2015-03-12



Biopic/Drame/Agréable mais manque de folie

Réalisé par Tim Burton

Avec Amy Adams, Christoph Waltz, Danny Huston, Krysten Ritter, Jason Schwartzman, Terence Stamp, Jon Polito, James Saito...

Long-métrage Américain/Canadien

Durée : 1h47mn

Année de production : 2014

Distributeur : StudioCanal

Facebook : https://www.facebook.com/BigEyes.lefilm

Twitter : https://twitter.com/studiocanal et #BigEyes
Site officiel : http://bigeyes-lefilm.com/

Date de sortie sur les écrans américains : 25 décembre 2014

Date de sortie sur les écrans canadiens : 25 décembre 2014

Date de sortie sur nos écrans : 18 mars 2015



Résumé : BIG EYES raconte la scandaleuse histoire vraie de l’une des plus grandes impostures de l’histoire de l’art. À la fin des années 50 et au début des années 60, le peintre Walter Keane a connu un succès phénoménal et révolutionné le commerce de l’art grâce à ses énigmatiques tableaux représentant des enfants malheureux aux yeux immenses. La surprenante et choquante vérité a cependant fini par éclater : ces toiles n’avaient pas été peintes par Walter mais par sa femme, Margaret. L’extraordinaire mensonge des Keane a réussi à duper le monde entier. Le film se concentre sur l’éveil artistique de Margaret, le succès phénoménal de ses tableaux et sa relation tumultueuse avec son mari, qui a connu la gloire en s’attribuant tout le mérite de son travail.

Bande annonce (VOSTFR)

Featurette "Margaret Keane" (VOSTFR)

Ce que j'en ai pensé : J'aime beaucoup les films de Tim Burton et tout particulièrement ceux qui contiennent son grain de folie original, reconnaissable et spectaculaire. Je trouve que BIG EYES manque de cette folie et de surprises qui en mettent plein la vue. Il y a certes quelques références à son univers habituel, mais c'est un long-métrage assez sage. J'ai eu le sentiment qu'il était enfermé par le genre du biopic, comme si cela l’obligeait à rester dans un certain cadre. Le film est agréable à regarder mais le rythme est irrégulier, il y a des moments un peu long.
Le scénario ne repose pas sur une intrigue dense, cependant Tim Burton réussit à la rendre intéressante car il explore toute une palette de sujets autour de cette histoire. Il trace, par exemple, un portrait des années 60, tant dans l'esthétisme que dans les costumes, les couleurs, les attitudes, les paroles, les mentalités et les actes qui donnent un aperçu très réaliste de cette époque. Il aborde aussi l'évolution du marché de l'art dans une société devenant hyper consumériste. D'un point de vue humain, il met en scène, en filigrane, la maltraitance...
La relation du couple au centre de l'intrigue est clairement expliquée et son évolution est bien amenée.



J'aime beaucoup les acteurs et ils jouent très bien leur rôle. Cependant, les personnages sont un tout petit peu trop dans les extrêmes à mon goût. Ainsi Amy Adams, qui interprète Margaret Keane, nous fait bien comprendre qu'il s'agit d'une femme avec des faiblesses, mais elle est trop effacée, quasiment transparente par moment.

Quant à Christoph Waltz, qui interprète Walter Keane, il est très convaincant dans son rôle de charmeur au bagout à toute épreuve, mais il est parfois aussi trop envahissant.

BIG EYES est un film qui va sûrement beaucoup plaire aux personnes qui trouvent que Tim Burton en fait souvent trop. Il nous propose une facette plus rangée. Cela ne retire rien à la qualité de son film. Ce n'est pas ce que j'en attendais mais j'ai tout de même passé un agréable moment. Si le thème vous plaît, je vous le conseille.

NOTES DE PRODUCTION

(A ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)

PREMIÈRES ESQUISSES

En 2003, les scénaristes Scott Alexander et Larry Karaszewski ont découvert l’extraordinaire histoire des peintres les plus populaires des années 60 : Margaret et Walter Keane. Intrigués, ils ont entamé des recherches qui, dix ans plus tard, ont donné naissance à ce film. Scott Alexander commente : « Il s’agit d’une histoire incroyable et complètement méconnue… Je n’y croirais pas moi-même si cela ne s’était pas vraiment produit ! »

Larry Karaszewski déclare : « Les raisons pour lesquelles nous tenions à écrire ce film étaient nombreuses. Nous trouvions que Margaret était un formidable personnage féminin qui incarnait les prémices du mouvement féministe. Le film débute en effet dans les années 50, alors qu’elle est femme au foyer, aux petits soins pour son mari. Mais au fil de l’histoire, elle apprend à s’affirmer. »

Scott Alexander et Larry Karaszewski sont surtout connus pour leurs biopics : on leur doit notamment les scénarios des films sur la vie du comédien Andy Kaufman (MAN ON THE MOON) et du magnat de la presse Larry Flynt (LARRY FLYNT), ainsi que le biopic sur l’acteur Bob Crane (AUTO FOCUS), qu’ils ont produit.

Larry Karaszewski reprend : « Scott et moi sommes très sensibles au destin de ces gens que l’on croyait au départ de peu d’importance et qui ont été marginalisés. ED WOOD, notre premier film pour Tim Burton, racontait l’histoire d’un homme réputé être le pire cinéaste que le monde ait jamais connu – tout comme certains tiennent les Keane pour les pires peintres de tous les temps. Nous avons pensé qu’à travers ce film, nous pourrions raconter une formidable histoire personnelle tout en brossant un portrait du milieu de l’art sur fond de révolution féministe. » Le duo a été captivé par la vie des Keane.

