Biopic/Drame/Bien construit et intéressant
Réalisé par John Lee Hancock
Avec Michael Keaton, Linda Cardellini, Patrick Wilson, Nick Offerman, Laura Dern, John Carroll Lynch, B.J. Novak, Griff Furst...
Long-métrage Américain
Titre original : The Founder
Durée: 01h55mn
Année de production: 2016
Distributeur: EuropaCorp Distribution
Date de sortie sur les écrans américains : 20 janvier 2017
Date de sortie sur nos écrans : 28 décembre 2016
Résumé : Dans les années 50, Ray Kroc rencontre les frères McDonald qui tiennent un restaurant de burgers en Californie. Bluffé par leur concept, Ray leur propose de franchiser la marque et va s'en emparer pour bâtir l'empire que l'on connaît aujourd'hui.
Bande annonce (VOSTFR)
Ce que j'en ai pensé : LE FONDATEUR est une leçon de capitalisme galopant. J'ai beaucoup apprécié le film de John Lee Hancock, à la fois dans son fond et dans sa forme. L'ambiance des fifties aux Etats-Unis est très bien retranscrite aussi bien en terme de décors et vêtements qu'en terme d'état d'esprit. J'ai trouvé que la remise dans le contexte est donc tout à fait maîtrisée, ce qui est important. J'ai eu un peu l'impression de faire un voyage dans le temps et de revivre la création de cet empire par les yeux de son fondateur Ray Kroc. Cette vision est d'ailleurs assez terrible quand on y pense, ce qui est un autre bon point du film, il fait réfléchir. Je ne connaissais pas du tout cette histoire et je l'ai trouvé vraiment intéressante à découvrir. Elle permet de comprendre le projet de départ et la différence avec ce que l'on connaît aujourd'hui. On apprend et on obtient des éléments d'explication et de déduction.
Le personnage de Ray Kroc, interprété par Michael Keaton, est un homme rongé par l'ambition de réussir à tout prix. Michael Keaton lui donne la dimension qui permet de rendre crédible cette ascension. Il est capable sous des dehors assez sympathiques de jouer les requins. C'est une belle performance.
Les deux rôles secondaires les plus intéressants sont, à mon avis, ceux de Dick McDonald, interprété par Nick Offerman, et Mac McDonald, interprété par John Carroll Lynch. Les deux acteurs offrent des personnalités bien distinctes et complémentaires à leurs personnages. Ils forment un duo attachant.
Les autres rôles permettent de faire des liens narratifs pour offrir une globalité à tous les aspects de l'histoire mise en scène.
LE FONDATEUR n'est pas un film tendre. Il est complet et, pour un biopic, il réussit étonnamment bien à élargir son sujet pour permettre aux spectateurs d'apprendre de cette histoire. Un film bien construit et intéressant !
NOTES DE PRODUCTION
(A ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)
La fondation d'un empire
1954. Marylin Monroe vient d'épouser Joe DiMaggio, Elvis Presley enregistre "That's All Right" et "Blue Moon of Kenucky" pour Sun Studio à Memphis, Walt Disney met une touche finale à son parc d'attraction à Anaheim, en Californie, et les jeunes couples souhaitant accéder à la propriété se ruent sur Levitt, banlieue typique de l'après-guerre. Alors que le pays est en pleine croissance, Ray Kroc, représentant de commerce de 52 ans, travaille chez Prince Castle Sales, dans l'Illinois, où il tente de gagner sa vie. Le produit vedette de la société est le Multi-mixeur à cinq mélangeurs, utilisé pour les milkshakes vendus dans les restaurants drive-in très en vogue à l'époque.
Pendant que Ray s'efforce quotidiennement de réaliser des ventes au cours de ses déplacements à travers le Middle-west, Ethel, son épouse dévouée, s'occupe d'une main de maître de leur maison, dans la banlieue de Chicago. Si elle a toujours soutenu Ray au fil des années, elle commence à se lasser de sa vie professionnelle qui l'accapare et de ses projets utopiques.
Lorsque Ray apprend qu'un drive-in de San Bernardino, en Californie, a commandé six Multi-mixeurs, il est aussitôt intrigué. Quel genre de restaurant peut bien avoir besoin de préparer 30 milkshakes à la fois ? Il met alors le cap sur la côte Ouest pour rencontrer Dick et Mac McDonald, fournisseurs de leur restaurant de hamburgers du même nom, McDonald's. En constatant qu'il s'agit d'un commerce florissant, Ray a une révélation. Il est convaincu que le concept radical des deux frères – une préparation à la chaîne et un menu offrant peu de plats mais des produits de grande qualité – est susceptible de triompher partout dans le pays : il envisage déjà des établissements à chaque coin de rue, aussi répandus qu'un palais de justice ou une église. Avant de se tourner vers la restauration, les frères McDonald ont été conducteurs de camions pour la Columbia, à Hollywood, pendant la Grande Dépression. Mais quand ils ont compris qu'ils pouvaient gagner beaucoup d'argent en travaillant à leur compte dans l'industrie alimentaire, ils ont démissionné et ouvert un stand de hot-dogs à Arcadia : il donnera naissance à leur premier McDonald's, installé à San Bernardino, où leur carte offrait une immense variété de plats – 27 au total ! Cherchant davantage de productivité et d'efficacité, les frères mettent au point une méthode révolutionnaire qu'ils baptisent Speedee System [système de Service Rapide, NdT]. Alors que les drive-in traditionnels proposent des menus avec un très large choix, les frères McDonald limitent leur carte aux plats les plus demandés : hamburgers, frites et sodas. Et ils décident de créer un restaurant dans lequel on peut s'asseoir, pas un drive-in. Pour finir, dans leur cuisine réduite à l'essentiel, la préparation des plats ressemble à un ballet rapide et efficace, parfaitement synchronisé.
Au départ, les frères McDonald engagent Ray pour développer de nouvelles franchises. En découvrant les deux arches dorées caractéristiques conçues par Dick McDonald, Kroc insiste pour que chaque établissement soit orné du logo emblématique qui dégage un halo lumineux. Comparables à une oeuvre du Pop Art, les arches dorées sont immédiatement devenues un symbole aussi facilement reconnaissable et omniprésent qu'une bouteille de Coca-Cola ou une boîte de soupe Campbell's.
De retour à Chicago, Ray engage de nombreux franchisés pour qu'ils ouvrent leurs propres restaurants McDonald's. En peu de temps, Ray Kroc a monté 13 établissements à Chicago et dans la région du Middle-west dans le but de se développer sur les deux côtes et dans le reste du pays.
