec des accords de San Andrés s’est confirmé et, par la suite, les maîtres et les maîtresses ont expliqué les conditions et les problèmes qui ont conduit à la création des cinq Conseils de bon gouvernement, le 8 août 2003. Nous autres les élèves avons appris comment le gouvernement est organisé aux niveaux communautaires, municipaux et régionaux. Avec des astuces linguistiques et une grande capacité de synthèse et de conceptualisation, nos mentors ont montré le parcours de construction et de renforcement de leur autonomie par une pratique collective des hommes, des femmes, des enfants et des vieillards, avec ses réussites et ses erreurs, en abandonnant ce qui ne fonctionne pas et en changeant le nécessaire. Si quelque chose ne va pas, nous l’améliorons : seulement 19 ans ont passé depuis nous construisons notre autonomie, contre 520 ans d’oppression !

Dans la conduite, la participation et le contenu thématique du cours, ont été soulignées les portées et les conquêtes des femmes dans les gouvernements autonomes, dans les commissions d’éducation, de santé, de projets productifs, dans les changements au sein de la quotidienneté, dans les travaux domestiques et le soin des enfants, ainsi que dans le sport et les évènements publics. Ici aussi, les maîtresses ont rappelé comment, dans la clandestinité, a commencé l’intégration des femmes dans les milices, dans les groupes d’insurgés, en rendant manifeste la parité de genre actuelle dans les trois niveaux de gouvernement. Les machistes, et il en reste, doivent maintenant faire face aux autorités autonomes, aux assemblées et au droit des femmes de dénoncer n’importe quel mauvais traitement. Si la femme a une charge, le compagnon doit s’occuper des enfants, faire la nourriture, laver les vêtements – m’a raconté mon Votan.

Un autre sujet important traité dans les cours a été celui de la résistance, puisque le mauvais gouvernement n’a pas cessé un seul jour de harceler les zapatistes. Ils savent bien que les médias sont des instruments puissants de propagande qui mentent tout le temps ; pour cela, ils ont créé leurs propres médias. Ils identifient les partis politiques de tous bords comme des instruments de division et de manipulation qui servent à promouvoir les attaques contre les villages zapatistes et leurs gouvernements autonomes.

Mais dans ce conflit, les zapatistes assument une politique de non confrontation qui leur a bénéficié : Nous avons essayé de ne pas dévier de notre chemin pour éviter la violence, le fait de rester nous-même nous a permis de sortir gagnants. Grâce à notre patience, nous avons réussi à résoudre beaucoup de problèmes. Notre force est notre organisation, sans agresser celui qui nous a fait du mal. Ainsi, les maîtres racontent comment les frères des partis politiques sont devenus dépendants des aides gouvernementales et de programmes gouvernementaux, comment les partisans abandonnent les travaux productifs et vendent la terre, tandis que les zapatistes, de manière collective, travaillent sur les terres récupérées et disposent de leurs propres ressources et épargnes. Paradoxalement, plusieurs partisans finissent par demander de l’aide aux zapatistes en se présentant dans les cliniques, où ils sont traités comme des êtres humains, de la même façon les partisans se rendent aux gouvernements zapatistes en raison de la manière dont est appliquée la justice et de la résolution franche des conflits.

La résistance nous la portons avec nous depuis toujours. La résistance nous a donné la force de construire l’autonomie. Dès 1994, le mauvais gouvernement a voulu nous tromper ; il a cherché par tous les moyens à nous attaquer, mais aujourd’hui nous sommes là! Il fait sa politique et nous, nous nous organisons et luttons pour tous-tes. Ainsi, nos éducateurs ont montré comment ils résistent au niveau idéologique, économique, politique, culturelle, et quelle est leur manière de vivre ; ils-elles ont démontré comment ni les armées ni les paramilitaires n’ont empêché le développement de leurs autonomies ".

Beaucoup d’autres sujets ont été traités, tous avec profondeur, sens de l’humour et franchise, avec la fierté de tout ce qu’ils-elles ont réussi à faire, mais avec modestie. À la fin du cours, le moment est venu de quitter les maitres et maitresses, avec un noeud dans la gorge et pour certains les larmes aux yeux. Pour les diplômés de la petite école, le monde ne pourra plus être le même.