Larry Karaszewski explique : « Walter est l’inventeur du marketing de masse dans le domaine de l’art. Rejeté par les galeries et les critiques, il a créé sa propre galerie et fait publier ses propres ouvrages. Il a compris comment rendre les oeuvres si bon marché que n’importe qui pouvait se les offrir, révolutionnant ainsi complètement le marché de l’art. À l’image de Peter Max ou Thomas Kinkade, d’autres se sont plus tard inspirés de sa méthode ; même Andy Warhol a admis avoir emprunté certains éléments de la philosophie de Walter Keane. Mais le plus extraordinaire dans cette histoire, c’est le secret sur lequel elle repose : ces tableaux étaient en fait ceux de sa femme, qu’il a manipulée afin qu’elle le laisse les signer pour s’en attribuer tout le mérite. Cette histoire nous a fascinés et nous avions très envie de la faire découvrir au grand public. »

Les scénaristes ont passé plusieurs semaines dans des bibliothèques et à lire des articles de presse d’époque archivés sur microfiches afin de reconstituer l’incroyable histoire des Keane. Scott Alexander raconte : « Il était difficile de démêler le vrai du faux dans tout ce que nous avons lu. C’est pourquoi nous avons voulu rencontrer Margaret. Il a fallu que nous gagnions sa confiance et que nous lui démontrions notre intégrité. »

L’artiste a accepté de rencontrer les scénaristes, qui se sont alors rendus à San Francisco. Scott Alexander se souvient : « Nous avons partagé un agréable déjeuner au cours duquel nous lui avons posé toutes les questions que les articles de presse avaient laissées en suspens : « Comment toute cette histoire a-t-elle commencé ? Quand Walter s’est-il attribué le mérite des tableaux pour la première fois ? Que vous a-t-il dit pour l’expliquer ? Pourquoi avez-vous accepté ? Et surtout, pourquoi n’avoir rien dit pendant toutes ces années ? »

Psychologiquement, cela ne nous semblait pas logique. Nous avons cependant commencé à comprendre son état d’esprit. C’était une femme au foyer et dans les années 50, l’homme régnait en maître à la maison, c’est lui qui instaurait les règles, et à sa décharge, Walter avait promis beaucoup de choses qui se sont réalisées. Il lui avait dit qu’ils deviendraient célèbres, qu’ils gagneraient beaucoup d’argent et qu’ils vivraient dans une grande maison. Bien des années plus tard, Margaret affirme d’ailleurs toujours que sans lui, ses oeuvres seraient restées dans l’anonymat. Elle lui attribue encore beaucoup de mérite. »

Margaret Keane a accepté de vendre les droits de son histoire ainsi que ceux de ses oeuvres à Scott Alexander et Larry Karaszewski. Scott Alexander déclare : « Nous avons travaillé pendant un an pour que Margaret soit parfaitement à l’aise avec le scénario. Nous ne voulions rien faire qui l’offense. Il a fallu que nous nous montrions dignes de sa confiance pendant tout le processus. » Margaret Keane a aujourd’hui 86 ans et vit à une heure de San Francisco. Walter Keane est quant à lui décédé en 2000, plusieurs années avant que l’idée du film ne germe dans l’esprit des scénaristes-producteurs.

Margaret Keane déclare : « Scott et Larry étaient très enthousiastes, ils avaient la même vision du film que moi, je me sentais donc en sécurité avec eux. J’avais déjà reçu quatre offres similaires que j’avais déclinées à regret car je n’avais pas confiance en ceux qui m’avaient approchée. »

À propos du travail de Scott Alexander et Larry Karaszewski, l’artiste déclare : « Ils ont fait revivre cette histoire dans tout ce qu’elle peut avoir de drôle et de tragique. Leur scénario est formidable. Ce film est pour moi un immense honneur et en même temps une leçon d’humilité parce que je ne pense pas le mériter. Moi qui ne suis qu’une simple peintre, je me retrouve d’un seul coup sous le feu des projecteurs. J’ai l’impression de rêver tant c’est surréaliste ! » Alors qu’ils développaient BIG EYES, Scott Alexander et Larry Karaszewski envisageaient de réaliser le film euxmêmes. C’est d’ailleurs ce qu’ils ont entrepris en 2007, une fois la première version du scénario achevée. Scott Alexander déclare : « Malheureusement, le projet semblait voué à l’échec ».

Son partenaire d’écriture explique : « Le film s’est presque fait à plusieurs reprises, et à chaque fois c’est tombé à l’eau. Mais Scott et moi n’avons jamais vendu notre scénario. Nous avons toujours gardé la main sur les différentes versions qui ont vu le jour. Et cela a fini par payer. » Ayant déjà collaboré avec Scott Alexander et Larry Karaszewski sur ED WOOD et grand admirateur de Margaret Keane, Tim Burton a très tôt accepté de produire le film. Scott Alexander déclare : « Tim adore les tableaux de Margaret. Il comprend l’idée d’art marginal et s’interroge sur la raison pour laquelle l’art doit toujours être légitimé par les critiques. Et c’est précisément le sujet du film. Nous avions déjà exploré le concept de l’art marginal, de l’art primitif avec Tim dans ED WOOD, c’est donc un sujet qui lui parle beaucoup et qui lui a toujours tenu à coeur. »

Derek Frey, producteur exécutif du film et collaborateur de longue date de Tim Burton dont il dirige la société, déclare : « L’une des raisons du succès des tableaux de Margaret Keane aux États-Unis tient au fait qu’à l’époque, l’art était à l’avant-garde de la société, et ses peintures, simples et charmantes, ont rendu cet univers fermé accessible au plus grand nombre. Les enfants et les animaux sont des sujets qui sont à la portée de tous, que tout le monde comprend. »

Tim Burton a connu dans sa jeunesse l’époque de l’apogée des Keane ; leurs oeuvres lui étaient donc familières. Le cinéaste et Margaret Keane se connaissaient d’ailleurs bien avant que le projet ne prenne forme. L’artiste raconte : « Tim m’avait commandé des portraits puis avait acheté plusieurs de mes toiles. Je l’ai tout de suite beaucoup apprécié. Je n’aurais pu rêver meilleur réalisateur pour ce film. »

Cinéaste de renom, Tim Burton est également un éminent artiste plasticien dont les oeuvres et le style unique ont été influencés par les toiles de Margaret Keane. Derek Frey, qui a aussi édité l’ouvrage primé « L’Art de Tim Burton » et a travaillé en étroite collaboration avec les conservateurs du Museum of Modern Art de New York à la création de la récente exposition itinérante qui lui a été consacrée, commente : « Beaucoup de gens ont fait un parallèle entre leurs oeuvres. Nombre des personnages de Tim ont également de grands yeux ronds, et ce n’est pas une coïncidence. Je pense que ces visages d’enfants l’ont beaucoup marqué lorsqu’il était petit. Il s’identifie aux personnages que les tableaux de Margaret Keane ont été les premiers à populariser. Je pense qu’ils ont eu un réel impact sur son art. »

