2015-07-09

Pour sa deuxième réunion d’examen du projet de rapport Metsola/Kyenge, la commission LIBE du Parlement européen, réunie le 2 juillet 2015, a cherché un accord sur la nécessité d’une approche globale sur la situation en Méditerranée « pour régler les problèmes de migrations ». L’élément clé de la discussion tourne autour de la question de savoir comment les fonds sont dépensés en ce qui concerne l’immigration. « Dépenser l’argent du contribuable sans aucune responsabilité ne va pas atténuer la situation ».

Roberta MESTOLA, rapporteure en charge du dossier, étant absente, Madame Elissavet VOZEMBERG présentait ses notes. Pour Roberta METSOLA, « simplement, cela va donner l’impression de mener des actions qui ne mènent pas très loin ». Il convient donc d’étudier la manière dont les fonds pour la sécurité intérieure, les fonds d’urgence, ainsi que les fonds du développement européen sont utilisés. Et Madame METSOLA d’insister sur le fait que s’agissant des fonds communautaires liés aux politiques étrangères et de développement, « nous ne pouvons pas nous permettre d’être sous l’influence de la multiplicité des fonds », lesquels doivent pouvoir être utilisés « en fonction des pays d’origine ». L’Union européenne doit être en mesure de savoir comment les fonds octroyés sont dépensés dans les pays d’origine et de transit, car il faut pouvoir permettre aux individus concernés d’avoir une possibilité de « futur » et à ces pays de se redresser.

« Un élément d’une approche globale pour exercer notre politique de coopération avec les pays tiers ».

Se faisant la voix de l’eurodéputée maltaise, Elissavet VOZEMBERG propose d’utiliser les fonds octroyés par l’Union européenne pour « s’attaquer aux causes de l’immigration », ce qui passerait par la mise en place :

– D’une économie stable

– D’infrastructures solides

– De systèmes de santé et d’enseignements dans les pays directement touchés

« Le résultat final ne peut pas être simplement être la prévention de la migration mais il s’agit aussi de favoriser un climat qui leur permettrait de rester sur place »

Concrètement, lorsqu’ils n’ont pas d’avenir dans leur pays, les individus sont amenés à risquer leur vie et à partir. L’idée serait alors d’agir à la source, et ainsi tenter de parvenir à limiter les migrations au sein de l’Union européenne. Une telle action nécessiterait une aide au développement « ciblée » afin de permettre à ces pays de se redresser, c’est-à-dire une aide qui soit « consacrée également à la politique des frontières », et aussi « développer les capacités de la sécurité dans ces pays ».

Un besoin de « garanties sûres » permettant de vérifier « la bonne utilisation » des fonds alloués à ces Etats par l’Union européenne

L’eurodéputée s’interroge sur la motivation des Etats ayant reçu l’aide au développement à « coopérer pour s’attaquer à l’immigration ».

Comment cet argent est-il dépensé ? Et est-il utilisé de la manière la plus efficace possible ?

Selon la Commission, en matière de fonds pour la sécurité intérieur et de politique d’asile, « moins de 1 % de ces montants ont été dépensés alors qu’on a un montant de quelques 10 milliards d’euros pour l’exercice budgétaire actuel pluriannuel ». Il serait judicieux de savoir si ces fonds sont utilisés de la manière la plus efficace possible au sein de l’Union européenne. Néanmoins et en dépit de l’importance non négligeable de ces fonds, Madame METSOLA estime que ce ne sont pas ces fonds qui vont fondamentalement « remplacer des mesures de solidarité équitables ». « Nous ne pouvons pas dépenser tellement d’argent en pensant que le problème va se résoudre de lui-même ou en pensant que l’on a fait suffisamment en augmentant les montants des lignes budgétaires ». Et Elissavet VOZEMBERG de terminer la présentation en invitant l’ensemble des Etats membres à prendre des mesures et chacun d’eux à assumer ses propres responsabilités.