Après des années d'efforts peu récompensées, la situation s'éclaircit enfin pour notre entrepreneur quinquagénaire. Il fait la connaissance de la jeune et ravissante Joan Smith, épouse de l'un de ses franchisés, chez qui il retrouve le même état d'esprit qui l'anime. Mais sa femme ne voit pas cette rencontre d'un très bon oeil… Malgré le succès des restaurants franchisés, Ray connaît des difficultés financières en raison de son faible intéressement. Par ailleurs, il s'impatiente en constatant que le développement de l'enseigne est trop lent à son goût et il est frustré par les contraintes très strictes imposées par les frères McDonald concernant la décoration et le fonctionnement des restaurants. Ray voit déjà une domination mondiale des McDonald's et n'a certainement pas envie que deux vendeurs de hamburgers de province entravent son projet.
C'est alors que Ray rencontre Harry Sonneborn, petit génie de la finance, qui lui donne un conseil judicieux : si Ray envisageait les McDonald's comme une activité immobilière, et pas uniquement comme des restaurants de hamburgers, il pourrait alors rompre ses liens avec les deux frères et s'enrichir à millions ! L'idée de Harry est simple : Ray pourrait acheter les terrains de futurs McDonald's et les franchisés lui loueraient l'emplacement. Les frères seraient alors évincés du dispositif puisque leurs droits sont limités à l'intérieur des établissements. De son côté, Ray s'assurerait une source régulière de revenus.
En mettant à profit l'idée brillante de Harry, Ray empoche l'essentiel des bénéfices. En 1961, il rachète les parts des frères dans l'entreprise McDonald's et en devient le propriétaire et le PDG. Il ne tarde pas à bâtir un empire du fast-food qui fait de lui une légende de son époque.
Vous avez dit McDonald's !
DE L'ÉCRIT À L'ÉCRAN
Pour le producteur Don Handfield, LE FONDATEUR a commencé par une chanson. En 2004, alors qu'il écoutait "Boom, Like That", single issu de l'album solo de Mark Knopfler (ancien membre de Dire Straits), Handfield a aussitôt été intrigué. La chanson – dont les paroles ont été inspirées à Knopfler par sa lecture de l'autobiographie de Ray Kroc – raconte comment le vendeur de milkshakes originaire de l'Illinois a rencontré les frères McDonald à San Bernardino et leur a proposé de franchiser leur restaurant. Curieux d'en savoir plus, Handfield s'est demandé qui était cet homme et quelle était son histoire. Comme tout le monde, le producteur connaissait la chaîne de fast-food, mais il souhaitait découvrir les origines de ce succès planétaire.
Handfield explique qu'il a lu l'ensemble des ouvrages et des articles qu'il a trouvés sur Ray Kroc : "À l'image des start-ups de la Silicon Valley d'aujourd'hui, il s'agit de l'histoire fascinante de deux frères qui, après avoir inventé un nouveau mode de restauration, ont rencontré un homme d'affaires grâce auquel l'entreprise a pris une envergure considérable", dit-il. "Comme souvent dans ce genre de cas, la séparation entre les fondateurs et le repreneur est violente. Cette histoire réunissait tous les ingrédients et toutes les manoeuvres propres à ce type de récit".
Tandis que Handfield menait ses recherches, les personnages et les thématiques du film qu'il souhaitait développer ont commencé à prendre forme. Selon lui, il existe deux formes de capitalisme incarnées par Ray Kroc et les frères McDonald : "Les frères McDonald appartiennent à ce qu'on pourrait appeler un 'capitalisme durable'. Ils voulaient proposer au consommateur d'excellents produits, laisser une empreinte écologique la plus faible possible et bien traiter leurs employés. À l'inverse, on a Ray Kroc, le genre de type qui, s'il était lâché en pleine jungle, abattrait tous les arbres et repartirait de là avec une valise bourrée de dollars". Le producteur souhaitait donc raconter l'affrontement entre deux entrepreneurs idéalistes et un homme d'affaires sans scrupules prêt à tout pour réussir. Pour autant, le producteur reconnaît qu'il admire Ray Kroc qui, à 52 ans, avait encore l'énergie, la persévérance et la confiance en soi nécessaires pour bâtir un empire.
Handfield raconte qu'au bout de cinq ans de recherches, la chance lui a enfin souri. Un soir, alors qu'il consultait Google, il est tombé sur un petit article accompagné d'une interview de Dick McDonald indiquant qu'il possédait un motel dans le Massachusetts. Handfield a contacté le propriétaire de l'établissement, expliquant qu'il souhaitait produire un film sur les McDonald. L'homme a transmis le message aux descendants de la famille et le producteur a pu rencontrer Jason French, petit-fils de Dick McDonald : celui-ci a confié à Handfield qu'il attendait que quelqu'un s'intéresse à cette histoire et veuille la raconter depuis 50 ans. Étant donné que Dick et son frère Mac étaient décédés il y a longtemps, la famille a laissé à French le soin de gérer les négociations avec le producteur. Malgré l'importance de l'enseigne dans l'histoire américaine, Handfield était surpris d'apprendre qu'aucun journaliste, ni producteur de cinéma, n'ait jamais contacté la famille.
Ravis que la véritable histoire de la fondation de McDonald's puisse être racontée de leur point de vue, French et d'autres membres de la famille ont accepté de prêter à Handfield des images d'archives, la correspondance entre les deux frères et Ray Kroc, de vieilles photos, des maquettes et des enregistrements au dictaphone de leurs conversations. "C'est une documentation extrêmement riche qui nous a beaucoup servi au départ", signale Handfield. "D'entrée de jeu, on ne souhaitait pas du tout faire un film sur le fast-food, mais sur le capitalisme".
"C'est extraordinaire, pour notre famille, que cette histoire soit racontée et qu'on dévoile enfin comment l'empire MacDonald est né", ajoute Jason French. Ce dernier explique que son grand-père et son grand-oncle étaient de formidables pionniers : ils ont imaginé des procédés de fabrication qui ont été mis en oeuvre non seulement dans leurs propres restaurants, mais qui aussi jeté les fondements de l'industrie du fast-food dans le monde entier. "Mon grand-père fourmillait d'idées et de projets, et il était très en avance sur son temps", reprend French. "Il se demandait sans cesse comment améliorer notre mode de vie, comment gagner du temps et être plus efficace".
