Par François de Ricolfis, Directeur général de la Société de Gestion des Financements et de la Garantie de l’Accession Sociale à la propriété.
En 1993, les premiers prêts d’accession sociale (PAS) à la propriété étaient distribués par les réseaux bancaires. Plus de 20 ans plus tard, les PAS font toujours partie de la palette de financements de l’accession. C’est l’occasion de revenir sur leur création, leur évolution et leur bilan.
Introduction
L’octroi d’un crédit immobilier à un particulier est sécurisé par deux techniques associées. Comme pour tout prêt, la banque procède à une analyse de la solvabilité des emprunteurs ; de plus, elle dispose, en cas d’impayé d’un recours sur le bien financé via la constitution d’une sûreté réelle. La première analyse, primordiale dans le système français de crédit, se traduit en général par un ratio maximal mensuel de service de la dette et vise à se protéger du risque de défaut de paiement. La seconde, telle que pratiquée dans le système américain, compare le montant du prêt à la valeur du bien financé («loan to value »). Elle a une logique plus patrimoniale, celle d’assurer la solidité financière de l’opération en toute circonstance, y compris celle de la revente prématurée, le produit de celle-ci venant désintéresser le créancier.
Malgré ce double confort, compte tenu à la fois de la durée des crédits immobiliers et de leur poids dans le patrimoine (et la dette) des ménages, d’un côté, dans le bilan des banques, de l’autre, tout un écosystème de garanties supplémentaires existe pour mieux sécuriser les opérations et idéalement élargir la population de bénéficiaires à des catégories de risque plus élevé. Cette utilité explique que, souvent, ces garanties sont mises en place et/ou aidées par la puissance publique.
C’est ainsi que les assurances emprunteur prennent le relais en cas d’impayé suite à un « accident de la vie » (maladie, handicap, parfois perte d’emploi) où à un décès. En principe facultatives, elles sont devenues en pratique partie intégrante d’un prêt immobilier.
Les assurances hypothécaires telles qu’elles existent au Royaume-Uni, aux États-Unis ou au Canada offrent un filet de sécurité supplémentaire aux prêteurs si leur gage se révèle insuffisant pour couvrir la dette après revente. Cela peut faciliter le montage d’opérations avec un apport personnel faible ou nul.
Enfin, des systèmes plus complexes, moins répandus, vont, de fait, couvrir la totalité des risques, de l’insolvabilité des acheteurs à la valeur insuffisante du gage. Ce sont les sociétés de cautions (une spécificité très française, qui va jusqu’à se substituer à la prise de sûreté réelle) et les fonds de garantie, dont un exemple est le FGAS français, fonds de garantie de l’accession sociale à la propriété.
L’objectif proclamé d’un fonds de garantie (1) de ce type est d’ouvrir l’accès au crédit à ceux qui auraient des difficultés à en trouver sur le marché ou alors à des taux trop élevés en accordant une protection supplémentaire à la banque prêteuse tout en limitant le risque pour l’emprunteur davantage que ne le fait le dispositif du cautionnement dans les cas extrêmes. La même logique existe pour les entreprises avec, en France, les différents fonds de garantie pilotés par la BPI.
Le FGAS et les PAS : 23 ans d’histoire
Le fonds de garantie de l’accession sociale à la propriété, sa société de gestion (la SGFGAS) et les prêts d’accession sociale à la propriété (les PAS) bénéficiant de la garantie sont nés d’un double mouvement.
D’un côté, un mouvement de profonde réforme économique. En effet, à partir de 1984, la France s’est engagée dans un vaste mouvement de dérégulation et de simplification des circuits de financement de l’économie. Ce mouvement s’est traduit par la fin des dispositifs d’encadrement de crédit et, en parallèle, pour les crédits à l’habitat, la fin du « cloisonnement » des circuits financiers et des canaux spécifiques, institutions et produits sur lesquels l’État s’appuyait jusqu’alors pour accorder des crédits aux ménages modestes. Ce mouvement a mené, en 1995, à la fin de la distribution des PAP, prêts à l’accession à la propriété bonifiés, lesquels avaient été créés en 1977.
