Définition
Dans le Financial Times du 14 décembre 2014, Maurice Lévy, Président-directeur général de Publicis, fut le premier à parler officiellement d’ubérisation : « L’ubérisation, c’est l’idée qu’on se réveille soudainement en découvrant que son métier traditionnel a disparu ». Il convient donc de se familiariser, dès aujourd’hui, avec ce néologisme. Le mot ubérisation fait rêver, fantasmer ou inquiète. Il ne laisse personne indifférent, dans tous les cas. Essayons de définir ce terme utilisé régulièrement par les médias, le monde économique et la société civile. L’ubérisation est la désintermédiation ou dématérialisation de nombreux services. Rapidité, qualité et prix sont les principaux mots clés de l’ubérisation. L’économie collaborative doit aussi être associée à la définition de ce nouveau terme. L’ubérisation n’aurait jamais connu un tel essor sans l’arrivée d’Internet, des nouvelles technologies, de l’informatique et de la mondialisation. Comme le rappelle le professeur et sociologue Guy Rocher, « La mondialisation pourrait être définie comme l’extension à l’échelle mondiale d’enjeux qui étaient auparavant limités à des régions ou des nations ». Le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz ajoute qu’« avec la mondialisation, nous sommes tous interdépendants ». L’ubérisation est récente, tandis que la mondialisation l’est beaucoup moins. L’ubérisation s’est parfaitement adaptée à la mondialisation de nos sociétés actuelles. Ouvrons le champ des possibles pour vérifier si l’ubérisation de l’immobilier est une réalité effective ou appelée à le devenir.
Une économie mondialisée
Les échanges commerciaux existent depuis longtemps et cette formule de Polybe (1) nous le confirme : « Avant, les événements qui se déroulaient dans le monde n’étaient pas liés entre eux. Depuis, ils sont tous dépendants les uns des autres ». La généralisation du libre-échange, la mise en place du Gatt en 1947 et la création de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) doperont les échanges commerciaux durant le XXe siècle. À chaque étape de la mondialisation, nous retrouvons les mêmes fondamentaux : révolution des transports et des moyens de communication. Jacques Adda (2) la définit comme « l’abolition de l’espace mondial sous l’em-prise d’une généralisation du capitalisme, avec le démantèle-ment des frontières physiques et réglementaires ».
La mondialisation financière
Ces trente dernières années, nos sociétés se sont financiari-sées et mondialisées. Guy Marty (3) le résume parfaitement : « La puissance du finanier est un phénomène radicalement nouveau à l’échelle planétaire. Mondialisation et finaniarisation ne sont-elles pas relativement synonymes ? La nouveauté ne se situe pas dans la logique ou la sophistication finanière, mais dans la souveraineté du point de vue finanier. Des pans entiers de l’économie relèvent désormais d’un univers obéissant fidèlement aux canons de la théorie finanière ». La mondialisation financière a engendré une mondialisation de flux : des flux de capitaux, de marchandises ou d’individus. Ces flux circulent à la vitesse de la lumière et représentent d’énormes enjeux économiques et financiers. Chaque jour, plus de 190 milliards de dollars de produits sont fabriqués et vendus dans le monde. La logistique et le transport occupent une place prépondérante dans cette chaîne de flux. L’actif immobilier n’est pas resté isolé. L’économie immobilière a pleinement profité de ces flux pour se développer et se valoriser. La valeur totale du parc immobilier (résidentiel et tertiaire) mondial ne dépasse-t-elle pas, aujourd’hui, les 200 000 milliards de dollars ? Qu’en sera-t-il demain avec le problème du vieillissement de la population et du financement des retraites dans les pays de l’OCDE ? La croissance des flux financiers et immobiliers n’est pas près de se stabiliser pour répondre à cette question.
La mondialisation culturelle et commerciale
Nous sommes face à un véritable paradoxe : l’épargne individuelle n’a jamais été aussi élevée dans les pays industriali-sés tout comme la dette mondiale. Les stratégies financières visent la création de valeur à court terme. Elles doivent être permanentes et n’avoir aucune limite. La mondialisation ne concerne pas seulement les échanges de biens et de services mais favorise également les échanges de culture et de savoir comme le rappelle Joseph Stiglitz : « La mondialisation ne se limite pas à la libre circulation transfrontière des biens, des services et des capitaux. Elle accélère la circulation des idées ».(4) Les nouvelles technologies et l’arrivée d’internet à (très) haut débit ont accéléré ces phénomènes. La porte de la consommation s’est ouverte au monde entier et elle ne se refermera pas de sitôt (5). Nous sommes deve-nus des consommateurs à la fois mondiaux et locaux. Nous consommons à la fois des produits étrangers et nationaux. Nous pouvons, ainsi, commander un livre à l’autre bout de la planète et le recevoir le lendemain dans un « point relais » où l’on achète son pain. Poilane ne vend-il pas de plus en plus de pain en ligne ? Il n’est pas inconcevable qu’un jour, une majorité de produits puissent être livrés par des drones. Le commerce de demain sera connecté, avec des automates robotisés pour délivrer ses produits 24 h/24. Claude Lévi-Strauss a toujours affirmé que les échanges commerciaux et humains fonctionnaient parfaitement avant l’arrivée de cette mondialisation : « Les contacts transcontinentaux entre les sociétés humaines n’ont attendu ni la mondialisation ni les grandes découvertes géographiques » (6). Depuis les années 90, nous sommes témoins de la financiarisation de l’immo-bilier. L’expression parle d’elle-même, comme le rappelle Guy Marty. (7) L’immobilier s’est financiarisé et mondia-lisé en quelques années, à la fin du XXe siècle. Si toutes les industries peuvent être ubérisées à des degrés divers, dans ces conditions, comment ne pas s’interroger : l’immobilier va-t-il s’ubériser ? Si oui, tous ses secteurs s’ubériseront-ils également ?
