2017-02-10



Documentaire/Magnifique documentaire, intéressant et touchant

Réalisé par Luc Jacquet

Avec la voix de Lambert Wilson

Long-métrage Français

Titre original : La Marche de l'empereur 2 (March Of The Penguin 2 - The Call)

Durée : 01h24mn

Année de production: 2016

Distributeur: The Walt Disney Company France

Date de sortie sur nos écrans : 15 février 2017



Résumé : À travers le regard et les souvenirs de son aîné, un jeune manchot se prépare à vivre son premier voyage… Répondant par instinct au mystérieux appel qui l’incite à rejoindre l’océan, découvrez les incroyables épreuves qu’il devra à son tour traverser pour accomplir son destin et assurer sa survie et celle de son espèce. Marchez avec lui dans les paysages éphémères de l’Antarctique, ressentez la morsure du vent et du froid qui l’attendent à chaque pas et plongez avec lui dans les fonds marins jusqu’alors inexplorés.

Bande annonce

Ce que j'en ai pensé : Luc Jacquet nous avait ouvert, en janvier 2005, les portes d'un monde méconnu et merveilleux avec LA MARCHE DE L'EMPEREUR. À la fin de ce dernier, il nous laissait sur les images des petits manchots empereurs rejoignant l'océan. Grâce à L'EMPEREUR, il explore plus avant la relation père/poussin, la force de l'instinct, ainsi que la notion de transmission et d'apprentissage chez ces splendides créatures.



Si vous n'avez pas (re)vu le premier documentaire, pas d'inquiétudes. Luc Jacquet fait un cours de rattrapage au début du film nous rappelant combien les manchots empereurs sont étonnants avec leur danse nuptiale, leurs appels sonores afin de localiser les êtres aimés et combien l'union fait la force dans ce territoire particulièrement hostile de l'Antarctique.

Au-delà du cri d'amour présent dans les magnifiques plans rapprochés de ces imposants oiseaux, Luc Jacquet veut nous faire subtilement prendre conscience de la grande fragilité du cycle de la vie. Les manchots empereurs répondent à un instinct puissant et mystérieux à nos yeux. C'est une espèce endémique qui dépend donc d'un lieu précis. Les terribles contraintes qu'ils subissent se font l'écho d'une sélection naturelle impitoyable. Ceux qui survivent au final sont les plus forts. L'impressionnante beauté de la banquise et des fonds marins recèlent d'innombrables dangers et risques, mais nous pouvons facilement interférer, voire détruire la nature et de ce fait briser à jamais l'impressionnant rythme de ces animaux si particuliers.

Les images sont merveilleuses, tour à tour drôles, émouvantes, inquiétantes, sidérantes et toujours passionnantes. La voix de Lambert Wilson nous guide élégamment et distinctement au travers l'histoire de la vie des manchots empereurs. La musique originale composée par Cyrille Aufort nous berce agréablement au gré des aventures des héros de cette histoire et des paysages nous subjuguant. Il est aisé de voir que les prouesses techniques permettant de filmer dans des conditions extrêmes ont vraiment évolué depuis 2005. En tant que spectateurs, nous en bénéficions pleinement puisque le résultat à l'écran est splendide.

Avec L'EMPEREUR, Luc Jacquet nous offre une parenthèse douce et touchante. On est apaisé par son documentaire, car il nous permet de nous rappeler qu'il y a beaucoup de merveilles dans ce monde et tellement à apprendre des animaux qui l'habitent. N'hésitez pas à vous rendre à la rencontre des manchots empereurs au cinéma, ils vous apporteront plus que vous ne pouvez vous y attendre.

Les photos du tournage

Luc Jacquet, le réalisateur, sur le tournage du documentaire

NOTES DE PRODUCTION

PRÉFACE

« 12 ans après LA MARCHE DE L’EMPEREUR, je retrouve les manchots empereurs lors de l’expédition « Wild-Touch Antarctica ». A force d’en parler à travers le monde, ils étaient presque devenus une abstraction. J’avais peur que l’image que j’en avais dépassé la réalité. Mais non ! C’est un bonheur absolu de les revoir, ils sont encore plus beaux que dans mon souvenir ! L’attraction que j’éprouve pour eux est intacte. Il y a d’abord cette silhouette qui nous fait penser à la nôtre, de loin c’est véritablement troublant. Côtoyer les empereurs, ce n’est pas juste les observer, c’est une rencontre. Ils sont familiers avec nous. C’est très rare. Nous sommes un prédateur, les animaux nous fuient. Les manchots, eux, nous tolèrent et mieux, ils sont curieux, nous approchent… Ce sont vraiment des animaux singuliers. Je n’ai pas de meilleur souvenir que celui de me promener sur la banquise, d’être rejoint par un manchot et de partager un bout de chemin avec lui. C’est un immense privilège de pouvoir vivre ce moment avec vous…et de continuer l’aventure… »