Dix ans après que Handfield a découvert la chanson de Mark Knopfler "Je me rends à San Bernardino / Je fais dans le mixeur de milkshakes en ce moment / Ces mecs m'en ont acheté un paquet / Et c'est une très bonne chose pour moi !", le producteur a acquis les droits d'adaptation auprès de la famille McDonald. Avec son jeune associé Jeremy Renner, il soumet le projet à Aaron Ryder, coprésident du département production chez FilmNation Entertainment, qui se dit aussitôt emballé. "C'est exactement le genre de film qu'on produit", signale Ryder. "C'est un film sur l'Amérique et le capitalisme. Il parle de la quête d'intégrité, et de son érosion, et de la détermination à réussir coûte que coûte. C'est une histoire qui évoque le rêve américain : on peut réussir, malgré l'adversité, quand on en a la volonté".
Le projet prend forme rapidement. Mais avant de faire appel à un réalisateur capable d'apporter son propre regard au film, les producteurs estimaient qu'il leur fallait un scénario convaincant. À la recherche d'un auteur susceptible de mettre en avant la dimension psychologique de l'histoire, ils ont rencontré plusieurs scénaristes et ont fini par trouver celui dont la vision correspondait à la leur. En 2013, Handfield contacte Robert Siegel, auteur de THE WRESTLER : il estime en effet qu'avec sa sensibilité, le scénariste pourra retracer la trajectoire de Ray Kroc, représentant de commerce devenu PDG d'un empire mondial du fast-food . "On s'est entretenu avec plusieurs scénaristes pour voir comment ils aborderaient cette histoire", reprend Handfield. "Rob pensait qu'il fallait raconter le parcours des frères McDonald, mais du point de vue de Ray Kroc – et j'ai trouvé que c'était une perspective à la fois originale et très forte".
"J'adore écrire des histoires emblématiques de l'Amérique", analyse le scénariste, auteur et réalisateur de BIG FAN, avec Patton Oswalt, cité au Spirit Award. "L'origine des McDonald's touche à toutes les grandes thématiques américaines : la culture de la voiture, les années 50, l'essor du modèle de la banlieue, le fast-food, le capitalisme, l'appât du gain… Cette histoire est édifiante ! Quand on pense qu'elle n'avait encore jamais été racontée… Il s'agit de la naissance du fast-food qui a eu des répercussions sur nos modes alimentaires, les lieux où nous mangeons et les personnes avec qui nous choisissons de manger".
Siegel a été immédiatement sensible au protagoniste dont il a perçu le potentiel extraordinaire. " est un type complexe, haut en couleurs et clivant qui est prêt à tout pour arriver à ses fins", dit-il. Grâce à une documentation de plusieurs centaines de pages sur Ray Kroc et les McDonald, le scénariste s'est également intéressé au climat de l'Amérique des années 50. "Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, le pays était en pleine effervescence", reprend-il. "L'époque était au rock'n'roll, au règne de la voiture, à la culture des jeunes et aux drive-in. Et voilà que débarque ce type totalement en décalage avec son temps : Ray est un fan de Bing Crosby dans un monde dominé par Elvis Presley !" Pourtant, en dépit de son déphasage, Ray Kroc s'apprêtait à devenir l'une des figures les plus influentes de la culture des années 50, 60, 70 et même au-delà. Pour Siegel, l'histoire de la rencontre entre Ray Kroc et les frères McDonald lui a rappelé un autre magnat des affaires, Mark Zuckerberg, et la création de Facebook qui, comme le montre bien THE SOCIAL NETWORK de David Fincher, s'est faite dans la douleur. "J'ai tendance à être attiré par les histoires sombres", reconnaît le scénariste. "J'aime les personnages sombres, complexes et perturbés. En discutant avec Don Handfield, je me suis rendu compte qu'on voyait les choses de la même façon : on voulait brosser le portrait de cet homme haut en couleurs qui a transformé le visage de l'Amérique et du monde, tout en causant de terribles dégâts humains". L'auteur s'est également inspiré de THERE WILL BE BLOOD de Paul Thomas Anderson, CITIZEN KANE d'Orson Welles et TUCKER : L'HOMME ET SON RÊVE de Francis Ford Coppola, ou encore l'ouvrage "THE POWER BROKER: ROBERT MOSES AND THE FALL OF NEW YORK" de Robert A. Caro. Autant d'oeuvres relatant le parcours de grands capitaines d'industrie à l'esprit rebelle.
Ray Kroc a, pour ainsi dire, vécu plusieurs vies en une seule, si bien qu'il était particulièrement difficile de donner une structure au film. "Cela ne valait pas la peine de trop s'attarder sur ses débuts", explique Siegel. "Du coup, on a décidé de démarrer le film lorsqu'il se révèle être un vendeur raté qui n'a jamais rien réussi tout en approchant de l'âge de la retraite. Car au moment où il fait la connaissance des frères McDonald, il a déjà une bonne cinquantaine".
Mêlant son étude psychologique à un portrait de l'Amérique de l'après-guerre, Siegel achève sa première mouture en huit semaines. Pour lui, le moment décisif de l'intrigue, qui détermine la suite, est celui où Ray Kroc découvre le restaurant McDonald's : "C'est comme s'il voyait un buisson ardent", plaisante le scénariste. "Voilà ce type qui errait dans le désert et sur les routes de campagne de l'Amérique profonde, tentant de vendre ses Multi-mixeurs depuis des décennies sans grand succès. Il n'y avait aucune raison de penser qu'il était promis à un destin hors du commun. Au contraire, il était plutôt à un âge où on commence à penser à la retraite. Du coup, lorsqu'il découvre ce restaurant florissant de San Bernardino, au milieu du désert, il se dit qu'il a trouvé sa vocation".
Ray Kroc a toujours voulu connaître le succès, et en rencontrant les frères McDonald, il prend conscience qu'il a la possibilité de mener à bien un projet extraordinaire et de prouver à tous ses contempteurs qu'ils avaient tort. "À mes yeux, il a enfin trouvé une forme de rédemption qui lui permet de dépasser sa vie solitaire et sinistre de représentant de commerce passée sur les routes ", estime Siegel. Le plus admirable chez cet entrepreneur visionnaire, ajoute-t-il, c'est qu'à chaque fois qu'il subissait un coup dur, il se relevait. "Même en constatant qu'il était incontestablement un homme banal, et qu'il n'était pas le moins du monde voué à un destin exceptionnel, il pensait que rien ne se passait par hasard. Et qu'il y avait une raison s'il trimait autant. D'ailleurs, c'est le titre de sa biographie 'GRINDING IT OUT' ['Trimer', NdT] et ça le définit très bien. Il a trimé toute sa vie et il était animé par une énergie incroyable. Il a toujours cru en un destin et pensé que rien ne se passait en vain".