Le monde du court terme
La mondialisation a aussi permis une diffusion internatio-nale du progrès technique dans des délais très courts. Hier, les échanges par courrier prenaient plusieurs jours. Envoyer une centaine de pages par fax prenait du temps. Aujourd’hui, quelques secondes suffisent pour transmettre un document même volumineux (audio, vidéo) à l’autre bout de la planète. La réduction du temps de transmission a entraîné une aug-mentation des travaux collaboratifs et de partage entre les citoyens du monde. Et il convient de rappeler l’importance du progrès technique dans la croissance. Notre rapport au temps a aussi évolué depuis une vingtaine d’années. « Le court terme peut s’appréhender par rapport au long terme. Les entreprises définisent généralement le long terme comme une période minimum de cinq ans ». (8) Cette défin-tion peut évoluer selon les industries. « Les sociétés minières ou les entreprises de service public réalisent des infrastruc-tures destinées à durer plusieurs décennies. Cinq ans est une période beaucoup trop courte, pour elles ». (9) D’autres indus-tries comme l’informatique ont des cycles de vie de produits beaucoup plus courts. Dans ce contexte de mondialisation, plus que jamais, le client est roi. Ses attentes n’ont jamais été aussi élevées, immédiates et volatiles. Le consommateur du XXIe siècle est devenu hyperconnecté et fonctionne en réseaux. Des réseaux qui ne dorment jamais et qui font le tour du monde en quelques secondes. Notre relation au temps a donc considérablement changé : « La vraie accélération date donc du milieu du XIXe siècle, avec l’avènement de la technologie. En une poignée de générations, la vitesse a bouleversé l’existence de chacun de nous, ainsi que la physionomie de la planète. Elle l’a fait si rapidement que nous tardons encore à en mesurer les conséquences ». (10) La gestion du temps sera déterminante face aux défis tech-nologiques de demain. Court et long termes devront s’arbi-trer subtilement. Gillian Lees et Roger Malone (11) montrent l’importance de la bonne relation entre le court et le long termes : « La clé du succès est de s’interroger de façon créa-tive sur les difficultésà concilier les objectifs à court et à long termes ». (12)
Un monde d’algorithmes
Tout est instantané et immédiat. Les serveurs traitent des milliards de données en quelques secondes grâce aux progrès de l’informatique. Lorsque l’on fait une requête sur un site immobilier tel que Trulia.com ou Zillow.com, c’est grâce aux algorithmes que les résultats des annonces arrivent en quelques secondes. Les algorithmes sont réellement partie intégrante de la révolution numérique, comme le souligne David Monniaux : « Un algorithme est une succession d’actions systématiques visant, étape par étape, à la résolution d’un problème ou à l’obtention d’un résultat. Un peu comme une recette de cuisine. Un exemple simple : une méthode pour trier un jeu de cartes dans un ordre croissant ou décroissant ». (13) PageRank, n’est-il pas l’algorithme de Google le plus utilisé au monde ? Lorsque l’on rentre le terme « immobilier » sur google.fr, le moteur de recherche fait ressortir 163 millions de résultats en moins d’une seconde. Nous sommes plus que jamais dans l’ère des algorithmes et du big data. (14)Chaque minute, plus de 350 000 tweets sont échangés, 15 millions de SMS envoyés, 200 millions de mails diffusés, 300 heures de vidéos sont postées sur YouTube et des teraoctets d’informations sont archivées sur les serveurs de Facebook. Chaque jour, nous générons 2,5 trillions d’octets de données. 90 % de ces données ont été créées durant ces deux dernières années. Ces « data » proviennent aussi bien de vidéos, de photos, de messages que d’achats en ligne. Celles-ci seront de plus en plus présentes dans tous les secteurs d’activité, y compris l’immobilier. Ce dernier n’a pas échappé à cette vague technologique. Demain, nous communiquerons avec notre agent immobilier en direct via la vidéo de notre smartphone.
Une économie collaborative
Nicolas Bouzou et Christophe Marquès, économistes du cabinet Asterès, ont publié en juin 2013 une étude traitant de la mutation du secteur hôtelier : « L’économie collaborative repose sur le prêt, le don, l’échange, la location et la vente de biens d’occasion ». Pourquoi acheter un bien immobilier ou une voiture, quand on peut les louer ou les partager ? En milieu urbain, on loue, on échange, on troque. Cela concerne les objets, les transports, le logement comme le crédit. L’immeuble de bureaux ne sera pas épargné même s’il n’est pas aussi mobile que les individus ou les objets.
L’immobilier est à la fois un bien de consommation (on l’utilise) et un bien durable, « un actif ». Dans cette nouvelle économie, nous sommes en réalité locataires (utilisateurs) de tout et propriétaires de rien. L’usage d’un bien prime sur sa propriété. Près de 50 % des Français considèrent l’acquisition d’une maison de vacances comme inutile. (15) La mutualisation concerne dorénavant tout actif immobilier. Un immeuble aura davantage d’usages et de destinations qu’aujourd’hui. Les mètres carrés de bureaux ou de logements peuvent-ils se partager facilement ?
Les locaux d’entreprise peuvent-ils s’ouvrir à d’autres usages ? Nous aurons toujours besoin d’immeubles de bureaux dans 10, 20 ou 30 ans. Les entreprises auront des besoins différents. Le législateur devra modifier les règles juridiques afin que ces immeubles connectés, innovants, modulables et flexibles puissent se louer dans les meilleures conditions.n Les baux 3/6/9 (avec des baux fermes pour les immeubles prime) paraissent une éternité et semblent inadaptés pour des entreprises qui ont du mal à évaluer leurs besoins immobiliers à moyen terme. Une start-up à succès peut avoir besoin d’augmenter sa surface locative à un moment donné. Soit elle reste dans l’immeuble, soit elle déménage rapidement. Dans la configuration actuelle, si elle ne dispose pas d’un bail précaire, elle devra attendre la fin de celui-ci pour partir sans pénalités. Les entreprises d’aujourd’hui vont consommer des mètres carrés différemment de celles d’hier. Les parcs logistiques en Europe ne sont-ils pas utilisés à moins de 40 % de leur capacité ? Il y a donc un réservoir de croissance dans la digitalisation de l’entrepôt de demain.