BIG EYES semblait donc taillé sur mesure pour le réalisateur. Derek Frey poursuit : « Le public a tendance à associer l’univers et le travail de Tim à des thèmes assez sombres. Avant l’exposition, il était surtout connu pour son travail au cinéma, mais aujourd’hui, il est également reconnu en tant qu’artiste plasticien. BIG EYES explore le côté trouble et sombre du milieu artistique, et je crois qu’il y a quelques années encore, ce projet n’aurait pas convenu à Tim. Mais il marque une nouvelle étape dans sa carrière et s’inscrit dans une logique. Cela a représenté un défi pour lui, mais qu’il a pris plaisir à relever. Après plusieurs films fantastiques à gros budgets, je pense qu’il aspirait à un projet comme celui-ci, plus terre-à-terre, pour renouer avec ses premières amours. Le film ne repose pas sur des effets visuels, mais sur l’histoire et les personnages, et c’est précisément ce qui l’a séduit. Il n’avait plus fait de film indépendant depuis PEEWEE BIG ADVENTURE, et il était très enthousiaste à l’idée de s’attaquer à un projet comme celui-ci à ce stade de sa carrière. C’était très rafraîchissant pour lui. »

PORTRAIT DE COUPLE

Derek Frey déclare : « Tim a toujours pensé que le rôle de Walter serait particulièrement difficile à interpréter car c’est loin d’être un personnage sympathique. Il fallait que l’acteur qui l’incarnerait soit d’une justesse extraordinaire. » Tim Burton et l’acteur Christoph Waltz, couronné aux Oscars pour ses rôles magistraux dans les deux derniers films de Quentin Tarantino, se sont rencontrés début 2013 et se sont immédiatement trouvés.

Derek Frey raconte : « Tim a remis le scénario à Christoph qui, tout de suite après l’avoir lu, lui a dit qu’il l’avait adoré et qu’il voulait prendre part au film… à la seule condition que Tim le réalise. Tim a presque immédiatement accepté. C’était amusant de voir à quelle vitesse le projet prenait forme après tant d’années et de tentatives avortées. C’est grâce à ce lien qui s’est noué avec Christoph que Tim a senti que le projet prenait son envol. Quelques jours après, Amy Adams acceptait à son tour de rejoindre le casting. Tout s’enchaînait à la perfection. Je n’avais jamais vu un film prendre forme aussi rapidement une fois le premier rôle attribué. Tim était très satisfait, nous n’aurions pas pu rêver d’un meilleur duo pour porter le film. »

Scott Alexander et Larry Karaszewski ont accepté que Tim Burton réalise le film. Larry Karaszewski explique : « Tim avait envie de mettre en scène un film à petit budget, plus personnel, et puis c’est un grand admirateur du travail de Margaret. Après plusieurs mésaventures, c’était soudain comme si tout nous réussissait. »

Pour Scott Alexander, la décision fut facile à prendre : « Tim avait adoré le scénario et il était le seul en qui nous avions suffisamment confiance pour le porter sur grand écran. Nous avions essayé de le réaliser nous-mêmes durant dix ans, mais s’il y a bien une personne à qui nous pouvions le confier sans nous poser de questions, une qui était assurément capable de mener le projet à bien, c’était Tim. »

La productrice Lynette Howell déclare : « J’ai été fascinée par ces deux personnages et leur étrange relation, mais également par le fait que Margaret ait pu laisser cette imposture durer si longtemps. Et puis j’ai fini par comprendre quel genre de femme elle était et quel type d’homme était Walter, et c’est leur relation qui m’a donné envie de raconter cette histoire. Leur relation, mais également le brillant scénario de Scott et Larry. »

Passionnée par le projet, Lynette Howell a travaillé en étroite collaboration avec les scénaristes durant cinq ans. Elle commente : « Le film a connu beaucoup de déconvenues, comme souvent avec les films indépendants. C’est toujours surprenant lorsqu’un réalisateur du calibre de Tim Burton dit vouloir mettre en scène le projet et que six mois plus tard, il est en tournage sans qu’on réalise trop ce qui se passe ! » Amy Adams, nommée à cinq reprises aux Oscars, avait lu très tôt le scénario de BIG EYES, mais n’était alors pas prête à incarner Margaret Keane.

Elle explique : « Je l’avais trouvé très intéressant, mais à l’époque je cherchais plutôt des personnages très sûrs d’eux et je n’étais pas certaine de pouvoir me glisser dans la peau de Margaret. » La situation avait cependant changé lorsqu’elle a redécouvert le script : « Entretemps, j’étais devenue mère et mon point de vue sur le personnage avait complètement changé. Je la comprenais enfin : ce n’était pas un manque de confiance en elle qui expliquait son comportement. J’avais été séduite par l’histoire dès le départ, mais c’est finalement le personnage de Margaret qui m’a conquise. C’est une femme complexe, comme la plupart des êtres humains, mais elle est aussi très timide et humble. Et je pense que c’est l’une des raisons pour lesquelles elle s’est laissé manipuler. »

Amy Adams a fait d’importantes recherches pour préparer le rôle. Elle explique : « Lorsqu’on travaille sur une histoire qui présente deux aspects très différents et qu’il y a toute une littérature divergente sur le sujet, il est très difficile de distinguer le vrai du faux. J’ai lu ce que Walter avait dit à propos de Margaret, puis ce que d’autres personnes avaient dit à son sujet, mais elle s’est personnellement peu exprimée. » L’actrice s’est donc rendue à San Francisco pour passer un moment avec Margaret Keane dans sa galerie d’art. Elle raconte : « Ça m’a été très bénéfique de la rencontrer et de prendre conscience de son humilité, mais aussi de sa force et de son sens de l’humour. Sans vouloir être indiscrète, je voulais comprendre qui elle était et comment une telle chose avait pu se produire. Et ce que j’ai découvert, c’est son immense douceur. »

Amy Adams et Margaret Keane ont passé une demi-journée ensemble. L’artiste confie : « Je suis nerveuse lorsqu’on m’observe, mais Amy tenait à me regarder peindre et elle m’a rendu les choses très faciles, c’est une jeune femme très simple. Je garde un excellent souvenir de notre rencontre. » Margaret Keane était ravie que Tim Burton ait choisi de confier son rôle à Amy Adams, qui arbore dans le film un petit carré blond rétro. Elle commente : « Lorsque je l’ai vue avec sa perruque pour la première fois, j’en suis restée bouche bée. J’avais l’impression de me voir cinquante ans plus tôt ! Elle était absolument parfaite. » Si Walter était un habitué des talk-shows de l’époque, Margaret, elle, restait dans l’ombre.

