2016-01-05

S’il y a un responsable de l’Alliance pour la République (APR) qui se dit déçu de la manière dont la politique se pratique dans ce pays, c’est le député Abdoulaye Ndiaye. Dans cette interview accordée à Actusen.com, le coordonnateur de l’APR à Grand Yoff se dit surpris par le comportement de certains de ses camarades de Parti, en particulier Mimi Touré, depuis leur débâcle lors des dernières élections locales face à Khalifa Sall.

Après avoir défendu l’ancienne Premier ministre, avec bec et ongle, contre ses détracteurs, Abdoulaye Ndiaye éprouve, aujourd’hui, le sentiment d’avoir été trahi par cette dernière. Ayant ‘’pris (ses) distances avec Mimi Touré’’, le député de l’APR veut partir sous de nouvelles bases, pour relancer son Parti à Grand Yoff .

D’autres questions d’actualité ont été abordées comme les remous à l’Assemblée, le référendum, l’affaire Lamine Diack…

Que retenez-vous du discours à la Nation du Chef de l’Etat du 31 décembre 2015?

J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt le message du Chef de l’Etat qui est très cohérent et  objectif. Je voudrais faire quelques précisions par rapport à la compréhension qu’ont certains Sénégalais du discours à la Nation. En vérité, c’est une présentation de vœux au cours de laquelle le Chef de l’Etat donne des signaux ou fait des projections. Il a abordé des questions importantes qui ont répondu à nos attentes

Le Président a promis de consulter les Sénégalais par rapport à 15 points inscrits dans le projet de réformes institutionnelles dont la réduction de son mandat.

C’était une attente très forte. La classe politique n’a cessé d’interpeller le Président sur cette question. Aujourd’hui, c’est chose faite. Mais il y a souvent des gens qui font de la politique politicienne. Au lieu de s’estimer heureux, ils demandent à quand la date.

Mais le plus important ici, c’est de connaitre la date du référendum….

Le Président de la République est la première institution. Et qui dit institution, dit dispositif organisationnel. Accordons à ses collaborateurs le temps de choisir la bonne date.

Certains soupçonnent le Président de chercher à gagner du temps, afin de surprendre son opposition.

Nous sommes dans un pays organisé. Il va de soi qu’on peut penser à-tout. Ce que nous attendions du Président, c’est qu’il décline un projet par rapport à cette question brulante. Et il l’a fait.

L’Assemblée nationale connait, cette année, des remous liés à la bataille pour le contrôle du Groupe parlementaire ‘’Libéraux et Démocrates’’. L’opposition accuse le Pouvoir d’être derrière cette affaire.

Cette affaire ne m’a pas trouvé sur place. J’étais en mission à Johannesburg au Parlement africain. A mon avis, c’était un non-événement. Qu’est-ce qui s’est passé, réellement ? Il y avait un Président (Modou Daigne Fada) qui était là pendant 3 ans. Il n’a jamais été question de poser ce débat. Il a fallu qu’au niveau de leur Parti (Parti démocratique sénégalais), il y ait un problème, pour que cette question soit posée. Malheureusement, au niveau de la démarche, ils se sont fourvoyés.

Comment ?

Il fallait envoyer une lettre  au bureau de l’Assemblée nationale. Qui était habilité à envoyer cette lettre ? Dans quelle condition était écrite cette lettre ? Au nom de qui elle était écrite ?  Voilà autant de questions auxquelles il fallait trouver des réponses.

En disqualifiant la liste de Aida Mbodji, l’opposition pense  que vous avez favorisé  Modou Diagne Fada

A quelle fin ? Si Fada reste Président du Groupe parlementaire, qu’est-ce qui va changer dans nos rapports?

Fada serait plus ‘’gérable’’ que Oumar Sarr …

Ce sont des gens que je connais. Encore une fois, c’est un non-événement.

Quand même, c’est une situation inédite dans l’histoire parlementaire du Sénégal…

C’est une affaire interne qui ne concerne pas l’Assemblée nationale. Ces gens-là (les libéraux) ont été très malins, en déplaçant le problème au niveau de l’Assemblée nationale.