Un des objectifs de ces réformes était aussi d’encourager l’intérêt des banques « universelles » pour la clientèle des particuliers.
Compte tenu de l’ampleur de ces changements, les pouvoirs publics ont souhaité accompagner les banques afin que la clientèle à faibles revenus ne soit pas laissée à l’écart en raison d’une politique de crédit trop sélective de la part de certaines banques sur un marché à l’époque nouveau et peu connu d’elles.
L’autre mouvement, plus conjoncturel, a été le contexte des années 1991-1993, marqué par un recul du marché de l’immobilier après plusieurs années de forte croissance des volumes et des prix, et une forte baisse de la distribution des prêts aidés, qu’il s’agisse des prêts conventionnés ou des PAP. À cette période, les taux d’intérêt des prêts à l’habitat dépassaient les 10 % et la durée de crédit était de l’ordre de 15 ans.
Les pouvoirs publics, sous l’impulsion des Gouvernements Cresson puis Bérégovoy, ont alors réagi en lançant une réflexion sur le financement du logement en général, et plus spécifiquement de l’accession dite « sociale ».
Celle-ci se traduisit notamment par un rapport publié en juin 1991 sous l’autorité de Daniel Lebègue, à ce moment-là dirigeant de la BNP. Une des propositions du rapport était la création d’un fonds de garantie qui pourrait contribuer à offrir des financements de marché, non bonifiés, mais avec des conditions et des taux d’intérêt attractifs.
C’est ainsi que prit forme, au cours de la fin de 1991 et de l’année 1992, par une série de discussions entre les ministères intéressés (ministère du Logement et ministère des Finances) et les banques de place, un produit de prêt et de garantie spécifique, dont le principe fut annoncé en mars 1992, et qui aurait des finalités multiples :
encourager la distribution des prêts à taux de marché par les banques généralistes ;
faciliter plus particulièrement l’accès au crédit des ménages à revenus modestes ;
et améliorer la connaissance du risque représenté par cette catégorie d’emprunteurs, dans le cadre d’une instance spécifique associant l’État et les établissements de crédit.
La loi de finances pour 1993, du 30 décembre 1992, concluait ces réflexions et établissait le cadre juridique (2) pour un nouvel instrument de financement de l’immobilier, associant trois composantes.
Un prêt garanti à conditions de marché, le PAS, prêt d’accession sociale. Il s’agissait (et s’agit toujours) d’un type de prêt conventionné.
Une garantie publique adossée à un fonds spécifique, le FGAS, fonds de garantie de l’accession sociale à la propriété.
Et une société chargée de la gestion de ce fonds : en mars 1993, la SGFGAS, société de gestion du fonds de garantie de l’accession sociale à la propriété, était établie, avec pour mission de garantir, pour le compte de l’État et des banques, les PAS. Ces prêts bénéficiaient d’une garantie de l’État en cas de défaillance de l’emprunteur, garantie elle-même adossée à un fonds (d’où le nom de la société) alimenté par les banques et l’État, et dont la gestion était confiée à la SGFGAS. Celle-ci avait une mission à la fois de gestionnaire de fonds, de payeur d’indemnités aux banques en cas de sinistre, de collecteur d’information et de contrôleur des prêts. La SGFGAS était organisée en société anonyme, dont les banques étaient actionnaires, l’État étant présent par l’intermédiaire de Commissaires du Gouvernement.
Les concepteurs de la SGFGAS et des PAS recherchaient un équilibre entre incitation à prêter et préservation des intérêts financiers de l’État. Un autre objectif a été d’associer les banques au pilotage du système de garantie afin d’assurer qu’il reste adapté aux besoins.
Après plus de 20 ans de fonctionnement, les PAS ont trouvé leur place dans le paysage français, plus limitée que ne l’escomptaient ses concepteurs, mais durable.