Amy Adams commente : « Il n’existe que très peu d’images d’elle, je ne pouvais donc pas me faire une idée très précise de sa personnalité. C’est pourquoi je me suis surtout inspirée de la Margaret que j’ai rencontrée. Finalement, on ne peut vraiment s’appuyer que sur le texte car tout le reste est faussé, que ce soient nos souvenirs ou nos émotions. J’ai donc essayé de raconter cette histoire de mon mieux en m’appuyant sur le scénario et en gardant à l’esprit ce que j’avais appris sur Margaret et ce qui compte pour elle aujourd’hui. Je l’ai interrogée sur la raison pour laquelle elle tenait à raconter son histoire et elle m’a répondu qu’elle voulait montrer aux gens que ce genre de choses pouvait arriver mais qu’on arrivait à s’en sortir grâce à sa force intérieure. Je me suis alors dit que cela me donnait la permission de raconter son histoire à travers ma propre interprétation artistique, et cela m’a aussi permis de la comprendre un peu mieux. »

Christoph Waltz déclare : « BIG EYES raconte l’histoire de la relation entre un mari et sa femme, une histoire apparemment simple, presque ordinaire, qui est en réalité composée d’ingrédients extraordinaires, et qui est en outre réalisée par un cinéaste des plus originaux. Et c’est précisément ce mélange qui m’a plu. » Si Amy Adams a fait d’importantes recherches sur son personnage, a rencontré Margaret Keane et tenait à connaître la personne qu’elle incarnerait à l’écran, Christoph Waltz a opté pour une approche diamétralement opposée et s’est uniquement appuyé sur le scénario.

Il déclare : « J’ai évité toute référence aux vrais Margaret et Walter parce que je n’aurais pas su quoi faire de ces informations. Il ne s’agit pas d’un documentaire ; je joue un personnage et je trouve que la fiction a un but différent dans notre vie et dans la société. »

Pour Scott Alexander, Walter Keane est un génie. Il explique : « Il est le premier à s’être demandé pourquoi l’art ne pouvait pas être vendu en supermarché, dans une quincaillerie ou dans une station-service. L’art était un mystère pour la plupart des gens, et c’est d’autant plus vrai pour les tableaux dont Walter se disait être l’auteur. Les gens ne comprenaient en effet pas pourquoi cet homme très viril peignait des enfants en pleurs, soi-disant inspirés par les orphelins de la Seconde Guerre mondiale, avec des doigts maigres, de grands yeux et le visage triste… Tout cela sonnait faux. »

Le scénariste poursuit : « Mais lorsqu’on connaît la vérité, qui est que Margaret peignait des enfants tristes parce qu’elle-même était triste, tout prend soudain son sens. Ses tableaux étaient si populaires que de nombreux faussaires se sont mis à les copier. Dans les années 60, ces tableaux étaient partout. Je me souviens personnellement d’avoir découvert ces étranges portraits chez ma tante. »

En dépit de leur succès, les œuvres de Walter Keane étaient snobées par la communauté artistique et considérées comme « kitsch ». Ces portraits figuratifs et romantiques d’enfants stylisés étaient très éloignés de l’expressionnisme abstrait en vogue dans le milieu de l’art à la fin des années 1950. Larry Karaszewski déclare : « Tim ne se moque pas de ce genre de choses. Il est conscient de la charge émotionnelle contenue dans ces toiles. En tant qu’artiste, il sait ce que représente une oeuvre et ce qui fait son importance. L’histoire de Margaret Keane est très similaire à celle d’Ed Wood, un personnage dont la plupart des gens se moquaient et dont nous tenions à démontrer la passion pour que les spectateurs comprennent qu’il ne s’agissait pas d’une plaisanterie. C’est aussi le message que nous voulions faire passer avec ce film : l’histoire de Margaret Keane n’est pas une plaisanterie et méritait d’être racontée. »

La productrice Lynette Howell ne connaissait pas les peintures de Margaret Keane avant de lire le scénario. Elle commente : « Lorsque je les ai découvertes, j’ai été fascinée. Je trouve ses premières toiles très tristes, elles sont pleines de mélancolie et envoûtantes. C’est très intéressant de voir son oeuvre se transformer au fil du temps, à l’image de sa personnalité ; ses tableaux plus récents sont beaucoup plus colorés, lumineux et joyeux. Je ne qualifierais pas ses peintures de simples, elles sont au contraire complexes, et j’aime beaucoup certaines d’entre elles. »

Elle poursuit : « L’une des questions les plus importantes soulevées par ce film est celle de la définition de l’art. C’est très subjectif : qui peut avancer que telle ou telle chose est un chef-d’oeuvre ? Je pense que l’opinion de chacun a de la valeur, et c’est ce que défend le film. Art légitime ou illégitime, bon ou mauvais, qui sommes-nous pour juger ? Si une création touche ceux qui l’observent, alors c’est de l’art. »

Scott Alexander déclare : « L’art a tendance à être prétentieux et à se prendre très au sérieux, et nous aimons l’idée que dans notre histoire les gens débattent sur l’art et se disputent. Le critique du New York Times (John Canaday, incarné par Terence Stamp) détestait les Keane au plus haut point, cela le rendait fou de savoir qu’ils gagnaient autant d’argent et de les voir à la télévision chaque fois qu’il allumait son poste. Il voulait les arrêter simplement parce qu’il n’aimait pas ce qu’ils faisaient. »

Amy Adams déclare : « Margaret est devenue indissociable de ces portraits d’enfants aux yeux démesurés à travers lesquels elle pouvait exprimer sa peine, sa tristesse et ses questionnements. Et je pense que c’est ce qui plaît aux gens dans son oeuvre : ils y trouvent une grande ouverture d’esprit, des interrogations, une grande vulnérabilité et ce côté enfantin qu’elle a parfaitement su saisir. » Walter s’est approprié les portraits de Margaret, désormais connus sous le nom de « Keane », et s’en est déclaré l’auteur. Outre les « Keanes » attribués à Walter qu’elle a continué à réaliser des années durant, Margaret a aussi peint des figures féminines longilignes, souvent des autoportraits, qu’elle a signés MDH Keane et qu’elle a publiquement revendiqués.