Luc Jacquet

Quel plaisir de proposer au public français ce nouveau voyage, l’expédition d’une vie, l’exploration du sixième continent et la rencontre avec ses plus fidèles habitants.

Il y a douze ans, l’histoire des manchots empereurs avait bouleversé des millions de spectateurs. Tout n’avait pas été dit. Tout n’avait pas été montré.

Nous voilà donc de retour au bout du monde, de l’autre côté de la planète.

LA MARCHE DE L’EMPEREUR a été une rencontre, un point de départ. Pour une des toutes premières fois, le public découvrait sur grand écran le continent blanc et désert, une histoire unique, et pour beaucoup, le principe même du « story-telling » appliqué au documentaire animalier. Ce fut le début d’une collaboration fructueuse entre Bonne Pioche, Luc Jacquet et Disney France qui apportera au cinéma des histoires de renard, d’enfant et de forêts. Ce fut également  l’élément déclencheur de la création de Disneynature, un label unique qui a permis au public de faire le tour du monde guidé par des histoires inventées par la nature.

Avec L’EMPEREUR, notre tour du monde repasse par l’immensité Antarctique avec un regard nouveau et des moyens qui n’existaient pas hier.

Avec L’EMPEREUR, nous proposons au public français un nouveau voyage immobile et bouleversant, porté par Lambert Wilson, ambassadeur idéal, qui a eu la chance de se rendre sur ce paradis blanc.

Avec L’EMPEREUR, nous continuons à creuser le sillon d’un cinéma citoyen et responsable, du grand écran comme véhicule d’un discours à la fois pédagogique et divertissant.

Bon film, bon voyage

Jean-François Camilleri

Président de Disneynature et de TWDC France et Benelux

LA MARCHE DE L’EMPEREUR  a marqué notre parcours de producteurs plus que tout autre film. Tout a commencé il y presque 15 ans, en juin 2002, date de notre première rencontre avec Luc Jacquet. L’histoire qu’il voulait porter à l’écran était d’un genre nouveau pour Bonne Pioche.

Pour lui, comme pour nous il s’agissait de notre premier film destiné au cinéma. La puissance de cette histoire de la nature et la passion de Luc pour ces empereurs nous semblaient pertinentes pour prendre le risque de nous engager dans ce pari ambitieux. Mais nous étions bien loin d’imaginer que l’histoire de ces manchots nous amènerait à vivre une telle aventure.

Nous avons lancé cette production atypique, en envoyant une petite équipe de tournage durant 12 mois en Antarctique afin de filmer cette histoire unique. Mais si notre détermination était sans failles pour produire ce film, notre aventure de producteurs a été bien plus compliquée que prévu. Et à l’image de la lutte des manchots pour survivre sur la banquise, notre quotidien s’est vite transformé en « Marche des producteurs » devant faire face à toutes les difficultés techniques, logistiques et financières pour arriver à faire exister ce film.

En plein cœur du tournage et alors que l’équipe affrontait des tempêtes terrifiantes sur la banquise, nous nous sommes retrouvés dans la plus grande détresse financière. Aucun partenaire du cinéma ne prenait au sérieux notre histoire de manchots et ne souhaitait y être associé !

Beaucoup trop endetté pour notre petite structure, nous étions alors à la limite de tout abandonner… Jusqu’au jour où nous avons rencontré Jean François Camilleri alors directeur de la distribution de Disney France Studios. Et même si, dans son bureau, il nous a fallu, mimer le passage d’œuf d’un manchot à l’autre pour le convaincre, il fut le premier à enfin voir dans ce projet la force du film en devenir. Nous avons pu alors, garder confiance, trouver les autres partenaires et aller au bout de la production.

