Comédie dramatique/Un portrait mélancolique des relations humaines d'aujourd'hui
Réalisé par Jason Reitman
Avec Ansel Elgort, Kaitlyn Dever, Jennifer Garner, Adam Sandler, Rosemarie DeWitt, Judy Greer, Dennis Haysbert, Olivia Crocicchia, Dean Norris...
Long-métrage Américain
Durée : 2h
Année de production : 2014
Distributeur : Paramount Pictures France
Facebook : https://www.facebook.com/MenWomenChildren.FR
Hashtag : #MenWomenandChildren
Date de sortie sur les écrans américains : 17 octobre 2014
Date de sortie sur nos écrans : 10 décembre 2014
Résumé : Men, Women & Children brosse le portrait de lycéens leurs rapports, leurs modes de communication, l’image qu’ils ont d’eux-mêmes et leur vie amoureuse. Le film aborde ainsi plusieurs enjeux sociétaux, comme la culture des jeux vidéo, l’anorexie, l’infidélité, la course à la célébrité et la prolifération de contenus illicites sur Internet. Tandis que les personnages s’engagent dans des trajectoires, dont l’issue est parfois heureuse et parfois tragique, il est désormais évident que personne ne peut rester insensible à ce bouleversement culturel qui déferle sur nos téléphones, nos tablettes et nos ordinateurs.
Bande annonce (VOSTFR)
Ce que j'en ai pensé : Les films de Jason Reitman ont une sensibilité particulière. Celle-ci se retrouve dans MEN, WOMEN & CHILDREN.
Jason Reitman, le réalisateur
Une grande mélancolie se dégage des personnages et des situations décrites. Au-delà de l'aspect propre aux effets des nouvelles technologies, qui est un sujet d'inquiétude, je trouve que c'est surtout la solitude que le réalisateur dépeint. Les personnages sont seuls même quand ils sont entourés. Les nouvelles technologies représentent des dangers et/ou des tentations auxquels il est plus facile et rapide d'accéder, mais la solitude est un mal qui a toujours été représenté dans les films bien avant l'arrivée des réseaux sociaux.
Jason Reitman s'est inspiré du roman éponyme de Chad Kultgen. Il met en scène des protagonistes qui vivent tous une forme de souffrance intérieure. Elle s'exprime de manière différente selon les personnalités et les vécus. Les personnages font tous partie de la même communauté. Le film nous montre une tranche de vie d'une poignée d'adolescents, élèves d'une high school d'une banlieue urbaine des Etats-Unis, et de leurs parents. Il en résulte toute une galerie de personnages qui composent une mosaïque de sentiments et de tourments.
J'ai beaucoup aimé la vision micro-sociétale comparée à notre place réelle dans l'univers. La différence de perspective qui en découle est un des thèmes explorés.
Les rôles s'approchent parfois de la caricature car ils sont extrêmes. Mais le réalisateur réussit à l'éviter car il nous montre le cœur, les peurs, les défauts et les blessures des protagonistes. De plus, les acteurs apportent une crédibilité et une fraîcheur qui rendent leurs personnages réalistes et humains. Le jeune couple, Brandy Beltmeyer, interprétée par Kaitlyn Dever, et Tim Mooney, interprété par Ansel Elgort, est touchant.
MEN, WOMEN & CHILDREN ressemble à un film de festival de cinéma indépendant. Il peint un portrait de la société et de la vie d'aujourd'hui sans concessions. Jason Reitman laisse les spectateurs réfléchir aux destins des protagonistes. Il nous renvoie à nos propres habitudes et aux risques inhérents à tout partager avec des inconnus tout en négligeant ceux qui nous entourent ou inversement, aux risques de la surprotection. C'est un film très actuel qui soulève un débat qui touche chacun d'entre nous. On en sort avec du vague à l'âme et la sensation que le message mérite réflexion.
NOTES DE PRODUCTION
(A ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers!)
De l’écrit à l’écran
Pour MEN, WOMEN & CHILDREN, tout a commencé lorsque le réalisateur Jason Reitman a lu le premier roman éponyme de Chad Kultgen, qui est rapidement devenu l’un de ses auteurs préférés. Il s’est en effet pris de passion pour l’histoire de «Men, women & children» qu’il a lue sous forme d’épreuves, à tel point qu’une citation de sa part figure en couverture du livre. Ce roman offre un regard sincère sur la vie sentimentale des adolescents, les relations qu’ils entretiennent avec leurs parents, et leurs modes de communication dans une société obnubilée par la technologie – et c’est d’ailleurs ce qui a attiré l’attention de Reitman.
Il se souvient : «Dès que j’ai lu cette histoire, j’ai su que je l’adapterais un jour. D’une certaine façon, Chad a pressenti avant tout le monde dans quelle direction la technologie allait nous mener. Il a non seulement compris la façon dont les adolescents et les parents se parlent, mais aussi leur manière de communiquer via les médias : on s’écrit des textos, on se parle par messagerie instantanée, on tweete et on publie des messages sur les médias sociaux, mais on se sert également de Tumblr. Chad s’est révélé sociologue : il a parfaitement su incarner chacun des personnages et rendre compte de leur rapport au Web». Le producteur exécutif Mason Novick, fan de Kultgen de longue date, a immédiatement compris que ces thèmes d’actualité, conjugués à des personnages en quête d’amour, de lien social et de reconnaissance, et à un ton humoristique et généreux, allaient trouver un écho chez Reitman. «J’ai toujours admiré le style littéraire de Chad et je trouvais que ‘Men, women & children’ réunissait pas mal d’éléments propres aux films de Jason. On y rencontre des adultes dans des situations difficiles, et des gens qui prennent des décisions dont l’impact sur leur vie est déterminant. Il y a de l’humour, de la tragédie, des personnages bien campés et de l’émotion à l’état pur. Je crois que beaucoup de gens s’interrogent vraiment sur leur place dans le monde, et Jason travaille extrêmement bien ce type de sujet. Il sait négocier les aspects les plus délicats d’une intrigue, son atmosphère et ses personnages complexes, avec délicatesse et sensibilité. Grâce à lui, le spectateur est à même d’adopter le point de vue des personnages, qu’il s’agisse des adolescents ou de leurs parents. On les comprend et on se met à leur place, même s’ils ne sont pas toujours des plus avenants», souligne Novick.