Des bonnes volontés sont en train de mener des médiations pour rapprocher les deux camps. Votre commentaire ?

Tout ce qui participe à l’union de cœurs et à la stabilité de l’institution, je suis partant. Dans la vie, quand on a occupé de hautes responsabilités, on doit s’interdire certains comportements. La République, ce n’est pas le marché. Aujourd’hui, on voit d’anciens ministres se comporter d’une certaine manière qu’on se demande finalement à quoi sert d’être un haut dignitaire dans ce pays.

Qu’est-ce que vous pensez de l’arrestation de votre collègue député, Oumar Sarr ?

Oumar Sarr est un député, en plus d’être coordonnateur d’un Parti. Il y a une situation qui s’est posée, il a agi. A ce que je sache, il est poursuivi pour faux et usage de faux. D’après les informations que j’ai reçues, il a écrit un Pv du Bureau politique de son Parti, alors que le Parti ne s’est pas réuni. Ça,  c’est du faux. Ensuite, il a fait des déclarations incendiaires.

Son avocat juge son arrestation illégale, car l’Assemblée nationale étant en session, il bénéficie d’une immunité.

S’il s’agit d’un flagrant délit, il ne bénéficie pas d’immunité. C’est le Règlement intérieur de l’Assemblée qui le dit. Laissons, maintenant, la Justice faire son travail. La question qu’on doit se poser, c’est de savoir si  quelqu’un qui a pratiqué l’Etat a le droit de s’adresser aux populations d’une certaine manière ? Même si on est opposant, il faut civiliser les rapports.

Qu’est-ce que vous pensez de l’affaire Lamine Diack ?

Le reproche que je fais aux grandes puissances, c’est que quand on est noir et qu’on arrive au sommet de la pyramide, on te crée des problèmes à la fin de ton mandat.

Mais Lamine Diack a avoué avoir reçu l’argent des Russes, durant son audition…

Combien gagnait Lamine Diack à l’IAAF? D’après mes informations, il avait près de 100 millions par mois, en plus des avantages. Qu’il puisse donner aux Assises nationales 10 millions F Cfa, où est le problème ? Ce que je déplore dans cette affaire, c’est l’attitude de la presse.

Pourquoi ?

Quand vous recevez une information venant de l’étranger, vous devez, d’abord, vérifier la fiabilité de l’information. Pourquoi cette information a jailli, au moment où leur compatriote a fait pire et il le protège. Je parle de Michel Platini.

Platini a été sanctionné et tout le monde en a parlé.

C’est minime par rapport à l’affaire Lamine Diack

Mais nous, c’est Lamine Diack qui nous intéresse.

Pourquoi le journaliste, qui a donné l’information, s’est dédit le lendemain ? Il dit que c’est son patron qui a rajouté le nom du Président Macky Sall. Presque tout le débat au Sénégal tournait autour de ça. C’est une erreur grave. Macky Sall est une institution.

Depuis votre défaite aux élections locales, on vous entend moins. Comment se porte, aujourd’hui, l’APR à Grand Yoff ?

L’APR de Grand Yoff se porte très mal. C’est une situation qui est née d’un comportement intempestif de certains responsables qui se croient tout permis.

Qui sont-ils ?

Je ne citerai pas de nom. En tout cas, si on interroge l’histoire récente de Grand yoff, nous étions la première entité politique à disposer d’un  cadre opérationnel, qui s’appelait la Coordination dans laquelle tout le monde évoluait. C’était mon initiative. Nous sommes aussi la première Commune à organiser des conférence-débats. Je me rappelle toute la crème du Parti se déplaçait pour venir à Grand Yoff.

Après les élections législatives, un groupe a jugé bon de se retirer et de créer une autre tendance.

Quel est ce groupe ?