Un instrument de prêt original
Quand le PAS a été mis au point, ses créateurs espéraient qu’il pourrait porter un tiers des opérations d’accession à la propriété, grâce à une série d’incitations qui positionnaient ce dispositif entre les prêts libres et les prêts aidés, et grâce à la garantie qui le conforte.
Les conditions d’accès
Les conditions d’accès étaient en petit nombre. Elles étaient essentiellement quatre, qui n’ont pas évolué dans leur principe depuis 1993, mais ont été régulièrement adaptées pour suivre les tendances de marché.
Le PAS est accordé sous condition de ressources. Le plafond, fixé par arrêté, a varié au cours du temps. Il est fonction du nombre de personnes composant le ménage et de la zone géographique. Depuis octobre 2014, dans un but de simplification, il est aligné sur celui des prêts à taux zéro (PTZ).
Le PAS ne peut financer qu’une résidence principale. Mais à la différence du PTZ, il peut s’agir d’une première accession ou d’un changement de bien.
Le PAS doit être assorti d’une sûreté réelle : hypothèque ou privilège de prêteur de deniers. En contrepartie, la constitution de la sûreté est dispensée de payer les droits de publicité foncière (environ 0,6 % du montant de l’opération).
Enfin, les conditions financières du PAS sont encadrées, dans l’objectif de protéger les emprunteurs.
La durée de crédit est limitée. En pratique, la durée limite a été régulièrement modifiée pour suivre les évolutions des marchés, et a été portée, par étapes, à 30 ans. Une possibilité d’allonger cette durée de cinq ans en cas de restructuration existe par ailleurs.
Le taux d’intérêt, qu’il soit fixe ou variable, est soumis à un plafond. Le taux nominal d’un PAS doit respecter un plafond spécifique, égal à celui des prêts conventionnés minoré de 0,6 point, cette minoration étant supprimée depuis le 1er juillet 2015. Ce taux plafond est indexé sur le TME (taux moyen mensuel des emprunts d’État d’une durée supérieure ou égale à sept ans). Ce plafond est modulé en fonction de la durée du crédit, par tranches (12 à 15 ans, 15 à 20 ans et plus de 20 ans).
Les « frais de dossier » sont plafonnés.
Le prêt ne peut financer les frais accessoires comme les droits de mutation ou les frais de notaire, ainsi son montant ne dépasse jamais la valeur de la sûreté
Pour le reste, et à la différence des PAP (qui reposaient sur des opérations agréées) ou des PTZ, le PAS laisse une grande liberté à la banque et à l’acheteur pour :
le choix du bien, ancien ou neuf, avec ou sans travaux, et sa localisation. Le PAS peut même financer des travaux seuls. Une restriction de nature technique a été levée en 2010. Elle imposait, pour les biens de plus de 20 ans, de faire réaliser un état des lieux puis les travaux que ce dernier
avait éventuellement prescrits ;
le montant de l’opération, car celui-ci n’est soumis à aucun plafond ;
le plan de financement – combinaison avec d’autres prêts y compris le prêt à taux zéro, montant de l’apport personnel, choix entre taux fixe et taux variable, montant du taux d’intérêt. L’emprunteur bénéficie par ailleurs de frais de dossier plafonnés (500 euros maximum) ;
la gestion du crédit tout au long de son déroulement.
Le FGAS n’intervient pas dans la décision de crédit de la banque prêteuse (il suffit qu’elle respecte les conditions d’octroi) ni dans les éventuelles modifications du crédit en cours de vie, ou les décisions de la banque en cas d’impayé).
La garantie
L’originalité du PAS, dans le système français, est la garantie dont il bénéficie. Outre le partage de risque qui est son principe fondateur, et qui est décrit plus bas, cette garantie comporte plusieurs spécificités, pour l’emprunteur et pour la banque prêteuse.
L’emprunteur n’est certes pas le bénéficiaire direct de la garantie, dont la mise en oeuvre et l’indemnisation sont réservées à la banque. Pour autant, il accède à des avantages directs et indirects.