Reitman s’est également intéressé au fait que les moyens de communication à notre disposition augmentent de manière inversement proportionnelle aux contacts réels entre les gens. «Le film s’attache à un groupe de parents et d’adolescents évoluant dans ce monde nouveau dans lequel on essaie tous de se repérer, où les médias sociaux donnent un accès instantané aux réflexions de chacun ainsi qu’à ce l’on fait et voit. Tout est question de connexion», poursuit-il. «Et qu’en est-il de l’intimité ? Cette notion est devenue si liée à celle de sexualité que l’on en a oublié la simple dimension de proximité». Bien qu’on parle beaucoup des effets d’Internet sur nos modes de vie, Kultgen estime ces débats souvent sans fondement. Il a souhaité explorer une dimension plus intime et intergénérationnelle du Web : «Je n’avais encore jamais été confronté à une histoire qui aborde la façon dont les nouvelles technologies déterminent l’épanouissement social et sexuel des jeunes, et impactent leurs parents et les générations précédentes. Je crois que, contrairement à ce qui se passait avant, les parents ne mesurent pas combien leurs enfants suivent des trajectoires différentes des générations antérieures. Et je souhaitais écrire un livre là-dessus».
MEN, WOMEN & CHILDREN explore l’ironie de la situation. La technologie permet en effet de communiquer instantanément et de nombreuses manières différentes. Pourtant, l’écart générationnel n’a peut-être jamais été aussi important qu’à l’heure actuelle et la confusion entre sexualité et estime de soi est toujours vivace, lorsqu’il n’est pas exacerbé par l’usage des nouvelles technologies Il fallait faire preuve de nuance et de subtilité pour transposer le livre à l’écran.
MEN, WOMEN & CHILDREN est le premier scénario que Reitman co-écrit. Alors qu’il assistait au festival du film de Sundance en 2013, il est tombé sur Erin Cressida Wilson, la scénariste de CHLOÉ, qu’il a produit : Reitman lui a annoncé qu’il avait pris une option sur les droits d’adaptation d’un livre et lui a demandé de lire cet ouvrage qu’elle a adoré. «La première fois qu’on le lit, on est frappé par sa crudité, si bien qu’il est difficile de l’imaginer adapté au cinéma. Mais ce qui m’a séduit dans le livre, c’est sa sincérité. Il n’y a pas de scène de sexe à proprement parler dans le film : il s’agit surtout de discussions sur la sexualité, l’amour et franchement, comme dans beaucoup de mes films, il est question de communication, ou plutôt de manque de communication», explique Reitman.
«Ce livre me paraissait correspondre parfaitement au type de projet sur lequel on pouvait collaborer ensemble «, ajoute Erin Cressida Wilson. «D’une certaine façon, il peut sembler politiquement incorrect, mais dans le scénario, nous voulions mettre en avant l’amour, le sentiment d’effroi et de tristesse que provoquent parfois Internet et les échanges par SMS, ces dispositifs qui sont censés nous rapprocher les uns des autres, mais qui nous éloignent de plus en plus. Jason et moi trouvions tous deux très séduisante l’idée que nous avons besoin de nous toucher à nouveau, au sens propre comme au figuré. Cette histoire est ponctuée de transgressions et de sentiments sincères, et donne l’espoir d’un monde meilleur et plus insouciant. Cette collaboration, qui nous a semblé un peu magique, s’est déroulée très naturellement». Le fossé entre les générations et l’effet presque contraire des nouvelles technologies et des médias sociaux sur les jeunes et les adultes ont aussi intrigué Erin Cressida Wilson.
«Les adultes sont des novices dans ce domaine et ils ne savent pas précisément comment s’y prendre, et du coup, ils avancent à tâtons, alors que les jeunes sont très vifs et – ce qui est d’ailleurs effrayant – extrêmement doués pour savoir évoluer dans ces méandres», poursuit-elle.
Si vous abordez des thèmes difficiles avec humour, d’une certaine façon cela favorise le dialogue et permet d’aller plus en profondeur pour évoquer des sujets plus sombres qui, parfois, nous mettent mal à l’aise. Jason Reitman
MEN, WOMEN & CHILDREN relate des événements simultanés qui, souvent, se recoupent dans la vie de sept familles – autrement dit, de quatorze personnages principaux répartis sur deux générations, parents et enfants. D’emblée, Reitman a pensé à plusieurs acteurs adultes capables de s’approprier les situations du film parfois délicates, mais souvent cocasses, et à même de de saisir la compassion implicite du réalisateur envers ses semblables.
«Certains des acteurs ont lu le livre. D’autres ont seulement lu le scénario. Je crois que tout le monde s’accorde à dire que l’écriture de Chad dépeint avec beaucoup de justesse cette période charnière que nous vivons. Même si nous arrivons à ne plus nous excuser de ce qui nous gêne, nous ne pouvons en revanche pas nous empêcher de nous reconnaître dans ce portrait», observe Reitman. Le ridicule implicite de notre condition – des êtres connectés mais éloignés les uns des autres – et notre attitude souvent peu judicieuse face à ce que l’on considère comme des problèmes, tout en ne percevant pas les vraies difficultés, comportent une dimension comique assez inattendue, ce qui n’a pas échappé à Reitman. D’ailleurs, cet humour naturel mais décalé a influencé son choix des acteurs.
Le réalisateur déclare : «Je préfère traiter de sujets graves avec humour, car je trouve que c’est l’approche la plus simple et qu’elle permet d’en dire davantage. Si on adopte un ton tragique pour en parler, on se retrouve alors très vite enlisé dans le politiquement correct et le pathos. Si vous abordez des thèmes difficiles avec humour, d’une certaine façon cela favorise le dialogue et permet d’aller plus en profondeur pour évoquer des sujets plus sombres qui, parfois, nous mettent mal à l’aise. C’est pour cette raison que j’ai choisi plusieurs acteurs comiques prêts à se montrer aussi sincères que possible face à la caméra». Reitman a très tôt sollicité Adam Sandler pour le rôle de Don Truby, un homme marié qui va sur Internet pour trouver une escort-girl, car son couple bat de l’aile. Ce rôle est à des années-lumière de ses prestations habituelles. Reitman se souvient : «Adam et moi avions déjà envisagé de travailler ensemble et je ne pouvais rêver d’un meilleur Don Truby. Du coup, je lui ai envoyé le scénario, ce qui a donné lieu à une discussion de deux mois. C’est en effet un rôle très particulier qui exigeait d’Adam qu’il se confronte à des scènes très dures et intimes à l’écran. Il a donc fallu qu’on parle de son personnage, de sa place dans le film et de ses choix. Je crois sincèrement ne jamais avoir passé autant de temps à discuter d’un personnage comme je l’ai fait avec Adam et ça a été un vrai plaisir de l’aider à le construire».
«Au départ, j’ai été effrayé, mais j’ai compris que c’était un scénario incroyable», reconnaît Sandler. «J’ai appelé Jason et lui ai avoué que j’en avais le ventre noué et ça lui a plu. Il m’a fallu du temps avant de lui dire, ‘C’est d’accord, je veux bien essayer’. Ça a vraiment été stressant d’incarner Don Truby, mais maintenant que je l’ai fait, j’en suis content». Il ajoute que certains des thèmes et des situations délicates du film l’ont à la fois intrigué et effrayé en tant que père. «On trouve tout et n’importe quoi sur Internet et les médias sociaux : il y a de quoi traumatiser un homme adulte, alors imaginez un ado de quinze ans ! J’ai des enfants et c’est pour ça que j’ai peur de ce monde inconnu. Je pense que l’un des points forts du film est de montrer combien les gens deviennent insensibles et blasés et en quoi cela peut les atteindre dans leur être, sans parler de leurs relations familiales et amicales», fait remarquer l’acteur.