Pour la co-rapporteure italienne en charge du dossier, « la bonne gestion du phénomène migratoire implique que les Etats membres mettent en place un système efficace d’accueil et d’intégration ».

Kashetu KYENGE considère que les Etats membres qui font face à de fortes pressions migratoires nécessitent un soutien particulier, « essentiellement financier », rappelant qu’il s’agit là d’un principe fondamental consacré à l’article 80 du traité, lequel implique un devoir de solidarité, notamment financière, entre les Etats membres.

L’eurodéputée part d’un constat simple, expliquant que dans son pays, l’Italie, l’on peut remarquer des abus, voir certaines carences, dans la gestion des fonds, et plus particulièrement en ce qui concerne le fonds européen pour l’immigration et l’intégration. En conséquence, les personnes auxquelles sont destinés ces fonds n’en voient que peu la couleur ! Et l’on se retrouve face à une « aide » de double dimension, en sachant que d’un côté, nombre de volontaires se mobilisent chaque jour pour appuyer les personnes arrivant sur les côtes européennes, alors que de l’autre côté, sont effectuées des malversations et appels d’offres publics obscures et illégaux.

Prônant un dialogue humanitario-économique, Kashetu KYENGE rappelle que les personnes dont il est question sont des personnes « qui fuient la persécution et la guerre », et envers lesquelles l’Union européenne et ses Etats membres ont une « obligation morale de protection internationale ». Dès lors, il est indispensable de s’assurer que les fonds dépensés soient correctement utilisés, afin justement de pouvoir assurer efficacement cette protection.

Une gestion des fonds transparente, cohérente et respectant des normes élevées

Afin de faire face à système de corruption « très vaste et structuré qui se cache et qui déborde nos frontières », l’eurodéputée du groupe des socialistes et démocrates considère que la gestion de l’aide octroyée par l’Union européenne doit se faire « dans la transparence, la cohérence et en respectant des normes de qualités adaptées, avec des garanties élevées pour que des individus sans scrupules ne puissent pas tirer profit des ressources destinées aux plus vulnérables ».

Pour la rapporteure italienne, les mécanismes de contrôles devront être renforcés et des normes davantage contraignantes devront être adoptées afin d’assurer une meilleure gestion des fonds et de lutter contre les abus. En outre, les Etats membres s’attacheront à renforcer les procédures de transparence pour la sélection des gestionnaires des structures d’accueil pour les appels publics, en se fondant sur des « caractères opportuns et un caractère de qualité, avec des sanctions adéquates, dissuasives pour les responsables de ces fraudes ».

Il s’agit en somme de « mettre en œuvre au niveau européen un contrôle constant, précis, des conditions d’accueil, qui permette d’identifier les éventuelles infractions et manquements ».

Un « avertissement » devra enfin être adressé à tous les Etats membres afin qu’au sein des structures nationales chargées de la gestion des fonds, les contrôles puissent être renforcés pour « favoriser la transparence maximale, lutter contre la gestion opaque, éviter les gaspillages, tout en garantissant le respect de la légalité ».

Pour Timothy KIRKHOPE, coordinateur du groupe des Conservateurs et Réformistes européens, si l’on est « à juste titre fortement préoccupés » par la situation en Méditerranée, l’ « on ne tient pas suffisamment compte des pressions sur les frontières ailleurs, la Hongrie, les Etats Baltes ». Or c’est une lacune dans le débat car il existe « d’autres points chauds, des ressources disponibles pour aider les pays et les personnes sous pression, et pas uniquement en Méditerranée ».

Le Professeur Jörg MONAR, Recteur du Collège d’Europe de Bruges, rappelant« nous parlons d’une approche holistique de l’Union européenne face aux migrations », relève l’utilisation de mots très connotés ces derniers mois (responsabilités de l’Union, objectifs de l’Union, politique globale de la migration dans l’Union), Monsieur MONAR se dit préoccupé par la tendance à surestimer « ce que peut faire l’Union européenne dans ce cadre », rappelant par ailleurs l’article 79, paragraphe 5, du traité sur l’Union européenne « qui donne encore le contrôle aux Etats membres en ce qui concerne les questions des migrations », notamment s’agissant de l’octroi de la citoyenneté, ou des contrôles directs aux frontières, pour lesquels ce sont les Etats membres qui ont la compétence de principe.