Le titre du film, LE FONDATEUR, se réfère à la description de Ray Kroc comme le fondateur de McDonald's, mais il est chargé d'ironie aux yeux des auteurs. "Ray n'a pas fondé McDonald's", affirme Don Handfield. "Il n'a pas créé le Speedee System. Il n'a pas créé le premier restaurant. Mais sans Ray Kroc, McDonald's ne serait pas devenu l'enseigne connue dans le monde entier qu'elle est aujourd'hui". Robert Siegel acquiesce : "Ray admire de toute évidence les frères McDonald", dit-il. "Ils ont réussi là où lui a échoué, autrement dit, ils ont eu une idée novatrice. Ils ont aussi vu grand et avaient de l'ambition. Mais Ray, lui, voyait bien plus grand ! Il visait 2000 ou 3000 restaurants franchisés, ce qui semblait délirant à l'époque. Il n'avait donc pas fondé la marque, mais il s'en était autoproclamé le fondateur. Dès qu'il a racheté la société, il en a peu à peu réécrit l'histoire et a en quelque sorte évincé les frères de leur propre trajectoire".
Lorsqu'ils ont eu le sentiment que le scénario était suffisamment abouti, les producteurs ont engagé John Lee Hancock pour mettre en scène le film. Aaron Ryder indique que si l'homme est un scénariste et un réalisateur chevronné, il est aussi l'un des types les plus adorables du métier. "Il sait exactement ce qu'il veut et où il va, et il s'entoure de collaborateurs avec lesquels il travaille depuis dix ou quinze ans", note Ryder. Artiste aux multiples talents, Hancock a signé des drames sportifs comme RÊVE DE CHAMPION et THE BLIND SIDE et plus récemment DANS L'OMBRE DE MARY – LA PROMESSE DE WALT DISNEY, avec Tom Hanks dans le rôle de Disney. "Je me suis dit que le projet lui correspondait parfaitement parce qu'à certains égards, il est comme le Frank Capra ou le Norman Rockwell de notre époque", ajoute Handfield. "Il sait raconter des histoires profondément américaines avec une approche universelle. Qui pouvait-on rêver de mieux que John Lee Hancock pour évoquer ce parcours typiquement américain ?".
Pour DANS L'OMBRE DE MARY – LA PROMESSE DE WALT DISNEY, Hancock avait reconstitué l'Australie de 1906 et le Los Angeles de 1961, si bien qu'il savait concevoir un univers crédible situé dans le passé. Dans LE FONDATEUR, il s'agissait de la période 1954-1961 où la plupart des Américains s'habituaient au paradigme de la production de masse. Pendant l'après-guerre, époque d'optimisme où triomphe Elvis Presley, un nouveau type de banlieue, où se croisent autoroutes, motels et chaînes de fast-food, voit le jour. "C'est toujours galvanisant de tourner un film d'époque", indique Hancock. "À cause des voitures, des tenues vestimentaires et de la recherche d'anachronismes. C'est évidemment plus facile de tourner un film contemporain, mais c'est gratifiant de pouvoir voyager dans le temps".
Espérant que le public sera conquis par la force des personnages et de l'intrigue, les producteurs estiment également que l'histoire de Ray Kroc et des frères McDonald permettra d'humaniser la chaîne planétaire de fast-food. "Je pense que lorsque le public découvrira l'histoire de McDonald's, cela redonnera une dimension humaine à l'entreprise que celle-ci a perdue au cours des cinquante dernières années", remarque Dan Handfield. "Le groupe McDonald's pourrait être déstabilisé par la perspective d'un film sans concession sur Ray Kroc, mais je pense que les salariés seront satisfaits en voyant le film. À chaque fois que je passe devant un McDonald's aujourd'hui, je ne vois pas la gigantesque entreprise qui propose du fast-food. Je vois plutôt deux frères qui s'aimaient et qui voulaient offrir aux familles des plats rapides peu chers et de bonne qualité". Et même si LE FONDATEUR revient sur les origines de la chaîne de fast-food, Aaron Ryder estime que l'enseigne devrait être emballée par le film. "À chaque fois que je relisais le scénario, j'avais envie de manger un hamburger chez McDonald's ! Tous les Américains ont, de près ou de loin, un rapport de proximité avec McDonald's. Et si on arrive à retrouver ce sentiment de nostalgie, ne serait-ce que parce que les gens ont envie d'un hamburger chez McDonald's, ce sera bénéfique pour l'entreprise".
Handfield précise que le but du film n'est ni de diaboliser Ray Kroc, ni de chanter les louanges des frères McDonald. "Je pense que la moitié des spectateurs sortiront de la projection en se disant 'Ray Kroc est un héros américain', et l'autre moitié se diront 'Bon Dieu, les frères McDonald étaient des héros américains'. Je trouve que c'est positif. À mon avis, Ray Kroc n'est animé, dans une certaine mesure, que par le désespoir et la peur. Il redoutait avant tout d'être dans l'échec. Il voulait réussir par tous les moyens possibles. Je crois qu'on a adopté ce mot d'ordre pour le pays tout entier : il faut réussir à tout prix".
Le Casting
Producteur chez FilmNation, Aaron Ryder se souvient d'un soir où il était dans un bar en compagnie de John Lee Hancock et de son collègue, le producteur exécutif Glen Basner. "C'est là que toutes les grandes décisions se prennent", dit-il. "Alors qu'on parlait du casting, j'ai dit à John qu'en rentrant chez lui, il devrait écrire sur une feuille cinq noms d'acteurs qui, selon lui, pourraient camper Ray Kroc, puis ne plus y penser pendant quelques jours. Ensuite, ai-je ajouté, reprends ta feuille et entoure deux noms. C'est exactement ce qu'il a fait et le premier nom qu'il a entouré était celui de Michael Keaton. Je ne me souviens même plus du deuxième nom car son choix de départ était idéal". L'acteur venait de tourner BIRDMAN et de remporter le Golden Globe. À la même époque, Don Handfield remarqua une photo de Keaton qui faisait la couverture d'Entertainment Weekly et s'est aussitôt dit "Mais c'est Ray Knock !" Il se souvient : "Il lui ressemblait à s'y méprendre. Keaton est un comédien exceptionnel qui a campé énormément de personnages différents, si bien que je savais qu'il serait formidable dans le rôle principal. C'est le genre de comédien qui incarne totalement le rêve américain dans son expression la plus pure".