De nombreuses activités auront besoin davantage de technologie que de stockage. Elles attendent du bailleur souplesse et flexibilité accrues en raison de l’innovation ou de volumes d’activité fluctuants. Nous nous dirigeons vers des immeubles partagés, mutualisés, avec des services externalisés et ubérisés. Un acteur comme BureauFlexible.fr met en relation des professionnels qui cherchent ou proposent des bureaux en contrat de prestations de services. Les bailleurs comme les utilisateurs bénéficient pleinement de cette nouvelle flexibilité de l’immobilier tertiaire. Par ailleurs, de nombreux bailleurs privés et sociaux disposent de places vacantes de parking alors qu’il n’a jamais été aussi difficile de se garer à Paris. Des acteurs comme Yes-Park ou ZenPark se sont lancés sur le créneau du parking partagé. Concernant l’économie du partage, Clara Gaymard (16) affirmait : « On a vécu dans un monde où celui qui savait, avait le pouvoir de dire “I know, I can”. Aujourd’hui, on est dans un monde où c’est celui qui partage qui a le pouvoir “I share, I can” ». Selon une étude de PwC, le chiffre d’affaires de l’économie collaborative à l’échelle mondiale pourrait représenter 335 milliards de dollars à l’horizon 2025. (17) L’économie collaborative va continuer de modifier la chaîne immobilière d’ici cette date.
L’ubérisation de l’économie
L’ubérisation de l’économie est une bonne nouvelle pour les uns et une mauvaise pour les autres. C’est une formidable opportunité pour tous les acteurs de la nouvelle économie, qui vont profiter des dernières technologies pour concevoir, vendre des produits et des services à une clientèle parfaitement identifiée. Avec Internet, n’importe quel produit local peut bénéficier d’une visibilité internationale. Cette ubérisation peut aussi devenir un cauchemar pour certains réfractaires au changement et à l’évolution du monde moderne.
Dans une interview au Financial Times du 14 décembre 2014, Maurice Lévy disait : « Tout le monde a peur de se faire ubériser » (18). Ne sommes-nous pas davantage dans un changement du modèle économique existant que dans une crise conjoncturelle longue et durable ? D’ici 2020, plus de 40 % des emplois existants auront disparu ou connaîtront une mutation. Cette mutation concernera aussi bien les cols bleus, les cols blancs, que les jeunes et les moins jeunes. Il est logique qu’un tel pourcentage fasse réagir aussi bien le monde professionnel, politique que la société civile. Cette transition est bien une réalité dans un monde devenu hyperconcurrentiel où les maîtres du monde ne s’appellent plus Kodak (qui avait pourtant déposé en 1978 le premier brevet d’un appareil numérique) ou Ford, mais les Gafa avec Google, Apple, Facebook, Amazon (19). Nous n’avons jamais connu aussi peu d’entreprises dominant ainsi financièrement et technologiquement le monde comme le démontrent Marc Dugain et Christophe Labbé : « Les Gafa – pour Google, Apple, Facebook (20) et Amazon, ont réussi à conquérir en une dizaine d’années l’ensemble du monde numérique.
Ces sociétés du “septième continent”, comme on les appelle, sont la nouvelle incarnation de l’hyperpuissance américaine. (…). En moins de quinze ans, l’Américain Google, rebaptisé Alphabet, est devenu la plus grosse entreprise du monde ». (21) Nous avons aussi les Natu avec Netflix, Airbnb, Tesla et Uber (22). Ces entreprises américaines ont ubérisé en quelques années de nombreux secteurs d’activité. Même le droit n’est pas épargné par la nouvelle économie numérique : « Sur le marché du droit, de nombreux acteurs proposent des solutions techniques et des services internet facilitant l’accès au droit ou référençant des prestations d’avocat à des prix inférieurs à ceux d’un cabinet d’avocats classique. Ces sites simplifient la vie des citoyens en leur permettant de saisir des tribunaux, d’éditer des actes juridiques, de choisir leur avocat et d’avoir accès à ces services à moindre coût. Il s’agit donc bien d’une “ubérisation du droit” ». (23)
Ces entités de la nouvelle économie embauchent trois fois moins que l’industrie automobile alors qu’elles représentent, de nos jours, les plus grandes valorisations mondiales pour les Gafa. (24) Elles les font parties des dix plus importantes capitalisations boursières américaines, aujourd’hui. Certains acteurs de l’ancienne économie finissent par s’adapter et réagissent avant qu’il ne soit trop tard tandis que d’autres disparaissent totalement : « Aucun secteur d’activité de l’ancienne économie n’est à l’abri d’une innovation technologique ou d’usage qui rendra obsolète le businessmodel des acteurs de ce secteur (…). La menace vient surtout d’ailleurs. Cette adaptation passe inévitablement par la prise en compte des nouvelles technologies, des nouveaux acteurs de l’économie numérique. Ce sont eux qui sont porteurs des innovations de rupture ». La combinaison entre la technologie et les nouveaux usages (co-sharing, desksharing, co-lending, crowdfunding) pourrait attirer de nouvelles entités dans le secteur de l’industrie immobilière. À cet égard, tous les métiers de l’intermédiation immobilière sont menacés par l’ubérisation de l’économie. Ainsi, la start-up HopShop met en relation les bailleurs et les preneurs afin de louer des boutiques éphémères aussi appelées « pop-up stores ». Cette formule, qui vient des États-Unis, permet à la fois au locataire de tester ses nouveaux produits avant de les commercialiser à plus grande échelle et au bailleur de réduire la vacance de son local. Même dans les centres commerciaux, les bailleurs intègrent de plus en plus de mètres carrés dédiés aux popup stores.
