2016-03-22

Le 20 mars a été célébrée la Journée internationale de la francophonie à travers le monde. De la France à Haïti et de la Chine au Brésil, des concours, spectacles, manifestations et festivals ont eu lieu pour célébrer les différentes cultures ayant en commun la langue française. Les francophones et les francophiles sont nombreux dans le monde : 200 millions de personnes parlent le français, alors que le français est la deuxième langue étrangère la plus enseignée..

« Saisissons l’occasion de ce 20 mars pour faire de notre langue commune une langue de résistance, en redonnant tout leur sens et tout leur pouvoir aux mots qui nous relient et qui nous unissent: liberté, égalité, solidarité, fraternité, diversité, universalité, » dit Michaëlle Jean, Sécrétaire générale de la Francophonie dans son discours aux francophones du monde.

Au Canada aussi, la langue et la culture françaises jouent un rôle important non seulement dans l’histoire, mais encore aujourd’hui. Le gouvernement ontarien reconnaît les régions comptant une population francophone de dix pour cent au moins de la population totale comme des régions spécifiquement désignées sous la Loi sur les services en français. Les cités de Welland et Port Colborne dans la municipalité régionale de Niagara sont désignées sous cette loi. La francophonie, donc, a une présence forte et vive dans notre propre région.

L’HISTOIRE FRANCOPHONE DANS LA REGION DE NIAGARA

L’histoire de la présence des francophones dans cette région est longue et variée. Les premiers Européens à atteindre les territoires autour des grands lacs au 17e siècle furent les Français et ils envoyèrent des explorateurs et des missionnaires parmi les Aborigènes. Les colonies françaises, y compris celle nommée Canada, furent cédées à l’Empire britannique en 1763.



Dès 1912, l’industrie du textile, surtout la société Empire Cotton Mills à Welland, a recruté les premiers immigrants francophones à venir dans la région Niagara / welland.library.on.ca

Pourtant, des francophones s’intégrèrent une nouvelle fois dans cette région dans la première moitié du 20e siècle. Avec l’installation de nombreuses entreprises à Welland, site important sur la route du canal du même nom, plusieurs familles immigrèrent du Québec pour s’établir sur la rive est de la ville. Les premières vingt familles arrivèrent de Montmorency, près de la ville de Québec. Elles furent recrutées par la compagnie Empire Cotton Mills pour travailler dans la nouvelle filature de coton. Le nombre de familles francophones doubla en 1919. Pendant la Seconde guerre mondiale, une autre vague d’immigration française eut lieu grâce aux nombreuses offres d’emplois dans l’industrie sidérurgique. En 1946, presque 500 familles francophones vivaient à Welland.

Les francophones habitaient dans un quartier surnommé ‘Ville française’. Dans un effort de préserver l’identité francophone, la paroisse du Sacré-Coeur établit une école privée pour enseigner en langue française, ainsi qu’une caisse populaire pour satisfaire aux besoins financiers des francophones. Toutefois, les francophones ne s’installèrent pas uniquement’à Welland mais partout dans la région, surtout à Port Colborne.



Pendant la Seconde guerre mondiale, les sociétés sidérurgiques comme Atlas Steel ont procuré du travail à de nombreuses familles francophones établies principalement à Welland

Le nombre de francophones continua à augmenter au fil des années et la préservation de la langue française fut une partie importante de leur identité. Aujourd’hui, la population francophone répresente 15 580 personnes selon le Recensement national de 2011 et de nombreux services existent pour servir les francophones et francophiles qui continuent à être attachés à la langue française.

LA FRANCOPHONIE AUJOURD’HUI

La francophonie de la région de Niagara est une collectivité vivante et grandissante. Sur le plan de la population totale, les francophones ayant le français comme langue maternelle, représentent 3,5 pour cent de la population. Pourtant, ce chiffre n’exprime pas le nombre de services disponibles en français, l’importance du français comme langue enseignée à tous les niveaux de l’éducation et une vibrante culture francophone avec des liens universels.

Les services en français disponibles dans la région comprennent les services d’emploi, de santé, d’éducation, d’immobilier, auxquels s’ajoutent un journal français et diverses associations culturelles.



Le Centre de santé communautaire à Welland permet aux francophones de recevoir des soins médicaux en français

Le Centre d’emploi et de ressources francophones (CERF) Niagara, avec des bureaux permanents à St. Catharines et Welland et des bureaux satellites entre Grimsby et Fort Erie, offre son soutien à la recherche et à l’obtention d’un emploi. Il forme un appui pour les individus comme pour les employeurs.

