2015-02-02

La Grande Dame

L‘Impératrice fait partie de ces groupes qui fascinent, à l’univers puissant et facilement identifiable qui se cache derrière un symbole. Ici, une Grande Dame comme on aime à l’appeler à la rédaction, une Impératrice, tantôt farouche, tantôt séductrice aguerrie. Nous sommes allés rencontrer Charles et Martin, deux des membres du groupe afin de percer le mystère qui pèse autour de ces cinq musiciens qui font tant parler d’eux depuis la sortie de leur second EP Sonate Pacifique chez Cracki Records. Et si vous voulez vous aussi prendre part à l’aventure, ils seront en live le vendredi 6 février au Badaboum.

Mais qui est L’Impératrice ?

Martin : C’est un avatar, une entité, un personnage derrière lequel on se cache, qui représente beaucoup de choses pour Charles qui est à la base de ce projet et qui avait commencé avec ce nom. On s’est retrouvé à 5 mecs, on a décidé de garder ça parce que ça avait quelque chose de mystérieux, et que ça nous représentait musicalement.

Charles : Ouais, c’est une idée. C’est aussi évidemment une part de féminité qu’on a un peu tous en nous, soit qu’on refoule parce que les codes en 2015 font toujours que quand t’es un mec, t’es un mec… c’est vraiment de la pudeur, je parle de la part de féminité qu’on a et qu’on a du mal à exprimer. Dès le début j’ai réussi à exprimer ça en musique et ce sentiment quand tu le découvres c’est un truc très puissant, très violent. Y’a aussi le fait qu’on trouve plus légitime de rester derrière une entité mystérieuse, forcément ça fait un peu monter le projet, c’est plus joli à illustrer que 5 mecs sur leurs instruments. Le trip « band » j’aime pas trop, je préfère développer l’imaginaire autour d’un projet, ça permet de partir loin, d’envisager une histoire, des clips, de faire grandir le personnage avec nous, avec notre musique etc.

C’est plein de choses L’Impératrice, c’est aussi la meuf dont tout le monde est amoureux mais que tu peux pas choper, tu vois c’est un peu ce truc insaisissable. C’est beaucoup d’ambiguïté.

Vous avez fait 2 EPs jusqu’à présent chez Cracki Records. Si on ressentait plus d’expérimentations, de recherche identitaire dans le premier, le 2e, Sonate Pacifique vous caractérise dès les premières notes.

M : Déjà entre le 1er Ep et le 2e EP on peut dire que c’est pas le même groupe pratiquement, parce que même si on a tous plus ou moins collaboré dessus, on est arrivé sur un projet qui était déjà mis en route par Charles. On s’est regroupé au final pour faire cet EP, mais on n’était pas un groupe encore, on s’est juste associé à lui musicalement et entre les deux EPs il y a eu beaucoup de concerts, d’évolution. Ce qui a amené au 2e EP et vers là où on tend musicalement.

Le 2e EP c’est un peu la naissance du groupe L’Impératrice…

C : Ouais elle est là. Le 2e EP c’est comme dit Martin l’aboutissement d’un travail de groupe. Dans le premier opus il y avait plus de recherches, de tâtonnements, finalement quand tu l’écoutes c’est quatre fois le même morceau, des boucles, c’est très basique. Dans le 2e il y a un travail de groupe, y’a la maturité du live, donc on a appris à se connaître les uns et les autres, où placer les qualités de l’un et de l’autre sur un morceau. Et au niveau des harmonies, jouer en live ou dans un studio en groupe forcément développe le truc, tu peux vite te faire chier si tu fais quatre fois le même accord. Ca reste sur un schéma disco mais il y a une couleur plus mature. Et quand tu dis qu’on reconnaît dès les premières notes ça vient aussi beaucoup des synthés qu’on a beaucoup exploré entre temps. Sonate Pacifique est construit sur 4/5 synthés qui sont tous les mêmes ce qui donne une couleur très 80’s, moins moderne que le premier EP qui avait été fait sur un ordi à la maison.

Est-ce que c’est un groupe qui se construit beaucoup par le live, au fait que vous arrivez souvent à vous retrouver sur scène et à lâcher votre musique sur scène ?

M : Oui on a vraiment forgé toute la musique lors des répet’, des lives, des jams, pour ma part moins d’un travail personnel de studio. Personnellement j’ai besoin d’être avec les musiciens pour trouver mes parties guitare, et c’est le cas pour d’autres personnes du groupe. Oui ça vient beaucoup du live qui nous a beaucoup apporté. On a appris à se connaître en live.