Christoph Waltz déclare : « À la fin des années 50 et au début des années 60, un déclic s’est produit et la production en série des oeuvres d’art s’est imposée comme la norme. Il y a une scène amusante dans le film où l’une des filles dit à Walter : « Vous êtes une sorte de Warhol », ce à quoi il répond : « Non, il m’a volé mon idée. J’avais une usine bien avant qu’il ne découvre ce qu’est une conserve de soupe ! » Il était très honnête quant au but commercial de son entreprise, l’art était pour lui ni plus ni moins qu’un produit qui lui permettait de gagner de l’argent. » L’acteur poursuit : « J’ai pris beaucoup de plaisir à travailler avec Amy et Tim. Nous étions tous les trois passionnés par le projet, c’est pourquoi notre « trio » est si bien équilibré, si dynamique et plus ou moins dénué de toute notion d’ego. »

De son partenaire, Amy Adams dit : « Christoph est fantastique. C’est un homme extraordinaire et un remarquable acteur. C’est dur de trouver quelqu’un capable d’être à la fois menaçant et charmant en l’espace de quelques répliques, mais c’est le cas avec Christoph ; on peut être effrayé et charmé en même temps sans trop savoir ce qui vient de se produire. »

Scott Alexander déclare : « C’est un bonheur de travailler avec Christoph. Sa manière de parler est très musicale. Walter est le diable incarné, mais il est aussi on ne peut plus charmant. Il fallait que Christoph soit magnétique afin que le public tombe initialement sous son charme avant de réaliser que quelque chose cloche, et il y parvient avec brio. Il n’a pas peur de montrer son côté sombre. Walter aimait beaucoup donner des leçons, il aimait s’envoyer des fleurs et se lançait souvent dans de longs discours sur lui et sur l’art, en parlant de lui à la troisième personne. »

Larry Karaszewski ajoute : « Walter est un personnage hors du commun, imbu de lui-même, mais Christoph l’ancre dans la réalité… même s’il n’hésite pas à se moquer de lui. » Lynette Howell déclare : « Walter est un personnage complexe car ce n’est pas un méchant au sens traditionnel du terme, et Christoph lui confère beaucoup de profondeur et de charme, ce qui est très important pour qu’on comprenne pourquoi Margaret est tombée amoureuse de lui. » Larry Karaszewski commente : « Walter est un formidable méchant. Il ne comprend pas ce qu’il fait de mal et c’est précisément ce qui le rend si intéressant. Il ne voit pas pourquoi Margaret se plaint : ils gagnent beaucoup d’argent, ils ont du succès, les gens adorent ses peintures, elle peut peindre toute la journée dans leur magnifique maison… Alors pourquoi est-il aussi important pour elle que les gens connaissent la vérité ? »

Lynette Howell reprend : « Walter a trouvé le moyen de faire entrer l’art dans tous les foyers en produisant en série des affiches, des cartes postales, des mugs et tout un tas d’autres objets. C’est là que réside son génie. » Scott Alexander déclare : « Les grands rôles féminins sont assez rares à Hollywood, mais BIG EYES raconte une histoire incroyable. La vie de Margaret est très intéressante et beaucoup d’actrices auraient aimé interpréter ce rôle, mais nous avons la chance d’avoir la comédienne idéale. Regarder Amy jouer, c’était un peu comme assister à une master class tant elle était juste. C’était magique. » Lynette Howell ajoute : « Il est très facile de considérer Margaret comme une femme qui s’est laissé marcher sur les pieds par un homme. Mais ce n’est bien entendu pas ce qui s’est passé et ce n’est pas ainsi qu’Amy l’interprète. Il émane d’elle une force tranquille que l’on retrouve chez la vraie Margaret, et je trouve qu’Amy a su en jouer avec beaucoup de délicatesse. »

Lorsque Walter s’approprie son travail pour la première fois, Margaret est choquée, mais elle est tellement amoureuse de lui qu’elle le laisse faire. Cependant, face au succès croissant des tableaux, l’ego de Walter devient incontrôlable. Plus leur mensonge prend de l’ampleur, plus ils risquent de se faire démasquer. Mais Walter devient de plus en plus intrépide, et tandis qu’il s’acoquine avec des célébrités, Margaret vit un enfer : enchaînée à son chevalet, elle est emprisonnée dans sa propre maison.

Amy Adams commente : « Au début, elle se laisse porter par le tourbillon des événements. Je pense qu’elle a cette vision romantique de Walter et d’elle peignant le weekend et partageant une relation artistique, aimante. Et puis elle a conscience de son talent de commercial, donc dans son esprit, ils se complètent parfaitement. Lorsqu’elle découvre qu’il affirme être l’auteur de ses tableaux, elle est désorientée, puis elle se sent prise au piège. Elle est déchirée parce qu’être une mère célibataire dans les années 60 n’était pas une situation enviable et parce qu’elle ne sait pas si elle aurait les moyens d’élever sa fille seule. Elle se convainc aussi qu’il est un meilleur porte-parole pour son travail qu’elle ne l’aurait été.

DE LA RÉALITÉ À LA FICTION

Habitué des biopics, Scott Alexander évoque la responsabilité qui incombe aux scénaristes quant au respect des faits réels : « Les contraintes sont assez délicates, car notre objectif principal est d’écrire un bon scénario qui fera ensuite un bon film. Pour cela, nous faisons beaucoup de recherches. L’écriture de la première version d’un biopic peut prendre jusqu’à un an, dont la moitié est consacrée aux recherches et aux entretiens. Nous essayons de nous faire une idée précise des faits tels qu’ils se sont déroulés… sans oublier qu’il va falloir les raconter en deux heures. Nous évitons autant que possible de fusionner trop de personnages ou de changer les dates. Le processus est encore différent lorsque la personne dont on raconte la vie est encore vivante et qu’on travaille avec elle. Nous tenions à collaborer avec Margaret, mais cela nous a légèrement compliqué la tâche car elle avait certaines exigences par rapport au projet. Mais elle a été très touchée lorsqu’elle a lu le scénario, elle nous a dit : « C’est ma vie ! ». »

Larry Karaszewski ajoute : « Le biopic est un genre que nous affectionnons particulièrement. Nous aimons rester aussi proches de la réalité que possible. Nous sommes attirés par ces histoires décalées car la réalité dépasse bien souvent la fiction, et cela nous permet de raconter plein de choses très étranges et intéressantes que nous n’aurions pas pu raconter par le biais d’une pure fiction. Ces biographies racontent en quelque sorte une Histoire alternative. »

LE RÉALISATEUR

Le scénariste Scott Alexander déclare : « Tim était le réalisateur idéal pour ce film, parce que comme chacun le sait, il comprend parfaitement les outsiders. Mais ce n’est pas la seule raison. La question de la difficulté qu’ont les artistes à retranscrire leurs émotions dans leur art est très importante à ses yeux. Il est fantastique avec les acteurs et possède un remarquable sens du style. Il ne cherche pas à dénaturer l’histoire, il tente simplement de la raconter et d’obtenir les meilleures prestations de la part de ses comédiens. BIG EYES n’est pas un film à gros budget, nous sommes tous là parce que nous sommes passionnés par le projet. Nous n’avions pas des millions à notre disposition pour recréer la ville de San Francisco telle qu’elle était au début des années 60, Tim a donc dû faire des choix judicieux, et le résultat est remarquable. »

