2014-03-20

20 mars 2014 | Jeanne Corriveau , Isabelle Porter | Montréal

Denis Coderre et Régis Labeaume réclament un statut particulier pour la métropole et pour la capitale afin d’obtenir davantage d’autonomie et de pouvoirs pour leurs villes. Dans leur lancée, ils évoquent même l’idée d’empiéter dans le champ de l’éducation, se disant préoccupés par le décrochage scolaire et par la gestion du parc immobilier des établissements scolaires.

Désireux de profiter de la campagne électorale pour soutirer des engagements des chefs des partis provinciaux, les maires de Montréal et de Québec ont tenu deux conférences de presse mercredi.

Des « cités-états »

Les villes sont en « quasi-tutelle » permanente, forcées de « quêter continuellement » auprès de Québec et d’avoir à demander la permission du gouvernement avant de prendre des décisions qui les touchent, plaident MM. Coderre et Labeaume. Les maires ont évoqué les « cités-états », un concept défendu par le maire Labeaume depuis 2009.

Avec ce nouveau pacte, les villes souhaitent diversifier leur fiscalité et obtenir davantage de pouvoirs — en matière de développement économique, de transport collectif et d’intégration des immigrants notamment —, ce qui devrait aller de pair avec des transferts financiers. « Nous n’en pouvons plus d’étouffer sous l’accumulation des lois qui font en sorte que des bureaucrates à Québec ont souvent plus de pouvoirs que les maires de Montréal et de Québec pour gérer leur propre ville », a fait valoir M. Labeaume.

S’ils n’ont pu chiffrer leurs demandes, les maires ont insisté pour dire qu’ils ne réclamaient pas de hausses de taxes ou d’impôts pour les contribuables.

L’arène scolaire

Les villes songent même à s’immiscer dans le champ scolaire, alléguant qu’elles ont démontré leur compétence pour la gestion d’équipements collectifs. « Il y a certains avantages à confier la gestion immobilière [des bâtiments scolaires] aux villes quand on voit, par exemple, l’état déplorable des locaux scolaires à la Commission scolaire de Montréal », suggère un document de réflexion rendu public mercredi. Cette observation est étonnante quand on sait que plusieurs bâtiments de la Ville de Montréal sont dans un état de vétusté « critique ».

En plus des immeubles, les villes pourraient récupérer la gestion fiscale des commissions scolaires, souligne-t-on : « Un débat existe sur le rôle des commissions scolaires, que certains voudraient voir éliminées. […] La toile de fond de ce débat est l’échec de la démocratie scolaire, qui fait que les dirigeants de la plupart des commissions scolaires ont une légitimité fragile. Assez pour croire que les élus municipaux, qui incarnent la seule démocratie locale fonctionnelle, pourraient prendre le relais. »

Le document suggère que les villes québécoises s’inspirent de grandes villes américaines, où « ce sont les administrations municipales qui contrôlent carrément le réseau des écoles ».

Selon le maire Labeaume, les villes se doivent d’envisager de tels scénarios. « On n’a pas le goût de gérer les écoles. […] Le problème, c’est qu’on est obligés d’y réfléchir, a-t-il dit. Est-ce normal d’avoir 20 % de décrochage ? Comment se fait-il que l’école ne soit pas au cœur de la communauté ? »

De son côté, Denis Coderre a précisé qu’en cette matière, la réflexion était moins avancée à Montréal qu’à Québec. « Nous, on n’est pas rendus là, mais je pense qu’on doit assurément avoir un débat. »

Des réactions étonnées

La réflexion des maires a été accueillie avec étonnement par le milieu des commissions scolaires. « En matière de décrochage scolaire et d’intégration des immigrants, l’expertise des commissions scolaires n’est plus à faire. On est surpris que les municipalités veuillent s’approprier ces domaines-là », a indiqué le vice-président de la Fédération des commissions scolaires, Richard Flibotte.

Il se dit d’autant plus étonné que les commissions scolaires sont en contact fréquent avec les villes et que leurs rapports sont bons. « On n’a pas vu venir ça, ça semble sortir de nulle part. On est en contact avec l’Union des municipalités du Québec et jamais ils n’ont abordé avec nous cette question-là. »

Il trouve dommage que des maires remettent en question la légitimité des élus scolaires en se basant sur le taux de participation aux élections, rappelant que plus de la moitié des maires sont élus par acclamation.

Raynald Thibeault, le président de l’Association des directions générales des commissions scolaires, s’explique mal les propositions des maires : « Je ne comprends pas l’objectif et je ne peux pas dire que ça s’en va dans la mauvaise direction parce que je ne vois même pas quelle direction ça prend. » Selon lui, les commissions scolaires et les villes sont des partenaires de toujours.Source: Le Devoir Mars 20, 2014

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