L’avantage direct est l’accès au PAS, avec ses conditions financières, des frais de constitution d’hypothèque réduits et des frais de dossier plafonnés à 500 euros.
Les avantages indirects sont de plusieurs ordres : d’abord, la souscription d’un prêt garanti donne accès à l’aide personnalisée au logement (APL), celle-ci venant réduire le montant des mensualités. L’APL peut être accordée dès la souscription, ou ultérieurement ; elle fonctionne alors comme un filet de sécurité en cas de baisse des revenus des emprunteurs. L’accès n’est cependant pas automatique, l’APL ayant ses règles propres d’attribution, en particulier des plafonds de ressources distincts. La SGFGAS estime qu’en 2015, moins de 40 % des emprunteurs PAS bénéficient effectivement du versement d’une APL à la souscription.
Enfin, et au contraire du dispositif de cautionnement, le paiement par le FGAS de la garantie au prêteur met fin aux poursuites contre l’emprunteur, sauf si celui-ci refuse la mise en vente amiable du bien.
Pour la banque, la garantie a deux avantages principaux. Elle couvre un large éventail de situations.
En cas de difficulté de paiement, la garantie s’applique au profit de la banque quel que soit le motif de non-paiement. Elle peut ainsi être actionnée en cas de perte de revenus quelle qu’en soit la cause : surendettement, divorce… Elle a en même temps un champ d’application large.
La garantie couvre la perte en cas de revente du bien à un prix inférieur au capital restant dû : c’est ce que la procédure appelle « sinistre définitif ». De ce point de vue, elle ressemble aux assurances hypothécaires existant au Royaume-Uni ou aux États-Unis. La garantie couvrira la banque des frais de procédure en cas de contentieux, et des intérêts de retard.
Elle couvre également la perte actuarielle subie par le prêteur en cas de restructuration de la dette (toujours motivée par l’impossibilité de faire face aux échéances), que ce soit à l’initiative de la banque ou à la suite de l’intervention des commissions de surendettement. Ce sont les sinistres « provisoires », suite à suspension ou allongement des échéanciers, ou réduction du taux d’intérêt du prêt.
La garantie peut être déclenchée à plusieurs reprises sur une même opération : la banque qui a tenté de maintenir un emprunteur dans les lieux en modifiant son crédit peut
ainsi revenir devant le FGAS en cas d’échec du plan de restructuration.
En tout état de cause, le choix du traitement du contentieux reste entièrement aux mains du prêteur, qui peut même en déléguer la gestion à un tiers, s’il le souhaite.
La garantie de l’État a aussi pour avantages, pour les prêteurs, de réduire la consommation de fonds propres exigée par les ratios prudentiels, et de faciliter la titrisation des prêts.
Au titre des règles de solvabilité bancaire édictées par l’ACPR (3), un PAS est ainsi provisionné dans l’approche « standard » (quand la banque n’a pas recours à un modèle interne d’appréciation du risque) dans les comptes des banques à hauteur de 17,5 % de son montant, contre 35 % pour un prêt hypothécaire simple. Les PAS sont éligibles aux émissions d’obligations hypothécaires réalisées par la
Caisse de refinancement hypothécaire (CRH), à 100 % de leur valeur, soit le meilleur ratio disponible.
Depuis 2007 (cf. infra), l’accès à la garantie est gratuit, à la différence de ce qui est pratiqué dans d’autres pays.
La préservation des intérêts de l’Etat passe par deux exigences fortes et une contrainte de communication
Première exigence, les prêts garantis doivent obligatoirement être confortés par une sûreté réelle : hypothèque de premier rang ou privilège de prêteur de deniers. Compte tenu de la relative complexité de la prise d’hypothèque, en France, et de la place importante de la caution mutuelle (une autre spécificité française qui autorise le montage de prêts sans sûreté réelle), l’exigence de sûreté réelle est devenue un véritable frein à la distribution des prêts garantis.