La mondialisation de l’immobilier
Le grand enjeu de la globalisation financière est de fluidifier les transactions dans l’objectif d’intégrer les marchés financiers. Or, les actifs immobiliers sont par nature illiquides. Le ticket d’entrée exige des montants d’investissement et des coûts de transaction élevés. La financiarisation de l’immobilier a permis d’améliorer cette liquidité entre les investisseurs institutionnels internationaux. De nombreuses grandes entreprises immobilières ont engagé le virage numérique avec quelques années de retard, contrairement aux start-up innovantes et aux Gafa. Certaines structures ont pris du retard dans la communication virale de produits et de services de certaines entités publiques et privées comme le soulignent Denis Marquet et Edouard Rencker : « À l’ère numérique, 80 % des contenus publiés sur l’entreprise sont aujourd’hui produits par d’autres émetteurs qu’elle ». (25) Les entreprises traditionnelles doivent relever les défis suivants : se réinventer pour se différencier et rattraper le temps perdu en investissant dans l’innovation. Comme le rappelle le professeur et théoricien Peter Drucker : « Le meilleur moyen de prédire l’avenir, c’est de le créer ».
Sans création, comment peut-on être performant dans une société concurrentielle ? Cette créativité doit se faire quotidiennement de manière transversale et collaborative.
Le monde et la technologie
L’économiste Brian Arthur (26) définit « la technologie comme l’usage de phénomènes physiques pour remplir une fonction précise. Ainsi, la science nous apprend que certains matériaux peuvent être à la fois conducteurs et isolants ; la technologie qui en découle utilise cette propriété pour réaliser un transistor (…) qui permet de commander un courant pour un autre courant, puis un microprocesseur (…). La digitalisation va réduire des emplois tout en en créant d’autres ». Plus la transition technologique sera utile, plus l’impact sur l’emploi sera positif. Dans tous les cas, nous allons vivre la plus grande révolution du travail de tous les temps.
Le digital connaît une courbe exponentielle mais n’offre pas des créations d’emplois comme l’a connu le secteur industriel durant le début du XXe siècle. La révolution technologique concerne tous types d’entreprises et d’organisations (publiques et privées). Quelle que soit la taille de l’entreprise, elle doit former ses collaborateurs au numérique en utilisant la technologie disponible. L’utilisation de celle-ci en interne de manière pertinente peut produire des effets positifs auprès des collaborateurs comme des partenaires. Denis Marquet et Édouard Rencker rappellent l’importance de la communication numérique : « La communication de l’entreprise vaut aussi par son rôle de facilitateur. En interne, elle doit favoriser la transition vers l’économie numérique. La communication peut y contribuer en adoptant une démarche pédagogique, et même d’avant-garde dans l’utilisation des outils numériques : intranet communautaire, plates-formes collaboratives et conversationnelles, réseau social d’entreprise, etc. (…) ».
La technologie digitale de l’immobilier
Les innovations technologiques vont continuer de s’inviter dans le secteur de l’immobilier. Les promoteurs bénéficieront demain d’une désintermédiation de l’accès au foncier. Le foncier deviendra ainsi une matière première davantage transparente et maîtrisable en termes d’offres, de prix et de réglementations. Cette nouvelle approche conférera une meilleure visibilité aux modèles économiques pour les promoteurs et les clients finaux.
Les communes pourront ainsi visualiser l’ensemble de leur patrimoine foncier et l’arbitrer en fonction des données de marché et des droits à bâtir. Elles pourront, de fait, mieux gérer la réalisation de leur PLU et se projeter immédiatement dans le cadre de rachat de parcelles individuelles ou les regrouper. La technologie va toucher toute l’industrie immobilière comme le retail (commerce de détail) : « Le digital est l’avenir du retail. Pour preuve, certains pure players digitaux tel Zappos.com ou Amazon se lancent aujourd’hui dans l’ouverture de points de vente (complètement digitalisés, bien sûr). Le but poursuivi est de lever les freins culturels au changement, de favoriser le partage des connaissances et de l’information et de développer les usages collaboratifs pour accompagner la transformation digitale de l’entreprise » (27). Le digital est un moyen d’accélérer le développement commercial de l’immobilier grâce à une offre pertinente tout en réduisant les coûts.
L’avenir de la boutique physique
Face à une clientèle de plus en plus impatiente et exigeante quant à la qualité du service obtenue, le commerçant devra de plus en plus trouver le bon équilibre entre le monde digital et le commerce physique afin de maximiser son offre commerciale immédiate. Chaque enseigne adoptera des stratégies digitales différentes les unes des autres. Le « click and collect », par exemple, n’aura pas la même légitimité d’un magasin physique à un autre. Une majorité de centres commerciaux proposent de retirer les achats effectués sur internet directement dans le centre commercial.
Les enseignes souhaitant être localisées dans les zones prime en centre-ville partageront de plus en plus leurs mètres carrés avec des marques non concurrentes. Cette stratégie permet d’optimiser les surfaces commerciales et de réduire le coût annuel immobilier.
Ce dernier peut représenter le premier poste de dépenses pour les adresses commerciales les plus recherchées à Paris. De nombreux commerces ont disparu en France depuis la crise financière mondiale de 2008. Le réseau des pressings, en France, est par exemple passé de 12 000 à 5 000 boutiques. Avec la digitalisation de ce secteur, combien d’entre elles vont disparaître ou se créer ? Afin de résister à l’e-commerce, qui ne cesse de progresser en France (56,8 milliards d’euros de vente en 2014 selon la Fédération du e-commerce et de la vente à distance) (28), les boutiques de demain seront un mélange entre le contact physique et la dimension digitale. Nous allons vers une hybridation du numérique et du physique. Les pure players comme Spartoo, dans la chaussure, ont ouvert onze points de vente en dur en France, tandis que des acteurs comme le Printemps attendent beaucoup de leur développement digital.