C : Ouais je pense que le projet est vraiment né du live et avec le live pour moi. Je pensais à la base qu’on serait plus un groupe de studio et je me suis complètement mépris. Le studio c’est quelque chose de très difficile et d’hyper intéressant mais on n’est pas tous aussi chaud pour ça, on n’a pas tous le même intérêt. Alors que le live on a réussi à créer une énergie vraiment grande, qu’on a beaucoup moins en studio. Y’a pas mal de gens qui m’ont dit « putain les gars le live et la prod ça n’a rien à voir. Le live c’est génial parce qu’on vous voit et ça dérange pas que ça soit instrumental, en revanche en CD l’absence de voix est plus dérangeante, il manque quelque chose. », ce que je me refusais à voir avant. Je sais aujourd’hui que je suis prêt à miser beaucoup plus sur le live que sur beaucoup de temps passé en prod’. Pour l’instant on a un live très sobre, on est 5 musiciens sur scène, y’a pas vraiment de scéno. Maintenant on va vraiment se pencher là dessus pour lui donner encore plus de patate. Et en étant plus serein en live, on le sera plus en studio.

L’Impératrice, c’est aussi la meuf dont tout le monde est amoureux mais que tu peux pas choper, tu vois c’est un peu ce truc insaisissable. C’est beaucoup d’ambiguïté.

Est-ce que de part certains artistes qui ont pu faire partie de l’aventure, est-ce qu’un label comme Cracki Records vous laisse beaucoup de libertés, voire vous pousse à explorer certaines pistes ?

C : En fait à l’époque où Antoine notre manager travaillait encore pour Cracki y’avait une direction artistique indispensable pour nous aiguiller. C’est à dire que c’est Cracki qui m’a poussé à prendre des musiciens pour ré-enregistrer le 1er EP, de poser des voix. Pour le 2e EP c’est différent y’a eu une vraie indépendance de notre part c’était un peu particulier, c’était un moment où on se retrouvait en groupe et on avait besoin de s’isoler, de concrétiser tout ce qu’on avait appris les uns des autres et le mettre en forme. A vrai dire y’a pas vraiment eu de DA venant de Cracki ou de notre manager sur le 2e EP, on l’a fait de manière très indépendante. Après ouais Cracki ce qui est cool c’est qu’on sait qu’on a une attente de leur part et jusqu’à maintenant ça a toujours été une motivation pour nous.

Vous avez une musique qui est au final très visuelle bien que contrairement à certains groupes vous n’avez pas cherché à le développer, c’est un peu fermez les yeux et voyez ce que vous voulez…

M : C’est une jolie interprétation, mais ouais y’a un potentiel visuel avec L’Impératrice, on en est conscient et ça va arriver, on va donner une direction à ça. Pour l’instant cette photo de L’Impératrice c’est le seul visuel, et qui colle avec le côté mystérieux du groupe justement. Mais oui il va y avoir tout un processus de clips, un univers à créer sur la scéno, en live.

C : C’est vrai ce que vous dites tous les deux, y’a une vraie absence de dictat visuel, on n’impose pas de visuel. Parce que déjà on a beaucoup d’influences diverses, au sein de la musique elle-même et au sein de chaque musicien, Martin il est plus sur du Funk, le batteur plus sur la Pop, les deux autres, le bassiste et le claviériste sont très Classique à la base et moi je suis très très Disco, mais on est tous aussi très musique de films. On ne peut pas imposer le film de L’Impératrice. On aime donner ce côté très cinématographique, qui est pour moi hyper présent dans le 2e EP. Tu fermes les yeux tu peux voir plein de belles images parce que déjà y’a pas la voix, sauf sur ‘Sonate Pacifique’ qui t’oblige à aller dans une direction mais c’est très lyrique, c’est des longues plages qui mettent du temps à se mettre en place. Mais y’a aussi le fait qu’on a essayé de créer un truc autour du personnage à la base, on a essayé de faire un clip sur le morceau ‘L’Impératrice’ qui pour moi n’a pas trop fonctionné en 2012, et je trouve que c’est dommage de s’enfermer là dessus.

Tu vois Martin parlait de cette femme et tu en parlais au début, je pense que le fait qu’on ait sorti une pochette radicalement différente pour le 2e EP avec l’absence de cette meuf etc. c’est aussi pour ouvrir les gens à un autre univers qui est le nôtre maintenant, qui n’est plus celui du premier, un univers plus façonné, et aussi un autre univers visuel, très cosmique, très aquatique dû évidemment à la carrure des morceaux, au tempo et aux synthés surtout, aux textures. En ce qui concerne les clips je veux pas refaire ce qu’on a fait pour notre premier, c’est pour ça qu’il n’y en a pas eu pour le 2e EP pour le moment. La prochaine fois qu’on sort un clip c’est parce qu’il y aura un truc mortel qui vaudra vraiment le coup d’être sorti, un truc coup de poing. C’est plus évident de le faire sachant qu’on a tous des grosses influences cinématographiques, en tout cas Martin, Hagni et moi. Martin particulièrement parce qu’il bosse dans le ciné… et du coup ça peut paraître prétentieux de faire son propre film, ce pourquoi il faut prendre son temps, quitte à être un peu lent.