Son partenaire d’écriture, Larry Karaszewski, ajoute : « Personne ne sait mieux que lui faire surgir l’essence d’une scène entre deux acteurs. Il n’a pas peur d’être drôle au beau milieu d’une scène grave parce qu’il aime particulièrement le mélange des genres. » La productrice Lynette Howell déclare : « Voir Tim découvrir un lieu de tournage et savoir exactement ce qu’il veut en faire est une véritable source d’inspiration. Ce projet est différent de ses précédents films qui avaient un budget plus important, une plus grande envergure ou davantage d’effets visuels. C’est le plus petit film qu’il ait fait depuis longtemps, mais il est surtout différent parce qu’il est axé sur les personnages. Tim sait exactement ce qu’il fait et s’est adapté aux besoins du projet. »

Amy Adams déclare : « Il n’y a pas assez de superlatifs pour exprimer toute mon admiration pour Tim. Je rêvais de travailler avec lui depuis PEE-WEE BIG ADVENTURE. Même avant de devenir actrice, j’étais fascinée par ses films. BIG EYES a été tourné avec très peu de moyens et en un temps très court, mais il a fait preuve d’une assurance remarquable. On s’est beaucoup amusés. Tim nous a encouragés et s’est montré très ouvert et très patient. »

Danny Huston, qui interprète le chroniqueur Dick Nolan, déclare : « Tourner sous la direction d’un cinéaste de la trempe de Tim est un rêve devenu réalité. C’est un véritable visionnaire et sa manière de raconter les histoires me rappelle les contes de fées. Il est capable de traiter n’importe quel sujet et de le rendre unique et spécial. Tim est quelqu’un de très attentionné qui vous remercie pour votre travail en fin de journée. Il se souvient de ce que vous avez fait la veille et vous donne une certaine confiance et une certaine liberté, mais il est également extrêmement attentif et remarque tout ce que vous faites, et il sait comment en tirer le meilleur. De ce point de vue, c’est sans doute le réalisateur le plus courtois et le plus agréable avec lequel il m’ait été donné de travailler. BIG EYES arrive à point nommé dans sa carrière. Il ne ressemble à aucun de ses précédents films, mais au-delà des apparences, il existe néanmoins une certaine similitude thématique. »

LE HUNGRY I

Scott Alexander raconte : « Margaret et Walter vivent dans l’endroit le plus branché du monde… mais eux sont tout sauf branchés. Walter est un homme d’affaires et Margaret une femme au foyer, mais leurs amis sont des beatniks. Le hungry i était sans doute l’endroit le plus tendance de la côte ouest, c’était un club où on allait écouter du jazz ou de la folk, voir des humoristes et échanger des idées. » Le propriétaire du club, Enrico Banducci, interprété par Jon Polito, est considéré comme le premier impresario à avoir fait jouer des comiques devant un mur de briques. Le hungry i accueillait les plus grands artistes du moment, dont Jonathan Winters, le Kingston Trio et Cal Tjader, dont on peut entendre le jazz latin dans une des scènes qui se déroulent au hungry i.

Larry Karaszewski déclare : « Le hungry i était un club très en vogue. C’était une sorte de prototype de ce qu’allaient devenir les boîtes de nuit. J’aime plaisanter en disant que Banducci a inventé le mur de briques, ça semble idiot, mais avant lui, les clubs étaient plus guindés. Enrico Banducci a installé le hungry i dans un sous-sol et a fait jouer ses artistes devant un mur de briques nu tel qu’on en voit désormais dans tous les comedy clubs du monde. »

Jon Polito était très enthousiaste à l’idée d’incarner Enrico Banducci, l’un des rares personnages réels qu’il ait interprétés au cours de sa carrière. L’acteur commente : « Enrico Banducci est devenu une figure du milieu des noctambules grâce à son club. Il a joué un rôle majeur dans la carrière des Keane en exposant leurs oeuvres puis en arrangeant le coup qui les a rendus célèbres… pas nécessairement parce qu’ils étaient exposés d’ailleurs, mais à cause de l’agitation qui a entouré leur exposition. »

LE CHRONIQUEUR

Parmi les habitués du hungry i figure aussi le chroniqueur à potins Dick Nolan, incarné par Danny Huston. Celui-ci rencontre Walter Keane après avoir assisté à sa bagarre avec Enrico Banducci. L’acteur raconte : « Dick approche Walter et lui dit : ‘Je pense qu’on pourrait utiliser cet incident à notre avantage à tous les deux. J’aurais une histoire et vous une petite notoriété.’ Dick obtient son histoire et Walter devient célèbre. » La carrière des Keane a ainsi été lancée au hungry i. Walter persuade Banducci de lui louer l’espace sur ses murs pour exposer ses peintures, mais une bagarre éclate entre les deux hommes au sujet de la proximité des toilettes. Walter réalise que s’il apparaît dans la presse, les gens achèteront les tableaux et qu’il n’aura plus besoin de l’intermédiaire des galeries et des critiques.

Larry Karaszewski commente : « Il était très en avance sur son temps et a utilisé la célébrité pour vendre ses œuvres. » Pour faire davantage parler de lui, à chaque fois qu’une célébrité passait par San Francisco, Walter se rendait à son hôtel et lui offrait une peinture. Scott Alexander qualifie Dick Nolan de « Walter Winchell de la vieille école ».

Il explique : « Nous avons imaginé que Walter Keane payait quelques verres à Dick pour que celuici continue à parler de lui dans son journal. Dick était assez mystérieux, mais dans le milieu, tout le monde savait que lui offrir à boire était le plus sûr moyen de se retrouver dans le journal. »

Larry Karaszewski déclare : « Walter était un grand manipulateur et se retrouvait constamment dans la rubrique de Nolan. Et cela l’a aidé à bâtir son empire. » Dick Nolan était journaliste pour le San Francisco Examiner. De son personnage, Danny Huston dit : « Il n’est pas passionné plus que ça par l’art ; ce qui l’intéresse, ce sont les personnages qui peuplent cet univers. Il possède un certain pouvoir que Walter exploite et utilise à son avantage. Lorsqu’ils se lient d’amitié, Dick se met à soupçonner les arrière-pensées de Walter, mais il y voit également l’opportunité d’écrire des articles. Et c’est finalement tout ce qui l’intéresse. »

L’acteur poursuit : « BIG EYES a quelque chose d’hyperréaliste. Tim Burton réalise de merveilleux contes, et ce film ne fait pas exception à la règle, il n’est pas complètement réaliste. Pour entrer dans l’univers du film en tant qu’acteur, il faut connaître l’univers de Tim Burton. » Pour préparer son rôle, Danny Huston a donc revisionné ses films préférés du réalisateur.