Grâce aux nombreux capteurs, les commerçants seront capables de savoir ce que les clients auront essayé, touché, reposé ou acheté : « À l’intérieur, des écrans permettent de découvrir le produit augmenté ou de personnaliser son achat par la combinaison des modèles et couleurs disponibles (…). Des vendeurs équipés de tablettes connectées aux produits peuvent dialoguer avec le client, qui peut lire les informations recherchées sur un écran mural. Et demain, pourquoi pas, la reconnaissance faciale des clients ? Elle fournirait au vendeur des informations sur ce client .(29) Chez H&M Times Square, à New York, a été développé un studio photo dans la boutique, où les clients peuvent poser dans le décor de la campagne de publicité et se voir ensuite sur les écrans géants de la façade du magasin.
Les consommateurs n’auront pas besoin d’aller en caisse mais paieront directement avec leur smartphone en scannant simplement l’étiquette. Les vitrines seront munies de capteurs et s’éclaireront durant leur passage, de jour comme de nuit. Elles seront équipées d’écrans interactifs et dynamiques fonctionnant 24 h/24. Les produits apparaîtront en fonction des paramètres suivants : morphologie, attentes, et profil socioéconomique. Les informations seront ensuite envoyées instantanément sur le smartphone du passant. Il sera alors possible de poser des questions pratiques au robot du site en direct. L’internaute pourra effectuer immédiatement des recommandations sur les différents réseaux sociaux.
Ces réseaux sociaux, qui ont bouleversé notre manière de communiquer et d’échanger avec autrui sont utilisés par un Français sur trois et par un Anglo-saxon sur deux. Éric Schmidt mentionne que : « Les travaux réellement intéressants portent aujourd’hui sur la conception de robots sociaux capables de reconnaître les mouvements de l’homme et d’y répondre ». (30) Le commerçant enverra immédiatement des offres commerciales ciblées et limitées dans un temps très court afin de maximiser le taux de transformation avec des messages courts : « Profitez d’une baisse de 20 % du chemisier blanc que vous venez de voir en vitrine pendant les 30 prochaines minutes ! » Il y aura un bouton pour commander le produit convoité même si la boutique est encore fermée. La livraison pourra s’effectuer dans la journée sur le lieu de travail ou à domicile. Pour y parvenir, les enseignes doivent réduire les délais de préparation en informatique, dans les entrepôts comme dans l’optimisation des tournées de livraison. La mutation du monde du commerce est loin d’être terminée. Cette mutation est à la fois profonde et bien réelle : « L’avènement du monde numérique n’est pas synonyme de mort pour le magasin. Le retail n’est pas condamné. Bien sûr, certaines enseignes, pas des moindres ont disparu, victimes d’internet. (…). D’autres sont aujourd’hui à l’agonie. Mais c’est parce qu’elles n’ont pas su se transformer à temps ». (31) Comme pour l’immobilier de bureau, le bail 3-6-9 ne sera plus l’unique benchmark pour fluidifier le marché des boutiques.
Le coworking
Le desksharing continue d’augmenter ses parts de marché dans toutes les grandes métropoles européennes et mondiales. Avec le wifi haut débit et le développement du cloud, les travailleurs nomades sont de plus en plus nombreux. Nous avons à Paris quelques sites emblématiques du co-working comme le Cargo dans le 19e arrondissement, la Cantine dans le 2e arrondissement et bientôt La Halle Freyssinet dans le 13e arrondissement.
L’augmentation du nombre de télétravailleurs va avoir un impact sur l’utilisation des mètres carrés de bureaux, d’usines et des parcs logistiques.
Le coworking devrait permettre, à terme, aux collaborateurs de passer moins de temps dans les transports individuels ou collectifs. Ainsi, un individu passant 3h par jour dans les transports individuels entre la Seine-et-Marne et son bureau à Boulogne-Billancourt passera plus de 28 jours consécutifs dans les transports (en soustrayant 5 semaines de congés payés et les jours de RTT). Selon Cédric Verpeaux : « En Île-de-France, à l’horizon 2025, sur la base des projections réalisées, le gain de temps de parcours par jour télétravaillé est estimé à 80 minutes pour un individu. 45 minutes gagnées seraient réinvesties dans le temps de travail, ce qui contribue mécaniquement à augmenter la production des salariés. L’absentéisme serait réduit à 5,5 jours par an (pour une moyenne actuelle de 15 jours en secteur public et privé confondus) ». (32)
Les investisseurs dans l’immobilier de bureau vont devoir intégrer cette nouvelle tendance du coworking. Ce n’est pas demain que tous les bailleurs des immeubles du triangle d’or vont modifier leur mode de commercialisation. L’approche hybride de l’immeuble de bureau commence à bien fonctionner à New York, San Francisco et Londres. En effet, dans un immeuble de bureaux, on pourra parfaitement voir plusieurs étages dédiés aux start-up et d’autres loués à des entreprises traditionnelles. La jeune entreprise new-yorkaise WeWork, créée en 2010, est en train de bouleverser les codes dans les grandes villes américaines et dans quelques villes européennes. Elle sera bientôt présente à Paris et à Bruxelles. Valorisée à 16 milliards de dollars, elle achète des étages entiers et les loue à des start-up, des PME ou des particuliers. Ces espaces de travail ou de bureaux privatifs peuvent se louer à la journée comme au mois. WeWork propose de nombreux services sur place comme l’assurance-santé, la banque, les services juridiques, le centre de fitness, la réservation de voyages, les community managers sur site, le service pressing, et l’open bar pour se détendre… D’autres concurrents comme Coliving.club, LiquidSpace.com ou Desksnear.me s’installent sur ce marché de la location flexible d’espaces de travail en proposant des services à la carte. Cette nouvelle flexibilité offrira à l’utilisateur une réduction de 20 à 35 % moins cher que pour un bureau classique à surface identique, et davantage de prestations proposées.
