En deux ans d’existence, le Fonds de Garantie des Investissements Prioritaires (FONGIP) a fait de grandes réalisations dans son domaine, mais méconnu, en raison de la politique du silence adopté par sa Direction. Aujourd’hui, l’Administrateur Général du Fonds, Doudou Ka, étale les réussite et annonce les défis à relever. Une occasion pour se responsable de l’Alliance pour la République (APR) à Ziguinchor d’analyser la situation politique locale et nationale.
La structure existe depuis des années mais elle est méconnue du public. Quels sont les atouts, objectifs et le travail du FONGIP ?
Je vous remercie de l’opportunité que vous m’offrez de communiquer sur le FONGIP. En fait, notre jeune institution n’existe que depuis deux ans et demi suite au décret du Président de la République du 17 mai 2013. Et moins de 9 mois après une création ex nihilo, nous étions opérationnels et démarrions nos activités, le 27 mars 2014, jour de notre premier Conseil d’administration. Et quand on connaît l’État, il s’agit d’une véritable performance. Depuis nous nous efforçons d’axer notre communication sur des résultats probants. Vous savez nous sommes dans le temps de Macky Sall, celui d’un ingénieur. Lequel est donc celui de l’ingénierie, des innovations et des résultats…pas celui du « bla-bla ».
Des innovations dans l’ingénierie financière, je vais y venir, mais aussi dans l’ingénierie sociale avec les Bourses de Sécurité Familiale ou la Couverture maladie universelle. Le FONGIP fait parti de ses innovations majeures du Président Macky Sall, elles sont certes plus longues et complexes que la construction de routes ou de bâtiments mais plus durables. Je suis financier mais ingénieur des ponts avant tout et je vous l’affirme. Le FONGIP est l’un des outils d’un dispositif global de souveraineté économique que le président de la République construit pour financer l’économie réelle et notamment l’agriculture et le BTP.
A côté d’institutions existantes, la Caisse de Dépôt et Consignation (CDC), la Banque de l’Habitat du Sénégal (BHS) ou la Caisse Nationale de Crédit Agricole, dont les missions ont été clarifiés, le Chef de l’Etat a créé le FONSIS pour investir dans le développement de projets stratégiques pour l’Etat, la BNDE pour disposer d’une banque dédiée aux PME/PMI et le FONGIP donc, pour faciliter l’accès aux crédits des institutions financières aux porteurs de projets : les micro, petites ou moyennes entreprises et industries ou les GIE de femmes ou de jeunes.
Quelle est la spécificité du FONGIP par rapport aux autres structures que vous venez de citer ?
Le FONGIP est un dispositif complexe et nous devons faire preuve de beaucoup de pédagogie. En gros, la différence est que les autres financent ou cofinancent directement alors que nous non, nous travaillons à faciliter l’accès au crédit à un coût raisonnable des banques et des institutions de micro-finance. Notre intervention est indirecte, c’est essentiel de le comprendre. Le problème de fond de l’économie, c’est le gap de financement des entrepreneurs estimé à 500 Milliards de FCFA par an. Le défi est de combler ce gap en faisant jouer pleinement à chacun son rôle et en particulier, aux institutions financières privées qui disposent de la plus grande capacité de financement.
80% des demandes des PME sont rejetées par les banques. 50% le sont par manque de garantie et 30% du fait de dossiers incomplets et non bancables. Par ailleurs, les institutions de micro-finance qui joue un rôle essentiel pour notre économie majoritairement informelle, font face à un gap de 40 Milliards F CFA environ par an. Voilà dessiné nos trois missions fondamentales pour faciliter l’accès au crédit. D’abord, proposer des garanties pour les PME/PMI, ensuite refinancer le secteur de la micro-finance et réduire les taux d’intérêts pratiqués à moins de 8% pour toucher des publics spécifiques, notamment les ruraux, les artisans, les GIE de femmes et de jeunes et enfin, en lien avec d’autres partenaires publiques, mettre en place un dispositif d’accompagnement national avec les Organismes Techniques Réseaux (OTR) privés en amont et en aval. C’est une grande nouveauté, une véritable valeur ajoutée pour aider des entrepreneurs qui ne disposent pas forcément des compétences financières et ne parlent pas le même langage que le secteur bancaire, contrairement à nos équipes.
Tout à l’heure vous avez évoqué la communication de résultats, qu’avez vous concrètement réalisé depuis que vous avez commencé ?