Prenant en considération la « triste tendance » qui existe « entre autres dans les médias » à « accuser l’Union européenne de tout ce qui se passe aux frontières extérieures et aux conditions d’entrées », le Professeur MONAR invite au réalisme « quant à ce que l’on attend de l’Union européenne », sous-entendant par là qu’il est nécessaire de « ne pas alimenter des attentes sur ce que peuvent ou ne peuvent pas faire l’Union, le Parlement, le Conseil etc. ».

« La situation à laquelle nous sommes confrontés aux frontières extérieures n’est pas uniquement la faute de l’Union européenne »

Pour le Recteur du Collège d’Europe de Bruges, c’est même « essentiellement celle [la faute] des pays d’origine et de transit qui ne gèrent pas ou qui n’offrent pas les conditions suffisantes à leurs citoyens pour les encourager à rester ». Doit aussi être mise en cause la responsabilités des passeurs et des « très nombreux réfugiés » qui, cherchant une vie meilleure dans l’Union européenne, « sont prêts à ignorer les règles juridiques de l’Union européenne et des Etats membres, et prêts à prendre des risques, qu’ils connaissent parfaitement, lorsqu’ils franchissent par exemple la Méditerranée » en payant des groupes criminels organisés, des passeurs, provoquant ainsi « d’autres types de problèmes de sécurité pour l’Union européenne ».

« Une approche holistique […] doit se fonder sur une évaluation critique quant à savoir si nos instruments, nos outils fonctionnent ou ne fonctionnent pas ».

Evoquant le système appliqué dans le domaine de la justice et des affaires intérieures (révision des objectifs, des instruments permanents), le Professeur MONAR conseille sa transposition dans la politique liée aux migrations, estimant qu’un « contrôle régulier de ces outils » permettrait de voir « s’ils remplissent les objectifs fixés » et éventuellement de « les adapter ».

Concernant plus particulièrement l’utilisation des fonds européens, le Professeur MONAR invite à distinguer les fonds selon les objectifs visés. Ainsi, les fonds destinés à la réalisation d’objectifs à long terme (passant par le « canal de l’aide au développement ») ne pourront « générer qu’une amélioration à long terme », là où le financement à plus court terme sera utilisé « pour répondre à des situations de crise ».

« Dans le cadre d’une saine stratégie holistique, il faut faire une distinction claire entre ces objectifs réalistes des deux cotés ».

Face à des pressions « asymétriques », une nécessaire « réponse de solidarité »

Si l’ensemble des Etats membres est confronté aux pressions migratoires, certains d’entre eux le sont davantage. L’ont parle alors de « pression asymétrique ». Or, cette pression, si elle ne fait pas l’objet selon le Professeur MONAR d’une « réponse de solidarité », risque de remettre en cause « un des avantages cruciaux de l’Union européenne », à savoir Schengen et l’ouverture des frontières.

A l’heure actuelle, l’espace Schengen constitue un espace sans frontière intérieur. Les contrôles aux frontières extérieures en constituent la contrepartie.

L’absence de solidarité des Etats membres face aux fortes pressions migratoires supportées par certains d’entre eux est donc susceptible d’entraîner un rétablissement des contrôles aux frontières intérieures afin de lutter contre l’immigration illégale notamment.

Si l’objectif de canaliser les fonds européens essentiellement vers les Etats membres qui sont les premiers exposés semble avoir globalement été réalisé, l’intervenant allemand relève cependant que ce fut avec « un certain effet de distorsion », introduisant une « tendance, ou même une règle, selon laquelle tous les Etats membres doivent obtenir quelque chose, une part du gâteau, qu’ils soient en quelques sortes sur la ligne de front […] ou pas ».