Le coliving
La colocation a évolué, ces dernières années. Nous sommes passés de la colocation d’appartement pour étudiants à la colocation pour les personnes âgées. Face aux prix des loyers, de nombreux jeunes acceptent une colocation avec une personne âgée. En contrepartie d’un loyer faible, le jeune rend quelques services, comme faire les courses, le ménage ou donner des cours d’informatique. Par ailleurs, nous trouvons de plus en plus de colocations à destination des seniors actifs. Des sites comme EmbassyNetwork.com ou Coliving.org se sont spécialisés dans l’habitat collectif bien localisé au coeur des métropoles urbaines comme San Francisco. Ces nouvelles formes d’hébergement créent du lien social. Cette socialisation est l’occasion de développer des réseaux amicaux et professionnels. L’argument financier n’est pas la première motivation des colocataires, dont l’âge varie de 30 à 50 ans. La communication virtuelle étant devenue une réalité dans les grandes villes, l’idée de se retrouver et de communiquer physiquement fait écho.
Le propriétaire d’une grande maison avec de nombreuses chambres ou d’un petit immeuble peut, ainsi, gagner de l’argent tout en offrant un habitat communautaire pour un loyer légèrement plus faible que la location d’un studio meublé. Le sociologue Jean-Claude Kaufmann explique ce nouveau mode de vie : « Le rêve, aujourd’hui, est que le logement devienne un instrument plus souple permettant d’avancer dans ce nouveau projet existentiel (…). L’échange ou la sous-location offrent la possibilité de dépenser moins tout en tissant des liens pouvant devenir amicaux. Dans notre société si dure et si froide, guettée par les démons de l’égoïsme et de l’enfermement sur soi, cette chaleur humaine retrouvée est tout aussi précieuse que le grain d’aventure qui est au coeur de ce moderne nomadisme résidentiel » (33).
Le crowdfunding
Le terme « crowdfunding » signifie le financement (funding) par la foule (crowd). Selon la définition de Schwienbacher et Larralde (2012) (34), le financement par la foule se définit comme « un appel à tous, essentiellement via Internet, pour obtenir des ressources financières, soit sous forme de don, soit sous forme d’échange d’une certaine forme de récompense, soit sous forme de droits de vote » (35). Le crowdfunding crée un lien direct entre le citoyen et l’économie locale. Le ticket d’entrée varie d’une plate-forme à l’autre. Il peut aller de quelques centaines à plusieurs milliers d’euros. En fonction de l’évolution de la réglementation propre à chaque pays, les crowdfundings seront davantage des fonds de dettes finançant de nombreux acteurs de l’immobilier comme les personnes physiques pour l’achat de leur résidence principale.
Les banques devraient de moins en moins prêter sur de longues durées avec l’application du ratio structurel de liquidité à long terme de Bâle 3. Le crowdfunding permet d’apporter, par exemple, au promoteur 20 à 30 % d’equity exigés par les banques pour le financement du programme. Cette ubérisation du financement n’est ni plus ni moins que la mise en relation d’un investisseur avec un professionnel de l’immobilier. Le financement participatif va redéfinir la mission des établissements prêteurs classiques et jouer un rôle important dans le financement immobilier.
L’avenir de l’enseignement de l’immobilier
L’enseignement supérieur est confronté à la mutation technologique de la formation et du savoir. Ce savoir mondialisé n’a ni frontière ni langue officielle. Les Mooc (36) s’installent de plus en plus dans les écoles de commerce, d’ingénieurs et à l’université. Des cours en ligne ouverts à tous existent depuis une quinzaine d’années dans les meilleures universités américaines telles que Stanford ou le MIT. Les Mooc n’ont pas vocation à supprimer les cours traditionnels. Cette complémentarité donne l’occasion d’attirer de nouveaux profils français et étrangers. Un master immobilier ayant généralement trente élèves présents physiquement en France pourrait se retrouver avec trois cents étudiants étrangers supplémentaires grâce aux Mooc. Le Mooc, qui s’adresse à un auditoire bien plus large, donne une visibilité internationale et apporte de nouveaux étudiants. Nous tendons vers un enseignement digitalisé et connecté. L’enseignement de l’immobilier va suivre cette trajectoire.
Par exemple, un Parisien pourra suivre, à distance, les cours d’immobilier d’une prestigieuse université américaine sans être présent physiquement sur place. Un Chinois pourra suivre un cursus immobilier d’un établissement parisien à distance, aussi.
Alain Bechade (37) évoquait cette transition : « L’intelligence numérique connectée : les enseignements ne se feront pas seulement en présentiel mais aussi et beaucoup par réseaux informatiques. C’est une évolution pédagogique facilitée par les technologies ; la transmission de documents (la fin des polycopiés ?), les cours suivis en direct à travers la France… Les liens avec les enseignants seront différents mais pas absents pour autant. Ces moyens sont une opportunité remarquable, pour l’enseignement des sciences immobilières à distance » (38).
Le géant Google de Mountain View pourrait parfaitement proposer des cours sur l’immobilier en ligne en créant ses propres formations et cursus sur mesure. Il pourrait aussi s’associer avec une ou plusieurs universités afin de bénéficier immédiatement de l’accréditation des diplômes et certificats délivrés. Ces enseignements pourraient se dérouler 24 h/24 et dans une dizaine de langues étrangères.