Lors de sa sortie au cinéma le 26 janvier 2005, nous étions fiers et heureux que ce film soit enfin à l’écran après tant de difficultés traversées, mais à aucun moment nous n’avions imaginé l’accueil exceptionnel du public dont il a bénéficié.

Les spectateurs, se sont totalement passionnés pour cette histoire universelle, l’incroyable vie des manchots empereurs en Antarctique fascinait tout le monde. Puis, le film a rebondi de succès en succès à l’étranger, menant Luc et ses manchots empereurs sur tous les continents.

Après cet accueil hors norme du public pour un film documentaire nous avons eu le plaisir d’avoir la reconnaissance de notre profession avec la victoire de la musique remise à Emilie Simon, puis un César et d’autres prix internationaux, jusqu’à ce que l’académie des Oscars décide de nous mener à Hollywood…

Tout depuis sa genèse sur ce film était extrême et dépassait l’improbable !

Cette aventure américaine, cette semaine que nous avons passé ensemble avec Luc pour la cérémonie des Oscars restera certainement un des moments les plus inoubliables de nos histoires professionnelles…Comment ces manchots pouvaient ils nous amener jusque-là ? Nous étions partis de si loin…

Alors, sur le red carpet d’Hollywood Boulevard, pour remettre nos héros au cœur de cette nomination, nous sommes tous arrivés, chacun avec une peluche de manchot empereur.

Les 3000 invités du « Kodak Theatre » se sont amusés de notre présence sur scène accompagnés de nos drôles d’oiseaux, et nous avons vécu ce rêve improbable de recevoir l’Oscar du meilleur documentaire. Puis en sortie de scène, Lauren Bacall nous a tendu les bras… certes pour nous féliciter, mais surtout pour qu’on lui donne une de nos peluches « so cute » !

LA MARCHE DE L’EMPEREUR a donc marqué notre vie mais nous a également motivé à faire notre métier avec encore plus d’entrain.

Très vite nous avons poursuivi notre collaboration avec Luc sur « Le Renard et l’Enfant » puis avec son film certainement le plus audacieux « Il était une forêt ».

Mais Luc n’a jamais cessé d’être « habité » par ses différents hivers passés en Antarctique. Sa fascination pour les manchots empereurs est toujours restée intacte.

En janvier 2016, de retour de son expédition « Antarctica » autour de la base Dumont d’Urville, menée avec Wild-Touch et Paprika films, Luc nous raconte avec enthousiasme ce qu’il a observé de nouveau durant ces semaines passées sur la banquise, immergé au cœur de la colonie de manchots. Les conditions météo de ce printemps antarctique 2015 étaient très différentes de l’année de tournage de LA MARCHE DE L’EMPEREUR ; Cela lui a permis de passer beaucoup de temps au milieu des jeunes empereurs dans ce moment si particulier ou ils partent à l’eau pour la première fois, répondant à cet appel mystérieux de l’océan.

Depuis douze ans les techniques de prises de vue ont énormément évolué. En 2003 nous avions été contraints de tourner en pellicule 16 mm car seule cette technologie pouvait à l’époque résister au froid et encaisser des conditions de lumières aussi difficiles sur la glace.

Lors de sa dernière expédition, Luc a pu tourner en numérique 4K, offrant une qualité d’image optimale. Les outils techniques d’aujourd’hui tels que les drones lui ont permis d’effectuer des prises de vue à couper le souffle révélant l’Antarctique dans toute sa majesté. Mais le plus fort est certainement ce qu’il a vu sous la banquise. Accompagné dans cette expédition par des plongeurs tels que Laurent Ballesta et Yanick Gentil, il a réussi à filmer sous la glace ce qu’il y a peut-être de plus surprenant chez l’empereur : Sa métamorphose et son incroyable grâce dans le milieu aquatique.

Avec cette même passion qu’en 2002, Luc nous a raconté et fait partager son aventure, ce qu’il a vu, ce qu’il a ressenti, ce qu’il a découvert de nouveau chez les empereurs et à quel point leur histoire réserve encore une grande part de mystères. Il nous a transmis avec toujours autant de force, son désir de raconter une histoire inédite sur cette vie si extraordinaire des manchots avec un nouveau film en s’appuyant sur ses dernières images, mais également en pariant sur la quantité d’images 16 mm du tournage de 2003 que nous n’avions nullement  utilisées à l’époque.