Seconde exigence, le partage de risque entre l’État et les prêteurs : l’idée est de promouvoir une politique de souscription équilibrée et de prévenir tout aléa moral, en faisant supporter aux prêteurs une part des risques qu’ils font naître. Si le principe est simple, son application l’est moins : les règles sont complexes et ont évolué au fil du temps.
Elles comportent deux grands volets, l’un sur la sinistralité des prêts et l’autre sur le financement de la garantie.
Premier volet : sinistralité des prêts
Le fonds prévoit trois niveaux différents de sinistralité, correspondant pour chaque prêteur et pour chaque année de souscription (une génération de prêts, qui regroupe tous les prêts mis en force (4) une même année pour un prêteur).
Pour le premier niveau, dit « zone de sinistralité normale », chaque appel de garantie ou sinistre est indemnisé à hauteur de 50 % par l’État, le prêteur conservant à sa charge le reste.
Pour un deuxième niveau, dit « zone de malus », le prêteur supporte seul les conséquences de chaque sinistre. Cette pénalisation a pour objectif de dissuader des prises
de risque excessives par chaque prêteur.
Enfin, un troisième niveau assure au contraire une indemnisation à 100 %. Il correspond à la notion de « risque systémique », de défaillance générale de marché hors du contrôle des établissements de crédit.
Des comptes de suivi sont établis, pour chaque génération de prêts de chaque prêteur, pour que l’État et les banques puissent suivre de façon très précise l’évolution de la sinistralité et le passage d’une tranche de sinistralité à une autre. Leur structure est en trois tranches, comme le schéma de partage de risque. Ils sont confectionnés par la SGFGAS.
Second volet : financement de la garantie
Le fonctionnement et le financement du premier niveau, a évolué au fil du temps.
Dans la première version (dite «ancien FGAS »), qui a fonctionné de 1993 à 2006, le partage de risque était assuré par anticipation grâce à l’alimentation paritaire, par les banques et l’État, du fonds de garantie FGAS. Chaque nouveau prêt donnait immédiatement lieu à la perception de cotisations, versées par l’État et par l’établissement prêteur, abondant le fonds et bloquées jusqu’au remboursement total du crédit. En cas de sinistre, les sommes placées sur le fonds permettaient d’indemniser les banques à hauteur de 100 % de la perte en zone de sinistralité normale. Le fonds était géré par la SGFGAS avec un comité «stratégique de placement» constitué, outre la SGFGAS, de représentants des directions financières des banques et de l’État, la passation des ordres d’achat et de vente étant, quant à elle, confiée à une filiale spécialisée de la Caisse des dépôts et consignation dans cette mission, ainsi que le rôle de teneur des comptes titres.
Les hypothèses de calcul des cotisations se sont révélées trop pessimistes et, compte tenu du petit nombre de sinistres déclarés, le fonds a été supprimé début 2006 et les sommes qu’il portait, lesquelles dépassaient le milliardd’euros, réparties entre l’État et les banques. En contre partie de cette suppression, les sinistres correspondant aux prêts de la période 1993/2006 sont indemnisés à 100 % au lieu de 50 % par l’État tant que la sinistralité de la génération concernée ne dépassera pas le seuil de malus (5).
Pour les prêts à partir de 2007 (le nouveau FGAS), le partage de risque se matérialise à chaque sinistre déclaré, qui est indemnisé à hauteur de 50 % de la perte constatée dans la tranche de sinistralité normale. Les règles de partage de risque n’ont pas été modifiées pour les «zones de malus» et de risque systémique. Aucune cotisation n’est versée, ni par l’État ni par les banques.
À ces règles de partage a été ajoutée une règle de communication : les prêteurs ne peuvent pas communiquer sur la garantie de l’État associée aux PAS afin, là aussi, de prévenir tout aléa moral de la part de l’emprunteur. Une telle restriction est spécifique à la France.