L’ubérisation de l’immobilier
Depuis l’arrivée de plates-formes et d’applications innovantes entre particuliers, les agents immobiliers sont les plus exposés dans la chaîne de désintermédiation. La loi Hoguet n’a pas réellement évolué par rapport à l’arrivée du monde numérique et des plates-formes collaboratives.
Ceux qui resteront sur un modèle traditionnel et conservateur seront en danger. Depuis l’arrivée de la plate-forme Airbnb, l’offre d’hébergement dans les grandes villes du monde est beaucoup plus diversifiée et importante qu’autrefois. On peut, ainsi, louer en quelques clics un loft dans le quartier de Chelsea, à New York, un penthouse sur les hauteurs de Los Angeles, ou une maison victorienne à San Francisco pour un budget identique ou moins élevé que celui d’une chambre dans un hôtel de même standing. La durée moyenne d’un hébergement sur Airbnb varie de trois à sept nuits. Ce n’est pas un hasard si Paris est le plus gros marché mondial pour Airbnb devant New York et Londres. Nous trouvons, en effet, plus de soixante mille appartements à Paris et en Île-de-France actuellement disponibles sur ce site.
Airbnb a connu une augmentation de 224 % en cinq ans. De nouveaux acteurs (fonds d’investissement) investissent dans l’immobilier résidentiel à Londres pour en faire des résidences meublées avec services. Le taux d’occupation des chambres d’hôtel est de 90 % dans la capitale londonienne. Cette nouvelle concurrence a fait réagir le monde hôtelier. Ces derniers considèrent ces plates-formes comme une menace. Ils sont en réalité une dynamique pour tous les acteurs. Premièrement, les vacanciers y ont gagné en prix, en transparence et en qualité. Deuxièmement, la location a permis à des propriétaires de compléter des revenus pour entretenir leur patrimoine immobilier. Grâce à ces revenus complémentaires, ils ont pu conserver leur logement, dont les prix atteignent des records dans les grandes capitales mondiales. Enfin, cette concurrence amène le secteur de l’hôtellerie à se remettre en question. AccordHotels n’a-t-il pas répliqué à Booking en créant sa propre plate-forme de réservation en ligne ? En effet, il a également racheté le site Onefine stay, le Airbnb du luxe et pris des participations minoritaires chez Squarebreak et Oasis Collections. AccordHotels est en train d’améliorer sa gamme de produits et de services tout en utilisant des moyens technologiques performants. Si le monde de l’immobilier ne réagit pas aux innovations technologiques, il pourrait parfaitement devenir en partie ou en totalité un sous-traitant de Google, qui s’invitera de toute façon dans la commercialisation de la maison intelligente. Les immeubles de bureaux ne seront pas délaissés pour autant. L’immeuble de bureaux n’est plus fait pour durer vingt ans. Il devra être également réversible.
Il pourra, ainsi, se modifier en partie ou en totalité en logements durant la vie de l’immeuble. La valeur ajoutée se trouvera à l’intérieur du bien immobilier, qu’il soit tertiaire ou résidentiel. Les agences immobilières devront également s’adapter en se digitalisant. Quand les agences seront fermées, les clients auront accès à des écrans tactiles sur la vitrine pour consulter les annonces. Les clients intéressés pourront laisser directement leurs coordonnées.
Conclusion
Les résistances aux changements sont encore fortes, en France. L’entrepreneuriat se développe, bien qu’il soit récent dans notre pays. Notre modèle fiscal, réglementaire et économique et l’absence de capitaux ne favorisent pas la création d’entreprises ubérisatrices. BlaBlaCar a fait le choix de se financer et se de développer aux États-Unis. Les difficultés pour lever des fonds sont davantage présentes en France qu’aux États-Unis et peuvent être un des freins à l’émergence de véritables projets technologiques français. Nous devons privilégier la prise de risque afin que de nouvelles entreprises puissent rapidement rayonner à l’international. Selon Isaac Newton, « Les hommes construisent trop de murs et pas assez de ponts ».
Pourquoi devrions-nous être silencieux sur le monde de demain : comme le préconisait Térence « On ne peut plus rien dire qui n’ait été dit avant nous » (39).
Dans toute projection et prospective, il y a toujours un mélange de fantasmes et de réalité. Une réalité qui sera une victoire pour les uns et une défaite pour les autres. Ainsi, la phrase d’Antoine de Saint Exupéry prend tout son sens : « Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible ». Même si la technologie évolue très vite, les entreprises devront capitaliser intelligemment leur communication, comme le soulignent Denis Marquet et Édouard Rencker : « La communication doit donc être pensée, aujourd’hui, comme un moyen concurrentiel dont dispose l’entreprise pour créer la préférence en sa faveur. Une préférence qui constitue un élément essentiel de la valeur immatérielle de l’entreprise, donc de sa prospérité à long terme » (40). Cette nouvelle révolution industrielle est représentée par l’arrivée permanente d’innovations technologiques qui vont transformer l’organisation de l’économie en général et de l’économie immobilière en particulier. Les opportunités de développement et de richesse sont illimitées pour les start-up comme pour les structures économiques existantes. Pour conclure, la transition du monde est aujourd’hui marquée par une crise d’identité des pays riches, dont la croissance future dépendra de celle des régions émergentes. Il est encore trop tôt pour savoir si l’ubérisation de l’immobilier apportera ou non, à terme, une valeur ajoutée permettant de relancer la croissance, donc l’emploi. L’immobilier doit passer par la transformation de son modèle pour rester compétitif. Les gagnants vont anticiper le passage d’une économie de l’offre à une économie de la demande. Ils donneront ainsi davantage de liquidité à un secteur qui en manque aujourd’hui cruellement.