*Né en 1943 à Mexico, Gilberto López y Rivas est anthropologue. Docteur en Anthropologie de l’Université de l’Utah, il est professeur-chercheur à l’Institut National d’Anthropologie et d’Histoire de Mexico. Il a participé au mouvement étudiant de 1968. Il a été membre du Parti de la Révolution Démocratique jusqu’à l’année 2003 quand il démissionna en protestation du manque d’éthique et de pragmatisme face au pouvoir. Il a été conseiller de l’Armée zapatiste de libération nationale.

Traduit par les trois passants
Correction: Val et Myriam

Source

Les Petites écoles d’en-bas

Par Raúl Zibechi*

Il y aura un avant et un après la petite école zapatiste. De celle qui vient d’avoir lieu et de celles que viendront. L’impact sera lent, diffus, il se fera sentir dans quelques années mais il marquera pour des décennies la vie de ceux et celles d’en-bas. Ce que nous avons vécu a été une éducation non institutionnelle, où la communauté est le sujet éducatif. Une auto-éducation, face à face, en apprenant avec l’âme et avec le corps, comme dirait le poète.

Il s’agit d’une non-pédagogie inspirée de la culture paysanne : sélectionner les meilleures graines, les répandre sur les sols fertiles et arroser la terre pour que le miracle de la germination se produise, chose qui n’est jamais sûre et ne peut être planifiée.

La petite école zapatiste, que nous avons vécue avec plus de mille élèves dans des communautés autonomes, a été une façon différente d’apprentissage et d’enseignement, sans salles et sans ardoises, sans maîtres et sans professeurs, sans notes. Le vrai enseignement commence par la création d’un environnement fraternel entre une pluralité de sujets et non par la division entre un éducateur, doté de pouvoir et de savoir, et les élèves ignorants à qui doivent être inculquées des connaissances.

Parmi les apprentissages, impossible à résumer en si peu de lignes, je voudrais souligner cinq aspects, peut-être influencé par la conjoncture que nous traversons dans la sud du continent.

La première est le fait que les zapatistes ont mis en échec les politiques sociales contre-insurrectionnelles dont se servent ceux d’en haut pour diviser, coopter et soumettre les peuples qui se rebellent. À côté de chaque communauté zapatiste il y a des communautés sympathisantes du mauvais gouvernement avec leurs maisonnettes de blocs et qui reçoivent des bons d’achat gouvernementaux et ne travaillent presque pas la terre. Des milliers de familles ont succombé, comme cela arrive un peu partout, et elles ont accepté des cadeaux venant de ceux d’en-haut. Mais ce qui est remarquable, exceptionnel, c’est que des milliers d’autres familles continuent en avant sans rien accepter.

Je ne connais pas un autre processus, dans toute l’Amérique latine, qui a réussi à neutraliser les politiques sociales. Ceci est un mérite essentiel du zapatisme, obtenu grâce à une fermeté militante, une clarté politique et une capacité inépuisable de sacrifice. C’est cela le premier enseignement : il est possible de battre les politiques sociales.

L’autonomie est le deuxième enseignement. Il y a des années que nous écoutons des discours sur l’autonomie dans les mouvements les plus divers, ce qui est précieux, certes. Dans les municipalités autonomes et dans les communautés qui intègrent le caracol de Morelia, je peux assurer qu’ils ont construit une autonomie économique, de santé, d’éducation et de pouvoir. C’est à dire, une autonomie intégrale qui comprend tous les aspects de la vie. Je ne doute pas que la même chose existe dans les quatre autres caracoles.

Deux mots sur l’économie, ou la vie matérielle. Les familles des communautés ne touchent pas à l’économie capitaliste. Elles côtoient à peine le marché. Elles produisent tous leurs aliments, en incluant une bonne dose de protéines. Elles achètent ce qu’elles ne produisent pas (sel, huile, savon, sucre) aux magasins zapatistes. Les excédents familiaux et communautaires, elles les économisent dans le bétail, surtout par la vente du café. Quand il y a besoin, soit pour des raisons de santé ou pour la lutte, elles vendent quelques têtes de bétail.

L’autonomie dans l’éducation et dans la santé s’inscrit dans le contrôle communautaire. La communauté choisit qui enseignera à leurs enfants et qui les soignera. Dans chaque communauté il y a une école, dans le poste de santé, vivent ensemble : des sages-femmes, des rebouteuses et celles qui se spécialisent dans les plantes médicinales. La communauté les soutient de la même façon qu’elle soutient ses autorités.

