2016-03-26

Matthieu « IRB » Perrein et Hugo « Senbeï » Sanchez vivent l’aventure de leur label Banzaï Lab depuis les bancs de la Fac, mais particulièrement celle de leur duo Smokey Joe & The Kid. Une aventure illustrée par des remixes et un premier album « Nasty Tricks » en 2013. Un travail et un parcours qui leur a valu récemment le Prix FAIR 2015.

Dans la lancée de cette récompense, les deux beatmakers ont entamé l’année dernière la réalisation de leur deuxième album « Running To The Moon » et ont fait appel à la contribution de leurs fans par le biais d’une campagne de crowdfunding dont l’objectif à été plus qu’atteint. Un superbe indicateur de l’engouement suscité par leur musique et de la fidélité de leur public tout au long des années. La pression était donc là. Il fallait pondre un disque de qualité. Et c’est le cas avec « Running To The Moon » qui est le miroir de ce que font de mieux les deux potes : du hip hop avec un accent prononcé pour le jazz, la soul ou encore le blues. Quelque chose de moins swing comme on pouvait les qualifier auparavant.

C’est Senbeï que nous avons rencontré et qui nous parle de ce nouvel opus et de la nouvelle formule live que les plus chanceux d’entre vous pourront voir à travers la tournée qui a déjà débuté.

L’INTERVIEW

Vous vivez tous les deux à Bordeaux. Comment vous vous êtes rencontrés avec Smokey Joe ?

Je suis originaire de Nantes à la base. On s’est rencontré il y a presque une dizaine d’années quand je faisais mes études à Bordeaux. Et c’est à cette époque qu’on a crée notre label Banzaï Lab. On avait commencé à s’occuper de projets ensemble comme mon projet solo Senbeï. Matthieu (ndlr : Smokey Joe) faisait lui partie du groupe phare du label : United Fools.

Le projet Smokey Joe & The Kid est donc venu plus tard ?

Oui. Au départ on avait monté un crew de quatre DJs avec Feldub et un ancien ami DJ à nous. Sous le nom de Fools Drop, on a pas mal tourné dans la région de Bordeaux, puis on s’est exporté un peu. Pour tout vous dire, ce n’était pas un truc de dingue. Et puis un soir, on s’est retrouvés seuls avec Matthieu pour une soirée dans un bar assez connu à Bordeaux dont le thème était la prohibition. On avait réunit plein de morceaux sur ce thème dont un seul produit par nous qui s’intitulait « Zazou ». On peut dire que le projet de Smokey Joe & The Kid est né ce soir là.

Le thème de la prohibition a suscité la vocation du duo. Tout cet univers vous plaisait car vous êtes aussi fans de cinéma.

En tant que musiciens, on aime tout ce qui est artistique et créatif en général. Mais en effet, c’est un monde qui nous intéresse. Personnellement j’ai fait des études de cinéma. D’ailleurs j’ai réalisé un des clips de l’album. Dans mon projet solo, la musique est assez cinématographique. Il y a beaucoup de codes du cinéma qui m’aident à composer. On s’identifie beaucoup à des films et dans notre live, il y a une partie visuelle où il y a beaucoup de références.

D’ailleurs vous aviez publié sur les réseaux sociaux un extrait du show live sur laquelle vous repreniez le logo de la Metro Goldwyn Mayer.

Oui ce visuel a été réalisé pour illustrer sur scène le remix qu’on avait fait pour Deluxe. On y a mis la tête de Youthstar, qui chante pour les Chinese Man. C’était par pur hasard qu’on a fait ça ou peut être que c’était inscrit dans notre inconscient. On a fait la même chose avec le logo de Looney Tunes. En fait, on est plus attirés par une imagerie que par un style de musique.

Justement, on vous a catégorisé dans la scène electro – swing de part ce thème de la prohibition.

Oui c’est vrai qu’on considère qu’on ne fait pas du tout une musique swing. Nous on se voit plus dans une ambiance gangster des années 60 – 70 avec des artistes comme les Blues Brothers et des musiques plutôt soul, que dans les années folles avec le swing.

« … L’étiquette swing nous a apporté énormément. Sauf qu’aujourd’hui, on entend des choses du genre : on ne vous programmera pas parce que vous faites du Caravan Palace. »

Vous en avez souffert de cette étiquette ?

Oui et non. Cela nous a apporté énormément car il y a beaucoup de clubs d’électro – swing dans le monde et beaucoup de soirées qui fonctionnent bien. Très vite, on a été happés par cette scène et on s’est vu jouer à l’autre bout du monde devant des publics habillés comme dans les années 30, ce qui ne nous était jamais arrivé auparavant. Et on a vraiment aimé cette époque.

Sauf qu’aujourd’hui, on entend certaines choses du genre « non on ne vous programmera pas parce que vous faites du Caravan Palace ». C’est là où cela devient pénible. Du coup, le nouvel album, qui est nettement plus abouti que le premier, nous permet de nous détacher de l’étiquette électro – swing qu’on respecte beaucoup et à qui on doit tant. Notre musique est majoritairement hip hop. Le swing s’oriente maintenant un peu plus house music et on s’est déjà pris des bides dans des soirées car notre musique n’était pas assez électronique.

Pourtant avec tous vos featurings : Youthstar, Puppetmastaz, Lateef The Truthspeaker, Blackalicious, The Procussions ou encore Blake Worrell, il n’y avait aucune confusion possible.

Oui c’est vrai mais il est clair que plusieurs des samples qu’on a utilisé, surtout sur le premier album, sonnait swing. Ce disque était très patchwork, on aurait dit une sorte de compilation de tout ce qui nous tombait sous la main à l’époque. C’est pour cela que je dis que « Running To The Moon » est plus abouti. Il a un fil conducteur plus concret.

