2016-02-03

A Dakar, les âmes sensibles doivent être choquées, par ces temps qui courent. La capitale sénégalaise a atteint un niveau inquiétant dans la forme et le style vestimentaire des jeunes. Garçons comme filles, la tendance est à l’érotisme ambiant. Les garçons, furie de mode ou fashions, sont devenus les adeptes de jeans slim ou très serrés.

Des bodys et tenues moulantes (dites près du corps) aux couleurs jaune, meuve, orange, rouge, rose…, en passant par les parures (bagues, bracelets scintillants, pendentifs) comme les jeunes filles, tout y passe.  Et depuis quelques jours, des sacs à mains dont le port a été initié par le chanteur, Wally Ballago Seck, défraient la chronique.

Un arsenal jadis réservé aux filles, désormais, disputé par les garçons. Au même moment, pour fuir la «concurrence déloyale», la gent féminine se lance au style et mode d’accoutrement indécents laissant entrevoir (toute) leur rondeur ou finesse. Parfois, certaines parties intimes de leur corps : le nombril, le bas ventre, les seins, les fessiers bien rebondis…

Entre laxisme des parents et irresponsabilité des jeunes devant nos us et coutumes, tout y est. Ainsi, dans le cadre de ses reportages sociétaux, Actusen.com plonge ses internautes dans un univers sens dessus-dessous où il est difficile de distinguer la bonne graine de l’ivraie. Les enfants de riches et de pauvres, les fils de la banlieue et du centre ville et…tous les couples de contraires. Reportage !

Début février 2016. L’horloge affiche 11 heures, au rond-point Liberté 6. L’ambiance est à son paroxysme. Ça bruit de partout. La pollution sonore tympanise le passant. Comme dans une foire,  le marché de circonstance, établi sur les lieux, grouille de monde. Sur les trottoirs, on fait comme on peut, pour se frayer un chemin. Par terre ou accrochée, sous les tentes ou à l’air libre, la friperie attire et fascine ses adeptes. Même les jeunes étudiants, sacs au dos et en partance pour les écoles de formation se trouvant dans la périphérie, ne sont pas en reste.

Ils se bousculent et se précipitent sur les articles à bas prix. La circulation est au ralenti. Comme à l’accoutumée, un bouchon interminable s’empare de la voie publique. En ce lundi matin. De l’autre côté, en direction du Camp militaire Leclerc, c’est le garage des clandos. Abdourahmane Diallo débouche d’un coin. Jeune, beau, élancé avec un regard perçant. Il est débrouillard exerçant dans les taxis bagages. Mais en «stand by» (lundi à notre passage) parce que (son) véhicule est tombé en panne.

En compagnie de son patron, ils discutent à haute et audible voix, le long du trajet. Evoquant, comme par enchantement, la tendance au style efféminé adopté, dernièrement, par certains hommes. Devant l’ampleur du phénomène, ils restent aussitôt sans voix devant l’inconnu. La preuve, interrogé sur la question, le patron a pressé le pas.

Ne voulant pas s’épancher, outre mesure, sur ce sujet,  il estime que c’est «méprisable» de voir les garçons avec des effets féminins. «C’est la perte de nos valeurs», lance-t-il avant de poursuivre son chemin, laissant derrière lui, son apprenti-chauffeur : Abdourahmane Diallo. Un jeune homme de taille moyenne. Teint noir. Emmitouflé dans un pantalon-court assorti d’un tee-shirt de couleur noire.

Abdourahmane Diallo: «Ces mauvaises et honteuses façons de s’habiller sont à bannir de notre société»

Vrai gentleman, comme l’indique son physique, Abdourahmane Diallo condamne, avec la dernière énergie, la féminisation des «goor» (Ndlr: garçons). «Lorsqu’on porte un nom d’homme, il faut agir comme tel et le démontrer. Que ce soit dans l’habillement, la façon de parler et…de se comporter. Nous sommes au Sénégal. Un pays à majorité musulmane dont la foi ne tolère pas, alors pas du tout au même titre que les autres religions, ces attitudes. Ces mauvaises et honteuses façons de s’habiller sont à bannir de notre société», flanque-t-il.

Notre interlocuteur ne décolère pas contre les adeptes de port vestimentaire des garçons au style féminin. «Au fil du temps, ils vont tous se mettre à porter des jeans serrés appelés “ «pinw», de petits débardeurs ou hauts avec des couleurs, des bijoux, des chaînes pour femmes”. En ce moment, “rien ne pourra les faire changer. Ce n’est pas un bon exemple pour les enfants», condamne notre interlocuteur, qui met aussi les filles, dans le même sac à salade que les garçons.