Pour interpréter Helen, la femme de Don, Reitman a fait appel à l’actrice Rosemarie DeWitt. Celle-ci, piégée dans une relation devenue stérile et insatisfaisante, s’ennuie dans sa vie de couple. «J’ai adoré le scénario, puis j’ai lu le livre que j’ai trouvé cru et dur, mais passionnant. J’étais tout à la fois attirée et répugnée mais également curieuse et emballée par cette histoire formidablement dense», dit-elle. Reitman estime que pour le rôle, Rosemarie DeWitt, réputée pour son parcours audacieux, a mobilisé son intégrité artistique. «Rosemarie ne sait pas être fausse un seul instant. Elle est d’une sincérité absolue. Le moindre de ses mouvements – tout ce dont les autres acteurs n’arrivent pas à se départir – fait de ses interprétations des sommets de perfection. Ce qui est génial chez elle, c’est qu’on ne sait pas à quoi s’attendre d’une seconde à l’autre. Qu’il s’agisse d’un dialogue animé ou d’un moment de pause, chez elle le moindre geste compte : parfois, elle se contente d’un simple regard, parfois encore elle se lisse les sourcils, ou elle se remet en place une mèche – à chaque fois, elle a tout simplement une façon bien personnelle de dire une réplique ou d’aborder une scène, ce qui donne de l’importance à tout ce qu’elle fait», affirme Reitman. Le réalisateur n’envisageait qu’une seule actrice pour camper le rôle de Patricia Beltmeyer, la mère surprotectrice de Brandy, âgée de 15 ans. «Je me rendais en avion à Cleveland pour y voir mon père et Jennifer Garner, avec qui j’ai travaillé sur JUNO, était assise devant moi», explique Reitman. «J’ai toujours pensé qu’elle serait parfaite dans le rôle de Patricia. Je n’avais encore donné le scénario à personne, mais je lui ai tendu mon iPad en lui disant, ‘Voici mon prochain film et j’aimerais que tu incarnes Patricia’. Elle l’a lu le temps du vol et m’a alors répondu qu’elle était partante».
Jennifer Garner se souvient de ce vol, huit mois avant de travailler sur MEN, WOMEN & CHILDREN. «Je n’ai pas hésité une seconde à tourner ce film. Quand je lui ai rendu son iPad, je lui ai dit, ‘C’est vraiment génial’. Je n’ai eu absolument aucun doute», explique-t-elle. Son intérêt pour le projet tient pour beaucoup à sa confiance en Reitman. Elle a compris que le script correspondait particulièrement bien à l’univers du réalisateur. «Quand j’ai lu [le scénario], ma première réaction a été de me dire que seul Jason Reitman serait capable de s’en sortir car c’est un maître en matière d’atmosphère : il sait décrire la vie réelle avec juste assez d’emphase pour susciter le rire et l’émotion de manière équilibrée. Et il ne veut jamais que l’on ‘joue’ quoi que ce soit. Il ne veut pas de scène qui ne soit authentique, il nous encourage à être le plus vrai possible, et c’était d’autant plus formidable pour ce film que certains moments sont très éprouvants. Il ne les exploite jamais – il dépeint simplement des histoires crédibles, aux univers bien réels, de sorte qu’on se les approprie et qu’on les intègre avant qu’elles ne deviennent l’objet de beaux échanges. Les jeunes subissent un nouveau type de pression à l’heure actuelle : ils pensent que tout doit être immédiatement rendu public. Tout doit être posté à la seconde où l’événement se produit. C’est terrifiant pour un parent d’en être témoin et de se dire, ‘Comment allons-nous nous en sortir ?’
Patricia pousse ce raisonnement à l’extrême : elle ne fait absolument pas confiance à sa fille, ce qui est le fond du problème. Mais au-delà des apparences, c’est une maman aimante et foncièrement humaine», raconte Jennifer Garner. Aux yeux de Reitman, c’est cette humanité que Jennifer Garner est capable d’apporter au personnage. «Patricia est un peu comme une cousine du personnage de Jen dans JUNO. Elle est coincée, toujours comme il faut. Mais franchement, même si on se moque du personnage de Patricia, en fin de compte, on ne peut s’empêcher de se demander si elle n’a pas raison. Elle est celle qui veut censurer sa fille, censurer le reste du monde, et au premier abord, c’est clairement choquant. Mais quand on pense qu’il y a de nos jours énormément d’informations en circulation et à portée des enfants, on commence à penser un peu comme elle et à se demander si elle n’est pas la dernière personne saine d’esprit.
Et Jen a su trouver un juste équilibre entre son côté fou et son côté sensé, entre son côté excessivement protecteur et son côté affectueux», reprend Reitman. Reitman a choisi Judy Greer pour le rôle de Donna Clint, la mère célibataire obnubilée par la célébrité et dont la relation fusionnelle avec sa fille Hannah est l’une des plus controversées et poignantes du film. Il s’explique : «Le comportement de Judy dans le film est vraiment délicat et sujet à caution, si bien que seule une actrice possédant sa légèreté, sa fragilité et, disons-le franchement, son capital de sympathie, pouvait s’en sortir avec ce genres de scènes tout en restant drôle et aimable», explique-t-il. «Je voulais travailler avec Jason depuis son premier film THANK YOU FOR SMOKING, pour lequel j’ai passé une audition sans succès», signale Judy Greer en riant. «Et la deuxième chose qui m’a interpellée est d’ordre personnel, car il y a deux ans, je suis devenue la belle-mère de deux ados», poursuit-elle. «Nous avons fait une lecture du scénario, puis j’ai lu ce livre et j’ai paniqué. J’ai alors vraiment commencé à observer mes enfants, les voyant écrire et envoyer des textos sur leur portable et je ne pouvais même pas imaginer ce qu’ils se disaient. Ça m’a vraiment ouvert les yeux».
Le sujet du film avait aussi une résonance toute personnelle chez Dean Norris qui campe Kent Mooney, un homme récemment quitté par sa femme. Cette séparation s’est faite dans la douleur, et il assume maintenant seul la responsabilité d’élever Tim, son adolescent de fils qui essaie lui aussi de comprendre la raison du départ de sa mère et … le monde en général. «Ça a vraiment été très marquant de travailler avec Jason Reitman, et ce rôle signifie beaucoup pour moi, car j’ai moi-même des enfants. Appréhender l’univers d’Internet et voir comment cela change la donne et affecte la vie des gens différemment de ceux de ma génération [est très important].