Michael Keaton campe donc Ray Kroc, qui est partie d'une idée originale des frères McDonald pour en faire une chaîne de restauration implantée partout dans le pays. Après s'être illustré dans des rôles mythiques comme Batman ou Beetlejuice, Keaton a décroché une nomination à l'Oscar pour BIRDMAN.
Michael Keaton évoque son arrivée sur le film : "La première fois que j'ai entendu parler du projet et lu le scénario, je me suis demandé pourquoi personne n'avait eu l'idée de raconter cette histoire jusque-là. C'est une histoire emblématique de l'Amérique qui parle du capitalisme. On est tous lié de près ou de loin à McDonald's, quoi qu'on en pense une fois devenu adulte. C'est un lien propre à l'enfance. McDonald's incarne le changement le plus important de la culture populaire et du fast-food. Il ne s'agissait pas seulement de hamburgers : McDonald's en dit long sur l'état de l'Amérique de l'époque et sur ses mutations".
C'est la première fois que Michael Keaton collabore avec John Lee Hancock. Pourtant, les deux hommes ont très vite noué une vraie complicité en travaillant le personnage principal. Hancock explique que le film repose en grande partie sur l'interprétation de Keaton : "Il porte vraiment le film sur ses épaules", affirme le réalisateur. "Il est presque de toutes les scènes car le film s'attache à son parcours". Un parcours qui voit ce représentant de commerce de 52 ans siéger au conseil d'administration d'une des entreprises américaines enregistrant la plus forte croissance. "J'étais sûr qu'il serait formidable", poursuit-il, "mais il a dépassé mes espérances. Il a un talent fou, et c'est un bonheur de travailler avec lui car il est toujours prêt à expérimenter de nouvelles pistes. Il aime se mettre en danger et il est prêt à tout".
Robert Siegel partage le même avis sur Keaton : pour lui, le comédien, originaire de Pittsburgh, était parfait en habitant du Middle-west qui ne se sent pas du tout dans son élément en Californie. "Il est absolument charmant mais il sait aussi se montrer onctueux en cas de besoin", dit-il. "Il est capable de parler à un débit rapide. Il a tenu pas mal de rôles où il a développé ce côté 'vendeur désespéré'. Il aurait pu jouer dans GLENGARRY ou camper Willy Loman [personnage de "LA MORT D'UN COMMIS-VOYAGEUR", NdT]. Il peut être pathétique, charmant et charismatique tout à la fois".
Pour Dick et Mac McDonald, d'abord associés, puis adversaires de Ray Kroc, Aaron Ryder explique qu'il lui a fallu pas mal de temps avant de choisir les bons interprètes. "Je suis très fier du résultat", assure-t-il. "C'est toujours difficile de trouver des comédiens jouant deux frères, car lorsqu'on en a choisi un, on a plutôt intérêt à en dénicher un autre qui lui ressemble physiquement. C'était un vrai casse-tête. Depuis le début, John, le réalisateur, voyait les frères McDonald comme deux bons bougres, très américains". Le choix s'est d'abord porté sur Nick Offerman, disponible pendant l'été, entre deux saisons de PARKS AND RECREATION, puis sur John Carroll Lynch. "Ils allaient bien ensemble", indique Ryder. "On a mis leurs photos à côté de celles des vrais frères et on s'est dit qu'ils étaient bien assortis – sans même parler de leur humour et de leur talent".
Comédien et humoriste, Nick Offerman interprète Richard "Dick" McDonald, cadet des deux frères qui ont fondé McDonald's à San Bernardino, et réputé pour être le plus créatif de la fratrie. Outre ses nombreuses autres trouvailles, Dick a conçu les célèbres arches dorées de l'enseigne : il s'agissait de faire en sorte que les passants remarquent le restaurant. Il a ainsi créé l'un des logos les plus mythiques de l'histoire.
Acteur comique à l'affiche de PARKS AND RECREATION, il tient ici l'un de ses premiers rôles dramatiques. Selon Aaron Ryder, "il a tourné dans des films indépendants où il avait des rôles plus modestes, mais on ne l'avait jamais vu dans un registre dramatique auparavant". Pour Offerman, qui explique que "les frères McDonald sont les Henry Ford du fast-food", Mac est vraiment "le plus sociable des deux. Je pense que s'ils vendaient des voitures, Mac installerait les clients au volant de la voiture de leurs rêves, tandis que Dick s'occuperait des comptes, de l'allumage et de la finition des véhicules". Le comédien est aussi menuisier dans son temps libre : il tient une boutique, Offerman Woodshop, dans le quartier branché d'Atwater Village, à l'est de Los Angeles. "Du coup, comme je suis assez manuel et que je manie bien les outils, j'étais ravi de jouer celui qui maîtrise le fonctionnement du restaurant". Pour ce personnage appartenant aux années 50, qu'il qualifie d'"illustration à la Norman Rockwell ", Offerman a dû se raser la moustache qu'il arbore dans PARKS AND RECREATION. "La coiffure, les lunettes et le costume de mise pour travailler dans un restaurant m'ont suffi à adopter l'état d'esprit qui, à mon avis, était celui de Dick McDonald".
Offerman souligne qu'il a toujours été fasciné par l'histoire du fast-food, s'étant plongé dans la lecture de "FAST FOOD NATION" d'Eric Schlosser et des ouvrages du militant Michael Pollan. Il se sentait donc privilégié de camper un personnage qui a participé à la création de McDonald's. "Ray Croc le formule très bien en disant aux frères : 'Beaucoup de gens vont essayer de vous imiter'", souligne l'acteur. "Mais c'est le nom même de McDonald's et l'atmosphère de ce restaurant foncièrement américain que les gens viennent chercher". Offerman ajoute que lorsque le premier établissement a ouvert ses portes à San Bernardino dans les années 40, la politique du New Deal, initiée par Roosevelt, venait d'être mise en oeuvre et que les Américains estimaient avoir légitimement le droit d'obtenir ce qu'ils voulaient – et rapidement. "Il fallait que les clients obtiennent leurs repas, leurs voitures, leur boulot et leurs biens de consommation d'une manière beaucoup plus rapide et plus automatisée. Kroc l'avait compris. Il a senti cette tendance et en a tiré profit".