«Elles (filles) s’habillent très mal et n’importe comment. Parfois, les parties intimes dehors. Ce n’est pas normal», dénonce-t-il, tout en sueur, à force de descendre en flammes les accrocs de cette mode vestimentaire. Non loin de là, près de la Station Total du rond-point Liberté VI, il est presque midi. Les rayons solaires commencent à piquer. C’est le moment que choisit Adja Marième, pour faire son shopping.

Son fils de trois (3) ans, revenu de la garderie d’enfants, est à ses côtés. Elle achète des baskets à son boudchou.  Une belle dame au teint marron. Habillée d’un «abaya vert menthe» (tenue traditionnelle arabe) avec un sac crédité Céline, très à la mode ces temps-ci, elle prend tout son temps pour bien choisir ses articles.

Adja Marième : «Certains garçons ne sont attirés que par les affaires de filles. C’est comme ça que l’homosexualité commence»

La quarantaine dépassée, Adji Marième est responsable marketing dans une société de la place. En attendant le mot efféminé, son visage rayonnant au départ,  se fade ; elle change brusquement de ton et se confie.

«C’est vrai que le monde a changé. Mais tant qu’on ne préserve pas nos valeurs, on file tout droit dans le mur ; avec à la clé, la perte de nos traditions. Certains garçons ne sont attirés que par les affaires de filles. C’est comme ça que l’homosexualité commence. C’est à craindre si on n’y prend garde», révèle-t-elle.

Selon elle, c’est en forgeant qu’on devient forgeron. Puis, Mme Diop Adja Marième d’alerter : «à force de porter les jeans slims des filles, les hauts tout près du corps, des bas ou des sacs (elle hoche la tête comme pour marquer ses regrets). Ils vont ensuite se comporter comme des femmes ; et enfin, ils se prendront comme tel. Tout le monde connait la fin. Ils voudront être avec des hommes parce que, dans leur tête, ils pensent être des femmes. C’est psychologique», avertit-elle, l’air découragé, face à ce phénomène qui prend, de plus en plus, d’ampleur.

A l’en croire, on ne doit pas laisser les jeunes faire ce qu’ils veulent. C’est ainsi qu’elle prône la contribution de la sagesse des personnes adultes. «Ce sont les personnes âgées qui doivent agir. Car les jeunes ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. Il faut les arrêter et peut-être interdire l’importation de ces «fichus habits», ajoute-t-elle. Poursuivant son réquisitoire de feu, Adja Marième tempête : «même au bureau, les jeunes femmes portent des habits très indécents qui laissent apparaître des parties de leur corps. Ce n’est pas normal”.

«Même au bureau, les jeunes femmes portent des habits très indécents qui laissent apparaître des parties de leur corps. Ce n’est pas normal”

“Un cadre de travail est différend d’une salle de soirée dansante. Ne parlons pas de ce qu’elles portent dans la  rue.  C’est affreux», se désole-t-elle avant d’affréter un taxi pour rentrer.

Pour tâter le pouls du port vestimentaire qui fait souvent frissonner plus d’un, Actusen.com s’engouffre à bord d’un taxi et sillonne quelques endroits très fréquentés de la capitale. Dans les rues de Dakar, les hommes et les femmes que nous dépassons, sont le plus souvent des élèves ou des étudiants. Ils sont parmi ceux qui adorent le plus, ces genres d’habillements. Eux qui se disent, branchés.

«Ces choses ne font pas partie de notre culture, on nous les a imposées, et comme des moutons, nous en usons et en abusons»

A Castors, on rencontre un ancien transitaire à la retraite, depuis 2009. Acceptant de se confier à Actusen.com, que sous l’anonymat, notre interlocuteur, qui se déplace péniblement du fait de son âge, est vêtu d’une chemise bleue de nuit et d’un pantalon super cent gris. Un lot de  journaux, il pense que «ce sont les parents, qui ont laissé faire. Ils n’ont plus le temps d’éduquer leurs enfants. Même s’ils voient quelque chose de mal, ils se taisent, au lieu d’administrer à leurs progénitures la correction qui sied, sous le prétexte de l’amour parental”.

Or, conseille-t-il : “l’amour n’empêche pas d’inculquer de bonnes manières à son enfant. Le minimum qu’ont puisse faire, c’est de bien l’éduquer, selon nos valeurs et notre culture». Dans la foulée, ce sexagénaire estime que «ces choses ne font pas partie de notre culture.  On nous les a imposées et comme des moutons, nous en usons et en abusons. Alors qu’on dit que tout excès est nuisible”.