Une aide financière insuffisante

« Des rapports de l’OCDE indiquaient qu’en 2010 par exemple la Belgique et le Danemark estimaient le coût annuel par réfugié supérieur à 30 000 $ américains, donc 25 000 euros globalement ». La Commission proposait d’allouer la somme de 6 000 euros par réfugié afin d’aider les Etats membres en allégeant le coût que représente un réfugié. Pour le Recteur du Collège d’Europe, si l’on continue à envisager cela, « on n’ira nulle part dans le travail de persuasion des Etats membres quant à prendre plus de réfugié, il faudrait envisager un financement bien plus élevé ».

Le Professeur MONAR souligne également l’aspect « symbolique » des sommes proposées par la Commission, relevant que si 75 millions d’euros supplémentaires étaient a priori disponibles, seuls 57 millions seraient versés aux Etats membres « qui ont besoin de solidarité », et qualifiant de « complètement symbolique » la somme de 99 000 euros prévue dans le fond d’urgence pour renforcer les capacités d’Europol afin de démanteler les réseaux de trafiquants et de passeurs.

La mise en œuvre au niveau national des fonds européens AMIF et ISF : l’expérience des Pays-Bas

Monsieur KOLLER, chef de département au ministère néerlandais de la sécurité et de la justice, dresse un état de la mise en œuvre au niveau national (Pays-Bass) des fonds ISF et AMI : le programme ISF (Internal Security Fund, en français Fond pour la sécurité intérieure), auquel peuvent avoir recours des organisations gouvernementales, et le programme AMIF (Asylum, Migration and Integration Fund, en français Fond Asile, Migration et Intégration), composé de « parties prenantes beaucoup plus importantes, plus variées, des organisations gouvernementales, mais aussi des ONG, des fondations et des organisations non lucratives ».

Pour rappel, le programme ISF, mis en place pour la période 2014-2020, se compose de deux programmes :

– Le « FSI-police » : financement d’actions pour la prévention de la criminalité, pour la lutte contre la criminalité transfrontalière grave et organisée, et pour le renforcement de la coopération entre autorités répressives aux niveaux nationaux et européens

– Le « FSI-frontières » : soutien financier à la mise en place d’un système de gestion intégrée des frontières extérieures, en particulier via une coopération renforcée entre les Etats membres et Frontex, et des pratiques harmonisées en matière de délivrance des visas.

Le programme AMIF quant à lui est un fond visant à permettre le renforcement du régime commun d’asile, le développement de stratégies de retour « équitables et efficaces », la solidarité, le partage des responsabilités et la coopération entre Etats membres, ainsi que l’amélioration de l’intégration des ressortissants de pays tiers.

(Pour en savoir plus : Article d’Alberto Prioli, http://europe-liberte-securite-justice.org/2014/04/28/le-conseil-des-ministres-de-lue-approuve-le-fonds-asile-et-migrations-et-le-fonds-securite-interieure/).

Revenons sur le contenu du programme national (néerlandais) dans le domaine de l’asile : Il s’agit concrètement d’ « anticiper des changements futurs des flux migratoires et la gestion de ces changements ».

La priorité réside donc dans la nécessité de disposer d’une procédure d’asile de qualité, d’une meilleure gestion de l’accueil, ce qui passe par la formation du personnel, mais aussi des infrastructures d’accueil pour les groupes vulnérables comme les enfants, les personnes âgées, les handicapés. « C’est une priorité au sein de l’AMIF ; il faut utiliser ces fonds pour amener les ONG à présenter des idées innovantes pour résoudre les problèmes de l’intégration de concitoyens provenant de pays tiers ».

La problématique du retour revient dans le débat. Pour Monsieur KOLLER, il s’agit d’un domaine qui fait « fait partie intégrante de l’asile » ; « les citoyens de pays tiers doivent être préparés à rentrer dans leur pays d’origine ».

