2015-12-01

Teilhard croyait en l'Homme et le Progrès devait passer par la Paix Mondialiste et tant pis si pour faire l'omelette il fallait casser des œufs, ou plutôt tant mieux, cela élimine les inadaptés! Quant à Dieu, mais c'est l'Homme (pas l'homme, ce petit vers sans intérêt, mais l'Homme dont le prototype est celui de Nietzsche : c'est à dire le surhomme!)

Les scientifiques ne s'y trompent pas eux!
http://www.scilogs.fr/alterscience/bombe-apostolique/

(Copié ci-dessous)
Alors que La Croix est plus enthousiaste
http://doctrine-sociale.blogs.la-croix.com/guerre-et-foi/2014/11/25/

Article de La Croix
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A l’occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale, la revue Études publie un hors-série sur le thème de la guerre, composé d’articles parus entre 1914 et 2005.La guerre. Controverses éthiques et spirituelles 1914-2014Études, Hors série coordonné par François Euvé et Nathalie Sarthou-Lajus, 240 p., 15 €

La traversée de la vingtaine de contributions publiées dans Études entre 1914 et 2005 et rassemblées dans ce hors-série permet de prendre conscience de l’effort engagé par des auteurs de renom pour risquer un discernement éthique et spirituel sur des conflits qui ont marqué le vingtième siècle (Première et Seconde Guerres mondiales, Guerre froide, guerre d’Algérie, lutte contre le terrorisme après le 11-Sepembre).

Ne pas tricher avec la guerre
« Avec tous les sages, le chrétien sait que la guerre est mauvaise, qu’elle est une déroute de la raison puisque, au lieu des raisons, elle n’invoque plus que les violences ; elle est surtout une défaite de la charité puisque, au lieu de résoudre les différends par les voies de la sagesse, elle les soumet aux hasards de la force », écrit Paul Doncoeur en mars 1940 dans un article intitulé « L’Évangile et la guerre ».

La guerre n’est reste pas moins un fait qui « s’impose, avec la rigueur inexorable de l’événement, au soldat, au civil, au libre penseur comme au chrétien », poursuit le jésuite. En conséquence de quoi, « il ne s’agit ni de prononcer avec les stoïques ‘Guerre, tu n’es qu’un mot’, ni, trichant avec les habiles, de se réfugier en quelque île fortunée ». Une manière de dire que toute réflexion sur le fait inéluctable de la guerre, appelle un courage intellectuel, pour ne céder ni à la résignation ni à l’irénisme.

L’ensemble du volume témoigne comment des penseurs jésuites s’y sont risqués. Comme par exemple au cours de la Première Guerre mondiale. Comment comprendre le déclenchement de ce conflit ? quel sens donner à ces événements ? La réflexion n’est pas que théoriques. Certains religieux évoquent leur expérience du front. Une expérience profondément humaine de dépouillement qui conduit à l’essentiel selon ce qu’écrit Teilhard de Chardin en novembre 1917 : « Qu’est-ce que j’ai donc vu au front, moi ? Et qu’est-ce que je veux donc y retrouver, malgré mon effroi de la peine et du mal ? (…). Celui qui monte en secteur laisse d’abord choir, à l’entrée du premier boyau, le fardeau des conventions sociales (…). A mesure que l’arrière s’efface en un lointain plus définitif, la tunique gênante et dévorante des  petites et grandes préoccupations – de santé, de famille, de succès, d’avenir, etc. – glisse toute seule de l’âme, comme un vieux vêtement ; le cœur fait peau neuve. Une réalité d’ordre plus plus élevé, ou plus pressante, chasse et dissipe le tourbillon des servitudes et des soucis individuels. »

Le retentissement spirituel de la bombe atomique
L’homme ne sort pas indemne de l’expérience de la guerre. Il sort aussi transformé par les technologies qu’il déploie et l’usage de la bombe atomique marque clairement une rupture. « S’envoler, engendrer, tuer pour la première fois, c’en est assez, nous le savons, pour transformer une vie. Pareillement, en libérant de façon massive, une première fois tout justement, l’énergie des atomes, l’homme n’a pas seulement changé la face de la Terre. Inévitablement, au cœur même de son être, il se trouve ipso facto une longue chaîne de réactions qui, dans le bref intervalle d’une explosion matérielle, ont fait de lui au moins virtuellement un être nouveau, qui ne se connaissait pas« , soulignait Teilhard de Chardin dans une belle méditation sur « le retentissement spirituel de la bombe » publiée en octobre 1946.

