Loin des quartiers paradisiaques des Almadies, Sacré-coeur, du centre-ville, entre autres coins de Dakar, se dessine à pas de géant un péril humain, à la Zone d’aménagement concertée de Mbao. Ici, le regard rouge, le moral en berne, les populations se préparent au pire et ne dorment plus du sommeil de juste.
En effet, la localité, qui aimerait, par son nom, donner une impression d’aimable fraternité, s’est muée en terreau fertile pour moustiques. Qui terrorisent pauvres comme riches. Sur les lieux, tous portent le masque des mauvais jours du fait de la psychose provoquée par les risques potentiels d’une épidémie de paludisme.
Abandonnées à elles-seules, les populations de Zac Mbao tirent la sonnette d’alarme, pour faire procéder au curage du canal et au saupoudrage de la zone. Avant que le ciel n’ouvre ses vannes. Et avant une tragédie qui s’appelle épidémie de paludisme.
A travers ce reportage, Actusen.com vous amène en voyage dans ce microcosme au coeur d’une communauté, où tout le monde porte le masque des mauvais jours. Du fait de terroristes d’un genre nouveau. Et qui porte les empreintes de l’anophèle femelle.
«Ce sont des nuées, des essaims de moustiques qui vous envahissent au coucher du soleil, dès que vous ouvrez la porte d’une chambre», alerte Madame Soly, vendeuse dans une Pharmacie de la place. Et d’ajouter : «C’est un péril que nous côtoyons à longueur de journée. Nous sommes assiégés et pris en otage par les moustiques qui s’emparent actuellement de la Zone d’aménagement concerté (Zac) de Mbao», s’apitoie-t-elle, la mine serrée.
En effet, comme une invasion de criquets qui ravagent tout sur un champ de mil, les moustiques en font voir toutes les couleurs aux populations de la Zac de Mbao qui étouffent, depuis un certain temps.
De la Cité Mame Cira, non loin de la Nationale, aux Cités Ics, Rts Sdv, en passant par les Cités Capec, Sagef, Safco, Shell, Cité Nar, entre autres gîtes humaines, les populations ont le moral dans les chaussettes. Dans cette contrée, les habitants tournent en rond, dans une sorte de morosité sans fin, où la maussaderie le dispute aux frustrations et où les dimanches ressemblent aux lundis.
Riches comme pauvres, on se soumet au diktat des moustiques
Ici, riches comme pauvres, tous partagent un dénominateur commun : la souffrance doublée de la psychose des moustiques. Et tous paient les frais de ces moisissures encombrantes de la terre. «Il n’y a point de catégorie sociale ici qui s’extirpe de cette vague de moustiques dans la Zac. Pas de riches ni de pauvres. Tous en souffrent”, peint, davantage, en noir le tableau déjà sombre Madame Soly.
Elle confie : “nous nous rencontrons tous les jours devant les comptoirs de boutiques ou de pharmacie pour nous payer un Yotox ou une moustiquaire imprégnée, avec le rêve hypothétique de sortir indemnes de la tyrannie des moustiques», marmonne une dame venue se ravitailler en moustiquaire imprégnée au prix de 1000 F Cfa à la Pharmacie «Ndjimbé» de la cité Capec.
Ce mouvement d’enfants à la quête d’un produit Yotox ou d’une moustiquaire imprégnée, est visible dans tous les quartiers. «Chaque soir, papa nous envoie à la boutique du coin pour se ravitailler en pompes désinfectantes», indique un jeune garçon, rencontré dans un coin de rue de la Cité Sagef.
Pour lui soutirer les vers du nez, quant au choix de son père de payer très souvent du Yotox, le même “gosse” avance : «nous étions aux Parcelles assainies, avant de regagner la Zac”. “Aux PA, il n’y a pas de moustiques. Ou du moins, pas comme ici. Raison pour laquelle, ni lui, ni nous les enfants encore moins notre maman, n’aimons passer la nuit sous une moustiquaire», explique le garçon, fier d’avoir trouvé le produit tant prisé et pressant le pas, pour regagner la demeure familiale.
«Mardi, j’ai fait le tour des boutiques, mais j’ai manqué de chance. Partout où je suis passé, on m’a dit que le stock du produit désinfectant était épuisé», narre l’enfant, dans sa retraite.
La demande en Yotox et moustiquaires imprégnées, largement supérieure à l’offre
Le jeune garçon n’a pas tout faux. Car un tour effectué dans certaines boutiques qui tiennent pignon sur rue dans la Zac de Mabo, atteste les déclarations de notre interlocuteur. Sur les étagères, c’est la qualité moindre des Yotox qui est visible. «On ne peut pas satisfaire nos clients, en ces moments. La demande du Yotox de qualité est supérieure à l’offre», renseigne Alpha Diallo, qui tient son commerce à la Cité Safco.
Quid des moustiquaires imprégnées ? Les stocks sont aussi en rupture. Aux pharmacies «Ndjimbé» tout comme à «El Hadj Ibrahima Kandé», elles se vendent comme de petits pains. «Le stock des moustiquaires Milda de 1000 F Cfa est épuisé. Seules celles estampillées Sentinelle qui coûtent plus cher, restent», informe Dr Malang Karamo.