Aujourd’hui, les jeunes ont un accès total à tout type d’informations – bonnes et mauvaises – dont je n’avais pas conscience à leur âge. Sans parler de l’impact sur leur façon de communiquer – ils s’envoient des textos et des sextos. Et tout cela – bien ou mal – peut être instantanément diffusé sur les médias sociaux. Ça a donc une influence sur la façon de faire les choses, de s’y retrouver et mon personnage prend vraiment un cours accéléré dans ce domaine», souligne Norris. Reitman était particulièrement heureux d’avoir choisi Norris pour tenir le rôle d’un homme émotionnellement mis à nu qui tente de s’habituer à son nouveau statut de père célibataire.
«Ce que j’ai adoré chez Dean, c’est que nous montrons de lui une facette vulnérable jusqu’alors inédite à l’écran. Je veux dire qu’on l’a tous vu dans « Breaking bad », mais là c’est différent. Il fait preuve de douceur et de tendresse. Nous observons un homme tomber amoureux et c’est génial d’observer quelqu’un qu’on s’attend à voir se battre à tout instant tomber amoureux». Si Reitman a su qui il voulait dans le rôle des adultes, trouver sept jeunes acteurs pour incarner avec intégrité et authenticité les adolescents de l’histoire a nécessité une recherche un peu plus approfondie. Reitman n’a pourtant pas navigué complètement à l’aveuglette.
«C’est la deuxième fois que je travaille avec une bande de jeunes acteurs talentueux. Et c’est franchement stimulant d’observer un groupe de jeunes de 18 à 22 ans forger des liens de cette façon. Ça a été vraiment gratifiant de les voir réunis sur un film, vivre ensemble, passer leurs week-ends ensemble, venir en groupe sur le plateau et s’encourager, et en même temps apprendre ce que c’est que devenir un acteur professionnel.
Au départ, j’ai été effrayé, mais j’ai compris que c’était un scénario incroyable. Adam Sandler
Quelle chance de participer à cette aventure ! Ces jeunes acteurs m’ont énormément appris sur ce film et les sujets qu’il aborde. Souvent, ils me racontaient ce qu’ils écoutaient comme musique, sur quel support, et quelles applications ils aimaient. Ils me rappelaient constamment ce que c’est que de vivre dans le moment, dans l’instant présent. Ça a été un groupe très agréable», raconte Reitman.
Le rôle de Tim Mooney, un peu philosophe et profondément dépressif, a été confié à Ansel Elgort qui venait de terminer le tournage de NOS ÉTOILES CONTRAIRES et DIVERGENTE. Il a fait une telle impression sur les producteurs que ceux-ci lui ont proposé le rôle au cours même de son audition. Après que sa mère l’a abandonné, lui et sa famille, Tim se recroqueville sur lui-même, renonçant au football qui l’avait pourtant toujours passionné jusqu’alors. Dès lors, il se met à participer avec ferveur à un jeu de rôle en ligne qui lui accapare non seulement tout son temps, mais qui lui permet de surmonter son sentiment croissant d’être en décalage complet avec son environnement : il est de plus en plus convaincu que rien, ni personne, dans sa vie ne compte. Il trouve refuge dans la compagnie anonyme de ces joueurs en ligne, tandis qu’il s’éloigne de plus en plus de sa famille et de ses amis.
Elgort, d’un naturel joyeux et optimiste, s’est montré intéressé par l’interprétation du personnage tourmenté de Tim, car il y voyait un défi exaltant. «J’essaie toujours de choisir des scénarios solides, ce qui était le cas de celui-ci», souligne Elgort. «Mais en tant qu’acteur, j’ai besoin de relever un défi en campant un personnage, et celui de Tim était de taille. Il est différent de tous mes autres rôles et lui et moi n’avons rien en commun. La plupart du temps, je suis un type débordant d’énergie. Il a vraiment fallu que je me détende pour essayer de ne pas sourire, parce que Tim s’est replié dans un univers très sombre. J’ai aussi apprécié le fait que les adultes soient tout aussi vulnérables que les ados. Tout le monde a ses problèmes.
Jason Reitman nous encourage à être le plus vrai possible et c’était d’autant plus formidable pour ce film que certains moments sont très éprouvants. Il ne les exploite jamais – il dépeint simplement des histoires crédibles, aux univers bien réels, de sorte qu’on se les approprie et qu’on les intègre avant qu’elles ne deviennent l’objet de beaux échanges. Jennifer Garner
Ce qui est beau dans cette histoire, ce sont les similitudes entre les jeunes et leurs parents, car ils vivent les mêmes angoisses». Kaitlyn Dever a immédiatement été séduite par le rôle de Brandy Beltmeyer, dont la mère cherche à contrôler sa vie à l’aide d’outils électroniques. Elle se souvient : «En lisant le scénario, je n’arrêtais pas de me dire, ‘C’est tellement réaliste !’, et j’ai immédiatement accroché. J’ai vraiment aimé l’humour caustique du personnage et le fait qu’elle balance constamment entre son sentiment d’être prise au piège dans un monde régi par sa mère et cette autre identité qu’elle se forge pour s’en évader». Relativement débutant, Travis Tope n’en revient toujours pas d’avoir été choisi par Jason Reitman pour jouer Chris Truby, un lycéen qui joue dans l’équipe de football et qui est accro aux sites pornographiques.
«C’est bien la dernière chose que je m’attendais à interpréter, un joueur de football, mais par un heureux miracle, Jason m’a quand même choisi», confie-t-il. «Les situations dans lesquelles ces gens se retrouvent ne peuvent pas être sur-jouées : ils doivent faire face à des situations parfois hyper inconfortables, mais toujours réalistes, ce qui les rend drôles – d’ailleurs, l’humour surgit de la bizarrerie même de la vie réelle. Et c’est aussi valable pour Chris», déclare Trope. Olivia Crocicchia campe Hannah Clint, la chef des « pom-pom girls », une jeune fille attirée par la sexualité mais encore inexpérimentée, qui s’est identifiée au rêve de célébrité de sa mère. Hannah est la fille à sa maman jusqu’au bout des ongles, entièrement acquise à sa cause et prête à tout pour devenir célèbre. La jeune fille est d’une assurance sidérante et, à sa façon un peu dure et maladroite, elle sait parfaitement ce qu’elle veut. Son ambition affichée et pragmatique a intrigué Olivia Crocicchia.
«Il y a énormément de rôles pour des filles de mon âge, mais il s’agit alors soit d’adolescentes gâtées, soit de nanas amoureuses, alors que ce genre de personnage est habituellement destiné à des adultes. C’est une fille incroyablement déterminée à tous points de vue, qu’il s’agisse de son désir d’être célèbre, profondément enraciné, ou de son objectif d’être la première fille de sa classe à perdre sa virginité – et, même ça, ce n’est que pour prouver aux autres filles qu’elle vaut mieux qu’elles. Ce n’est qu’une occasion d’attirer l’attention sur elle, chose qu’elle adore et dont elle a absolument besoin», souligne-t-elle. Même s’il jouait déjà depuis plusieurs années, Timothée Chalamet, âgé de 18 ans, suivait normalement ses études à l’université de Columbia, à New York, quand il a entendu parler du rôle du quarterback Danny Vance.