Nous avons alors ressorti les boites de pellicule 16 mm stockées. Nous étions dans l’inconnu…Nous ne savions pas dans quel état seraient les négatifs qui avaient déjà été abîmés par les conditions extrêmes de tournage et les chocs thermiques reçus. Après beaucoup d’incertitudes, nous avons eu l’agréable surprise du bon état de ceux-ci. Grâce à l’évolution technique des laboratoires numériques nous avons pu numériser ces images dans une meilleure qualité qu’à l’époque. Luc a alors eu un vrai plaisir à redécouvrir ces images notamment celles de l’hiver qui est une saison rarement filmée tant les conditions climatiques sont extrêmes à cette période de l’année.

Fort de cette dernière expédition,  riche de toutes ces images inédites, et animé par son regard d’aujourd’hui, Luc nous a donné envie de l’accompagner dans cette nouvelle aventure cinématographique pour raconter, ce qu’il a saisi de nouveau et de différent sur la vie si particulière des empereurs.

Voilà comment, pour notre plus grand plaisir et douze ans après la sortie de « LA MARCHE DE L’EMPEREUR l’aventure continue avec L’EMPEREUR !

Yves Darondeau,

Producteur, Bonne Pioche

UN FILM IMPULSE PAR L'EXPÉDITION « WILD-TOUCH ANTARCTICA »

Initiée par Luc Jacquet et son ONG WILD-TOUCH, l’expédition artistique et scientifique Wild-Touch Antarctica coproduite par ARTE France, Paprika Films, Wild-Touch Production, Andromède Océanologie et CNRS Images, en association avec Blancpain, l’IPEV et les TAAF s’est déroulée à l’automne 2015.

Pour la première fois, une équipe artistique a pu capter pendant 45 jours, avec du matériel et des techniques perfectionnés, l’extraordinaire biodiversité terrestre et sous-marine d’un des plus beaux écosystème au monde pour nous livrer un témoignage exceptionnel de l’incroyable faune polaire et enquêter sur l’impact du changement climatique sur ce continent  désormais fragilisé.

Sous la glace, Laurent Ballesta, photographe plongeur et biologiste marin a réalisé avec son équipe de plongeurs un vrai défi technique et humain en découvrant à des profondeurs jusque-là inexplorées une biodiversité méconnue. Sur la glace, Vincent Munier, photographe des milieux extrêmes, a révélé en image la vie animale en Terre Adélie. Avec sa propre sensibilité, Luc Jacquet a exploré l’univers polaire.

En collaboration avec l’équipe de scientifiques de Christophe Barbraud, directeur de recherche au CNRS, l’expédition s’est fait le médiateur d’un monde en pleine mutation.

Autant de témoignages sensibles d’un sanctuaire exigeant et fragile, partagés avec le public via des expériences pluri médias complémentaires : beaux livres, expositions photo, muséographie, documentaires TV, VR360°, et désormais un film L’EMPEREUR.

www.wildtouch-expeditions.com

«Cet Appel secret, cet instinct qui permet à l’empereur de réaliser le prodige d’être vivant là où plus personne d’autre ne vit, m’est apparu comme une révélation au cours de mon dernier voyage. Je ne l’avais pas perçu lorsque j’avais écrit LA MARCHE DE L’EMPEREUR obnubilé par la surface visible de l’histoire naturelle de cette famille qui se bat le temps d’une saison pour élever son petit. Cette fois, j’ai côtoyé les empereurs avec un regard apaisé, disponible, et j’ai été bouleversé par le magnétisme de l’Appel.»
Luc Jacquet

AU CŒUR DE L’ANTARCTIQUE AVEC LUC JACQUET

L’Antarctique, ce bout du monde, ce continent des extrêmes à la beauté envoûtante… Ma passion naît en 1991 lors d’un hivernage scientifique pour lequel je séjourne quatorze mois sur la base Dumont d’Urville dans le cadre d’un programme d’écologie du CNRS. Avant mon départ, je rencontre le réalisateur suisse Hans Ulrich Schlumpf qui m’encourage à profiter de cette occasion unique pour faire des images. Je passe des mois à filmer les empereurs avec un plaisir fou. Selon lui, j’avais un œil, je devais continuer. Je décide de changer de  carrière : j’avais trouvé le moyen de voyager et un prétexte pour retourner en Antarctique ce dont je mourais d’envie.

