2015-09-26

Ce qui a fait la force de Canal + serait-il devenu son talon d’Achille ? L’alliance entre le cinéma et le spectacle sportif, proposés sur une même chaîne, était, dans les années 1980, un mariage gagnant. En caricaturant à outrance, Madame était comblée par la diffusion de films de cinéma nombreux et récents tandis que Monsieur trouvait son bonheur en regardant les matchs de foot. Les innovations technologiques et l’élargissement corrélatif de l’offre de “spectacles sur écrans” (télé, ordinateur, tablette, smartphone) ont changé la donne. Le consommateur de “spectacles sur écrans” butine désormais entre la télévision traditionnelle gratuite ou payante, le paiement à la “séance”, les téléchargements plus ou moins légaux et le streaming, cet étrange système de piratage de contenus -un peu légal mais tout de même illégal- entraîné dans le tourbillon d’un duel permanent entre chats (les détenteurs officiels des droits de diffusion) et souris (les sites plus ou moins exotiques qui relaient “à la hussarde” la diffusion des rencontres sportives). Sous réserve que les diffuseurs réussissent à combattre efficacement la menace mortelle que les sites de streaming font peser sur leur activité, on devine aisément que le modèle gagnant des années 2010-2020 est la télévision payante mono-thématique, et principalement sportive (à l’image de BeInSports).

Le spectacle sportif, dernier contenu bankable pour les chaînes de télévision.

En effet, le spectacle sportif demeure le principal “contenu” dont le consommateur semble prêt à acquitter “à l’aveugle” -c’est à dire au préalable et sans garantie de qualité- le “droit de le visionner”. A l’inverse, les films de cinéma, même s’ils demeurent consommés avec boulimie par une poignée de cinéphiles, sont des contenus désormais fragiles aux yeux des diffuseurs : les jeunes (gros consommateurs de films) téléchargent beaucoup mais essentiellement de manière illégale, tandis qu’une “sortie au cinéma” reste plus attractive pour ceux dont le pouvoir d’achat leur permettrait de télécharger légalement les films. Il ne reste donc, pour alimenter les télévisions payantes, que le sport et les séries. Or les séries sont-elles aussi victimes de la piraterie moderne qu’est le téléchargement frauduleux. C’est pourquoi les “chaînes” se sont engagées dans une nouvelle surenchère pour acquérir les droits de diffusion des spectacles sportifs (que nous continuerons à dénommer, par commodité, droits TV, même si leur diffusion se fait sur de multiples supports). C’est en tous cas ce que semble confirmer l’étude du cabinet Deloitte “Technology, Media & Telecommunications Predictions 2014“. La valeur des droits de retransmission des spectacles sportifs “premium”, dans le monde, aurait ainsi augmenté de 14 % entre 2013 et 2014 pour atteindre 24,2 milliards de dollars, alors que la croissance moyenne de ces droits n’était “que de” 5 % l’an entre 2009 et 2013 [Par spectacles sportifs “premium”, il faut entendre ligues principales de football (soccer) à travers le monde, 4 ligues majeures nord-américaines (NFL, MLB, NBA, NHL), Formule 1, NASCAR et ligue indienne de Cricket ; ne sont pas incluses dans cette comptabilité les compétitions non annuelles : Coupe du Monde de football, Jeux Olympiques et Euro de football].

En France, 4 titans dans l’arène

En France, la bataille fait également rage. Deux nouveaux acteurs viennent concurrencer Canal + (9,5 millions d’abonnés, chiffre en baisse) et BeInSports (2,5 millions d’abonnés, chiffre en hausse). Il s’agit d’une part d’Altice (Ma Chaîne Sports) qui, en plus d’avoir acquis les droits TV du basket français pour 10 millions d’euros par an (nous le mentionnions dans le précédent post de ce blog), vient d’acquérir les droits de diffusion des compétitions de gymnastique pour les 10 prochaines années. Il s’agit d’autre part de Discovery (Eurosport) à qui le Comité International Olympique (CIO) a attribué les droits de diffusion (TV et autres plateformes) des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2018 à 2024 pour le continent européen (pour un montant estimé à 1,3 milliards d’euros) ; et ce dernier ne cache pas son appétit pour le rugby à XV et pour la Formule 1 !

Des diffuseurs vont boire le bouillon

Cette nouvelle surenchère pour les droits de diffusion des spectacles sportifs est sans doute une bonne nouvelle pour quelques ligues et fédérations. Certains sports, vivotant jusqu’à présent dans une forme de nuit médiatique, pourraient temporairement obtenir une manne financière miraculeuse. Les footballeurs, quant à eux, peuvent encore compter sur une progression de leurs considérables salaires. Mais cette nouvelle explosion des droits de diffusion a toutes les apparences d’une nouvelle bulle. Comme le note le cabinet Deloitte, la hausse des droits de retransmission en 2014 « devrait probablement dépasser les hausses de recettes prévues pour les chaînes de télévision payante ». En d’autres termes, certains diffuseurs vont « boire le bouillon » dans les prochaines années. Il faudra donc du discernement aux diffuseurs pour ne pas acheter “n’importe quoi” à des tarifs prohibitifs. Quelques acquisitions récentes suscitent déjà quelques interrogations…

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