Il note : « J’ai essayé de trouver l’équilibre entre réalisme et hyperréalisme, sans aller trop loin et tomber dans la caricature. Je tenais à ce que mon personnage reste authentique, ce qui n’est pas très difficile lorsqu’on donne la réplique à Christoph Waltz et Amy Adams. Je me suis contenté de les suivre et c’est comme cela que j’ai trouvé mon rythme. »

LA BOHÈME

Pour Krysten Ritter, qui incarne Dee-Ann, l’amie bohème de Margaret, travailler sur BIG EYES est un rêve devenu réalité. À propos de son personnage, l’actrice déclare : « Dee-Ann est une beatnik fraîchement débarquée à San Francisco. Elle change son nom pour paraître plus cool. Elle est un peu plus originale que les autres filles. Elle est en quelque sorte la voix de la raison parce qu’elle est sceptique et méfiante, et elle sent bien que quelque chose ne va pas chez son amie. Elle ne comprend pas pourquoi Margaret se laisse traiter de la sorte, et elle sait que Walter manigance quelque chose. Dee-Ann est un personnage intéressant parce qu’elle est très moderne, très en avance sur son temps. »

Si la plupart des personnages du film sont inspirés de personnes réelles, ce n’est pas le cas de Dee-Ann. Scott Alexander explique : « Nous avons inventé cette amie de Margaret. Dee-Ann, incarnée avec une grande justesse par Krysten, représente la nouvelle femme des années 60 qui n’a pas peur de dire ce qu’elle pense. »

Larry Karaszewski ajoute : « Elle tente de faire entendre raison à Margaret. » Lynette Howell déclare : « Dee-Ann représente l’émancipation féminine. C’est un esprit libre qui s’efforce de bousculer Margaret, mais cette dernière fait la sourde oreille parce qu’elle est complètement sous l’emprise de son mari. »

LE GALERISTE

Ruben, le marchand d’art incarné par Jason Schwartzman, refuse les toiles de Walter Keane et le scandalise en lui disant que Margaret possède un vrai talent. Lynette Howell déclare : « Jason interprète Ruben avec élégance et dignité. Il aurait été facile de sombrer dans la caricature, mais ce n’est pas le cas. Il lui confère beaucoup d’authenticité. Il est excellent. »

Scott Alexander raconte : « Ruben représente un nouveau courant de pensée qui va à l’encontre de l’ancien. Il n’a que peu d’égards pour Walter et ses innombrables tableaux d’enfants en pleurs. » Larry Karaszewski ajoute : « Lorsque les Keane ont voulu intégrer le monde de l’art moderne et être exposés dans la galerie de Ruben, on leur a plus ou moins ri au nez. »

Le scénariste évoque alors la scène de WOODY ET LES ROBOTS de Woody Allen où, dans le futur, les peintures de Margaret Keane sont les seules oeuvres d’art à avoir survécu. Il souligne : « L’ironie, c’est que ces oeuvres que personne ne prend au sérieux sont les seules à avoir résisté à l’épreuve du temps. »

LES JANE

L’une des choses les plus difficiles pour Margaret est de mentir à sa fille à propos de ses peintures. Le rôle de sa fille, Jane, qui fut le modèle de nombre de ses premiers tableaux, est interprété par deux jeunes actrices qui font l’une comme l’autre leurs débuts au cinéma.

Delaney Raye, 10 ans, incarne la petite Jane, tandis que Madeleine Arthur, 16 ans, l’incarne adolescente. Si les deux jeunes filles ont pris beaucoup de plaisir à donner la réplique à Amy Adams, ce fut également le cas de cette dernière. Elle déclare : « Delaney est incroyable. Elle est très précoce et très à l’aise devant la caméra. Elle est formidable dans le rôle de Jane parce que la manière d’être de Margaret a poussé sa fille à mûrir très vite. Et Delaney possède cette qualité, il est tout à fait crédible qu’elle erre dans les rues de San Francisco et retrouve son chemin toute seule. »

La première scène que Madeleine Arthur a tournée est celle dans laquelle Margaret et Jane sont en voiture après avoir fui Walter. Amy Adams reprend : « C’était notre première scène ensemble et il fallait que nous soyons bouleversées, en pleurs et presque hystériques… vous parlez d’une entrée en matière ! Ça a été une scène difficile à jouer pour moi, comme ça l’est pour n’importe quelle actrice devant un fond vert, mais Madeleine a été fantastique. Elle était très calme bien qu’il s’agisse de son premier film. Elle possède un sang-froid incroyable. Elle a parfaitement saisi le caractère intense et trouble des émotions qui régissent la relation de Margaret et Jane. »

Lynette Howell déclare : « Tim Burton a l’oeil pour choisir les enfants qui jouent dans ses films. Il a repéré Delaney dans une vidéo et a tout de suite su qu’elle serait parfaite pour le rôle. Elle impose une présence tout au long du film, elle est toujours là avec ses magnifiques grands yeux. »

De Madeleine Arthur, la productrice dit : « Delaney et elle se ressemblent comme deux gouttes d’eau. Lorsqu’on les voit l’une à côté de l’autre, c’est comme s’il s’agissait de la même personne, ce qui témoigne une fois de plus de la perspicacité de Tim. »

LE CRITIQUE

L’une des voix les plus influentes dans le milieu artistique américain des années 60 était celle de John Canaday, critique d’art pour le New York Times. John Canaday, l’un des plus grands détracteurs des Keane, est interprété par l’acteur nommé aux Oscars Terence Stamp.

Lynette Howell déclare : « Terence Stamp confère un grand sérieux au personnage. Il n’a été présent sur le tournage que quelques jours, mais il donne beaucoup de poids au rôle. Aujourd’hui encore, l’approbation du New York Times est celle qui compte le plus pour les artistes, mais Walter ne l’a jamais obtenue. »

Le chef décorateur Rick Heinrichs se souvient avoir lu les livres de John Canaday sur l’art moderne durant ses études en école d’art. Il déclare : « Voir Terence Stamp incarner John Canaday et faire ces déclarations sur les oeuvres de Walter – qui étaient en fait celles de Margaret – a été un électrochoc, cela correspondait parfaitement à l’univers et au ton du film. Outre toutes les recherches historiques que nous avons menées, c’était intéressant de pouvoir faire le lien avec des éléments de mon propre passé. »

L’ESTHÉTIQUE DU FILM

Le producteur exécutif Derek Frey déclare : « Tim est un réalisateur qui possède une profonde sensibilité artistique, mais il s’appuie aussi beaucoup sur son équipe et il est très dévoué avec ses collaborateurs. » Parmi ceux-ci figurent Rick Heinrichs, le chef décorateur, et la chef costumière Colleen Atwood, avec qui Tim Burton collabore régulièrement, et qui ont tous les deux remporté des Oscars pour leur travail sur ses films.