Je ne pourrais malheureusement pas être exhaustif. Je vous donne rendez-vous à la fin de l’année pour une présentation exhaustive de ses résultats avec nos partenaires et des retours d’expérience dans le cadre d’ateliers de partage. Un rendez-vous public de justification de l’usage des fonds publics comme dans les plus grandes institutions financières internationales du monde.
Mais quelques chiffres : nous disposons de 14 milliards F CFA de fonds propres, à ce jour, ayant permis, en deux ans et demi d’activités, à 400 GIE de femmes et de jeunes sur 28 départements d’accéder aux financements des Institutions de Microfinance, grâce à notre refinancement pour 2, 5 milliards de F CFA. Par exemple, pour le premier réseau Sud, le premier ouvert sur les 6 qui couvrent le pays, celui de la Casamance naturelle, c’est environ 360 millions F CFA, pour le réseau Centre, c’est prés 260 millions F CFA ou pour le réseau Ouest Littoral (Dakar, Thiès), c’est 630 millions F CFA.
Pour l’accompagnement, plus de 12 000 personnes ont été accueillis, 5500 dossiers reçus sur lesquels près de 1600 dossiers ont été structurés par nos ingénieurs financiers et transmis aux banques partenaires pour un volume de financement requis de 23 milliards F CFA. Près de 100 PME/PMI sur 18 départements, ont déjà acquis des financements bancaires pour plus de 8 milliards FCFA grâce à notre garantie et notre accompagnement. Par exemple, à THIES la Nouvelle Société Textile du Sénégal (NSTS), a redémarré ses activités, grâce à notre garantie partielle et un financement de 815 millions F CFA, à Saint Louis, la pisciculture « WASS WALO » a pu se lancer pour un financement de 115 millions F CFA. A Fatick, une industrie de Biscuterie « SenTurc » a ouvert grâce à un financement de 243 millions F CFA avec la BNDE, ou à Dagana, 36 producteurs agricoles dans la riziculture de la vallée du fleuve ont acquis un financement pour prèsde 500 millions F CFA avec la CNCAS.
Qui octroie tous ces financements?
Ce sont les institutions financières. D’une part, pour les financements des GIE de femmes et de jeunes, nous sommes en partenariat avec un certain nombre de Systèmes de financement décentralisé (SFD) notamment UIMCEC, CAURI MICROFINANCE, PAMECAS pour couvrir le territoire national et les publics cibles. D’autre part, pour les financements bancaires, le FONGIP est en partenariat avec près de 15 banques de la place dont la BNDE, la CNCAS ou la CBAO qui ont adopté notre modèle de garantie partielle qui les impliquent dans le risque, chacun jouant son rôle. La bancabilité du projet est le critère principal de la décision de financement par le SFD ou la banque. Il est la garantie que l’accès au crédit ne sera pas politisé. C’est un élément clé de la transparence, le risque est partagé et les passe-droits impossibles, car la banque engage ses ressources privées.
Avez-vous mesuré l’impact de ces financements ?
Oui, même si tout n’est pas encore mesurables car c’est encore trop tôt après une première année et demi de financement. Mais le premier impact est que sans la garantie FONGIP, ces structures ne se seraient certainement pas financées, comme plus de 80% des PME/PMI. Deuxième impact, notre rôle dans l’atteinte des objectifs du Plan Sénégal Émergent (PSE) par exemple, celui dans l’agriculture et l’autosuffisance de production d’oignons. Ainsi l’interprofession des producteurs d’oignons bénéficient, grâce au FONGIP, d’un financement important pour couvrir le gap de 4 milliards F CFA nécessaires pour atteindre cette autosuffisance en 2018. Autre impact, l’emploi : nous savons que nos actions ont permis de générer plus de 15 000 bénéficiaires grâce aux GIE de femmes et jeunes et aux PME/PMI, sans compter les 90 000 acteurs dont l’activité est confortée dans la filière oignon.
Le constat est que tous les fonds qui ont été mis en place n’ont pas pleinement joué leurs rôles. Y’a-t-il des garde-fous dans la gestion du FONGIP ?
Effectivement et c’est d’ailleurs, l’expérience du passé qui nous a permis de construire un modèle de fonds où la totalité de l’analyse du risque n’est pas laissé aux banques. C’est l’une des causes des échecs passés, d’où notre modèle de garantie partielle et notre pôle interne de gestion des risques financiers des différents projets et programmes. A titre d’exemple, en moyenne, aujourd’hui nous approuvons 60% des dossiers envoyés par les banques pour maîtriser également les risques de défaut. Le deuxième point c’est le dispositif de suivi qui n’existaient pas et réduit les risques en amont et en aval pour anticiper les décrochages.