Suzanne Coutu, consultante à l’emploi chez CERF Niagara, explique que de nombreux clients reconnaissent l’atout d’offrir des services en français.

« Le fait que nous offrons des services dans une ville désignée sous la LSF assure l’accès aux services en français pour tous les francophones, francophiles, les nouveaux arrivants unilingues qui veulent obtenir un emploi dans un milieu bilingue ou francophone, » dit Coutu.

De même, Nafée Faïgou, Officier des services d’enregistrement pour le Ministère des Services gouvernementaux et des Services aux consommateurs (MGCS), insiste sur la vitalité de la langue et de la culture françaises dans cette région.

« Les francophones que je fréquente préfèrent de loin garder leur culture et leur langue et la vivre quotidiennement, » dit Faïgou. « La population francophone constitue un marché et une clientèle non négligeables. »

Avec des bureaux à St. Catharines et à Welland, le CERF offre des services et des ressources importantes aux clients francophones / Christy Mitchell

Dans l’éducation, la région de Niagara compte deux conseils scolaires de langue française qui desservent cinq garderies, onze écoles élémentaires, deux écoles secondaires et deux programmes de formation pour adultes. En plus, le District School Board of Niagara (DSBN) et le Niagara Catholic District School Board incluent, entre eux, 21 écoles anglophones qui offrent des programmes d’immersion française.

La région offre de nombreuses activités culturelles pour les francophones et les francophiles. Parmi celles-ci, Tourisme Franco-Niagara et le Centre cyclotourisme Niagara offrent des excursions touristiques en français, et le Cinéfest Niagara offre des séances en français régulièrement.

Jeanne Fortilus a publié une présentation titrée « Profil de la communauté francophone de la région de Niagara» en juin 2015. Ce profil indique que 13 pour cent des immigrants en 2011 considèrent le français comme langue maternelle. De même, comparés avec les immigrants anglophones, les immigrants francophones représentent une collectivité d’une plus grande diversité culturelle étant donné le nombre élevé de pays d’origine.

« [La collectivité francophone] est vibrante et très active au niveau de la culture puisque c’est la fondation de l’établissement de son identité culturelle. En plus, l’accès francophone à travers Radio Brock fait rayonner le Niagara francophone au-delà de ses frontières, » dit Faïgou.

L’IMPORTANCE DES ETUDES EN FRANÇAIS A BROCK

L’Université de Brock joue un rôle important dans la région de Niagara et le lien déjà fort qui existe entre l’université et la collectivité francophone pourrait se développer beaucoup plus.

Dans le Department of Modern Languages, Literatures and Cultures, les étudiants des Etudes en français représentent la grande majorité et ce chiffre continue à augmenter. Sur le campus, il existe une richesse d’opportunités pour s’immerger dans le français.

« On se ne limite pas à toucher un public seulement francophone mais aussi francophile, » dit Catherine Parayre, Directrice des Etudes en francais.

Les visites en français des expositions de Rodman Hall, donnent l’occasion de prendre plaisir à l’art et de s’immerger dans la langue française en même temps

Chaque année, le personnel et les professeurs des Etudes en français organisent un grand concours pour les élèves des écoles primaires de la région, qui ainsi passent un moment ensemble en français. L’émission ‘Tic-tac: poétiques et portraits avec Clamenç Prades’ sur Radio Brock est diffusée chaque lundi de 17h à 18h et des visites en français des expositions de Rodman Hall sont régulièrement organisées.

Il existe aussi un Club de français organisé par des étudiants. Il propose de nombreuses activités sociales et académiques pour les étudiants de français et tous ceux qui veulent améliorer leur connaissance de la langue et de la culture françaises. En février, pendant la semaine de lecture, seize membres du club sont allés à Montréal pour quatre jours et ont fait des excursions tout en pratiquant la langue.

Parayre applaudit les efforts du Club de français et le considère comme un atout aux activités universitaires des étudiants.

« Si on veut parler une langue, il faut la pratiquer et ne pas se limiter seulement à l’acquisition de la grammaire, » dit Parayre. « Le Club de français offre un milieu authentique autre que celui des cours. »

Chaque année, plusieurs étudiants font des échanges internationaux et passent une année dans une université française. Pour les étudiants de commerce, la Goodman School of Business offrira l’an prochain, pour la première fois, la possibilité de faire un BBA Dual Degree avec NEOMA, une école de commerce en France. Ce programme donnera aux étudiants un double diplôme : celui de Brock et celui du Centre d’études supérieures européennes de management (CESEM).