Au fond, « l’objectif est de montrer que le retour est toujours une chance et les projets AMIF vont dans ce sens là ».

Concernant l’ISF aux frontières, les Pays-Bas disposent d’un système de contrôle automatique. Pour le chef de département du ministère néerlandais de la sécurité, il faut développer les frontières intelligentes ; A titre d’exemple, les néerlandais ont un réseau d’officier de liaison internationaux qui bénéficie d’une aide et investissent dans l’acquisition de bateaux souples pour la marine.

Trois priorités sont actuellement visées par les Pays-Bas :

– L’amélioration de la prise en charge des victimes

– Les investigations financières

– La formation des forces de police

S’agissant de la gestion du risque et des crises, la priorité des Pays-Bas réside dans la protection des infrastructures, l’amélioration de la cybersécurité, Monsieur KOLLER précisant que « de nouvelles recherches dans ce domaine sont absolument nécessaires » et qu’il faut « absolument développer un système d’alerte précoce ».

Un pays aux objectifs ambitieux

L’intervenant néerlandais, arguant de la vulnérabilité et du coût des petits projets, considère qu’il serait plus avantageux et sans doute plus efficace de se « concentrer sur des projets plus vastes », en introduisant « seuil minimum de 400 000 euros par projet ». Par ailleurs, une nouvelle période de programmation de 7 ans vient remplacer les anciennes périodes de programmation qui étaient divisées en tranches annuelles. Cette nouvelle période de programmation « permet beaucoup plus de souplesse pour les Etats membres et pour les porteurs de projets pour programmer et mettre effectivement en place les fonds de façon efficace pour les mêmes objectifs qui sont fixés ».

« Les montants pour les Pays-Bas pour les 7 années représentent 32 millions pour l’asile, 19 pour l’intégration et 30 millions pour le projet retour », soit environ « 8% du budget national dépensé pour ces différents secteurs ! »

« Le montant pour les programmes aux frontières sur sept ans est de 30 millions et pour la police-ISF 31 millions ».

Vers une charge administrative « la plus limitée possible »

Pour Monsieur KOLLER, il faut éviter d’avoir des factures qui soient « difficiles à contrôler », et il n’est plus utile de « vérifier tous les frais de voyage, de téléphone et d’internet ». Les Pays-Bas utilisent dorénavant « des prix standards, des tarifs horaires » et les coûts sont calculés « en fonction des normes existantes ».

Dans le domaine de la police, les Pays-Bas disposent d’un comité de contrôle qui réunit 4 fois par an l’ensemble des directeurs de la police chargés de l’immigration, de l’intégration et de la sécurité.

En outre, une chambre de réflexion se réunit régulièrement pour vérifier les objectifs mis en place dans les programmes nationaux.

Des fonds correctement utilisés et de manière responsable

Au final, force est de constater que « beaucoup d’efforts sont investis dans la gestion des fonds au niveau européen et au niveau national », ce qui est nécessaire « pour être sûr que les fonds sont utilisés pour les objectifs pour lesquels ils ont été débloqués et que ces fonds sont dépensés de manière responsable ».

Par exemple, concernant les personnes « prêtes à retourner chez elles », les Pays-Bas donnent des « formations de 3 mois pour fabriquer des tapis, pratiquer la soudure ou faire d’autres travaux ».

Concernant le financement de l’Union européenne dans le domaine des affaires intérieures et notamment de l’élaboration et de la mise en œuvre des mesures d’urgences, Monsieur Gabriel BARBATEI (inspection générale pour l’immigration en Roumanie) se fonde sur les conclusions de l’évaluation effectuée en Bulgarie qui selon lui seraient applicables de façon générale.

Le nouveau cadre prévoit de mettre en œuvre les fonds de façon continue sur l’ensemble de la période de programmation (1er janvier 2014- fin 2020), ce qui constitue un avantage pour les Etats membres qui n’auront donc plus à soumettre chaque année un programme annuel à la Commission.