Parmi les featurings, certains reviennent régulièrement. C’est le cas de Blake Worrell.

On avait rencontré les Puppetmastaz au festival Garorock. On savait qu’on allait les croiser et on voulait vraiment bosser avec eux. Ils sont tous vraiment adorables et on est restés amis avec Blake Worrell. Au point où on lui a demandé d’être notre MC « officiel » toute l’année dernière.

C’est un principe de base pour vous d’avoir un MC « attitré » chaque année ? Car on croit savoir que c’est Mystro en 2016.

Ce principe est tout récent. On a commencé avec Blake Worrell l’année dernière seulement. On avait déjà fait quelques dates avec plusieurs featurings sur scène mais rien dans la durée jusque là. C’est aussi parce que grâce au prix FAIR 2015 que nous avions remporté, on avait un peu plus les moyens de nous développer et c’est tout naturellement qu’on a demandé à Blake de tourner avec nous. Et on en a profité pour faire des morceaux avec lui.

En parlant de moyens, vous aviez lancé une campagne de crowdfunding pour financer l’album et apparemment, vous aviez pété les scores. Vous vous attendiez à ça ?

Alors moi j’étais assez confiant pour atteindre l’objectif de départ alors les autres gens du label n’étaient pas si sûrs. En même temps on ne demandait « que » 5000 euros pour la production du disque et on se disait que si on obtenait un peu plus on aurait pu faire un clip. Mais on atteint le chiffre assez vite. On avait été très actifs en publiant du contenu et la plateforme de crowdfunding nous a beaucoup accompagné dans la promotion du projet. Quand on a vu qu’on allait atteindre les 200%, on a décidé de produire un vinyle en plus. Et cela a donné encore un nouveau boost à la campagne et on en est ravis. On a d’ailleurs remercié tous les contributeurs pour leur soutien.



Tu disais que « Running To The Moon » était plus abouti. En quoi ?

Cet album est 100 fois mieux que le précédent. Il a un fil conducteur et n’est pas autant éclectique. Au moment de réaliser « Running To The Moon », on a regardé trois ans en arrière et on s’est servit de nos erreurs du passé comme expérience. le problème est qu’on reste en autoprod avec les moyens du bord. En exagérant un peu, on n’est pratiquement que deux sur le projet. Du coup, on n’a pas assez de recul. Le premier album était très bon mais il se dispersait un peu. Je ne dis pas qu’il était mauvais car il nous a permis de voyager et de beaucoup jouer. Mais le nouveau est beaucoup mieux avec nos envies de se détacher de l’étiquette électro – swing et de se recentrer sur le hip hop.

Vous aviez fait un mashup entre les Beastie Boys et les Blues Brothers. Il représente parfaitement votre style musical finalement.

Absolument. Il y a tous les ingrédients qui nous caractérisent. Et il y a même du swing. C’est une belle référence par rapport à ce qu’on fait. Dans les blues Brothers, tu vas de Cab Calloway, qui est une grosse référence pour nous puisque le nom de Smokey Joe vient d’un de ses morceaux, à Aretha Franklin, en passant par James Brown, John Lee Hooker, Ray Charles etc.

Le choix des featurings pour « Running To The Moon » a suivi un process particulier ?

Non. Nous on ne se prend pas la tête. On collabore avec les gens qu’on aime, peu importe leur notoriété. On fonctionne à l’envie comme lorsqu’on a travaillé avec The Gift of Gab et Lateef The Truthspeaker. A l’époque, pas beaucoup de gens ne connaissait le projet Quanum mais on rêvait de bosser avec eux. C’était un rêve d’enfants pour nous. Les invités sur le l’album sont des gens qu’on aime et qu’on admire. On leur a balancé les instrus et on avait pleinement confiance dans le résultat. Nous ce qu’on voulait c’est qu’ils apportent quelque chose aux morceaux et c’est pour cela qu’on n’est pas intervenu dans leur processus de création.

« On veut arrêter de jouer devant des mecs bourrés qui veulent qu’on leur en mette plein la tronche. »

C’est quoi votre formule sur scène ?

On a tout changé. Jusqu’à présent, on faisait des lives très énergiques et on était considérés comme des DJs car on utilisait des machines. Cette fois-ci on a rajouté des cuivres et de notre coté, Matthieu et moi on joue sur de vrais instruments, bass, guitare, banjo, batterie électronique, en plus des machines. Sans oublier le MC. On voulait que ce soit plus dynamique et on voulait se donner les moyens de défendre certains morceaux plus cools comme « Running To The Moon » qui est le genre de morceaux qu’on aurait jamais pu jouer sur scène parce comme on était considérés comme des DJs, on était programmé tard dans la soirée et on était obligé de jouer des morceaux énervés. Là on est dans une vraie configuration de concert et on va pouvoir donner quelques respirations dans le live. On veut arrêter de jouer devant des mecs bourrés qui veulent qu’on leur en mette plein la tronche.

Avec plus de vingt dates jusqu’à juin, il vaut mieux que ça tienne la route.

On a corrigé quelques erreurs depuis le premier live de la tournée qui s’est déroulé chez nous à Bordeaux. On continuera à s’améliorer au fil du temps mais je peux te dire qu’on est partis pour au moins deux ans !

C’est ce qu’on vous souhaite en tout cas. Merci !

Merci à toi.

L’album « Running To The Moon » est donc disponible sur le site de Smokey Joe & The Kid



Le clip de « Please Come Home ».

Et n’hésitez pas à checker les dates de la tournée en cours.

Show more