Derek Frey reprend : « L’équipe avec laquelle il travaille de film en film a développé des automatismes qui lui sont propres. Sur un film au budget restreint comme celui-ci, on doit pouvoir compter encore plus sur les gens dont on s’entoure. On doit pouvoir se comprendre sans même avoir à se parler afin de mener le projet à bien en dépit des limites imposées. La présence de Rick, Bruno Delbonnel et Colleen était donc cruciale pour assurer l’esthétique et l’atmosphère que le public attend d’un film de Tim Burton. Qu’importe le sujet, les spectateurs s’attendent à des costumes, des décors et une photographie d’un certain niveau. Et sur ce point, BIG EYES ne les décevra pas. »

Rick Heinrichs, qui a collaboré avec Tim Burton sur SLEEPY HOLLOW – pour lequel il a obtenu l’Oscar des Meilleurs Décors, FRANKENWEENIE, DARK SHADOWS, LA PLANÈTE DES SINGES, L’ÉTRANGE NOËL DE MONSIEUR JACK, BATMAN – LE DÉFI, EDWARD AUX MAINS D’ARGENT, BEETLEJUICE et PEE-WEE BIG ADVENTURE. Bruno Delbonnel, directeur de la photographie nommé aux Oscars à trois reprises, a également déjà travaillé avec Tim Burton, sur DARK SHADOWS.

Lynette Howell déclare : « La lumière de Bruno est de toute beauté, son cadre magnifique et sa composition remarquable. C’est un grand artiste, nous avons une chance incroyable qu’il ait pris part à ce film. » Rick Heinrichs explique : « Nous tenions à capter l’atmosphère et l’ambiance des années 50 et du début des années 60, qui sont reconnaissables entre toutes. Nous voulions jouer sur les mouvements de caméra et la manière dont elle révèle les personnages. Je pense que cela en dit long, sur Walter en particulier, mais tout en subtilité. C’est un homme qui a quelque chose à cacher, et Tim et Bruno ont précisément travaillé sur le concept du secret et de la révélation, ils ont cherché à souligner cet aspect de l’histoire sur le plan visuel. Ils ont joué avec l’idée que Walter est un dissimulateur. Ce qu’il y a de fantastique avec Bruno, c’est son travail sur la transparence : il utilise des éléments translucides à travers lesquels on distingue les choses. Il est très habile dans l’utilisation des images et de la lumière, et ça a été un plaisir de le voir jouer avec des éléments d’époque qui renforcent l’idée de secret et de révélation que nous avons essayé de mettre en avant. »

Pour le chef décorateur Rick Heinrichs, BIG EYES était un projet particulièrement intéressant, et ce pour plusieurs raisons. Il explique : « Il s’agit d’un film sur le milieu artistique et l’acte de création, où sont mis en avant différents styles et éléments. Les années 50 étaient les années de l’expressionnisme abstrait et les oeuvres de Walter et Margaret, littérales et figuratives, n’étaient pas du tout dans l’air du temps. Ça a été très intéressant de raconter l’histoire de ces personnes considérées comme des marginales qui produisent des oeuvres hors norme. Ils défendaient la culture populaire, car d’une certaine manière, leur art n’est pas considéré comme celui des autres artistes. L’antagonisme entre ce qui est considéré comme « à la mode » et ce qui ne l’est pas, a été passionnant à explorer. »

LES TABLEAUX

Rick Heinrichs déclare : « C’est la première fois que je travaille sur un film dont l’histoire est aussi précise et bien documentée. » BIG EYES a nécessité un grand nombre de toiles. Le chef décorateur et son équipe ont donc effectué d’importantes recherches, en particulier sur la carrière de Margaret. Ils voulaient en effet déterminer quelles avaient été ses sources d’inspiration pour ces enfants aux grands yeux et montrer l’évolution de son art malgré l’imposture de Walter. Nombre des tableaux que l’on voit dans le film ont été réimprimés sur toile, mais pour ceux que l’on voit en gros plan, de la peinture a été ajoutée afin que l’on distingue les traits de pinceau de l’artiste.

Rick Heinrichs commente : « Il est tout à fait unique d’avoir l’accord de l’artiste pour reproduire ses oeuvres, nous avons rarement l’occasion de faire ce genre de choses. » Les producteurs ont en effet travaillé avec Margaret Keane et sa galerie afin de se procurer des copies de ses tableaux et obtenir la permission de les réimprimer. Le film n’étant pas toujours tourné chronologiquement, il aura fallu jusqu’à 10 versions de certaines toiles afin d’en illustrer les divers stades de développement.

Larry Karaszewski déclare : « Je pense que personne n’était psychologiquement préparé à l’immense travail que cela représentait ! » Le chef décorateur raconte : « Plus de 200 tableaux figurent dans le film, il a donc fallu que nous fassions attention à ce qu’ils apparaissent au bon endroit et au bon moment, tout en prenant soin de ne pas montrer les toiles qui avaient été vendues et que nous n’avions pas l’autorisation d’utiliser. » Dans le film, on voit plusieurs expositions ainsi que le travail à la chaîne de Margaret dans plusieurs studios différents et l’évolution du style de sa peinture, et bien sûr, la version finale du film montre tous ces éléments de manière chronologique, entre les toiles des débuts, les enfants aux yeux immenses, et les toiles plus récentes signées MDH Keane.

Rick Heinrichs commente : « Nous avions plein d’éléments distincts qu’il a fallu assembler chronologiquement. C’était comme devoir résoudre un immense puzzle. »

Il y a également d’innombrables dessins, car Margaret Keane s’appuyait sur des esquisses pour développer ses tableaux. En référence à Lisa Godwin, l’artiste qui a créé et reproduit de nombreuses toiles pour le film, Amy Adams déclare : « Nous avions notre propre Margaret Keane sur le tournage ! » D

elaney Raye, la jeune actrice qui incarne Jane, la fille de Margaret, ne ressemble pas exactement à la vraie fille de Margaret Keane, c’est pourquoi le département artistique a dû légèrement transformer les toiles en fonction des traits de l’actrice… créant ainsi des originaux de Keane. Cette tâche a incombé à Lisa Godwin.

Rick Heinrichs commente : « Lisa possède le don incroyable de s’approprier le style de Margaret Keane et de se glisser dans sa peau. Cela a pris du temps, mais elle a fini

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