La conception des fonds AMIF et ISF permet une plus grande marge de manœuvre aux Etats membres, ainsi qu’une certaine souplesse pour les priorités de financement.

Les règles d’éligibilité sont fixées par les Etats membres qui ont ainsi la possibilité d’« adapter ces règles à leurs critères et à leurs pratiques nationales ».

S’agissant des mesures d’urgence, les Etats membres ne sont plus contraints à réviser leur programme national, il leur suffit d’effectuer leur demande auprès de la Commission qui procède alors à l’évaluation de celle-ci, et une mission d’observation est organisée pour que cette évaluation soit davantage justifiée. La mise en œuvre se fait désormais sur une période de 18 mois et ces mesures d’urgence doivent maintenant « s’orienter vers l’assistance », ce qui réduit largement les possibilités d’investissements dans les infrastructures.

A titre d’exemple, « la Commission européenne a déjà procédé à l’allocation du budget pour les mesures d’urgence pour 2014, 25 millions d’euros, 10 millions d’euros environ ont déjà fait l’objet d’un versement sur ce montant total de 25 millions »

Parmi les points positifs de la nouvelle réglementation, Gabriel BARBATEI relève la « très bonne communication avec la Commission » et la compétence de ses responsables. Une Commission qui procède d’ailleurs à des visites de contrôle régulières au sein des Etats membres. Par ailleurs, des avis motivés sont adressés aux Etats membres, leur permettant ainsi de procéder à des ajustements de leur situation.

Gabriel BARBATEI dresse ensuite une série de recommandations afin de remédier à la crise migratoire actuelle. Il serait opportun d’avoir :

– Une bonne communication avec la Commission ; tant les canaux officiels que les canaux informels doivent être encouragés entre les Etats membres et la Commission

– Des formations pour les autorités désignées et pour les bénéficiaires

– Un renforcement des capacités au niveau local : tenir compte des autorités locales et des organisations locales

– Des règles de mise en œuvre simples, faciles à appliquer et adaptées à l’environnement national. Il faut donc un réexamen régulier, notamment s’agissant des appels d’offres.

– Des projets pluriannuels, lesquels « sont préférables à des projets courts pour garantir la continuité de l’aide aux groupes cibles »

– Une sensibilisation des demandeurs potentiels aux possibilités de financement et aux règles applicables

– Des ressources alternatives pour les domaines non couverts par les fonds européens

– Des missions d’observation dans les phases de contrôle

S’agissant des mesures d’urgence en particulier, « la gestion de la crise demande une approche intégrée, coordonnée au niveau des Etats membres ».

Monsieur BARBATEI explique que les mesures « doivent être coordonnées au niveau institutionnel le plus élevé par un mécanisme qui implique toutes les institutions concernées », requérant par ailleurs l’implication ou au moins la consultation des ONG et des organisations internationales « dans le mécanisme général de coordination selon les domaines d’expertise et notamment dans la rédaction et la mise en œuvre des mesures d’urgence ». Il faudrait ainsi pouvoir :

– D’un plan d’urgence au sein de chaque Etat membre, afin de pouvoir gérer un éventuel et soudain flux d’immigrés important.

– « Bien déterminer les responsabilités et les caractéristiques principales d’une intervention financée par l’Union européenne, même dans le cadre d’un plan d’urgence »

– Examiner toutes les contributions possibles

– Fournir des ressources supplémentaires au titre de l’assistance médicale et psychologique. Sur ce point, l’intervenant roumain estime qu’il faudrait pouvoir disposer d’une liste des spécialistes nécessaires et disponibles, par exemple des interprètes, des travailleurs sociaux, du personnel médical ou encore tout autre personnel impliqué dans les procédures d’asile.

– Disposer de bonnes capacités administratives au niveau des bénéficiaires principaux. Monsieur BARBATEI conseille ici de simplifier les procédures administratives, d’éliminer la bureaucratie, d’élaborer des partenariats et des protocoles qui seront utilisés dans le cadre de la mise en œuvre du plan.