Par la suite je tourne des documentaires pour la télévision en gardant en tête qu’il y a une histoire formidable à raconter autour du manchot empereur. Après plusieurs années  à chercher un producteur, Bonne Pioche et un distributeur Disney France s’en emparent. Les prises de vues de La Marche de l’Empereur durent treize mois, un délai nécessaire pour filmer l’ensemble du cycle de reproduction des manchots. A la sortie du film, je suis emporté par un tourbillon : près de 2 millions de spectateurs en France, un César et un Oscar… Le succès est phénoménal. J’appréhende ce qui m’arrive avec candeur et enthousiasme. Une vie bouleversée à jamais.

L’Appel de l’Antarctique

L’Antarctique m’obsède et me transporte. Chaque fois que j’y retourne c’est un rêve, un éblouissement et une aventure. La magie demeure intacte. J’y ai passé trois ans et demi en temps cumulé et je ne m’en lasserai jamais.

Au fond de moi, je gardais le sentiment de ne pas avoir tout raconté des empereurs, qu’une partie de leur vie m’échappait encore. Au point de remuer ciel et terre pour organiser cette nouvelle expédition à Dumont d’Urville sur l’archipel de Pointe Géologie, l’un des plus beaux endroits au monde.

Pour s’y rendre, il faut vingt-quatre heures d’avion de Paris à Hobart, en Tasmanie, puis onze jours de bateau à côtoyer les icebergs en affrontant les tempêtes. Nous sommes arrivés à onze, onze regards partis dans le cadre de l’expédition artistique et scientifique « Wild-Touch Antarctica » pour témoigner de la beauté, de l’incroyable biodiversité de ce lieu et apporter une vision inédite de l’Archipel. Jérôme Bouvier, caméraman et ami de longue date ; Eric Munch ingénieur du son ; l’océanographe-photographe Laurent Ballesta, Yanick Gentil et Thibault Rauby qui ont plongé et remonté de somptueuses images sous-marines des empereurs ; Cédric Gentil, assistant réalisateur et plongeur lui-même, Emmanuel Blanche le médecin assurant la sécurité des plongeurs ; Manuel Lefèvre venu nous filmer au quotidien pour partager notre aventure, Guillaume Chamerat le seul assistant caméra de l’expédition chargé de prendre soin du matériel et des images tournées et Vincent Munier le célèbre photographe animalier venu immortaliser ce lieu extraordinaire.

A peine arrivé, j’ai posé mon sac et je suis parti sur la manchotière, où la colonie est installée. Cela faisait douze ans que je n’avais pas revu les empereurs. Je les retrouvais enfin, comme s’ils n’avaient pas bougé, que le temps s’était arrêté depuis ma dernière venue. Quelle émotion devant ces 7000 empereurs ! Nous étions là pour deux mois, de novembre à décembre lors du printemps austral originellement pour filmer les images d'un projet multimédias. J’allais pouvoir prendre le temps de les observer à nouveau, de les suivre en permanence afin d’étudier leurs comportements avec cette liberté extraordinaire de les filmer. J’avais plus de maturité pour apprécier le privilège absolu que j’avais d’être là.

Le déclic

C’est lors de l’expédition en assistant au départ des poussins vers la mer que l’idée de faire un film est née dans mon esprit. Pourquoi se mettaient-ils en route si soudainement ? Avaient-ils entendu un signal ? Sédentaires, ils vivaient depuis quatre mois au sein de la colonie et tout à coup ils décidaient de prendre le large. J’ai décidé de les suivre. Je ne les ai pas quittés des yeux. Je progressais à leur rythme, parfois je courais pour les précéder. Leur cheminement prenait des heures, ils s’arrêtaient, hésitaient, cherchaient. J’ai avancé avec eux jusqu’à l’eau. Pour la première fois j’allais assister au grand plongeon des poussins empereurs. Pendant des heures, il ne s’est rien passé. A la nuit tombée, Vincent Munier, l’un des deux photographes de l’expédition qui travaillait sur les lumières crépusculaires, a pris le relais. Le lendemain matin, toujours rien. Ils n’avaient pas bougé. Qu’attendaient-ils ? Ils restaient là, immuables. Après quatre jours, à force d’atermoiements l’un d’eux s’est approché du bord, au pied de la caméra et a plongé. Les autres ont suivi, ils se sont lancés tous en même temps, et ils ont disparu au loin. Ça m’a beaucoup ému, je venais de passer des jours à leurs côtés et je savais que je ne les reverrais jamais.

