2014-03-01

Par Jean-Louis Dell'Oro

Depuis plusieurs mois, les signaux inquiétants se multiplient. Comment les dépôts des épargnants sont-ils garantis? Par qui? Est-ce suffisant? Décryptage.



La crise chypriote a laissé des traces dans l’esprit des épargnants. En mars, l'Europe et le FMI venaient à la rescousse de l’île avec un plan de sauvetage de 10 milliards d'euros. Une enveloppe obtenue moyennant la liquidation de la banque Laïki et une ponction de 47,5% sur tous les comptes au-delà de 100.000 euros à la Bank of Cyprus. Depuis cet épisode, il y a eu d'autres accrocs au contrat de confiance.

D'abord, le FMI évoque l’hypothèse d’une taxe de 10% sur le capital des épargnants dans les pays développés, afin de solder la crise et de revenir au niveau d’endettement public de 2007,. Une idée reprise en janvier par la Bundesbank. Selon la très écoutée banque centrale allemande, tous les pays de la zone euro sur le point de faire défaut devraient, avant d’appeler à l’aide les autres Etats membres, ponctionner le patrimoine de leurs citoyens les plus riches.

Les nouvelles règles européennes de renflouement des banques en difficulté ne sont pas non plus de nature à rassurer certains épargnants. A partir du 1er janvier 2016, si un établissement est au bord de la faillite, les autorités pourront imposer une recapitalisation préventive en interne (bail-in), au lieu de faire directement appel à des fonds publics venant de l'extérieur (bail-out).  En d'autres termes, la banque fera payer ses pertes aux actionnaires et à l'ensemble des créditeurs… dont en dernier recours les épargnants qui disposent de plus de 100.000 euros. "Cette petite musique angoissante pourrait remettre en cause la confiance des déposants et ébranler tout le système", prévient Philippe Crevel, président du Cercle des épargnants.

1.900 milliards d'euros de dette publique

La proie est tentante. Les ménages français disposaient fin 2012 d'un patrimoine financier net de 2 847 milliards d'euros selon l'Insee. En face, l'Etat affiche une dette de plus de 1.900 milliards d'euros. Or, depuis le début des efforts budgétaires entamés en 2010, celle-ci s'est accrue de 23%, soit 361 milliards! Sur la même période, la dette publique des 18 pays de la zone euro a aussi progressé beaucoup plus vite que le PIB : + 20,8% (soit 1 526 milliards de plus). Pour l'instant, les taux historiquement bas auxquels empruntent la plupart des Etats limitent la casse. Mais après?

Autre sujet majeur d'inquiétude : la santé des banques. Selon une étude de deux chercheurs de l'European School of Management and Technology de Berlin et de l'université de New York relayée en janvier par Bloomberg, les banques de la zone euro feraient face à un déficit de capitaux de 767 milliards d'euros. Les banques françaises seraient les premières concernées (285 milliards d'euros), suivies des allemandes (199 milliards). Les stress tests que doit mener cette année la BCE sur les banques de la zone devraient préciser les choses.

PIGS : banques et assureurs ont fait le ménage

Les banques françaises ont déjà fait le ménage dans leur portefeuille mais restent vulnérables aux pays périphériques. Fin juin 2013, leur exposition était de 5 milliards d'euros sur la Grèce, selon les données de la Banque des règlements internationaux (tableau 9E). Pour le Portugal, c'est un peu moins de 21 milliards d'euros. Et en Irlande, leur exposition est de 56 milliards. A titre de comparaison, fin 2011, avant la restructuration de la dette du pays, les banques françaises étaient exposées à hauteur de 51 milliards d'euros à la seule Grèce.

Du côté des assureurs, ce mouvement de "dégonflement" est comparable. Les engagements souverains directs des douze principaux assureurs vie français n'étaient plus en septembre que de 4 milliards d'euros sur le Portugal, 4 milliards sur l'Irlande et 17 sur l'Espagne, d'après les dernières données disponibles de l’Autorité de contrôle prudentiel (ACPR). Pour l'ensemble des PIGS, on atteint 56 milliards d'encours, soit 4,4% des placements des assureurs.

"D'ici 5 ans, on s'apercevra peut-être qu'on n'arrivera pas à rembourser la dette. Ce risque n'est pas négligeable et on pourrait alors rediscuter de l'avenir de l'euro", s'inquiète Jean-Luc Buchalet, économiste et PDG de Pythagore Conseil. Les assureurs ont des actifs qui sont supérieurs à leurs engagements auprès de leurs clients (c'est une obligation légale). Ce matelas de sécurité devrait suffire, même si les rendements pourraient encore baisser. En revanche, du côté des banques, l'effet de levier est inquiétant et il pourrait s'avérer dangereux. 