En conclusion, citons le prix Nobel d’économie Jean Tirole sur la révolution numérique : « Quelle que soit notre opinion sur Uber, nous observons tous que ses différentes innovations sont importantes pour l’utilisateur (…). L’épisode Uber nous rappelle l’importance de la concurrence pour l’innovation (…). La révolution digitale n’est pas un effet de mode. Elle a déjà modifié le commerce, la finance, les médias, les transports ou l’hôtellerie. Demain, elle chamboulera les secteurs de l’assurance, de la santé, de l’énergie, de l’éducation », (Les Echos, 8 décembre 2015).
L’histoire de l’ubérisation est encore loin du mot « fin ». De nombreux chapitres restent encore à écrire.
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(1) Né entre 210 et 202, à Megalopolis (Arcadie), en Grèce, dans le Péloponnèse – mort en 126 av. J.-C., général, homme d’État, historien et théoricien politique.
(2) Jacques Adda, La Mondialisation de l’économie. Genèse et problèmes. Éditions La Découverte, 7e éd. 2006.
(3) Guy Marty, directeur de l’IEIF, Financiarisation de l’immobilier : vers un nouvel équilibre, Constructif, Éditions Fédération Française du Bâtiment, mai 2002.
(4) Joseph E. Stiglitz, Quand le capitalisme perd la tête, Éditions Fayard, 2003 (p.15).
(5) Durant les années 2011-2015, le poids de la consommation a représenté 55 % du produit intérieur brut pour la France et 70 % pour les États-Unis.
(6)Claude Lévi-Strauss et l’aménagement des territoires, Françoise Choay, Urbanisme, n° 365, mars-avril 2009 (p.82).
(7) Guy Marty, directeur de l’IEIF. Financiarisation de l’immobilier : vers un nouvel équilibre, Constructif. Mai 2002.
(8) The Aspen Institute. 2007. Long-term value creation: Guiding principles for corporations and investors.
(9) Friedman, Y., & Segev, E. 1976. Horizons for strategic planning. Long Range Planning, 9 (5) : p.84-89.
(10) Jean-Louis Servan-Schreiber. Trop vite. Pourquoi nous sommes prisonniers du court terme. Éditions Albin Michel, 2010 (p.18).
(11) Gillian Lees et Roger, membres de la Chartered Institute of Management Accountants, Une réflexion à long terme dans un monde à court terme, Réseau entreprise et développement durable. Février 2015.
(12) Chartered institute of management accountants, 2011.
(13) Chercheur au CNRS. Les Echos du 10 mai 2016.
(14)Cette expression signifie méga-données ou grosses données. Il n’existe aucune définition précise ou universelle pour définir le big data. Les usagers comme les fournisseur de services donnent chacun la sienne.
(15) Enquête réalisée par Ipsos sur un échantillon de 1 004 personnes représentatives de la population française âgées de 18 ans et plus en octobre 2015.
(16) Présidente de General Electric (GE) France de 2006 à 2016.
(17) http://pwc.blogs.com/files/sharing-economy-final_0814.pdf
(18) Eveyone is starting to worry about being ubered.
(19) Cent cinquante millions d’articles disponibles sur le site en 2016.
(20) Facebook compte 1,6 milliard d’utilisateurs dans le monde, dont 30 millions en France.
(21) Marc Dugain et Christophe Labbé, L’homme nu. La dictature invisible du numérique, Éditions Robert Laffont et Plon, 2016 (p.26-28).
(22) La capitalisation boursière de Netflix était de 37 milliards de dollars le jeudi 12 mai 2016. Les entités Airbnb, Tesla et Uber ne sont pas encore cotées en Bourse.
(23) Christiane Féral-Schuhl, propos recueillis par Michèle Battisti, Vers une ubérisation du droit ? I2D – Information, données et documents 2016/1 (volume 53), p. 9-10.
(24) La valorisation cumulée que Google, Apple, Facebook et Amazon au Nasdaq représentait le jeudi 12 mai 2016 plus de 1 661 milliards de dollars de capitalisation.
(25) Denis Marquet et Édouard Rencker, Entreprise. Muter ou périr, éditions l’Archipel, 2016 (p.251).
(26) Brian Arthur, The Nature of technology : what it is and how it evolves.
(27) Denis Marquet et Édouard Rencker, Entreprise. Muter ou périr, Éditions l’Archipel, 2016 (p.161-162, p.252-253).
(28) Fevad.
(29)Denis Marquet et Édouard Rencker, Entreprise. Muter ou périr, éditions l’Archipel, 2016 (p. 160).
(30) Éric Schmidt et Jared Cohen, À nous d’écrire l’avenir. Comment les nouvelles technologies bouleversent le monde, éditions Denoël, 2013. Éric Schmidt est président exécutif d’Alphabet.
(31) Denis Marquet et Édouard Rencker, Entreprise. Muter ou périr, éditions l’Archipel, 2016 (p. 161).
(32) Cédric Verpeaux, responsable du pôle « Villes et territoires intelligents » à la Caisse des Dépôts, interviewé dans la note de l’ORIE n° 33 de février 2015.
(33) Économie du partage, nomadisme, digitalisation des usages quotidiens. Comment les Français voient-ils leur logement en 2015 ? 2e édition. 2015. Lab’ Orpi.
(34) Armin Schwienbacher est professeur de finance et de comptabilité à Skema Business School et Benjamin Larralde est ingénieur et fondateur Hackster.io.
(35) Boyer Karine, Chevalier Alain, Léger Jean-Yves, Sannajust Aurélie, II. Une réalité nouvelle, Le crowdfunding, Paris, La Découverte, «Repères», 2016, 128 pages.
(36) Massive open online courses. Les Mooc bénéficient des innovations issues du Web 2.0. Il peut arriver que 100 000 personnes soient réunies pour un cours.
(37) Professeur émérite du Cnam.
(38) Hors-série Business Immo. février 2015.
(39) Poète comique latin. H, 159 av. J.-C.
(40) Denis Marquet et Édouard Rencker, Entreprise. Muter ou périr, éditions l’Archipel, 2016 (p. 254).
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