Ces poussins adolescents, encore couverts de duvet, venaient de se jeter à l’eau pour quatre ans sans savoir nager. S’agissait-il de ce qu’on appelle l’instinct ?

En remontant le cycle de vie des empereurs, je me suis rendu compte qu’il était parsemé de rendez-vous auxquels ils ne dérogent jamais. Au fil de leur évolution, les empereurs ont créé une forme d’excellence qui leur permet de survivre là où aucun autre vivant n’y parvient. Tout à coup cela m’a semblé une évidence : c’était cette partition silencieuse, dont on n’entrevoit que les accords majeurs, qui m’avait échappée jusqu’alors. Cette force qui guide l’espèce, cet instinct.

A Dumont d’Urville, les empereurs sont bagués depuis 1956. Christophe Barbraud, un ami biologiste sur place m’a expliqué avoir contrôlé un manchot empereur âgé de 43 ans. Le destin de cet aîné dans sa dernière saison de reproduction m’a fasciné. Plus de quarante ans à tenir… Combien de fois avait-il failli mourir en tentant de retrouver l’océan après quatre mois de jeûne dans l’hiver le plus terrible du globe ? A combien de prédateurs avait-il réussi à échapper ?… Je tenais mon histoire. Sa longévité m’offrait une situation dramaturgique intéressante qui rejoignait des thèmes chers à mon cœur comme le prodige d’être vivant, la ténacité et la transmission. J’ai appréhendé le manchot comme un acteur. J’avais envie qu’il me raconte ses voyages. En tant qu’être humain, on se sent extrêmement fragile devant la démence des éléments en Antarctique. L’empereur, lui, reste stoïque en plein blizzard. Cela force le respect et l’admiration. Tout me fascine chez cet animal sauvage : son charisme, sa tranquillité, son allure, ses codes si proches des nôtres.

Il est très compliqué de se rendre en Antarctique et les places sont peu nombreuses. Nous étions donc une équipe réduite à son minimum. En arrivant, nous avions en tête le programme très chargé qui nous attendait et les deux mois disponibles pour le réaliser. Nous voulions avancer à toute vitesse, mais il a fallu accepter que c’était impossible. Chaque matin, il s’écoulait un temps fou avant que je ne pose le pied sur la banquise. Après le petit déjeuner, je préparais ma nourriture pour la journée, un litre de soupe, de thé, de tisane ou un sachet de purée lyophilisée dans un large thermos d’eau chaude. Je prêtais attention au moindre détail : enfiler plusieurs couches de vêtements ; cacher les zips des fermetures qui, avec le froid, vous brûlent la peau ; attraper le GPS et la radio ; récupérer mes bottes en train de sécher devant le radiateur… Je chargeais enfin mes deux traineaux avec la caméra, les trépieds et la nourriture pour la journée. Le chargement terminé, ils pesaient plusieurs dizaines de kilos que je devais traîner tout au long de la journée, sur la glace irrégulière. Au bout de quelques jours, la routine s’est installée et m’a permis d’économiser de l’énergie, un élément capital en Antarctique. On devient très minutieux, besogneux et aguerri. C’est une nécessité pour ne pas perdre son matériel ou se blesser sur la glace.

Les crampons aux pieds et les bâtons aux mains, nous évoluions chaque jour dans un rayon de 10 km autour de la station pour nous rendre sur les lieux où nous voulions tourner. Traverser les paysages antarctiques rend très réceptif à ce qui se passe autour, on a le temps de penser, d’observer. On devient perméable, le regard s’aiguise, les sensations se développent. Plus les semaines passaient, plus je me sentais familier avec la colonie des empereurs. J’ai eu accès à leur intimité, à leur vie quotidienne. Je m’endormais au soleil dans mon duvet, au beau milieu des poussins qui me réveillaient en tirant ma doudoune avec leur bec. Je n’avais plus le même rapport au temps, plus de notion de rendez-vous ni de téléphone portable ! La nature me guidait pas à pas. J’ai vécu au rythme de ces animaux, avec comme seules contraintes la fatigue et le froid, c’est une chance inouïe ! Chacun travaillait de son côté, sur des lieux et à des moments différents. Lorsqu’on se retrouvait, c’était l’occasion de longs échanges, chacun racontait ce qu’il avait vu. On en profitait pour se montrer les images tournées la journée.