«Le scénario m’a donné le sentiment de croquer formidablement bien la vie des ados au XXIe siècle. J’appartiens à la première génération à avoir sa vie entière livrée sur Internet. En lisant le script, je me disais, ‘C’est vrai, c’est tout à fait ça’. Tous les ados du film ont leur propre histoire. Pour ma part, je me suis identifié aux accros des jeux vidéo et j’ai beaucoup d’amis qui ont des problèmes par rapport à la pornographie. Comme le montre très bien le film, c’est lié au fait que des enfants de 11-12 ans seulement peuvent surfer sur le net et voir des scènes de sexe qu’ils ne devraient pas voir, car ils sont encore incapables de les comprendre. Ce scénario n’avait rien à voir avec ceux qu’on envoie en général aux acteurs de 17-18 ans et j’ai adoré participer à ce projet », commente Chalamet.
Elena Kampouris, 16 ans, a déjà travaillé avec Reitman pour LAST DAYS OF SUMMER et elle s’est battue pour décrocher le rôle d’Allison Doss, une ado anorexique qui est tellement perturbée par son désordre alimentaire qu’elle cherche en ligne le soutien de personnes comme elle pour poursuivre ce que l’on peut qualifier de véritable privation de nourriture. Elle souffre d’une sévère dysmorphie, ce qui la pousse à adopter un comportement imprudent, voire à se mettre en danger. Elena Kampouris raconte : «Mon coach d’art dramatique a appelé John Papsidera, le directeur du casting, et lui a dit que j’étais prête à venir à Los Angeles pour une audition. Je savais que je devais incarner Allison. Tout le monde trouvait risqué que je me rende là-bas, mais je voyais ça comme un investissement que je tenais à faire. J’ai trouvé le projet extrêmement cru et réaliste : c’est un miroir de la société qui met mal à l’aise et parle de la façon dont les médias sociaux et les nouvelles technologies nous impactent, ce qui est inédit pour un film. Allison est une fille incroyablement mal dans sa peau et perturbée. C’est un personnage profondément intéressant, et c’est pour ça que je tenais à décrocher le rôle. Quand j’ai fait des recherches sur l’anorexie, j’ai découvert tout un monde nouveau vraiment déstabilisant. Ça m’a beaucoup aidée à la comprendre, et la description de la vie au lycée sonnait juste, comme, par exemple, la rivalité entre filles – pour quelqu’un comme Allison qui a déjà une piètre opinion d’elle-même, être dans un tel environnement peut susciter beaucoup d’émotions ; ça la pousse à vouloir se sentir mieux, mais en fin de compte elle se fait seulement du mal. Elle perd énormément de poids et au lieu de l’alerter, cela lui donne l’impression d’avoir remporté une victoire, car les gens la remarquent, si bien qu’elle pense à en perdre encore plus». Elena Kampouris s’est emparée du personnage d’Allison avec détermination et sans jugement de valeur, comme l’ensemble des acteurs qui se sont engagés dans le projet – ce qui n’a pas échappé à Jennifer Garner.
«Jason a vraiment du flair pour repérer de jeunes talents. Il l’a montré dans JUNO. Dans ce film-ci, c’est extraordinaire de voir à quel point ces ados se sont montrés courageux, sincères et ouverts d’esprit en tentant leur chance sur ce projet», déclaret- elle, admirative. Pour structurer le film et tisser un lien entre les divers personnages et intrigues, Jason Reitman a fait appel à une narratrice. Ses observations franches et directes offrent un éclairage sur les motivations des protagonistes et de leurs décisions. Pour l’incarner, Reitman avait une voix en tête : celle d’Emma Thompson. Erin Cressida Wilson ajoute : «Il a toujours été question d’avoir une voix-off dans le film. Tout au long de l’écriture, j’entendais la voix d’Emma, et j’ai donc écrit pour elle».
L’histoire
«Le 22 août 1977, la NASA a effectué le lancement de la sonde spatiale Voyager. Destination inconnue. Son seul chargement, un ensemble de données fournies par Carl Edward Sagan, un astronome américain. Les éléments ont été fixés sur un disque conçu pour résister un milliard d’années et offrir à d’éventuels extraterrestres un aperçu de la civilisation humaine…».
C’est ainsi que débute le récit de MEN, WOMEN & CHILDREN. Reitman explique : «Ce satellite était une tentative pour établir un contact avec quelque chose ou quelqu’un dont l’existence n’est pas certaine. Une part de nous-même veut communiquer avec l’univers mais en même temps on ne peut s’empêcher de penser à l’ironie de la situation : on essaie d’atteindre quelqu’un qui n’existe peut-être pas et pourtant on est incapable de parler avec ceux qui nous entourent. Et c’est exactement l’enjeu du film».
La technologie qui a permis à Voyager de transmettre des données depuis les confins de la galaxie, et au-delà, alimente aussi des satellites en orbite autour de la Terre. Ces engins évoluant en silence permettent à tous nos supports d’être reliés entre eux, même s’il ne s’agit que d’une communication virtuelle. Ils constituent une boîte de Pandore remplie d’images et d’informations qui sont souvent aussi futiles, voire néfastes, qu’elles sont instructives. Dans ce film, les ados font face à des problèmes universels et classiques : le premier amour, l’envie de découvrir la sexualité et la pression qu’on peut ressentir pour passer à l’acte, le désir d’être accepté à tout prix, l’image renvoyée par son corps, le harcèlement et la dépression. Mais il s’agit de la première génération à devoir vivre ces années difficiles de l’adolescence sous le joug des nouvelles technologies.
D’autre part, le film met en scène des adultes qui protègent trop leurs enfants, qui sont malheureux en couple, et qui doivent affronter les problèmes de l’infidélité, du divorce, de la monoparentalité et du manque de communication de leurs enfants. Souvent, certains de ces adultes, tout comme leurs enfants, confondent attirance sexuelle et estime de soi. Le film explore l’investissement des parents dans l’utilisation que font leurs enfants d’Internet : certains tentent d’en contrôler l’accès, d’autres n’ont aucune idée des dangers de la Toile, et d’autres encore s’en servent dans l’intérêt de leurs enfants. Mais tous ces personnages partagent un même désir d’échange et d’intimité.