– Evaluer en amont « la viabilité institutionnelle et financière » au moment de mettre en œuvre ces mesures d’urgence

– Garantir la transparence et la sensibilisation concernant ces mesures d’urgence : il s’agirait d’ « allouer des ressources pour la sensibilisation de la population et si l’Etat membre n’a pas de ressource, elles doivent être garanties par l’Union européenne ».

– Informer régulièrement les médias de la situation et de l’évolution de ces mesures d’urgence.

L’accent est donc mis sur les faiblesses, les lacunes et les absences du système actuel, des solutions émergent mais pour l’eurodéputée Kashetu KYENGE, « de plus en plus, en Europe, l’Europe est le bouc émissaire de ce qui ne fonctionne pas ». Et l’on constate par ailleurs une tendance à faire de cette discussion « quelque chose de purement économique » : « ce que coûte un migrant ; ce que vaut un migrant ».

Helga STEVENS (ECR) relève un paradoxe en faisant remarquer le caractère « extrêmement bureaucratique » de la procédure actuelle alors qu’il s’agit de situations d’urgence. Evoquant les 6 000 euros attribués par demandeur d’asile faciliter leur réinstallation dans les différents Etats membres, l’eurodéputée belge se veut particulièrement claire sur la question des personnes qui n’ont pas droit à l’asile : elles « doivent être renvoyées chez elles ». Prônant une libéralisation des budgets en fonction de l’avenir, Madame STEVENS propose de mettre en place des endroits où les gens peuvent entrer plus facilement en Europe.

Pour Barbara SPINELLI (GUE/NGL), la fermeture des politiques de lutte contre l’immigration illégale (arrêts, renvois, rapatriements) constituent des « coûts élevés dont on parle peu … On préfère regarder les couts d’accueil et d’inclusion ».

Or, les chiffres sont encore une fois alarmants puisque ce ne sont pas moins de 441 000 migrants dits « illégaux » qui ont été identifiés dans l’Union, dont 161 000 qui ont vraiment été rapatriés et dont 250 000 ont reçu un ordre d’éloignement.

Il apparaît dès lors « difficile de calculer le coût global de la politique forteresse Europe ».

Ainsi, 13 milliards d’euros auraient été débloqués par l’Union européenne depuis 2000 pour lutter contre l’immigration clandestine ; 11, 3 pour expulser les illégaux et 1,6 pour le contrôle aux frontières. L’eurodéputée italienne poursuit en expliquant qu’une expulsion coûte en moyenne 4 000 euros et la moitié de ce coût couvre les frais de transport. « C’est de l’argent qui a été utilisé pour acheter les embarcations, des viseurs nocturnes, des drones, des logiciels pour enregistrer les migrants, contrôles aux frontières, rapatriements, projets de recherche avec par ex ce qu’on appelle les snifers, des renifleurs, des nez artificiels pour contrôler les camions aux frontières pour les clandestins qui y seraient cachés, ensuite fichage et autres… ». Des coûts supplémentaires doivent être pris en compte. Par exemple, le coût de la guerre contre les trafiquants, ou encore les accords de coopération avec les pays tiers et d’origine. Il est alors fondamental de voir comment on utilise les fonds compte tenu de la corruption élevée qu’il y a dans ce domaine. Il n’existe actuellement « pas de voie légale d’accès à l’Europe et au cours de ces 15 dernières années, 27 milliards d’euros ont donc ainsi été gaspillés ! ».

La mise en cause de la propagande politique

Reprenant les termes de sa collègue, Ignazio CORRAO (EFD) estime qu’il est « fondamental de réfléchir à l’utilisation des fonds » en la matière « parce que malheureusement, autour de la mauvaise utilisation des fonds, il y a toute une propagande politique très négative qui prévaut sur les migrations ». Il évoque en outre un « saucissonnage des projets » qui s’oppose à la règle de transparence puisque la fragmentation dans la gestion des projets rend « très difficile » le suivi et ne permet pas de « bien comprendre ce qu’il en est de l’investissement de l’argent et donc de contrôler le parcours de ces fonds ».