Très préoccupé par la tournure prise par le port vestimentaire ô combien osé, il embraie : “on veut imiter les Occidentaux, mais ils ne s’habillent pas de la sorte. Un garçon toubab ne s’habille pas comme une fille. Tout comme la jeune toubab s’interdit de se promener avec des habits extravagants, en plein jour comme ça se passe chez nous. Nos garçons et filles confondent tout. Je condamne  fermement les hommes efféminés. Il y en a  qui font des pose-ongles», dénonce-t-il.

“On veut imiter les Occidentaux, mais ils ne s’habillent pas de la sorte. Un garçon toubab ne s’habille pas comme une fille”

Mais comment faire pour mettre fin à ces ports vestimentaires qui frisent, parfois, le dégoût ? Aucune alternative, croit savoir le sexagénaire. «Ce sera très difficile. L’Etat ne peut pas les obliger à adopter un style vestimentaire calqué sur la religion, parce que le Sénégal est un pays laïc. Et chacun a le droit de vivre, comme bon lui semble. Ce, dans la mesure où ça n’offusque autrui ni perturbe la conscience des autres. C’est la famille qui doit jouer le premier rôle», affirme-t-il.

La nuit, tous les chats sont gris, dit-on. Et les filles se métamorphosent, dès le coucher du soleil. «Depuis quelques années, je ne sors plus la nuit. Mais la semaine dernière, vers 21 heures, j’étais dehors, à cause d’une course. J’ai vu de petites filles avec des bouts d’habits, des torchons, allait-on dire», s’étonne notre interlocuteur. Pour lui, “ce n’était pas possible dans le passé. Tellement qu’elles étaient très sexy et presque dénudées. La journée, la plus part d’entre elles font les timides, les saintes dans le quartier», narre-t-il, invitant à un réveil des consciences.

Zeyna Ndour : «une femme doit respecter son corps pour gagner la considération des autres»

Quant à Zeyna Ndour, c’est l’irresponsabilité de certains parents qui est à décrier. «Ils ne leur (enfants) font aucun reproche, même si leurs enfants commettent des bêtises», martèle-t-elle.

Rencontrée au rond-point de Colobane, la vingtaine sonnée, taille fine, Zeyna respire la forme. Sa tenue traditionnelle taille  basse en wax, fait ressortir la valeur de la femme africaine. Sérère bon teint, Zeyna est étudiante dans une Université de la place.

«J’ai une amie qui a «massacré» beaucoup de ses pantalons pour en faire des jeans déchirés ; et ses body, en «jumbakh out» ou nombril dehors. Sa mère ne lui a rien dit. Elle ne la gronde même pas. Moi, si je fais ça, ma mère va me tuer et elle m’a appris qu’une femme, doit respecter son corps pour gagner la considération des autres», insiste-t-elle.

Revenant à la charge, Zeyna Ndour explique : «au marché, on ne vend que des pinw (pantalons serrés) et des body près du corps avec des couleurs vives pour les hommes. Les vendeurs sont aussi responsables. C’est vrai qu’il faut gagner de l’argent, mais vendre ce qui est mieux pour la population, vaut dix mille fois que pousser à la dépravation vestimentaire. Les stars ne doivent pas pervertir nos jeunes filles et garçons», tranche-t-elle, tout de go, en se disant «étonnée par le comportement des jeunes de la capitale dits branchés».

Ousseynou : «si nous savons que nous ne sommes pas des p…, peu importe ce que les autres pensent de nous»

Ceux qui s’adonnent à ce port vestimentaire décrié par certains, depuis l’affaire Wally Seck, apportent la réplique à leurs contempteurs. A Colobane toujours, chez les vendeurs d’habits,  il est 15 heures. La température est élevée. La chaleur importune.  Ousseynou, sans autres précisions, un jeune homme dans un pantalon slim orange, avec des espadrilles noires, le tout assorti à son body rouge, est dans sa boutique de prêt à porter pour Hommes. Il s’y est établi depuis 2009.

«On n’oblige personne à acheter. On sait que ça marche. C’est pourquoi on vend les habits tant décriés. Si nous savons que nous ne sommes pas des p…, peu importe ce que les autres pensent de nous. Quand je sors, tout le monde me regarde. Je suis à la mode. J’aime ça et  j’assume mon style», se défend-il, sous les applaudissements de ses camarades qui le supportaient.

Si le malheur des uns fait le bonheur des autres,  les vendeurs de  ces habits jugés trop sexy, ne se plaignent pas. Mais au nom du respect des valeurs qui sous-tendent notre société, vivement que les deux sexes, chacun en ce qui le concerne, respecte le port vestimentaire qui lui est dévolu !
Aissatou BATHILY (Actusen.com)

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