Ce thème du nucléaire est repris, en 1964, par le Pierre Antoine. « La réaction naturelle de celui qui a pris conscience de la puissance de mort de l’arme nouvelle est une réaction d’horreur et de honte, mais qui paralyse l’esprit dans la stupeur au lieu de lui ouvrir les voies de la lucidité », écrit le philosophe jésuite, décédé en 1990. Une lucidité qui  oblige à reconnaître que « c’est bien l’homme qui a construit la bombe ». « Masquant la peur de la guerre et la répugnance à reconnaître réellement l’homme comme un être violent, le refus moralisant de la guerre ne peut que conduire qu’à s’aveugler sur ce qu’on ne veut pas voir », prévient-il, avant de conclure : « A l’âge atomique, le dialogue des puissances et la coexistence pacifique ne demandent pas seulement que chacun se tienne en garde contre la violence de l’autre, mais en même temps contre sa propre violence, qu’il apprenne donc à dépasser sans la renier sa propre particularité. »

Politique de défense et dissuasion nucléaire
La problématique atomique revient encore dans les articles consacrés à la dissuasion nucléaire. Une politique qui a pu être qualifiée d’ »équilibre de la terreur ». « L’expression, si on la médite, est navrante : elle suppose qu’en dernière analyse le dialogue entre supergrands ne peut être mené à son fond ; ce n’est pas la justice comme telle – tout au plus la prudence – qui aura le dernier mot. S’agissant des pays qui n’ont pas les mêmes moyens techniques, ils sont condamnés à ne s’exprimer que sur un modemineur », déplore en juin 1974 Jacques de Bollardière. Au-delà de sa critique de l’armement nucléaire, cet ancien général de brigade dans l’armée française devenu militant non-violent à la suite d’une évolution et spirituelle amorcée en Algérie, après avoir été sanctionné pour avoir publiquement dénoncé la pratique de la torture, propose une autre vision de la défense, fondée sur une réelle implication de la nation dans sa propre défense.

Face à la menace terroriste
Sur la période la plus récente, la question du terrorisme renouvelle la problématique de la guerre et des stratégies de sécurité des États. Comment les démocraties peuvent-elles résister sans renier les valeurs qui les fondent ?, interroge Christian Mellon, en novembre 2005, tout en rappelant que la menace terroriste « si sérieuse soit-elle, ne doit pas nous faire oublier que l’immense majorité des hommes et femmes de notre planète ne sont pas menacés par le terrorisme mais par la guerre civile, la misère, l’exil forcé, l’oppression politique, le déni des droits élémentaires, etc. ».

Une position qui mériterait aujourd’hui d’être réévaluée avec l’internationalisation ces dernières années des mouvements djihadistes : terrorisme, guerre civile, exil forcé, oppression politique sont désormais intimement liés et les pays les plus pauvres sont concernés comme les nations les plus riches."

Article de Scilogs repris dans Pour La Science, version française du Scientifc American (bien meilleure que la version d'origine d'ailleurs) et revue de référence des scientifiques français depuis que La Recherche est devenu un organe politique plus que scientifique :

"L'explosion des bombes atomiques au Japon (6 et 9 août 1945) a donné lieu à des articles que l'on peut juger rétrospectivement effrayants. On connaît la fameuse une du Monde du 8 août, incroyablement surtitrée « Une révolution scientifique » ; en réponse à cette exaltation, Albert Camus (1913-1960) garde, comme souvent, la tête froide dans Combat du 8 août dans un bel éditorial (en ligne, site L'Humanité) qu'il résume lui-même ainsi : « la civilisation mécanique1 vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. »
Mais l'un des textes d'époque les plus stupéfiants à la gloire de la bombe émane... d'un père jésuite, le paléontologue Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955). Il est publié en septembre 1946 dans la prestigieuse revue jésuite Études2  (fondée en 1856, déjà mentionnée dans ce blog à propos du suaire de Turin) et s'intitule « Quelques réflexions sur le retentissement spirituel de la bombe atomique ». Oui, le retentissement spirituel : vous avez bien lu.
Extraits commentés
Citation:

On retiendra d'abord les adjectifs amphigouriques, marquant l’émerveillement : « une lueur éblouissante », « un ébranlement formidable », « un événement prodigieux ».