John Carroll Lynch, révélé grâce à FARGO des frères Coen et à l'affiche de plusieurs séries, campe l'aîné, Maurice "Mac" McDonald. "Il semblerait que Mac soit le plus sociable des deux", rapporte Lynch. "Il aimait vraiment les gens et je suis prêt à parier que c'est lui qui s'occupait du recrutement. C'est aussi lui qui gérait la paie. Quand à Dick, c'était un inventeur. Ils se complétaient donc à la perfection. On voit très bien dans le film qu'ils étaient très différents mais qu'ils se complétaient à merveille pour créer l'entreprise". Les deux frères ont habité ensemble presque toute leur vie et ils étaient très proches. Ils étaient associés et amis, même si leurs rapports étaient surtout liés au travail.
Au cours de leur premier rendez-vous avec Ray Kroc, autour d'un dîner, Mac se délecte à raconter à leur futur partenaire leurs débuts, à lui et à son frère. Pour cette scène tournée dans un restaurant italien d'Atlanta, Lynch, qui en était à son premier jour sur le plateau, a dû prononcer un monologue de cinq pages. "Il y a un concept essentiel dans ce film : la vitesse", affirme Lynch. "La vitesse concerne aussi bien le fonctionnement des restaurants que le rythme du film. Au cours du monologue, on comprend l'évolution des McDonald, depuis leurs débuts dans la restauration jusqu'à la mise au point du fameux Speedee Sytem. C'est l'histoire de McDonald's dans sa dimension la plus élémentaire". L'acteur précise qu'il a rarement l'occasion d'avoir un monologue aussi conséquent, mais que son expérience théâtrale l'a beaucoup aidé. Même si, ajoute-t-il, "on n'a pas non plus de monologue de cinq pages au théâtre".
Bien que Dick et Mac McDonald soient les vrais fondateurs de la célèbre chaîne de restaurants, l'histoire a surtout retenu le nom de Ray Kroc. Lynch estime que ce phénomène s'explique par la volonté de l'ancien vendeur de dominer les négociations. Pour le comédien, les deux frères ne savaient pas du tout dans quoi ils s'embarquaient en
s'associant à Ray Kroc. "Ils n'ont pas bien mesuré à quel point il était impitoyable", note Lynch, précisant qu'ils n'avaient pas du tout la même conception du capitalisme que l'homme qui s'apprêtait par la suite à les évincer. "Pour les deux frères, le capitalisme est affaire d'excellence et d'efficacité, ce qui est aussi le cas de Ray Kroc. Mais pour celui-ci, l'équation s'accompagne de domination. Du coup, pour lui, le capitalisme est synonyme d'excellence, d'efficacité et de domination".
Selon Don Handfield, Nick Offerman et John Carroll Lynch ont noué une complicité immédiate. "On a vraiment le sentiment qu'ils sont frères, qu'ils ont une histoire commune et qu'ils s'aiment", dit-il. "Ils ont une manière de communiquer, sans avoir besoin de se parler, qui nous fait croire qu'ils ont grandi ensemble".
Deux fois citée à l'Oscar, Laura Dern interprète Ethel Kroc, mariée à Ray depuis 39 ans. Lassée par les projets professionnels extravagants de son mari, elle se sent négligée. Et bien que Ray passe le plus clair de son temps sur les routes, elle l'a toujours soutenu, même lorsqu'il a voulu vendre des gobelets en papier ou son malheureux "Fold-a-Nook", combiné pliant réunissant table et banc ! Désormais âgée d'une cinquantaine d'années, Ethel aspire à passer du temps avec ses amis au country club ou à voyager – et certainement plus à attendre son mari à la maison pendant que celui-ci dilapide leurs économies pour l'une de ses dernières trouvailles. Pour Ethel, Handfield estimait que Laura Dern cernait formidablement son personnage et la solidité des liens du couple. "Laura a une telle empathie pour son personnage que, même si certains aspects de la personnalité d'Ethel n'étaient pas sympathiques dans le scénario, on la comprend et on la trouve humaine", note le producteur.
Laura Dern a fait la connaissance de John Lee Hancock à l'époque où il était scénariste d'UN MONDE PARFAIT de Clint Eastwood dans lequel elle donne la réplique à Kevin Costner et Eastwood. Elle explique qu'elle était intéressée par la perspective de camper une femme mariée à un entrepreneur débordant d'énergie et obnubilé par la soif de réussir. "Comment fait-on pour tenir aux côtés d'un homme comme lui ? Comment un tel couple peut-il durer ? Finit-il par éclater ?", s'interroge la comédienne. "J'espère que, grâce à ces questions, la dimension humaine et éthique contrebalance les enjeux économiques du film". La comédienne souligne qu'elle a déjà eu l'occasion de participer à des projets se déroulant à la même époque. Pour le rôle, elle s'est inspirée de l'histoire de sa famille : son grand-père, qui était représentant de commerce, avait une énergie comparable à celle de Ray Kroc, mais délaissait sa grand-mère.
Laura Dern souligne que lorsqu'on fait la connaissance de Ray et Ethel, ils traversent une crise majeure. Dans son autobiographie, Kroc parle de son couple comme d'un "véritable opéra wagnérien mettant en scène d'incessants conflits". Laura Dern reprend : "Ray n'a pas connu le succès qu'il recherchait, et bien qu'Ethel ne cesse de lui dire qu'elle est satisfaite de leur vie, il est terrorisé à l'idée que sa situation professionnelle se dégrade et finisse par lui faire toucher le fond – et que son énergie se volatilise. Pour lui, la satisfaction dont lui parle sa femme ne suffit pas : il veut être dans le camp des vainqueurs". Selon la comédienne, Ray avait besoin de trouver quelqu'un ayant la même énergie que lui. "Quand on rencontre un homme ambitieux au début de sa carrière, qu'on partage sa vie pendant de nombreuses années et qu'au final il ne parvient pas à atteindre ses objectifs, on endosse la responsabilité de ses échecs", dit-elle. "Mais si cette même femme l'avait rencontré quinze ans plus tard, ils auraient pu être très heureux".
Ravissante pianiste, Joan Smith joue dans le restaurant-grill de son mari Rollie, dans le Minnesota, où elle frappe immédiatement Ray Kroc par sa beauté. Pour le rôle, la production recherchait une comédienne blonde, proche du physique de Doris Day. C'est pourtant la brune Linda Cardellini, repérée dans MAD MEN et BLOODLINE, qui a été engagée. "Linda est assez caméléon, si bien qu'elle n'a eu aucun mal à se glisser dans la peau du personnage", indique Aaron Ryder. "Elle est venue à une audition et s'est mis à chanter la chanson qu'entonne Joan dans le film : elle nous a littéralement subjugués. Elle prenait tout l'espace".