Sonate Pacifique c’est un hommage à la musique de film en général.

Justement est-ce que vous avez entendu parler du projet The End signé chez Cosmonostro avec leur album Music For An Imaginary Movie ?

C : Ouais bien sûr, c’est marrant parce que j’ai reçu le disque et j’ai trouvé ça très intéressant, bien qu’ils soient un peu passés à côté de la prod’ de leur truc, je pense que c’est un projet hyper intéressant à aller voir en live. C’est un truc hyper dur à mener, parce que eux c’est vraiment une B.O., ce qui m’a plus en premier d’ailleurs. Moi mon ultime kiff ça serait de faire la B.O. d’un film ouais… J’adorerai vraiment, ce sera la consécration quand un réal’ quel qu’il soit, petit ou grand viendra nous demander de taffer ensemble. Je pense que c’est ouf.

Peut être un de tes films Martin…

M : (rires) Ouais, si je cherche je saurai où trouver…

C : (rires) Bien sûr ! C’est pas une option !

Vous parlez souvent de François de Roubaix, c’est une grosse référence pour vous ?

C : Bah pour moi ouais c’est une grosse grosse référence, c’est le mec qui m’a fait comprendre l’harmonie avant tout en fait. Particulièrement avec un morceau, ‘Dernier Domicile Connu’ qui est donc la B.O. de ce film éponyme avec Philippe Noiret. Roubaix c’est un mec qui avait une telle force thématique dans ce qu’il composait, tu l’as dans le crâne… Rares sont les gens aujourd’hui qui arrivent à retrouver des gimmicks aussi forts, le mec c’était une machine à samples tu vois. C’est un mec qui est mort jeune, qui était autodidacte et savait jouer de tous les instruments, hyper curieux, autant dans la musique de synthèse que dans les instruments, je suis assez fasciné par ce genre de figure. Le mythe veut qu’il soit mort très jeune en plongée, et finalement l’hommage qu’on lui rend dans Sonate Pacifique en quelque sorte, tout ce thème aquatique, ça lui est destiné de manière posthume. Moi je lui dois beaucoup.

Justement quand j’ai vu passer ce nom je suis allé faire une recherche et en premier lien tu tombes sur ‘Dernier Domicile Connu’, effectivement j’ai compris la référence en quelques secondes. Jolie référence.

C : Ouais après y’en a d’autres, c’est pas qu’un hommage à Roubaix, c’est un hommage à la musique de film en général, Francis Lai, Vladimir Cosma, Michel Legrand…tous ces mecs qui ont été proches de la Disco à un moment aussi.

Vous avez d’ailleurs fait un remix de Cerrone il y a quelques semaines…

C : Ouais c’est marrant de faire un remix de Cerrone. La meilleure phase c’est quand moi j’ai découvert les stems chez moi, c’est quand même des parts qui datent des années 70, c’est un vieux morceau ‘Je Suis Music’ et c’était marrant ça a un peu été enregistré à l’arrache tout ça, les voix étaient pas forcément justes et je me disais putain le mec en a fait un tube monstrueux, certes ça a été assez bien mixé alors que les pistes prises séparément… (rires). Et je me suis remis en question surtout par rapport aux heures passées en studio pour que chaque piste soit clean à mort, et je me suis dit, le mec avait juste compris l’âme de son morceau, il a un truc de producteur en plus que nous. Bref, le résultat était cool, le remix a bien marché, Cerrone a apprécié c’est cool.

Vous jouez au Badaboum le 6 février, à quoi s’attendre ?

C : Un gros live au Badaboum ouais avec un peu de changement, on va essayer de faire un truc un peu plus électronique, ça va être une belle soirée parce qu’on part sur l’optique qu’on a vraiment envie de faire danser les gens. Ca fait aussi un mois et demi qu’on essaye ce live, qu’on le remanie de temps en temps, là, voilà, pour se marrer et faire plaisir aux gens on essaye un truc encore un tout petit plus brut de décoffrage.

On se donne rendez-vous le 6 ?

M : Ouais et avec Dorian qu’on aime beaucoup, ça va être cool !

Merci L’Impératrice !

Sonate Pacifique EP

Sortie le 22/09/2014 – Cracki Records

Live le 06/02 au Badaboum

© Crédit photo : Laure Bernard

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