C’est une sécurité pour conserver les fonds propres à long terme à l’instar du modèle Canadien puisque nous avons fait un benchmarking très poussé pour trouver un modèle propre au Sénégal. Nous n’avons pas de défaut, pour l’heure après la deuxième année. C’est normal, car c’est encore tôt, mais nous visons en vitesse de croisière un risque de défaut inférieur à 5% par an, grâce notamment au mécanisme de suivi. A titre de comparaison, au Maroc et en Tunisie, il tourne à environ 20% de défaut sans mécanismes de suivi. Je rappelle que le défaut FPE était à plus de 70% de défaut.
Il y a des résultats probants. L’État a-t-il prévu un accompagnement financier pour vous permettre de disposer de plus de ressources ?
L’Etat et en particulier, notre ministère de tutelle, celui des finances, font des efforts importants. Ainsi, dans le Programme triennal d’investissement prioritaire (Ptip) avant 2018, il est prévu 15 milliards F CFA supplémentaires. Nous pourrions donc atteindre 30 milliards F CFA de fonds propres et l’objectif stratégique de 50 milliards F CFA, si nous levons 20 milliards F CFA par ailleurs.
Or, nous avons finalisé notre Plan stratégique 2016-2020 et parmi nos objectifs, figurent notre transformation institutionnelle en SA pour avoir un agrément de la BCEAO, qui, si elle est réalisée et acceptée par les autorités, permettrait d’avoir plus rapidement les moyens de lever les financements externes complémentaires pour atteindre notre taille critique. Le modèle du FONGIP est celui permettant d’avoir un effet levier, aujourd’hui environ de 2 et à moyen terme, de 5 au minimum. Donc avec 50 milliards de FCFA, notre capacité de mobilisation serait de plus de 250 milliards F CFA de financement pour l’économie réelle et les PME/PMI notamment. C’est dire que plus vite nous y serons plus fort sera l’impact. Donc, l’état fait beaucoup, même si nous voulons aller plus vite compte tenu des très fortes attentes de financement enregistrées auprès du FONGIP qui sont estimés à 180 milliards F CFA.
« 15 milliards de F CFA de fonds propres ont permis à 400 GIE, sur 28 départements, d’accéder aux financements… »
Quel est le lien entre le FONGIP et le Programme d’urgence de développement Communautaire (PUDC) ?
Je suis heureux et fier de voir que le FONGIP est la seule structure publique de l’État qui a été copté par le PNUD pour exécuter la composante « Entrepreneuriat rural » du PUDC, dans le cadre d’un contrat de deux ans ou 4 milliards F CFA seront octroyés aux Systèmes Financier Décentralisé pour financer les activités de ces groupements ruraux de femmes et des jeunes. C’est une grande marque de confiance pour notre jeune institution et notre modèle. D’autres institutions de l’État nous font également confiance en nous transférant la gestion de sous fonds dédiés, notamment l’ANPEJ, le Ministère en charge : de l’industrie, de l’artisanat, de l’entrepreneuriat féminin, des PME et du secteur informel ou de l’habitat.
Vous êtes responsable de l’Alliance pour la République à Ziguinchor mais votre leadership local tarde à s’affirmer. Qu’est-ce qui bloque ?
Euhh ! Vous savez j’ai démarré mes activités politiques à Ziguinchor en janvier 2013 et j’ai déjà eu l’honneur d’occupé la tête de liste départementale et de partager celle locale lors des élections locales de 2014. Nous ne sommes pas si nombreux parmi les jeunes dans ce cas pour les grandes villes politiques du Sénégal. En face, nous avions Abdoulaye BALDE (leader de l’union des centristes du Sénégal et maire de Ziguinchor) qui a eu à occuper des hautes fonctions dans l’Etat et à s’engager depuis 2004 pour gagner la ville en 2009 et la conserver face à nous, l’an dernier. Nous avons perdu, mais nous n’avons pas démérité.
Notre union au sein de l’APR a été trop tardive, nous sommes fautifs et l’avons payé. Mais je pense avoir largement fait ma place au sein de ma famille politique et si Abdoulaye Baldé est aujourd’hui si fébrile je pense ne pas y être étranger. Nous avons perdu, mais à mon niveau, je travaille pour participer à renverser la tendance, car l’enjeu c’est la réélection de Macky Sall. Aujourd’hui, 43 maires de communes issus de l’Apr, du Pds, du Rewmi, de l’Ucs, du Tekki m’ont fait l’honneur de me choisir pour diriger le « Mouvement And falaat Macky Sall ak Doudou Kâ» pour l’émergence de la Casamance, c’est une fierté et une grande responsabilité.En face Abdoulaye Baldé, en tant que maire de la capitale du Sud, n’a pas plus de 5 maires derrière lui. Donc la dynamique politique que j’anime est belle et bien de notre côté et les attaques dont je fais l’objet de toute part, ne sont pas étrangères à cela. Abdoulaye Baldé n’est désormais pas seule en Casamance naturelle.