"D'après tout ce que j'ai lu sur elle, Joan disait que lorsqu'elle a rencontré Ray, ils étaient persuadés tous les deux qu'ils se marieraient un jour", indique Linda Cardellini. Bien que le couple de Joan et Rollie semble solide, la jeune femme est attirée par l'assurance et le côté visionnaire de Ray. S'ils s'aimaient et se parlaient en secret, aucun des deux n'a manifesté ses sentiments avant d'avoir divorcé et de pouvoir se remarier. Ray a notamment été séduit par Joan parce qu'elle a su déceler chez lui ses principales qualités, alors même qu'il venait tout juste de nouer un premier contact avec les frères McDonald. "Elle trouve ses idées exaltantes, et je crois qu'il aimait à se définir comme un homme innovant", reprend-elle. "C'est une dimension de sa personnalité qu'elle adore. J'ai le sentiment qu'ils ont en commun le goût d'entreprendre. Elle est fascinée par son appétit de vie et par son enthousiasme pour ses projets, pour le meilleur et pour le pire". Par la suite, plusieurs années après son mariage avec Ray, Joan Kroc est devenue l'une des philanthropes les plus appréciées du pays grâce à la fondation qui porte son nom.
Patrick Wilson campe Rollie Smith, patron d'un restaurant-grill du Minnesota qui ne tarde pas à devenir l'un des premiers franchisés de McDonald's. L'acteur qui avait travaillé avec John Lee Hancock pour ALAMO, se rappelle : "Lorsque Rollie était marié à Joan, ils avaient l'air d'un couple heureux". Mais quand Ray fait la connaissance de Joan, ils tombent amoureux l'un de l'autre – et le resteront jusqu'à la fin de leurs jours. "C'est drôle", note Wilson, "on sait beaucoup de choses sur Joan en raison du rôle qu'elle a joué dans l'empire McDonald's, mais on ne sait presque rien sur Rollie". En lisant le scénario, Wilson a été impressionné par la grande délicatesse avec laquelle la relation entre Ray et Joan est abordée. "J'ai souvent joué les hommes infidèles", plaisante l'acteur, "mais Ray et Joan ne se sont pas déclarés leurs sentiments pendant très longtemps. Leur relation s'est épanouie et a évolué au fil du temps".
Les producteurs n'ont jamais envisagé que Patrick Wilson pour le rôle de Rollie Smith. "C'était très important d'avoir un acteur comme lui car il faut bien voir que Joan quitte un jeune homme séduisant et dynamique pour un quinquagénaire vendeur de machines à milkshakes !".
Harry Sonneborn, petit génie de la finance qui donne une idée ingénieuse à Ray en 1955 pour franchiser les restaurants, est interprété par B.J. Novak, auteur et interprète de THE OFFICE. "Harry est un requin", affirme Ryder. "Il est soigné, raffiné, très malin et sûr de lui. Il fallait qu'on trouve un acteur de cette densité, et quand on se penche sur le parcours de B.J., que ce soit THE NEWSROOM ou THE OFFICE, on se dit qu'il a développé de nombreux talents dont il sait se servir à bon escient. Il suffit qu'on lui fasse porter un costume et il se métamorphose très vite en Harry".
Novak, à l'affiche de THE AMAZING SPIDER-MAN : LE DESTIN D'UN HÉROS et INGLORIOUS BASTERDS de Quentin Tarantino, a tourné sous la direction de Hancock en 2013 dans DANS L'OMBRE DE MARY – LA PROMESSE DE WALT DISNEY où il campe Robert Sherman. Se trouvant dans la même banque que Kroc au moment où celui-ci se voit refuser son prêt, Sonneborn le rattrape et le convainc d'envisager un autre plan stratégique : "Pour Harry Sonneborn, McDonald's ne se limite pas à préparer et servir des hamburgers", précise Novak. "C'est avant tout une société immobilière. Et d'ailleurs McDonald's continue encore aujourd'hui à acheter des terrains, puis à les louer à ses franchisés, si bien que le groupe gagne de l'argent en tant que propriétaire de ces restaurants qui veulent avoir le privilège d'utiliser l'enseigne McDonald's. Mais c'était une idée très novatrice dans les années 50".
Novak signale que Sonneborn, futur président de McDonald's, possède un caractère aux antipodes de celui de Ray Kroc. "Ray est un pur vendeur : il sait s'y prendre avec ses clients, mais il ne maîtrise pas les chiffres et les comptes", dit-il. "Quant à Harry Sonneborn, c'est un véritable introverti qui s'attache aux détails et aux chiffres. Ray est à sa place quand il sillonne les petites villes américaines, tandis que Harry serait plus à son aise à Wall Street".
Justin Randell Brooke campe Fred Turner, jeune homme futé qui a commencé par travailler dans les cuisines de McDonald's avant d'être promu par Ray Kroc au rang de vice-président du groupe en charge des franchisés. Fred Turner a fini par devenir PDG du groupe dans les année s 70.
À la recherche des arches dorées!
PHOTOS ET DÉCORS
John Lee Hancock s'est entouré de fidèles collaborateurs avec lesquels il a déjà travaillé sur DANS L'OMBRE DE MARY – LA PROMESSE DE WALT DISNEY, THE BLIND SIDE, et RÊVE DE CHAMPION. Citons notamment le directeur de la photo John Schwartzman, le chef-décorateur Michael Corenblith et le chef-costumier Daniel Orlandi. "On se comprend à demi-mot, ce qui est très précieux en prépa", indique le réalisateur. "On sait à l'avance ce que pense chacun d'entre nous et cela nous permet d'avancer avec efficacité".
C'est la troisième fois que Schwartzman collabore avec Hancock, après RÊVE DE CHAMPION et DANS L'OMBRE DE MARY – LA PROMESSE DE WALT DISNEY. Le cinéaste a envoyé le scénario au chef-opérateur alors que celui-ci éclairait JURASSIC WORLD et il a aussitôt été conquis. Pendant que l'équipe réfléchissait à l'atmosphère, au style et au rythme, étapes cruciales de la préparation, Schwartzman et Hancock ont immédiatement songé aux films des années 70 – période la plus enthousiasmante du cinéma américain selon le chef-opérateur. "On a beaucoup travaillé la composition des plans et on a opté pour une sobriété des mouvements d'appareil", explique-t-il. "On a également utilisé des objectifs anamorphiques. Du coup, les comédiens et le spectateur ont la possibilité d'explorer par eux-mêmes le plan, au lieu d'être guidés par une caméra très mobile".