Le troisième enseignement se rattache au travail collectif. Comme un Votán a dit : Les travaux collectifs sont le moteur du processus. Les communautés ont leurs propres terres grâce à l’expropriation des expropriateurs, premier pas inéluctable pour créer un monde nouveau. Des hommes et des femmes ont leurs propres travaux et leurs propres espaces collectifs.

Les travaux collectifs sont l’une des fondations de l’autonomie, dont les fruits sont habituellement reversés aux hôpitaux, aux cliniques, pour l’enseignement primaire et secondaire, pour le renforcement des municipalités et des assemblées de bon gouvernement. Rien de ce qui a été construit ne serait possible sans le travail collectif d’hommes, de femmes, d’enfants, de petites filles et de vieillards.

Le quatrième point est la nouvelle culture politique, qui s’enracine dans les relations familiales et qui se répand dans toute la société zapatiste. Les hommes collaborent aux travaux ménagers qui continuent de retomber sur les femmes, soignent leurs enfants quand elles partent de la communauté pour leurs travaux d’autorités. Les relations entre parents et enfants sont faites d’affection et de respect, dans un climat général d’harmonie et de bonne humeur. Je n’ai pas observé un seul geste de violence ou d’agressivité dans le foyer.

L’immense majorité des zapatistes sont jeunes ou très jeunes, et il y a autant de femmes que d’hommes. La révolution ne peut être faite que par les très jeunes, et cela n’est pas discuté. Ceux qui commandent, obéissent, et ce n’est pas un discours. Ils lui donnent corps, ce qui est une des cléfs de la nouvelle culture politique.

Le miroir est le cinquième point. Les communautés sont un double miroir : dans lequel nous pouvons nous regarder et où nous pouvons les voir. Mais pas l’un ou l’autre, mais les deux simultanément. Nous nous voyons en les voyant. Dans cet aller-retour, nous apprenons en travaillant ensemble, en dormant et en mangeant sous le même toit, dans les mêmes conditions, en utilisant les mêmes latrines, en marchant sur la même boue et en nous mouillant de la même pluie.

C’est la première fois qu’un mouvement révolutionnaire réalise une expérience de ce type. Jusqu’à présent, l’enseignement entre les révolutionnaires reproduisait les moules intellectuels de l’académie, avec un haut et un bas stratifiés et congelés. C’est une autre chose. Nous apprenons avec la peau et les sens.

Finalement, une question de méthode ou de forme de travail. L’EZLN est né dans le camp de concentration que représentaient les relations verticales et violentes imposées par les propriétaires fonciers. Ils – elles ont appris à travailler famille par famille et en secret, en innovant le mode de travail des mouvements antisystémiques. Quand le monde ressemble de plus en plus à un camp de concentration, ces méthodes peuvent être très utiles pour nous qui nous entêtons à créer un monde nouveau.

*Raúl Zibechi est un journaliste uruguayen, également écrivain et activiste qui a beaucoup voyagé en Amérique latine, notamment dans les pays andins. Il s’intéresse tout particulièrement aux mouvements sociaux : il a beaucoup écrit sur le sujet et plus spécialement sur les mouvements en Argentine, au Paraguay, en Bolivie, au Chili et en Colombie.

Traduit par Les trois passants et Caracol Solidario

Source

sortie du CIDECI vers les 5 Caracoles zapatistes.

L’arrivée -Caracol III

Les votan ou les gardien-nes

L’école

Les familles

la réalité, le vécu, l’autonomie

L’Avenir

VIDEO: Cours "La Liberté selon les Zapatistes" CARACOL III- RESISTENCIA HACIA UN NUEVO AMANECER (La Garrucha)

Prisonnier-e-s et réfugié-e-s politiques, invité-e-s par l’EZLN à la petite école zapatiste.

Prisonnier-e-s et réfugié-e-s politiques, invité-e-s par l’EZLN à la petite école zapatiste qui aura lieu pendant le mois d’août au Chiapas.

L’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN) a fait savoir que parmi ses invités au cours sur la liberté selon les zapatistes, se trouvent de nombreux prisonniers et réfugies politiques, tels qu’Alberto Patishtán, Julian Assange, Leonard Peltier, Bradley Manning, les Pussy Riot, Mumia Abu Jamal et les cinq prisonniers cubains.

