2014-06-18

12 juin 2014

Akio Matsumura

Au Japon, un tribunal régional a décidé que Kansai Electric Power Company n’avait pas le droit de redémarrer les deux réacteurs de la centrale d’Oi, pour des raisons de faiblesses structurelles. Un article du Mainichi  rapporte cette déclaration du tribunal de Fukui :

« Le droit personnel des individus à protéger leur vie et leurs moyens de subsistance est de la plus haute importance selon la Constitution. Le tribunal a donc conclu qu’il « serait tout à fait naturel de suspendre les centrales nucléaires si elles induisent des risques spécifiques de danger – même s’il est exagéré d’affirmer que l’existence de ces centrales n’est pas autorisée par la Constitution. »

Jusqu’à cet arrêt de justice, les décisions du gouvernement fédéral et du système juridique du Japon étaient destinées à renforcer l’économie et minimiser l’importation. Le présent arrêt a mis l’accent sur le principe de précaution et donné priorité à la santé humaine et environnementale sur la balance des paiements.

Le Japan Times a également résumé la situation :

Le point crucial de l’arrêt du tribunal est l’affirmation qu’il est par nature impossible de déterminer sur des bases scientifiques qu’un séisme d’une amplitude supérieure à celle qui est prise en compte par le pire scénario de l’opérateur ne se produira pas. L’arrêt indique que depuis 2005, quatre réacteurs nucléaires japonais ont subi des secousses sismiques plus fortes que le niveau maximum  prévu pour les centrales en question. C’est faire part d’un « optimisme injustifié », dans un pays où les séismes sont aussi courants, que de penser que des secousses de cette magnitude ne frapperont jamais la centrale d’Oi, a rappelé l’arrêt.

Nous allons devoir attendre pour voir si le Japon respecte la décision du tribunal de Fukui ou poursuit comme prévu sa procédure de redémarrage du nucléaire.

J’ai souvent entendu dire aux leaders d’opinion japonais que les Jeux olympiques de 2020 à Tokyo étaient essentiels pour regonfler le moral du Japon et des Japonais. Comme le tribunal [de Fukui], j’estime qu’il est plus important de garantir la sécurité de nos athlètes mondiaux que d’offrir à Tokyo des opportunités économiques.

C’est une chance qu’il y ait parmi les observateurs des gens qui se préoccupent de protéger la santé des athlètes aux Jeux Olympiques de Tokyo en tenant compte du contexte environnemental et de la sécurité des populations. Dans un précédent article j’ai publié la lettre d’Helen  Caldicott à Thomas Bach, président du Comité International Olympique, exhortant le CIO à mettre en place une équipe indépendante d’experts en biomédecine pour évaluer la situation.

Le 6 mai 2014, Helen Caldicott a reçu une réponse officielle de John Coates, vice-président du Comité International Olympique et président de la Commission de coordination des Jeux :

“La santé et la sécurité des athlètes aux Jeux est une priorité absolue du Comité International Olympique (CIO) et vous pouvez êtres certains qu’en tant que président de la Commission de coordination du CIO – l’instance chargée de la supervision des Jeux olympiques de 2020 à Tokyo pour le CIO –

je ferai tout mon possible pour assurer que les athlètes puissent concourir dans un environnement sain et sans danger pendant les Jeux de Tokyo…

Les réponses des autorités japonaises montrent très clairement qu’elles mettent en place un bon nombre de mesures importantes pour protéger leurs concitoyens…”

Le rapport japonais fourni en pièce jointe commence par ces mots : « Toute une série de tests stricts sont actuellement menés par plusieurs ministères et agences gouvernementales concernés pour étudier les risques sanitaires associés aux radiations. »

Les rapports et les études de suivi ne s’appuient bien sûr sur aucune vérification indépendante. M. Coates et le reste du CIO sont entièrement dépendants des informations japonaises pour évaluer l’avancement des travaux de préparation japonais et les défis rencontrés en matière de décontamination depuis l’accident de Fukushima.

Dans le contexte de cet échange, j’aimerais présenter ici l’opinion du Dr. Scott Jones, ancien officier de marine à la retraite. Pilote chargé du largage de bombes nucléaires, il a servi durant les guerres de Corée et du Vietnam. Il a été également l’assistant du sénateur Clairborne Pell, ancien président du Comité des relations étrangères du Sénat, dont le vice-président Joseph Biden parlait en ces termes , le considérant comme « l’un des leaders de la lutte contre la prolifération des armes nucléaires ».

Voici ce qu’écrit Scott Jones :

Avec le temps, les conséquences terribles, mais prévisibles, du séisme et du tsunami sont devenues encore plus insupportables pour les citoyens japonais et maintenant pour le monde entier.

Quand des vies sont en jeu, la garantie la plus sérieuse pour un homme politique est de pouvoir affirmer que les décisions politiques impliquant la santé sont prises en respectant pleinement les meilleures connaissances scientifiques et médicales dont on dispose.

Ceci n’a clairement pas été le cas avec Fukushima, mais il existe une procédure qui permettrait de rectifier la situation. Il est plus que temps pour le gouvernement japonais, le Comité International Olympique, tous les gouvernements qui soutiennent le Japon et l’avenir du système olympique,

de marquer un temps d’arrêt et de chercher à réaliser des évaluations indépendantes dans les domaines de l’ingénierie, de la médecine et de la science, afin de déterminer ce qui s’est passé, ce qui peut et doit être fait pour protéger la vie au Japon et dans le reste du monde.

Ceci permettrait d’apporter une réponse directe aux inquiétudes actuelles et futures concernant la santé des enfants japonais et des personnes âgées et ferait disparaître toute ambiguïté relative à la sécurité des athlètes olympiques et des visiteurs venus du monde entier assister aux Jeux olympiques prévus pour 2020.

Une étude indépendante serait en effet conforme à l’esprit des décisions du tribunal régional de Fukui. La sécurité des citoyens Japonais et des meilleurs athlètes mondiaux ne doit pas s’appuyer sur un bilan réalisé avec un « optimisme injustifié » ; le bilan nécessite prudence et minutie. M. Coates et le Comité International Olympique peuvent en être les garants en faisant dépendre la tenue des Jeux de Tokyo de l’acceptation d’une étude indépendante et internationale ; l’objectif est d’évaluer les problèmes scientifiques, techniques et médicaux posés par le site de la centrale de Fukushima et l’avancée des solutions mises en œuvre par le Japon. Tant qu’une telle étude n’est pas ordonnée, le CIO devrait réfléchir à deux fois avant d’affirmer avec certitude que nos athlètes bénéficieront d’un « environnement sain et sans danger pendant les Jeux de Tokyo ».

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