C’est le groupe de Adama Faye (sœur de la Première Dame). Ce sont ces mêmes personnes, qui ont poussé Adama Faye a faire bande à part, qui se sont ensuite ligués avec Aminata Touré. A l’approche des élections, nous avons scellé l’unité. Après les Locales, il y a encore fissure. Cheikh Bakhoum et Adama Faye sont sortis du cadre. Moi, j’ai considéré qu’il fallait continuer cette nouvelle expérience-là. Malheureusement, au bout de quelques mois, je me suis rendu compte que les mêmes démons nous poursuivent. Et c’est ce même groupe encore qui a commencé à me mettre les bâtons dans les  roues.

L’exemple patent, c’est la journée d’études que j’avais organisée autour de la problématique de l’APR à Grand Yoff. C’était vraiment honteux de voir ce groupe faire un complot contre moi devant l’envoyé spécial du Parti.

Qui sont-ils ?

C’est le groupe des Nancy Dème (sœur de Birame Faye) et Moussa Sané.

Qu’est-ce qu’ils ont fait, concrètement ?

Au lieu de donner un point de vue sur les recommandations issues de cette Journée, ils ont préféré m’attaquer sans raison.

Ils vous reprochent le manque d’animation dans le Parti

Aujourd’hui, il n’y a pas coordination. Mais jusqu’à la veille des élections locales, la Coordination, que je dirigeais, faisait de l’animation à Grand Yoff. Et tout le monde peut en témoigner. La COJER nationale avait lancé le slogan ‘’La mairie aux jeunes’’. Les Bakhoum (Cheikh) ont pensé que l’heure était venue de s’approprier la Mairie. Il y avait un  malentendu, ils sont partis. C’était une occasion de dire qu’on n’a rien fait. Mais la suite nous a donné raison.

Ce qui est important, c’est que, tout de suite, après cette Assemblée générale, je me suis rendu compte que ma place n’est plus dans ce groupe. Et comme je vis à Grand Yoff, et que j’ai eu à faire des choses intéressantes sur le plan social, je suis retourné à mes anciens amours : la citoyenneté. J’ai mis en place, avec des camarades, ‘’Grand Yoff dou dess guinaw’’.(Grand Yoff ne sera pas à la traine)

Quel est son but?

Ce Mouvement est d’abord citoyen. Il est ouvert à toute la population. Notre objectif est de créer un cadre, qui va permettre à toutes les forces politiques et sociales de se réunir autour de la problématique de la Commune. Sous peu, nous allons réanimer le Parti, mais avec un autre slogan :’’L’APR pratiquée autrement’’.

Vous avez été très proche de l’ancienne Premier ministre, Mimi Touré. Aujourd’hui, quels sont vos rapports

Vous avez raison. J’étais très poche de Mimi Touré et j’avais eu à prendre des positions qui n’avaient pas plu à certains responsables du Parti. Aujourd’hui, j’ai pris mes distances avec elle (Mimi Touré).

Pourquoi ?

Le moment venu, je vais m’adresser aux populations de Grand Yoff. Ce qui m’importe, c’est que je peux regarder tous les responsables du Parti, les yeux dans les yeux.

Mon souhait, c’est de retrouver la dynamique unitaire que nous avions dans les années 2009.

Mais faudrait-il, d’abord, vider vos contentieux

Je n’ai aucun problème avec Adama Faye, Cheikh Bakhoum, Cheik Ndiaye. Mais, le problème c’est le groupe des Nancy Dem et Moussa Sané.

Qu’est-ce qui vous oppose, réellement?

Je préfère leur dire cela en face. Ils savent…Aujourd’hui, ça me fait mal de voir nos camarades de “Benno Bok Yakaar” progresser sur le terrain, alors que nous, nous dormons. Il faut qu’on soit des responsables de terrain et non des responsables de réunion.

Est-ce-que vous avez eu à vous en ouvrir à votre leader de Parti?

Nous n’avons pas la possibilité de le voir. Nous sollicitons une rencontre avec lui ou avec un de ses proches. Le problème dans notre parti, c’est que nous n’anticipons pas. Sinon, ce qui s’est passé à Grand Yoff, (lors des locales) ne se serait jamais passé. Pourtant, j’avais attiré l’attention du Parti pour leur demander de venir arrondir les angles. Malheureusement, on ne m’a jamais entendu.

Propos recueillis par Daouda Gbaya.

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