Le Club de français à Brock, représenté ici à la “Soirée parisienne”, offre un élément intégral en-dehors des cours / Club de français

Pourtant, en comparaison avec les autres départements de l’université, les Etudes en français reste un des plus petits et par conséquent, manque de moyens pour offrir aux étudiants de français et à la collectivité de Brock une expérience plus riche et plus bénéfique.

« L’université devrait investir dans ce vivier et se rapprocher de la population francophone pour la lier à Brock, » dit Parayre. « On n’a pas assez de personnel pour faire beaucoup, mais nous faisons notre possible pour maintenir le contact avec la collectivité francophone. »

Parayre parle aussi de l’importance de soutenir les francophones de la région avec la possibilité d’une éducation en français. Actuellement, les seules institutions post-secondaires qui offrent des programmes enseignés en français sont Sudbury, York/Glendon et Ottawa. Brock se trouve dans une position d’accès aux étudiants francophones potentiels mais l’infrastructure n’existe pas à l’université pour les accueillir.

« Il y une population francophone ici, mais le décalage entre l’enseignement secondaire et post-secondaire reste problématique pour les familles francophones, » dit Parayre.

La seule université de la région de Niagara, Brock pourrait-elle devenir un symbole de l’apprentissage et de l’éducation en français ? Les étudiants et le personnel des Etudes en français connaissent déjà les avantages d’acquérir la deuxième langue officielle du Canada et ne demandent qu’à les partager.

A TRAVERS L’EXPERIENCE D’UNE FRANCOPHONE

Emma Randall, dont la mère est francophone et le père anglophone, a grandi au coeur de la collectivité francophone et le français a joué un rôle important dans sa jeunesse et encore aujourd’hui.

L’apprentissage du français a commencé à la maison, où Randall et sa soeur parlaient en français avec leur mère. L’enseignement a continué dans les écoles francophones. Randall est allée à l’école élémentaire catholique du Sacré-Coeur à Welland, puis à Immaculée-Conception à St. Catharines quand sa famille a deménagé. A l’école secondaire, Randall est allée à Jean-Vanier à Welland. Toutes ces écoles francophones mettent l’accent sur la langue française, explique Randall.

L’école Jean-Vanier, où Emma Randall a poursuivi ses études secondaires, est l’une des deux écoles secondaires dans la région. Tout est enseigné en français, sauf le cours d’anglais / Christy Mitchell

« Les écoles et les professeurs étaient vraiment fiers d’être Franco-ontariens et encourageaient énormément l’usage de la langue française, en utilisant des jeux et activités pour assurer que nous parlions français tout le temps, » dit Randall.

La seule classe enseignée en anglais était … le cours d’anglais. De même, les écoles organisent plusieurs événements pendant l’année scolaire. Le préféré de Randall quand elle était à Jean-Vanier était les Jeux de l’Association des élèves du secondaire de notre district (AESD). La journée prend la forme d’un grand tournoi d’activités culturelles et sportives et des points sont accordés à l’école qui remporte les épreuves. Des points sont aussi accordés pour l’usage du français. Les Jeux de l’AESD ont eu lieu pour la dixième fois cette année et ils sont devenus le plus grand rassemblement des élèves francophones dans l’Ontario du sud.

Au moment de poursuivre des études post-secondaires, Randall a dû faire un choix difficile.

« J’étais très déçue parce qu’il n’y a aucune école post-secondaire dans la région qui est enseignée complètement en français, » dit Randall. Elle a choisi de s’inscrire à Niagara College et a fini ses études l’année dernière avec un Bachelor of Business Administration in International Commerce and Global Development.

Emma Randall, jeune francophone de la région Niagara, est fière de sa langue maternelle qu’elle utilise au quotidien en famille comme au travail / Emma Randall

Pour la première fois, Randall a dû apprendre en anglais uniquement. Pourtant, elle continuait à parler en français avec sa famille et ses amis. En plus, elle faisait un co-op à Saint-Lucie dans les Caraïbes et dans le milieu du travail, elle pouvait servir comme traductrice pour le directeur.

Encore aujourd’hui, le français est intégral dans la vie de Randall. Elle travaille actuellement pour la compagnie Manpower, groupe mondial qui apporte des réponses et solutions aux entreprises en termes de recrutement temporaire et permanent. Randall travaille dans un rôle bilingue dans la compagnie et elle est très contente d’avoir trouvé l’opportunité d’utiliser sa langue maternelle au travail.

Randall, sa mère et sa soeur travaillent toutes dans une position bilingue dans la région. Elles interagissent non seulement avec les Franco-ontariens de Niagara, mais aussi avec des francophones au-delà de la région et surtout avec les Québécois. Dans leur vie personnelle, le français domine toujours et reste la langue parlée principalement.

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