Non loin de là, un vendeur trouvé à la pharmacie «El Hadj Ibrahima Kandé», embouche la même trompette. «Actuellement, nous commandons plus de moustiquaires imprégnées qu’il y a quelque temps», rapporte-t-il. Pour, explique-t-il, éviter l’épidémie de paludisme.
Et de façon ramassée, les populations de la localité font face à un dilemme cornélien : en plus du coût de la vie déjà exorbitant, les ménages doivent greffer à la fameuse dépense quotidienne le prix du produit désinfectant ou des moustiquaires imprégnées.
Le prix des produits désinfectants met le feu au panier de la ménagère, déjà ô combien troué
En dépit des complaintes des populations sur le nombre de cas de paludisme, au Dispensaire de la Zone, on croise les doigts, pour l’instant.
Ici, on soutient que, depuis trois mois, il n’ya pas eu de cas avéré de paludisme. «La zone est certes envahie par les moustiques, mais nous n’avons enregistré aucun cas de paludisme depuis mars», affirme l’Infirmière chef de Poste, Madame Senghor.
Selon elle, la dotation en moustiquaires imprégnées subventionnées du Poste de santé qu’elle dirige, en est une raison. «Les moustiquaires imprégnées coûtent 500 Cfa au Dispensaire et sont gratuites pour les femmes enceintes», a-t-elle révélé, avant d’annoncer que le mois de décembre 2014, le Poste à livré plus de 850 moustiquaires.
«Notre stock est épuisé. Pourtant, poursuit-elle, ce n’est pas moins de 850 moustiquaires qui nous sont venues du District sanitaire de Mbao. Mais tout le stock a été distribué», dit-elle, en admettant comme les populations que la Zac est envahie par les moustiques.
Dans tous les cas, “la situation est sous contrôle», rassure l’infirmière chef de Poste de santé de la Zac de Mbao sise à la cité Capec.
Les chemins croisés de l’ex-maire Mamadou Seck et des moustiques
Mais le moins que l’on puisse dire, c’est qu’à l’origine de ce «tsunami moustiquaire» dans la Zac de Mbao, se trouve en pôle position, le canal à ciel ouvert qui ceinture toute la zone. Long de plusieurs kilomètres, ce canal prévu pour l’évacuation des eaux pluviales, est devenu, en quelques années, un dépotoir privilégié d’ordures.
«Nous avons tout tenté en vain. Les populations continuent à y déverser des ordures et des eaux de ménage», se désole Mounass Diallo, demeurant à la Cité Capec. Longé sur plusieurs Km, ce canal est, par endroits, bouché. Transformé en véritable dépotoir, le constat est triste. Des tas d’immondices s’y amoncèlent.
Plein d’eau alors que le ciel n’a pas encore ouvert ses vannes, il est, en dehors des maisons non encore habitées, un lieu privilégié de pontes d’anophèles de moustiques. «Toute l’année, ce canal contient de l’eau», renchérit Sonia Diombatty, une habitante de la Cité Sagef.
En y jetant un coup d’œil, nous constatons des amas de larves de moustiques, des œufs qui vont éclore dans les prochaines heures et des milliers et des milliers de moustiques prêts à investir la zone, à la recherche du plasma pour leur survie. Face à cette situation, les populations interpellent la nouvelle équipe dirigeante à la Mairie de Mbao. Pour les débarrasser de cette “cellule terroriste” d’un genre nouveau. Une véritable bombe sociale.
«Du temps de Mamadou Seck, il y avait des opérations de saupoudrage, à la veille de chaque hivernage. Mais depuis l’arrivée de Macky Sall et le changement intervenu à la tête de la Mairie de Mbao, plus rien», ont martelé, pêle-mêle, plusieurs habitants interpellés, regrettant le choix porté sur le nouveau maire Pouye. «Il est seulement au service de Grand Mbao et de Keur Mbaye Fall», soupirent-ils.
Le Canal à ciel ouvert : la métastase cancéreuse de toute une Communauté
Trouvé dans son bureau, le tout nouveau Secrétaire de la Mairie, Amary, se désole de la situation, qu’il dit ignorer. Mais promet d’en faire part à qui de droit. «Je vais transmettre l’information au maire», a-t-il promis.
“Les Mairies sont au service des populations locales. Il ne serait en être autrement», indique-t-il, avant de révéler que les zones de Grand Mbao et de Keur Mbaye Fall ont été saupoudrées, l’année dernière, confirmant, du coup, «les soupçons des populations de la Zac Mbao quant à leur supposée mise à l’écart». Et de poursuivre : «Nous allons saisir le Service d’hygiène pour le faire».
Alors que la communauté musulmane observe actuellement le jeûne qui nécessite un repos dans la soirée, les populations de Zac Mbao font face à une «invasion de moustiques» qui les empêche de se prélasser normalement après la rupture. Elles sont contraintes de se morfondre sous les moustiquaires. D’où tout le sens qu’il faut donner au fait qu’elles réclament le curage du canal et le saupoudrage de la zone.
Gaston MANSALY (Actusen.com)