[*]Teilhard indique qu'il évite de parler de « la moralité essentielle » de l'énergie atomique. Tant mieux.
[*]Chez Teilhard c'est une glorification de la pensée humaine, de la science, et même de ce qu'on appelle maintenant la big science – les hommes capables de se mettre à plusieurs pour une réalisation scientifique – ici celle de la bombe.
[*]À cet égard, un des plus curieux items de sa démonstration en cinq points est le quatrième : malgré les apparences, « l'homme s'ennuie » dans le monde moderne, et l'énergie atomique vient lui apporter de nouveaux horizons : « pour avoir étendu notre main jusqu'au centre même de la matière, nous avons découvert à l'existence un intérêt suprême : l'intérêt de pousser plus loin, jusqu'au bout, les forces de la vie ». Oui, les forces de la vie.
[*]Les conquêtes par guerres et batailles disparaîtront grâce aux nouvelles conquêtes ainsi promises. Notons que le thème de la disparition de la guerre grâce à la bombe apparaît souvent à l'époque – mais Teilhard le pousse loin dans le domaine moral en imaginant avec « les récentes explosions de Bikini » (juillet 1946) l’avènement d'« une humanité intérieurement et extérieurement pacifiée ».
[*]Son leitmotiv (permanent dans son œuvre) reste celui de l'évolution vers « un être nouveau » ; après l'explosion-test dans le Nouveau-Mexique en juillet 1945, les expérimentateurs « se redressent […], animés d'un nouveau sentiment de puissance » ; l'homme, grâce à la bombe, peut « se grandir et s'achever biologiquement ». Ce thème de l'homme en constante évolution grâce à la science sera repris une décennie plus tard dans la revue Planète de Pauwels et Bergier (qui cite favorablement Teilhard3) ; il est au fondement des mouvements transhumanistes actuels.
[*]Mais chez Teilhard l'évolution de l'homme va vers la rencontre de Dieu ; par l'explosion « l'homme s'est trouvé sacré » ; c'est l'éternel retour (fréquent chez Teilhard) où « l'homme collabore à sa propre genèse4 », où « nous avons mordu au fruit de la grande découverte » (fruit qui, celui-là, n'est pas défendu, à l'inverse de la pomme d'Adam). Toute la doctrine de Teilhard se trouve résumée dans sa conclusion, et tout événement (ici la bombe atomique) s'y ramène ;  la voici, suivie de la seule note de bas de page de l'auteur :



Il n'y a pas ambiguïté de dates, comme il peut y en avoir sur certains textes de Teilhard. Il connaît Hiroshima/Nagasaki quand le texte est publié, en septembre 1946. Le texte aurait pu être écrit dans la courte période entre les essais du désert américain d'Alamogordo5 (16 juillet 1945) et les bombes au Japon (6 et 9 août 1945) – ce n'est pas le cas puisqu'il mentionne les essais Bikini commencés en juillet 1946.
Un auteur contemporain eut la lucidité de critiquer cet article de Teilhard, et c'est, curieusement, le premier livre de... Bernard Charbonneau : Teilhard de Chardin, prophète d'un âge totalitaire, Denoël, Paris, 1963. Il y analyse notamment les Lettres 1914-1919 de Teilhard (qui venaient de paraître, en 1961), récit lui aussi assez déshumanisé de sa Grande Guerre.De nos jours, on trouve encore un article de La Croix (novembre 2014) pour parler de cet article comme d' « une belle méditation » ; pour notre part, nous nous en tiendrons à la remarque faite par plusieurs auteurs depuis (certains l'excusent par le trop grand esprit d'abstraction de Teilhard), et par Charbonneau à l'époque, à savoir l'absence totale de mention – sans aller jusqu'à parler de compassion ! – pour les 150 000 victimes des deux bombes.


Photographie en couleur du premier essai d'explosion nucléaire (Trinity près d'Alamogordo au Nouveau-Mexique, juillet 1945) Photo WikiCommons, J. W. Aeby

1 Dans les années 1930-1940, on parle de « civilisation mécanique », de « machinisme ». Ces termes sont surannés mais peuvent être transposés en gardant tout leur sens dans des locutions actuelles comme « technoscience ».

2 On peut lire le texte d'origine – merci Gallica/BnF – ici ; mais il apparaît surtout dans un ouvrage (recueil d'articles) publié à la mort de l'auteur en 1955 et constamment réédité en poche depuis, compte tenu du succès de Teilhard : L'Avenir de l'homme, Seuil Points Sagesses (lien).

3 Même s'il y a des points d'alterscience communs entre Teilhard et Planète, notamment sur cette évolution humaine, il y a une différence importante : celle de Teilhard est franchement chrétienne, celle de Planète (Pauwels notamment) dérive plutôt d'une forme de néopaganisme. Sauf sans doute chez le troisième homme de Planète, Aimé Michel, qui par la suite sera profondément chrétien. Sur ce sujet, voir A. Moatti, « Science et théories scientifiques au prisme de la revuePlanète », Politica Hermetica, n°28, 2014, éd. L'Âge d'Homme.

4 Comme nous l'avons remarqué dans notre billet sur le Suaire, certains propos confinent, dans une stricte perspective religieuse, à l'hérésie : c'est le cas ici – d’ailleurs Teilhard se heurta à une partie de la hiérarchie catholique, ce qui fit qu'un certain nombre d'écrits ne furent pas publiés de son vivant (ce n'est pas le cas de cet article sur la bombe, officiellement publié dans Études en 1946). Cela faisait aussi partie du mythe entourant Teilhard, de son vivant, d'indiquer qu'il avait des choses à dire mais ne le pouvait pas (voir l'exemple donné aux Entretiens de Pontigny par O. Dard, Jean Coutrot, De l'Ingénieur au prophète, Presses universitaires de France-Comté, 2000).

5 Teilhard mentionne deux fois « l'Arizona » ; c'est une erreur, les essais Trinity furent faits dans l'Etat voisin, le Nouveau-Mexique."

Message: http://christusvincit.clicforum.com/t694-La-th-ologie-moderniste-est-r-volutionnaire.htm

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