Un pilotage associant l’état et les prêteurs
Le choix a été fait, à la création du FGAS, d’un pilotage associant l’État et les banques prêteuses (qui étaient aussi à ce moment-là les contributeurs au fonds de garantie). Pour cela, la loi de finances pour 1993 a créé une société de gestion du FGAS (la SGFGAS), sous forme de société anonyme dont les actionnaires sont les banques de la place accordant des prêts garantis. De façon symétrique, seuls peuvent accorder des prêts garantis les actionnaires de la société. Cette structuration a été conservée après 2007 malgré la disparition du fonds en tant que tel.
Les missions de la SGFGAS pour les PAS (6) sont les suivantes.
Suivi des souscriptions de prêts garantis et des risques : chaque prêt est déclaré informatiquement à la société, qui peut ainsi établir les comptes de suivi de chaque prêteur et produire des statistiques et des études pour l’État et les banques. Les bases de données sont également accessibles aux organismes de recherche.
Définition des règles de gestion des sinistres et de fonctionnement de la garantie, qui relève de décisions du Conseil d’administration.
Indemnisation des sinistres, qui se fait depuis 2014 via une plate-forme dématérialisée de déclaration en ligne, couplée
à un système expert de contrôle et de calcul de perte.
Assistance juridique aux établissements de crédit, qui se matérialise par une documentation en ligne.
Contrôle du respect de la réglementation par des inspections dans les établissements prêteurs.
Concertation entre l’État et les banques, qui se matérialise par la tenue de comités de suivi trimestriels auxquels parti-
cipent les représentants de l’État et des banques : ce comité traite de l’application de la réglementation des prêts, de ses
adaptations, de son interprétation et des règles d’indemnisation. Ce comité est également la première instance de règlement de tout litige entre un établissement de crédit et l’État.
L’État n’est pas actionnaire, mais intervient dans la gestion de la société de plusieurs manières, outre son rôle de législateur.
Il désigne le Président du Conseil d’administration, qui est nommé par arrêté ministériel conjoint. La pratique a été
établie que le Directeur général est désigné par le Conseil sur recommandation de l’État.
Il dispose, au Conseil, de deux Commissaires du Gouvernement, un pour le ministère en charge du Logement et un
pour le ministère en charge des Finances, qui ont droit de veto sur les délibérations importantes.
Il assure le paiement des frais de gestion de la société, dans le cadre de la convention passée avec elle.
Illustration de l’association entre l’État et les établissements de crédit, le fonctionnement de la garantie relève, au-delà des textes, en grande partie de conventions :
une convention entre l’État et la SGFGAS fixant les missions de cette dernière ;
une convention tripartite entre l’État, la SGFGAS et chaque établissement de crédit participant au dispositif de garantie. Elle définit notamment les faits générateurs de la garantie et les modes d’indemnisation des sinistres.
Ce fonctionnement facilite des adaptations régulières de la garantie en tenant compte de façon équilibrée des préoccupations de l’État et des banques prêteuses.
Un bilan en deçà des scénarios des concepteurs du produit : moins de souscriptions et une sinistralité très faible
Les PAS, à la différence d’autres produits publics comme le PTZ, ont peu évolué et sont bien établis dans le paysage bancaire. Les principales modifications portant sur les prêts garantis (à part le passage de l’ancien au nouveau FGAS en 2007) ont été les modifications successives des plafonds de ressources, et l’extension de la garantie du FGAS aux PTZ accompagnant des PAS.
La production de PAS est restée en deçà des ambitions annoncées lors de son lancement. En effet, les prévisions allaient jusqu’à envisager qu’un tiers des opérations d’accession pourraient bénéficier d’un PAS. En pratique, la part du PAS dans la production de crédit immobilier des banques reste limitée, variant selon les années entre 5 et 10 %, pour un nombre d’opérations entre 60
000 et 70 000 par an, et un montant prêté de 10 milliards d’euros en 2015.
Plusieurs raisons peuvent expliquer ce niveau inférieur aux ambitions initiales.