En Antarctique il faut se méfier des conditions météorologiques très changeantes. On ne sait jamais comment le temps va tourner. Il peut rester stable pour la journée ou être balayé en quelques minutes par des vents violents. Les températures peuvent ainsi très rapidement basculer de 0 à -20 degrés et les paysages se transformer totalement en moins de quelques heures ce qui ne facilite pas les tournages.

Plongées profondes en Antarctique, une première mondiale

Plus de dix ans après le tournage de LA MARCHE DE L’EMPEREUR, le matériel a évidemment beaucoup évolué. J’avais envie d’en profiter pour faire des images qui rendent vraiment justice à l’émouvante beauté de l’Antarctique. Les avancées technologiques nous ont permis de ramener des images incroyables, d’essayer la vidéo 360° et de capter un son plus immersif. Mais la réelle prouesse vient de l’équipe de plongeurs menée par Laurent Ballesta (biologiste naturaliste marin, spécialiste mondial de la photographie sous-marine). Elle a réalisé une première mondiale en faisant une série de plongées profondes à plus de 70 mètres dans l’océan antarctique à -1,8°C. Leurs compétences techniques et leur savoir-faire humain nous ont permis de découvrir une facette de l’empereur totalement méconnue du grand public: sa vie sous-marine. Grâce aux images récoltées lors de ces plongées, on observe l’empereur sous l’eau, dans son élément. Gracieux, c’est un virtuose de la nage parfaitement adapté à la vie aquatique.

Jamais personne avant eux n’avait plongé aussi profondément et aussi longtemps dans l’océan polaire Austral. C’était épuisant. Pour trois heures dans l’eau, il fallait six heures de préparation, puis six heures de réparation et de rangement après la plongée. Pour résister au froid, les plongeurs étaient équipés de quatre couches de vêtements superposées, auxquelles s’ajoutaient des cagoules, des gants, des équipements pour respirer et d’autres pour faire les prises de vue. Au total, 90 kg de matériel sur le dos. Le moindre mouvement était compliqué. Ces plongeurs aguerris avaient soudain l’impression d’être redevenus débutants. Peu d’hommes sont capables de réaliser ces plongées engagées et risquées. Il faut un mental d’acier, une très grande expérience, une excellente connaissance du matériel et une condition physique irréprochable. Une fois sous l’eau, la moindre erreur est fatale. Je crois qu’ils se sont vraiment fait peur à certains moments. Les plongeurs doivent respecter de très longs paliers de décompression pour éliminer les grandes quantités de gaz neutre accumulées. Si ces paliers ne sont pas respectés, ils risquent des accidents de désaturation qui peuvent être mortels. Il est donc impossible de remonter vite, même si l’on est épuisé ou gelé. Et la plupart de ces plongées étaient des plongées sous plafond, c’est à dire sous une épaisse couche de glace. Une fois sous l’eau, il fait complètement nuit, les plongeurs évoluaient à la lumière de leurs projecteurs. Leur plus grande angoisse était de ne pas réussir à remonter à la surface, coincés par le couvercle de glace. Pour retrouver le trou par lequel ils se mettaient à l’eau, ils déroulaient un fil d’Ariane, une ligne de vie lumineuse dont ils ne s’éloignaient jamais.

Au total, les plongeurs ont visité une vingtaine de sites différents et mené une trentaine de plongées, une véritable performance. Ils remontaient chaque fois avec des images toujours plus surprenantes. Le contraste entre ce monde aquatique et celui visible sur la banquise est saisissant. Sous l’eau, il existe une biodiversité très riche et colorée, ce monde jusqu’alors inconnu se dévoilait chaque jour un peu plus grâce à leurs images.

Un continent à part

Cette expédition a été physiquement très éprouvante pour tous les membres de l’équipe, sans compter que les nuits étaient courtes. En plein printemps austral, le soleil ne se couche jamais vraiment, la nuit est comme un long crépuscule. Les lumières sont magnifiques, nous en avons profité pour tourner des images. Malgré la fatigue, nous avions conscience de la chance d’être là, sur ce continent blanc, terre de paix et de science qui n’appartient à personne, aux côtés de cette espèce animale éblouissante.