Hommes, femmes…
Don Truby (Adam Sandler) et son épouse Helen (Rosemarie DeWitt) mènent une belle carrière et ont un fils de 15 ans, Chris (Travis Tope). Mariés depuis plusieurs années, ils forment un couple insatisfait, mais aucun d’eux n’évoque le sujet. Rosemarie DeWitt décrit l’état de leur relation : «Leur couple est tout à fait représentatif de ce qui se passe assez souvent dans une relation : au bout d’un moment, la flamme s’est un peu éteinte. Il y a toujours le mythe de la spontanéité dans un couple, mais il faut faire des efforts et je crois que la grande question qui se pose pour eux est de savoir s’ils sont prêts à préserver ce qu’ils ont et à communiquer, et quel degré d’intimité ils sont encore prêts à s’accorder». En quête de sensations nouvelles hors mariage, ils recourent tous deux en secret à Internet. Don découvre un site d’escort-girls et convient d’un «rendez-vous» avec Angelique Ice, une prostituée.
Sandler précise : «Don est un homme qui ne sait pas comment être heureux et il prend les choses comme elles viennent, au jour le jour, en essayant de trouver des moyens de se procurer de petits instants de bonheur ici ou là. Il veut se rapprocher d’Helen et être heureux avec elle. Je crois en ce personnage, même s’il se sent totalement perdu». Il déniche bien entendu Angelique sur Internet. «Il sollicite ses services en ligne et pendant un moment, il est heureux de vivre. Elle représente pour lui le moyen d’obtenir un peu d’affection, car elle lui fait croire que tout va bien», ajoute-t-il. Helen, de son côté, n’est plus attirée par son mari. Au lieu d’affronter le problème, elle cherche ailleurs à retrouver plaisir et confiance en elle. Comme son mari, elle tombe sur un site, mais celui-ci propose des rencontres en ligne pour hommes et femmes en quête de relations extraconjugales. Helen crée un profil et se met à rencontrer secrètement des hommes avant de commencer à tromper son mari, comme il le fait luimême. Sa première liaison est avec un homme dont le pseudonyme est «Secretluvur» («Amansecret»), interprété par Dennis Haysbert. Rosemarie DeWitt ne porte aucun jugement sur Helen.
«Helen représente un archétype de femme, de mère, et d’épouse à bien des égards», dit-elle. «Je ne pense pas qu’elle sache ce qui la rendrait plus heureuse et elle essaie de le découvrir. Quand elle rencontre ‘Secretluvur’ à l’hôtel, elle se retrouve à nouveau avec quelqu’un qui la trouve belle. C’est en fait un type adorable avec lequel elle est en quelque sorte capable de se lâcher. Je pense que cette relation lui permet de se sentir à nouveau en phase avec ellemême, chose que l’on perd parfois de vue quand on élève des enfants et qu’on s’occupe des autres». Tout comme le spectateur, Rosemarie DeWitt, au départ, n’était pas certaine de l’issue du mariage d’Helen.
«Quand j’ai lu le scénario, je n’étais pas sûre qu’Helen soit encore amoureuse de son mari, mais sur le plateau, avec Adam dans le rôle, j’ai compris qu’il restait en fait beaucoup d’amour entre eux». Tandis que beaucoup de parents se demandent dans quelle mesure ils doivent s’immiscer dans les fréquentations de leurs enfants et leur utilisation d’Internet, Patricia Beltmeyer (Jennifer Garner), totalement inflexible, surveille les moindres faits et gestes de sa fille Brandy (Kaitlyn Dever) sur le net. Elle est la fondatrice d’une ligue baptisée PATI (Parents Against The Internet) – Parents Contre Internet – et elle tient des réunions au cours desquelles elle alerte sur les dangers des médias sociaux, les prédateurs sexuels en ligne et le comportement des jeunes qui postent sur le Web des informations susceptibles de bouleverser leur vie à tout jamais.
«On ne sait pas si c’est une mère qui est folledingue ou si elle incarne la voix de la raison dans le film», constate Jennifer Garner. «Patricia explique que cette génération d’enfants est la première dont la vie entière sera « traçable » en ligne et c’est vrai ! Nous devons tous en parler à nos enfants, mais Patricia pousse les choses à l’extrême. Elle surveille le moindre texto ou e-mail que Brandy reçoit. Elle exige qu’elle lui fournisse tous ses codes d’accès et passe son ordinateur au peigne fin». Donna Clint (Judy Greer), une actrice ratée, a passé ces seize dernières années à élever seule sa fille Hannah (Olivia Crocicchia) et vit par procuration à travers elle. Toutes deux sont extrêmement ambitieuses et désireuses de voir le rêve de célébrité d’Hannah se réaliser, sans en mesurer les conséquences. Autant dire que leur relation tient un peu trop de l’amitié et pas suffisamment du rapport parent-enfant.
Judy Greer analyse : «Je pense que Donna n’a que de bonnes intentions, mais qu’elle se sent seule et quand on fait sa connaissance, on comprend que son univers tourne entièrement autour de sa fille : elle fait reposer sur les épaules d’Hannah tous ses espoirs déçus, toutes ses illusions perdues, tous ses rêves brisés. Elle est prête à tout pour aider sa fille à obtenir ce qu’elle veut». «Hannah et sa mère montent un site Internet qui met en avant tous les talents d’Hannah», poursuit Judy Greer. «Il comporte plein de photos et de vidéos des pièces et des récitals de musique auxquels elle a participé. Mais il y a aussi un espace privé qui y montre des photos d’elle plus osées et suggestives». La productrice Helen Estabrook note : «Donna essaie de protéger sa fille et pense effectivement que c’est ce qu’elle fait, étant donné que c’est elle qui gère les photos, et pas un photographe pervers».
Ce n’est que bien plus tard que Donna prend conscience qu’elle a peutêtre entraîné sa fille sur une mauvaise pente. «Elle veut ce que l’on désire tous pour ses enfants, autrement dit de grandes choses. Mais elle ne s’y prend pas bien», résume le producteur exécutif Mason Novick. Kent Mooney tente de surmonter le départ de sa femme, qui l’a quitté pour un autre homme, et d’élever seul Tim, son fils adolescent. Celui-ci a clairement du mal à accepter la situation et se retrouve pris dans une spirale infernale. Mais Kent ne mesure pas l’ampleur de la dépression de son fils. «Chez Kent et Tim, l’émotion est palpable. Leur relation est difficile parce qu’il essaie de faire ce qu’il y a de mieux pour lui, sans savoir comment s’y prendre. Ils traversent une phase difficile : il ne sait plus comment lui parler parce qu’il n’est plus un enfant mais il n’a pas l’habitude de le considérer comme un adulte. Et en plus, ils doivent gérer des problèmes assez graves», confie Norris.
Quand Donna et Kent se rencontrent lors d’une réunion PATI, ce sont deux adultes qui partagent les mêmes problèmes de communication avec leurs enfants. Mais ils trouvent de la joie et du réconfort l’un auprès de l’autre. «Donna et lui s’entendent si bien qu’ils entament une relation, et pour Kent, c’est la première fois depuis que sa femme l’a quitté qu’il se sent revivre», ajoute Norris. Mais une relation amoureuse ne peut perdurer dans un espace clos et protégé, ce qui tend à prouver à quel point les relations humaines sont toujours compliquées.