Plusieurs types de garantie pour vos fonds

Que se passerait-il alors en cas de faillite? Le Parlement européen et les représentants des Etats ont entériné en décembre la garantie des dépôts bancaires dans la limite de 100.000 euros pour tous ceux qui disposent d'un compte dans l'Union. Une protection qui s'applique par personne (morale ou physique) et par établissement. En France, c'est le Fonds de garantie des dépôts et de résolution (FGDR) qui sera chargé d'indemniser les clients. Il distinguera si nécessaire les comptes liés à l'activité professionnelle des comptes personnels (chaque type de fonds est alors couvert à hauteur de 100.000 euros par établissement). Dans le cadre des comptes joints, il détermine aussi la part qui revient à chaque détenteur avant d'indemniser les clients. Le tout dans un délai prévu de 20 jours ouvrables.

Simple? En apparence. Dans le détail, il existe plusieurs types de garanties assurées par le FGDR avec des règles légèrement différentes. Il s'agit principalement de la garantie des dépôts bancaires et de celle des titres (actions, obligations, etc.). Par ailleurs, votre assurance-vie ou vos livrets réglementés dépendent d'autres formes de couverture (voir ci-dessous).

La garantie des dépôts dépend aussi de votre établissement. A côté des grands acteurs du marché, les nouveaux venus du web comme Boursorama ou Bforbank, qui sont des filiales de grands groupes hexagonaux ou étrangers, sont couverts par le Fonds de garantie français. De même que des établissements comme RCI Banque ou PSA Banque. Mais ce n'est pas le cas des "succursales", ces établissements qui ne sont que des extensions d'une banque étrangère, dont le siège social est situé dans l'Espace économique européen, comme Binck ou ING Direct. L'épargne est alors couverte de la même façon qu'une banque française mais par le Fonds de garantie local. Une liste des établissements adhérents au FGDR est disponible sur le site garantiedesdepots.fr.

Un Fonds de garantie insuffisamment doté ?

Problème : le FGDR est doté de seulement 2,5 milliards d'euros. Est-ce suffisant? Avec les fonds actuels, une recapitalisation de la Société Générale après l'affaire Jérôme Kerviel, si elle n'avait pas trouvé l'argent sur les marchés, aurait été possible. Car la logique de ce fonds est avant tout préventive. Il porte assistance aux structures avant une coûteuse liquidation. "Cela permet d'éviter d'avoir à indemniser les clients après la survenance d’une faillite puisque celle-ci est évitée", indique Thierry Dissaux, le président du directoire.

En outre, le FGDR peut lever des fonds (sur les marchés ou auprès de ses adhérents) et il devrait tripler ses ressources immédiatement disponibles dans les années à venir. Pour Thierry Dissaux, la France a été capable de gérer d'importantes défaillances comme celle du Crédit Lyonnais ou de Dexia. Encore faudrait-il que tous les arbres de la forêt ne brûlent pas en même temps.

Les garanties des dépôts dans le détail

Comptes de dépôts (comptes courants, sur livret, à terme, PEL et CEL,…) 

Garant : FGDR (garantie des dépôts)

Montant de la garantie : 100.000 euros

Le FGDR distinguera si nécessaire les comptes liés à l'activité professionnelle (pour une personne en EURL ou EIRL) des comptes personnels (chaque type de fonds est alors couvert à hauteur de 100.000 euros par établissement). Il identifie aussi la part qui revient à chaque détenteur dans les comptes joints.

 

Livrets réglementés (Livret A, LDD, LEP) 

Garant : Etat

Montant de la garantie : totalité des encours

Cette garantie est distincte et s'ajoute à celle de 100.000 euros des dépôts. Une indemnisation ne dépend pas des fonds directs du FGDR.

 

Titres (actions, obligations, SICAV, instruments financiers) 

Garant : FGDR (garantie des titres)

Montant de la garantie : 70.000 euros (titres) + 70.000/100.000 euros (espèces associées)

Ne fonctionne que si votre établissement fait faillite et qu'il est dans l'incapacité de vous rétrocéder vos titres de propriété. La garantie ne concerne pas une éventuelle perte sur les marchés (même totale). Les espèces associées aux comptes-titres intègrent l'assiette de la garantie des dépôts (100 000 euros pour une banque, 70 000 euros sinon).

 

Assurance-vie

Garant : Fonds de garantie des assurances de personnes, Fonds national de garantie (mutuelles) ou Fonds paritaire de garantie des institutions de prévoyance

Montant de la garantie : 70.000 ou 90.000 euros

Garantie distincte et qui s'ajoute à la garantie des dépôts. Elle ne couvre que la faillite de l'assureur (ou de l'institut de prévoyance), et non celle du distributeur du contrat. Elle va jusqu'à 70 000 euros pour toutes les prestations, sauf les rentes résultant de contrats d'assurance en cas de décès et les rentes d'incapacité et d'invalidité (le plafond d'indemnisation est alors de 90 000 euros).

Publié par : http://www.challenges.fr/patrimoine/20140227.CHA0987/votre-epargne-est-elle-vraiment-en-securite-a-la-banque.html?xtor=RSS-16

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