C’est grâce à l’Empereur que je fais ce métier, que lors de mon premier hivernage en Antarctique j’ai tenu une caméra pour la première fois de ma vie. Mais cela va encore plus loin. Je vois les empereurs comme des sentinelles. En plein hiver austral ils sont le poste avancé de la vie, au-delà de la colonie il n’y a plus rien, seul un continent battu par les vents les plus violents de la planète. Pour survivre dans ces conditions hostiles, les empereurs se sont détachés de tout le superflu. Je pense que l’humanité ne serait pas tout à fait la même sans eux.

Leur familiarité vis-à-vis des êtres humains, leur silhouette qui rappelle la nôtre, leur marche sur le même rythme que nous… Leur présence est incroyable. Rien ne me touche autant que d’être auprès d’eux et j’espère avec L’EMPEREUR partager avec le plus grand nombre l’émotion et le bonheur qu’ils me procurent. Ils m’ont apporté mes plus beaux souvenirs. Il m’est impensable qu’on ne transmette pas à nos enfants la chance de vivre cela. Même si cette chance est minime, presque impossible tant les empereurs vivent au bout du monde. Mais savoir qu’ils existent ouvre nos horizons, nous fait rêver.

Cet univers est aujourd’hui menacé. Les courants changent, modifiant le mouvement des glaces, favorisant certaines espèces, en pénalisant d’autres. Pour la première fois depuis des siècles, il pleut en Antarctique mettant en danger les poussins empereurs dont le duvet n’est pas étanche les premiers mois. Il fait ici si froid, que mouillés, les poussins meurent gelés. Et depuis peu de la végétation apparaît, bouleversant l’écosystème. Alors oui, si L’EMPEREUR peut aider à ouvrir les yeux et susciter des vocations je serai le plus heureux des hommes.

UNE HISTOIRE RACONTÉE PAR LAMBERT WILSON

Charismatique et d’une élégance rare, Lambert Wilson fait partie des acteurs français que l’on ne présente plus. Au cours de sa carrière il a tourné avec les plus grands : Claude Chabrol, André Téchiné, Andrzej Zulawski, Alain Resnais, Peter Greenaway, Carlos Saura, Andrzej Wajda, Pascal Bonitzer… Il excelle dans tous les genres cinématographiques, s’illustre au théâtre, dans des spectacles musicaux et sort en 2016 un album hommage au chanteur Yves Montand. Pour L’EMPEREUR, Lambert Wilson prête sa voix à Luc Jacquet.

« J’ai tout de suite dit oui lorsqu’on m’a proposé de faire la voix de L’EMPEREUR, j’avais adoré LA MARCHE DE L’EMPEREUR. Luc Jacquet est un personnage passionnant et captivant, et il se trouve que j’étais moi-même allé en Antarctique pour le tournage de L’ODYSSEE où j’avais pu rencontrer les empereurs. C’est d’une beauté à couper le souffle. Imaginez le plus beau  glacier des Alpes, et bien là-bas c’est encore plus grand, plus blanc, plus bleu.

On a beaucoup échangé avec Luc sur l’Antarctique. J’avais mille questions à lui poser sur la façon dont il a filmé mais aussi les conditions de son voyage, de son hébergement. On a parlé de sa proximité avec les empereurs grâce à la base scientifique Dumont d’Urville, toute proche de la colonie.

On partage le même sentiment de paix qui règne là-bas, coupé du monde contemporain. Etre isolé a des bienfaits énormes pour soi-même et l’observation de la nature et des animaux fait du bien. Le plus émouvant en Antarctique est la valeur symbolique de ce continent riche en mille choses que l’humanité veut acquérir mais qui est protégé grâce au Traité sur l’Antarctique. Personne n’a le droit de s’emparer de ses richesses et ce territoire n’appartient à personne. C’est bouleversant qu’un tel lieu existe encore.

Je pense que LA MARCHE DE L’EMPEREUR a été une révélation pour beaucoup de personnes. C’est d’une beauté graphique incroyable, et on connaissait finalement peu de choses sur cet animal à l’époque. Le manchot empereur est troublant car il a quelque chose de très humain dans sa façon de se tenir vertical, de s’occuper de son petit, dans le jeu amoureux lors des parades. Luc a une façon singulière de les filmer car il a passé énormément de temps sur place et les connaît très bien. J’ai été bouleversé en découvrant ce nouveau film à peine monté. On pensait avoir tout vu dans LA MARCHE DE L’EMPEREUR et là je découvra

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