…et enfants
Très perturbé par le récent divorce de ses parents, Tim Mooney, l’étoile montante de l’équipe de football du lycée, commence à tout remettre en question et à se demander si la vie a un sens. Il se reconnaît dans la vision de Carl Sagan qui utilisa l’expression «point bleu pâle» pour décrire notre place dans l’univers à partir d’une photo prise depuis la sonde spatiale Voyager : celle-ci montrait la Terre comme un point minuscule perdu dans l’espace.
«Tim utilise cette vision [de notre monde] du ‘point bleu pâle’ pour justifier le fait qu’il gâche son talent car finalement, mesuré à l’aune de l’univers, rien n’a d’importance», explique Elgort. Après son départ précipité de l’équipe de football, Tim commence à passer tout son temps à jouer à un jeu en ligne. Au Texas, où le football est roi, son attitude est mal perçue par ses camarades.
«Après son départ, on commence à lui chercher des noises et à lui envoyer des messages de haine ainsi que des photos. Tim n’y prête pas attention, car il est déjà assez insensible à ce qui l’entoure mais il se met ensuite à jouer à ‘Guild Wars’, un jeu en ligne multi-joueurs qui devient son échappatoire», ajoute-t-il. Quand Tim prend son courage à deux mains pour parler à une camarade, Brandy Beltmeyer, ils découvrent qu’ils ont beaucoup en commun : tous deux souffrent de se sentir exclus – certes pour des raisons différentes – et tous deux sont des ados attachants qui se sentent seuls.
La relation entre Tim et Brandy diffère de celles des autres adolescents dans le film : «C’est une histoire d’amour qui n’a rien de sexuel : ils veulent prendre soin l’un de l’autre et commencent à sentir qu’ils peuvent compter pour quelqu’un. Ils se sentent isolés, chacun à sa manière, et ils trouvent enfin à qui se confier, avec qui partager des secrets...», confie Elgort. Comme elle le fait en général, Brandy cache sa relation avec Tim à Patricia, sa mère surprotectrice, mais ce n’est pas là son seul secret.
«La manière dont Patricia surveille toutes les relations de sa fille a conduit Brandy à se créer un avatar sur Tumblr : c’est quelque chose qui n’appartient qu’à elle et c’est la seule dont sa mère ignore l’existence. Grâce à Internet, Brandy peut s’évader dans un autre univers», analyse Kaitlyn Dever.
Elgort reprend : « Brandy est l’exemple parfait d’une ado qu’on protège trop et cela se retourne contre ses parents car elle se met à cacher des choses à sa mère».
Ces jeunes acteurs m’ont énormément appris sur ce film et les sujets qu’il aborde. Souvent, ils me racontaient ce qu’ils écoutaient comme musique, sur quel support, et quelles applications ils aimaient. Ils me rappelaient constamment ce que c’est que de vivre dans le moment, dans l’instant présent. Jason Reitman
«On comprend que Brandy est vraiment une chouette gamine, mais elle a envie de liberté et d’indépendance, et elle se crée donc un alter ego. Elle arrive à le cacher à sa mère, mais quand celle-ci le découvre, Patricia perd les pédales, ce qui déclenche toute une série d’événements», signale Jennifer Garner.
Le joueur de football Chris Turby n’a encore jamais embrassé une fille, mais son addiction à la pornographie en ligne a perturbé sa représentation de l’amour et de la sexualité. «Au début du film, il n’est jamais sorti avec une fille, mais il est constamment sur le net à regarder du porno hardcore en ligne et cela le coupe complètement de la réalité», dit Travis Tope de son personnage. «Je pense que ce qu’il vit est vraiment triste».
Sans qu’il le sache, Hannah Clint, la chef des pom-pom girls au caractère bien trempé, a décidé de perdre sa virginité avec lui. Quand ils passent finalement à l’acte pour la première fois, aucun des deux n’est vraiment préparé à ce qui se passe.
«Sa première expérience sexuelle est complètement gâchée par son addiction au porno. Chris est un jeune en proie à ses premiers désirs, mais ce à quoi il est confronté est vraiment terrifiant ; on se rend compte que les jeunes sont vraiment très vulnérables», commente Rosemarie DeWitt. «Le problème, c’est que ses parents, Chris et Helen, ne se rendent absolument pas compte de ce qui se passe. C’est ça le plus effrayant».
«Quand on était gosses, on trouvait de vieux exemplaires de Playboy et on regardait la page centrale», confie Wilson. «Aujourd’hui, les jeunes s’assoient devant un ordinateur et ils voient des choses vraiment explicites qu’ils ne devraient pas voir».
Parmi les éléments perturbants auxquels les adolescents sont constamment exposés, on peut citer les dizaines de programmes télévisés mettant en scène une quête de célébrité pure qui ne tient compte ni du talent, ni du travail, ni de la moindre éthique. Hannah Clint appartient à la génération d’ados qui regardent des émissions de téléréalité, dans lesquelles le passage à la télévision est la seule raison de la gloire des participants. C’est une ambition qui suffit à Hannah, car pour sa mère comme pour elle, la fin justifie les moyens.
«Hannah est animée par une grande motivation qui vient d’un désir profond d’être tout simplement célèbre», explique Olivia Crococchia.
Le message du film, en fin de compte, est que chacun veut communiquer avec son prochain, que ce soit en le faisant en ligne ou depuis son téléphone portable. Mais ce que nous recherchons vraiment est une communication réelle, et il est bon de se le rappeler en regardant ces personnages qui, finalement, y arrivent. Jason Reitman
«C’est ce qu’elle veut le plus au monde et ça conditionne tout ce qu’elle fait. À cause du site internet qu’elle a lancé avec sa mère, elle est tellement déconnectée de la réalité que je ne pense pas qu’elle se rende compte de ce que les photos qu’elle met en ligne signifient pour ses ‘fans’. Mais je pense qu’elle se dit que si elle met sa poitrine en avant, elle attirera plus l’attention».
«La relation entre Hannah et sa mère s’apparente plutôt à celle de deux bonnes copines. La dimension parentale qui inculque respect, obéissance et valeurs morales semble ne pas exister entre elles», poursuit l’actrice. «Dans leur relation, c’est Hannah le moteur. Elle sait ce qu’elle veut, mais elle ne veut pas travailler pour réussir», confie Judy Greer.
«Je ne pense pas qu’elle ait clairement réfléchi à tout ce que cela implique : elle veut juste être célèbre et quand elle voit au centre commercial local que l’on recherche la prochaine vedette du programme ‘America’s Next Big Celebrity’, elle se dit, ‘Génial, je vais juste être une célébrité’». «Les jeunes regardent ces programmes de téléréalité qui montrent des gens ayant l’air de gagner beaucoup d’argent en conduisant leur voiture au Starbucks et en acceptant d’avoir des caméras dans leur maison, et ça leur semble un moyen facile de devenir célèbre», dit-elle.