Pour le style de LE FONDATEUR, le directeur de la photo s'est inspiré aussi bien des illustrations d'Edward Hopper que de la photo de l'immense Gordon Willis dans KLUTE (1971) d'Alan J. Pakula qui utilise l'espace et des éclairages contrastés pour souligner le message du film. "J'adore les thrillers paranoïaques de Willis et Pakula", renchérit-il. "Ils étaient très beaux sans chercher à séduire". Pour lui, il était essentiel que le film ne soit pas excessivement stylisé.
Connu pour être l'un des rares puristes du 35mm, Schwartzman, cité à l'Oscar, tourne ici son premier film en numérique. "John et moi sommes de grands adeptes de la pellicule, mais on ne pouvait pas se permettre de tourner en 35mm avec le budget du film",
reconnaît le chef-opérateur, même s'il a apprécié l'extrême sensibilité à la lumière du numérique. Il a choisi des caméras Arri Alexa XT avec des objectifs anamorphiques Panavision et un format 2:39:1 [CinémaScope, NdT]. Pour se rapprocher du style 35mm, Schwartzman s'est rendu chez Panavision où il a rencontré le spécialiste d'optique Dan Sasaki, vice-président du département d'ingénierie optique : il s'agissait de trouver des "objectifs imparfaits" afin de donner à l'image un aspect plus proche de la pellicule.
Michael Corenblith est connu pour son souci maniaque du détail. Deux fois cité à l'Oscar, il a conçu les décors de DANS L'OMBRE DE MARY – LA PROMESSE DE WALT DISNEY, THE BLIND SIDE et ALAMO. Il se trouve que les deux films auxquels Corenblith venait de participer – THE FINEST HOURS et LA PROMESSE DE WALT DISNEY – se déroulent dans les années 50. Autant dire qu'il avait déjà un formidable catalogue de références de l'époque à sa disposition. Entre LE FONDATEUR, les deux films déjà cités et APOLLO 13 de Ron Howard, Corenblith explique qu'il est profondément ému de se pencher sur une époque très importante pour lui.
"Ce qui me touche, c'est qu'il y a un vrai clivage entre l'Amérique d'avant-guerre et l'Amérique d'après-guerre", note-t-il. "La manière dont Kroc souhaitait développer McDonald's en franchisant les restaurants est en parfaite adéquation avec le projet de Levittown – et avec ce que l'Amérique d'après-guerre souhaitait incarner – et c'est ce qu'on retrouve dans les symboles et les logos de l'époque". Cette ligne directrice a servi de fil conducteur au chef-décorateur pour les décors et l'architecture du film.
Malgré d'innombrables images d'archives, la création d'un McDonald's des années 50 a nécessité une documentation spécifique. Le chef-décorateur s'est ainsi rendu fréquemment dans le restaurant de Downey, en Californie, troisième plus ancien établissement de la chaîne toujours en activité. Ce McDonald's a ouvert ses portes le 18 août 1953 et abrite un musée exposant une extraordinaire collection de photos d'époque. Corenblith était en quête de détails pour lui permettre d'imaginer le tout premier restaurant octogonal de San Bernardino. Il recherchait surtout l'enseigne emblématique des arches dorées qui dominent une façade en carreaux rouges et blancs. "J'avais des plans et pas mal d'éléments à ma disposition, mais j'avais surtout la chance inouïe de me trouver à 20 minutes en voiture du seul établissement de l'époque", dit-il. Il a pris des photos et des mesures et a cherché à se rapprocher de la palette de couleurs du site afin de reconstituer au mieux le restaurant orné d'arches dorées, typiquement années 50, bâti à Atlanta.
De son côté, Daniel Orlandi s'est vu confier la mission de concevoir les couleurs, le style et les textures des costumes. Habitué aux films situés dans les années 50 et 60, comme DANS L'OMBRE DE MARY – LA PROMESSE DE WALT DISNEY, Orlandi a imaginé les tenues de Ray Kroc et des frères McDonald, comme celles des femmes et des associés qui traversent la vie du protagoniste. "On ne voulait surtout pas que cela fasse 'film en costumes'", dit-il. "On tenait à ce que le style soit réaliste et naturel". S'inspirant davantage des images d'archives de gens ordinaires des années 50 que des pages glacées de Vogue ou GQ, il a essentiellement habillé les comédiens avec d'authentiques vêtements d'époque pour qu'ils se glissent dans la peau de leurs personnages. Plus l'intrigue avance et se rapproche des années 60, plus les tenues prennent des couleurs : "elles sont plus jeunes, plus originales et plus nature", note le chef-costumier.
Concernant Ethel Kroc, Orlandi souhaitait qu'elle soit très soignée et soucieuse de son allure, alors que Joan est d'une beauté naturelle et ne prête pas attention à son style. "Dans la scène où Ray fait la connaissance de Joan dans le bar, salle très sombre et raffinée, il n'y a pas de couleurs jusqu'à ce qu'il l'aperçoive vêtue d'une robe rouge vif", dit-il. "Elle est comme un phare dans la nuit". Orlandi souligne que le personnage de Ray Kroc est dans une période de transition, puisqu'il passe de ses costumes amples et aux tons chauds au début des années 50 à des tenues plus près du corps, plus élégantes et sombres dès lors qu'il rencontre Joan Smith et commence à gagner de l'argent.
D'après le chef-costumier, les frères McDonald, d'origine modeste, aiment porter des vêtements dans lesquels ils sont à l'aise. "Ils sont adeptes des pantalons plissés, des chaussures confortables, des chemises et des cravates", précise Orlandi. Pour les salariés qui travaillent en cuisine chez McDonald's et leur uniforme années 50 – chapeau en papier, chemise blanche et cravate texane –, Orlandi voulait coller à la réalité. Pour se documenter, le chef-costumier a même retrouvé un authentique chapeau ayant appartenu à un employé de McDonald's sur eBay. Après avoir découvert que l'entreprise produisant cet article était encore en activité, il l'a contactée pour faire fabriquer une centaine de chapeaux d'employés de McDonald's de style années 50 pour les besoins du film.
Autre post du blog lié à LE FONDATEUR