Certaines sont liées au produit PAS lui-même : l’exigence d’hypothèque et les contraintes qu’elle entraîne pour sa
constitution et sa mainlevée, la part importante de risque laissée à la charge des banques, et le peu de communication
publique autour du PAS.
D’autres sont davantage liées au dynamisme du marché immobilier français, que ce soit la concurrence de la caution
mutuelle (qui assure aux prêteurs une couverture totale et immédiate de leurs risques, alors que la garantie PAS ne
peut être actionnée qu’une fois la perte connue), ou la disponibilité des banques à prêter à toutes les catégories sociales
à des conditions attractives pour les emprunteurs.
Preuve de cette disponibilité, les conditions financières des PAS se sont parfaitement alignées sur celles des prêts de marché : la clientèle à faible revenus bénéficie ainsi de durées longues, parfois même supérieures à celles de prêts de marché, à des taux d’intérêt similaires à ceux des autres clients. Le graphique ci-dessous illustre comment les PTZ ont ainsi suivi, depuis leur création, les mutations de marché.
Les données de la SGFGAS permettent de comparer, pour les achats effectués avec un PTZ, les taux des prêts de marché avec les taux des prêts PAS. Elles indiquent une convergence de ces taux, la très faible différence existante pouvant être attribuée à la durée des PAS, en général supérieure à celle des prêts libres.
La qualité des risques de crédit a été très bonne, avec un taux de défaillance très faible (après plus de 20 ans d’activité, le taux de dossiers en perte est de seulement deux pour mille) et, là encore, en ligne avec ce qui est constaté sur le reste du marché et ce, malgré les difficultés économiques depuis 2008.
Ce bon résultat découle à la fois de la priorité accordée par les ménages au remboursement du crédit pour le logement et de la politique de souscription des banques : respect d’un ratio mensuel entre les échéances et les revenus, et priorité accordée aux emprunteurs disposant de ressources stables. Conséquence de cette bonne qualité de crédit : il n’a jamais été constaté de passage d’un compte de suivi en zone «dite de malus».
Le PAS reste ainsi un outil d’un coût très faible pour toucher une clientèle à revenus modestes (le revenu moyen des emprunteurs PAS est inférieur à celui des emprunteurs en PTZ), intéressée par l’accès à l’APL accession, et/ou dont le profil de risque ne lui permet pas d’être couverte par les sociétés de caution, par exemple, en raison d’un ratio de financement élevé (rapport entre dette et coût d’acquisition).
Conclusion
Sans préjuger des possibles changements qui pourraient intervenir en 2017, l’avenir du dispositif est tributaire de plusieurs facteurs.
Le traitement des prêts garantis par la réglementation prudentielle élaborée par le Comité de Bâle : celui-ci pourrait, par
exemple, pénaliser le fait que le FGAS agit comme un assureur, une fois seulement que la perte finale est connue, et non
comme un garant, c’est-à-dire dès que le défaut est constaté.
La possibilité d’affecter les PAS à des opérations de titrisation consolidante, ce qui n’est pas le cas actuellement. Une
modification des textes est à l’étude.
Une éventuelle réforme de l’APL accession, comme il avait été envisagé en 2014.
(1) Il en existe dans plusieurs pays, qu’ils soient développés (Pays-Bas) ou en développement (Maroc).
(2) Actuellement l’article L.312-1 du Code de la construction et de l’habitation, et ses textes d’application.
(3)Et qui sont régulièrement revues, notamment au regard des évolutions de la réglementation internationale (règles du Comité de Bâle et règles européennes).
(4) La mise en force se produit au premier décaissement sur un prêt accepté.
(5) À la suite de la suppression du fonds, la SGFGAS a modifié son titre en «Société de gestion des financements et de la garantie de l’accession sociale à la propriété».
(6) La SGFGAS est également chargée, selon des modalités similaires, de la gestion des prêts à taux zéro (depuis 1995) et du suivi de la réglementation de l’épargne logement (depuis 2014).
Les propos de l’auteur sont personnels et n’engagent pas la SGFGAS.
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