Dans un nouveau communiqué sur "les condisciples" de l’événement annoncé par L’EZLN, le Sous-commandant Marcos se dirige maintenant à tous les absents-présents à la petite école zapatiste qui aura lieu au mois d’août.

"En plus des mort-e-s et disparu-e-s qui ne seront pas là et y seront, nous accompagneront dans la petite école zapatiste les prisonnier-e-s politiques qui, par divers magouilles juridiques, se trouvent dans les prisons du monde ou en situation d’asile politique".

Le premier est Alberto Patishtán: "Condamné à 60 ans de prison, qui ce 19 juin aura passé 13 ans derrière des barreaux. Son délit : être mexicain, originaire du Chiapas, indigène, professeur et sympathisant zapatiste. Bien que son incarcération injuste ait été démontrée, les autorités judiciaires retardent sa libération. Selon les mots d’un fonctionnaire gouvernemental "si l’on libère Patishtán ce serait un mauvais signal : nous mettrions en évidence que le système judiciaire est une merde, et nous inciterions la lutte pour la liberté d’autres prisonniers. C’est quelque chose qui ne nous convient d’aucun point de vue. Mieux vaut attendre que se fatiguent tous ceux qui font du bruit avec ça. Mais ici, nous savons que le système judiciaire au Mexique est une merde et que celles et ceux qui luttent pour la liberté des prisonniers politiques ne se fatigueront… jamais".

Marcos explique qu’ont été invités, "parmi de nombreux autres, certains qui symbolisent non seulement l’idée absurde de prétendre enfermer la liberté, mais aussi, et surtout, la résistance digne et la persévérance de ceux qui ne sont pas vaincus par les geôliers, les murs et les barreaux".

Concernant Julian Paul Assange, réfugié politique, Marcos écrit : " Son délit : diffuser mondialement le pourrissement de la politique extérieure nord-américaine. Et pour ce qui est de Bradley Manning, soldat de première classe de l’armée nord-américaine, son délit : diffuser une vidéo où l’on voit, depuis un hélicoptère, des soldats ricains tuant des civils en Irak. Parmi les assassinés se trouvent deux journalistes. Il est aussi accusé d’avoir exfiltré des documents sur la barbarie états-unienne en Afghanistan et en Irak. La charge principale contre Manning, qui pourrait signifier sa mort, est celle « d’aider l’ennemi » c’est-à-dire aider à faire connaître la vérité".

Antonio Guerrero Rodríguez, Fernando González Llort, Gerardo Hernández Nordelo, Ramón Labañino Salazar et René González Sehwerert font partie des autres invités : " La patrie de ces cinq personnes est Cuba, premier territoire libre d’Amérique. Leur délit : avoir donné des informations sur les plans de groupes terroristes basés sur le territoire des États-Unis et d’avoir paradoxalement sauvé de nombreuses vies du pays qui les emprisonne et qui dit lutter contre le terrorisme".

Parmi les invités se trouvent également, les Russes Maria Alyójina, Yekaterina Stanislávovna Samutsévich y Nadezhda Tolokónnikova, membres du groupe de rock punk Pussy Riot. "Leur délit : dénoncer l’autoritarisme de Vladimir Poutine avec la complicité du haut clergé de l’église orthodoxe russe. Et cela « dans le pays qui se vante de s’être libéré de la « tyrannie communiste »".

Puis, dans l’invitation formelle faite à ces personnes, les sous-commandants Moisés et Marcos admettent : "Nous savons qu’il vous sera peut-être impossible de participer personnellement à cette occasion. Mais nous savons bien que le jour arrivera où les portes des prisons s’ouvriront pour celles et ceux qui, comme vous, ont été fait prisonniers et prisonnières par l’injustice devenue gouvernement. Et ces mêmes portes resteront ouvertes suffisamment pour que par elles entrent les banquiers et leurs serviteurs. Quoi qu’il en soit, ici, nous attendons, tôt ou tard, votre participation. Car si notre détermination est la liberté, l’une de nos particularités est la patience".

San Cristóbal de las Casas, Chiapas., 20 juin 2013.
Source
Traduit par les trois passants et Val

À suivre…

Original post of Les 3 passants.
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