Abdoulaye Baldé a un adversaire en votre personne, mais vous avez aussi des rivaux en votre sein, comme Benoît Sambou, Souleymane Jules Diop. Pourquoi toute cette animosité entre vous au lieu de vous souder ?
J’axerai plus mon propos sur Abdoulaye Baldé, parce que je ne considère pas les autres comme des rivaux. Il y a certes des tendances, comme dans chaque famille politique, mais mon principal rival aujourd’hui en Casamance c’est Abdoulaye Baldé et c’est le rival de toute ma famille politique. Je vous ai donné des éléments qui étayent mon propos.
Mais on essaie souvent de vous mettre les bâtons dans les roues, ce qui risque de vous affaiblir ?
C’est normal, je sais encaisser les coups et en donner… Cela prouve simplement que j’avance et que c’est très bien pour la famille. Il faut des locomotives, j’assume très bien ce rôle et le camp de Abdoulaye Baldé ne s’y trompe pas. Quant à nous nous allons dépasser nos petites divergences, parce que l’enjeu, le seul, c’est la réélection du Président Macky Sall. Abdoulaye Baldé s’est positionné comme un farouche opposant qui critique en continue les actions de Macky Sall. Mais je lui dit toujours que sa position de chef de parti n’est pas un statut.
A mon sens, le statut de maire est beaucoup plus valorisant, d’autant qu’on peut être chef d’un « parti cartable ». D’ailleurs, il est absent de Ziguinchor. Il doit d’abord convaincre les populations de Ziguinchor, avant de prétendre à quoi que ce soit au niveau national. Nous ne sommes pas convaincus par sa vision. D’ailleurs il n’en a même pas. Il n’est même pas capable de gérer l’hivernage, de prévoir le curage des caniveaux pour épargner la ville des inondations. Macky Sall n’est pas son égal.
Vous avez parlé tantôt de la réélection du président. Là vous êtes dans la coalition Benno bokk yakaar. Est il possible que Macky Sall soit le candidat de la coalition, croyez vous en la sincérité de vos alliés ?
Le premier allié du président de la République, ce sont ses résultats. La première alliance, c’est avec les citoyens. Donc, c’est son bilan et la dynamique dans laquelle sera le pays qui vont être plus déterminant. C’est ce qui permettra sa réélection au premier tour. A ce titre, quelle que soit la date de ces élections, 2017 ou 2019, nous sommes très confiants. Car les résultats parlent et parleront d’eux mêmes. Les projets structurants sont en place. Sa politique sociale est une révolution. Une de mes parentes de Cabrousse qui a 63 ans me disait que depuis qu’elle est née elle n’a jamais reçu un franc de l’État. C’est grâce à Macky Sall qu’elle reçoit un transfert direct de l’État du Sénégal, avec les bourses familiales. C’est maintenant qu’elle se sent sénégalaise à part entière. C’est très important.
Comment appréhender la prochaine présidentielle et quel doit être la démarche de l’APR et de Macky Sall ?
Notre logique est de rassembler d’abord les responsables de l’alliance pour la République (APR). Nous devons nous unir pour dépasser certaines contradictions internes. Renforcer la coalition « Macky 2012 » et aller vers plus d’ouverture à l’égard de Benno Bokk Yakaar (BBY) et de tous les mouvements, partis et alliances qui sont dans la mouvance présidentielles pour aller vers ces élections. Je le crois sincèrement. Cette alliance va se faire autour du PSE. C’est cela la vraie alliance. Pour nous, c’est le plus important. D’autant plus qu’en face, il y a rien du tout, il n y a pas de projets. L’autre (Khalifa Sall), je lui dis que « Beugue Dem, Takhoula Dem, Meuna Dem Mooy Taxa Dem ». Pour Baldé, c’est une question de crédibilité et de niveau. Quant à Idrissa Seck, chacun sait qu’il ne rêve que d’être Khalife à la place du Khalife. Il ne constitue pas une alternative pour l’émergence du Sénégal.
L’Observateur