Un « business qui tourne autour de l’urgence migratoire » en Italie.

Selon des enquêtes de la justice, « il semblerait que la spéculation qui tourne autour du cours d’un immigré soit plus rentable pour les groupes criminels que le trafic de drogue ».

La tournure économique que prend le débat sur la nécessité d’adopter une approche holistique pour gérer la crise migratoire se retrouve ainsi tout au long de la réunion de la commission LIBE, y compris dans ses dernières minutes, avec la nouvelle intervention de Monsieur MONAR selon lequel « c’est vrai, nous ne sommes pas ici uniquement confrontés à la dimension financière, nous devons également tenir compte de valeurs mais lorsque l’on évoque la solidarité, on ne peut négliger le volet financier ».

Les sommes investies par les Etats membres pour loger et soutenir les réfugiés varient considérablement d’un Etat membre à l’autre. Il convient alors de « faire preuve de souplesse » en évitant le paiement d’une somme forfaitaire, et en misant plutôt sur le « pourcentage du coût réel que représente ce réfugié par Etat membre ». S’agissant de la solidarité, deux volets doivent donc être pris en compte ; d’une part, le volet financier, d’autre part, le volet opérationnel.

Gabriel BARBATEI estime qu’en moyenne, les mesures d’urgence sont approuvées en un mois. Certes, cela peut paraître long mais il semble que ce soit le délai nécessaire afin de parvenir à un compromis entre rapidité d’un côté, et d’un autre côté le fait de s’assurer que les fonds seront « dépensés de façon pertinente et viable ».

Concernant en particulier l’assistance médicale dans le cadre de ces mesures d’urgence, Monsieur BARBATEI relate son expérience en Bulgarie.

« Un médecin et deux ou trois infirmières suffiraient à garantir une présence 24h sur 24 dans le centre » et pour le même montant, l’on pourrait « avoir des solutions proportionnées » avec par exemple la présence d’un psychologue « 24heures sur 24 dans chacun des centres, quelque soit d’ailleurs le nombre des personnes reçues ». Or, de telles solutions dépendent dans une large mesure d’accords pris avec les cliniques locales et les médecins locaux. « La Bulgarie y arrive : à chaque lieu d’accueil, il y a effectivement des cliniques privées ou des médecins privés qui peuvent également apporter un complément s’il y a un manque de ressource mais un médecin, deux ou trois infirmières et un psychologue pour un millier d’immigrés ou de demandeurs d’asile, c’est le minimum ».

Entre débat trop général voire parfois superficiel pour une situation qualifiée d’ « urgente » à de nombreuses reprises, et exemples bien précis de situations rencontrées au sein des Etats membres en matière d’accueil, d’hébergement de migrants et de gestion des fonds, les réunions de la commission LIBE concernant la crise migratoire en Méditerranée prennent tantôt une tournure humanitaire, tantôt une tournure économique. Nous voilà sans doute face à un débat qui, s’il ne l’est déjà devenu, tend à devenir économico-humanitaire, davantage qu’humanitario-économique, à l’heure pourtant où une solidarité coordonnée des Etats membres permettrait de sauver des vies et d’accueillir des populations.

Une approche économique paradoxale (puisqu’elle tend à se faire au détriment de l’humanitaire) donc lorsque l’on prend en considération le fait que l’Union européenne constitue elle-même un territoire migratoire par essence.

Aurélie DELFOSSE.

Pour en savoir plus :

– Parlement européen, Commission LIBE, situation en Méditerranée, 2 juillet 2015

http://www.europarl.europa.eu/news/en/news-room/content/20150624IPR70443/html/Committee-on-Civil-Liberties-Justice-and-Home-Affairs

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