De retour au lycée après avoir passé l’été à s’affamer pour perdre beaucoup de poids, la « pom-pom girl » Allison Does (Elena Kampouris) se délecte de l’attention nouvelle qu’on lui porte. Elle se cache sous des vêtements trois fois trop grands et évite de passer du temps avec sa famille en espérant qu’on ne remarque pas à quel point sa perte de poids est radicale. Elle trouve du soutien auprès des groupes «Pro- Ana» et «Thininspiration» qui font l’apologie de l’anorexie chez ses membres. Allison se cache derrière son ordinateur et fait en sorte d’être entourée uniquement des voix qu’elle souhaite entendre... «Quand j’ai lu le script, je n’avais aucune idée de l’existence même de ces sites pro-anorexie. C’est très choquant et perturbant, mais cela m’a aidée à mieux cerner Allison», remarque Elena Kampouris. «Elle ment à ses parents et peu lui importe ce qu’ils pensent puisqu’elle trouve du réconfort chez cette communauté en ligne, ce qui accroît sa motivation». «Internet s’adresse à nos pires frayeurs et cela n’aide personne. Si on veut faire quelque chose de potentiellement nocif, il y a toujours quelqu’un, derrière l’écran, prêt à vous dire que c’est bien. Et on se replie donc au sein de ces communautés secrètes au lieu d’être proches de nos amis et de notre famille», poursuit Reitman.
Lorsque Brandon (Will Peltz), un lycéen admiré de tous pour qui elle a toujours eu un faible, s’intéresse à elle, Allison commence à se sentir acceptée, en dépit du fait qu’il se moquait cruellement d’elle lorsqu’elle était plus grosse. «Elle s’inflige tout ça pour capter l’attention de Brandon et elle essaie constamment de se sentir aimée et acceptée, d’être comme tout le monde. Elle consent à certaines choses avec Brandon parce qu’elle a peur de ne pas être appréciée, tout cela parce qu’elle ne faisait pas partie de ce groupe quand elle était en surpoids. Avec lui, elle ne dit pas ce qu’elle pense car elle ne veut pas se sentir rejetée ou ridiculisée», analyse Elena Kampouris.
Le tournage
Depuis longtemps attiré par Austin, Jason Reitman tenait absolument à y tourner le film. Le tournage a commencé en novembre 2013 et s’est poursuivi jusqu’en février 2014. La plupart des intrigues du film se déroulent au domicile des personnages et au lycée fictif East Vista High School.
Par ailleurs, MEN, WOMEN & CHILDREN a été tourné en décors réels plutôt qu’en studio, conformément aux souhaits du réalisateur. John Latenser, le régisseur d’extérieurs, a déjà travaillé avec Reitman sur quatre films : «Jason veut des décors crédibles qui correspondent aux personnages. Du coup, les repérages s’apparentent un peu à un casting », explique-t-il. Le chef décorateur Bruce Curtis a été chargé de rendre les maisons et les chambres des sept familles les plus authentiques possibles. Curtis a travaillé à partir de maisons habitées : «Jason et moi-même avons surtout discuté des chambres, de la manière de les rendre spécifiques à chacun des personnages, de les personnaliser et de faire en sorte qu’elles restent uniques, qu’il s’agisse des chaussettes sales ou des bols de céréales qui traînent», plaisante-t-il. Un autre défi a consisté à trouver un lycée qui corresponde à la vision de Reitman.
«Ça n’a pas été une mince affaire», confie Latenser. «Au tout début du projet, Jason a visité plusieurs établissements à Austin, mais il n’était pas convaincu à 100 %. On a donc étendu notre recherche aux villes voisines et trouvé un lycée à Georgetown qui correspondait à ce que Jason avait en tête, et ce jusqu’aux murs de béton... C’est une énorme bâtisse, avec un grand terrain de football et entourée de pâturages».
Le lieu du rendez-vous amoureux entre Brandy et Tim était au départ situé dans une carrière. Jason Reitman et son équipe ont visité plusieurs sites avant de changer d’avis et d’utiliser la «piscine de Hamilton », la merveille naturelle d’Austin, une concrétion de calcaire pourvue d’une cascade de 15 mètres de haut qui se déverse dans un canyon en cul-de-sac.
Le réalisateur a voulu que les personnages principaux, tant adolescents qu’adultes, aient l’air crédibles et ne soient pas une simple caricature hollywoodienne de gens ordinaires. «Avec Jason, nous avons passé en revue les personnages un à un et il avait déjà en tête certains éléments puisqu’il a coécrit le film», explique la chef-costumière Leah Katznelson.
Toujours dans un souci d’authenticité, cette dernière ajoute : «Je voulais faire vraiment attention aux jeunes en restant fidèle à l’esprit de la région dans laquelle nous avons tourné». Jason souhaitait également que les adultes soient le plus naturel possible : «C’était amusant de voir des acteurs d’habitude assez glamour s’investir à ce point dans leur rôle. Jennifer Garner, par exemple, ne se regardait pas dans le miroir, c’était incroyable», conclut Leah Katznelson.
Le reflet de son époque
Aucune autre invention n’a eu autant d’impact sur nos modes de communication qu’Internet et les dispositifs qui nous permettent de nous y connecter. Comme le montre ce film, le Web a bouleversé toutes les facettes de notre existence, pour le meilleur et pour le pire.
Comme Reitman l’explique : «Nous sommes trop occupés à communiquer avec des personnes que nous ne connaissons même pas, que ce soit au cours d’une conversation instantanée en ligne, en jouant à un jeu vidéo ou juste en envoyant des messages à ceux que nous connaissons sans pour autant être dans la même pièce qu’eux. Nous avons peur des relations intimes avec autrui, nous avons peur de qui nous sommes, si bien que nous adoptons ces avatars et que nous entrons en contact avec de parfaits inconnus et que nous devenons des êtres qui ne nous ressemblent pas».
«Ce film n’a pas pour ambition de donner des réponses à ce qui se passe actuellement car qui sommesnous pour prétendre y comprendre quoi que ce soit ?», poursuit-il. «Le film n’entend que refléter son époque, ici et maintenant. Avec un peu de chance, il poussera le spectateur à réfléchir sur son identité, sur sa place dans la société et sur ses rapports à son entourage».
«Je pense que le message du film, en fin de compte, est que chacun veut communiquer avec son prochain, que ce soit en le faisant en ligne ou depuis son téléphone portable. Mais ce que nous recherchons vraiment est une communication réelle, et il est bon de se le rappeler en regardant ces personnages qui, finalement, y arrivent», conclut-il.
Autre post du blog lié à MEN, WOMEN & CHILDREN : <a href="http://epixod.blogspot.se/2014/10/back-to