2015-09-19

Le Monde

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18.09.2015 à 10h55

• Mis à jour le

18.09.2015 à 11h14

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Par Alexis Delcambre

Une conjonction astrale exceptionnelle, entre ballons orange, ovale et rond. Euro de basket-ball, ouverture de la Coupe du monde de rugby, coupes européennes de football : le quotidien L’Equipe pouvait difficilement espérer des circonstances plus favorables pour lancer sa nouvelle formule, vendredi 18 septembre.

Celle-ci s’incarne dans un changement de format radical : le journal passe du broadsheet (54 × 38,5 cm) au tabloïd (36 × 28 cm), soit une réduction de moitié de la taille des pages. En rapetissant, celles-ci deviennent plus simples à concevoir, les articles se font plus courts, et les habitudes de travail changent, à la rédaction comme à l’imprimerie.

Pourquoi le quotidien sportif s’embarrasse-t-il d’une telle réforme ? A l’image des autres journaux français, ses ventes sont en déclin (– 9,76 % en 2014 par rapport à 2013). Ses enjeux stratégiques sont plutôt de générer des revenus à partir de sa large audience numérique – grâce à laquelle il affiche 24 millions de « contacts » par mois – et de rentabiliser son investissement dans la télévision, où il a lancé la chaîne L’Equipe 21.

« Le doudou du fan de sport »

Arrivé du service des sports de Canal+ en février 2015 – soit avant la reprise en main du groupe de télévision par son actionnaire, Vivendi –, le nouveau directeur général du titre, Cyril Linette, admet qu’au début, cette problématique de format lui est apparue « surannée ». « Les nouvelles formules n’ont pas souvent d’impact décisif sur les lectorats », observe-t-il. A L’Equipe, le sujet faisait figure de serpent de mer, avec plusieurs études menées, sans que le pas soit jamais franchi.

Pour y voir clair, le journal a décidé de mener un test. Il est sorti au format tabloïd le 10 juin en demandant à ses lecteurs de donner leur avis. Surprise : plus de 10 000 d’entre eux ont répondu et 75 % des avis étaient favorables – un cas assez rare d’appétence pour le changement. Dans les jours qui ont suivi, M. Linette a décidé de mettre fin à près de soixante-dix ans de grand format et su en convaincre son actionnaire, Marie-Odile Amaury.

« Malgré la variété de nos supports, le journal reste un trésor, c’est un peu le doudou du fan de sport », formule-t-il aujourd’hui. Le grand format était devenu, selon lui, un frein à la lecture : difficulté à ouvrir le journal dans certaines situations, trop grand nombre d’« entrées » par page, surcouverture de certains sujets, format numérique peu maniable… Autre avantage : le changement de format permet de doubler le nombre de pages de publicité. Or, la régie table sur un maintien de ses tarifs (près de 100 000 euros par page, selon Challenges). Le journal se donne donc une chance supplémentaire d’équilibrer son exploitation.

Une série d’innovations

Cette nouvelle forme est l’occasion d’introduire une série d’innovations. Les feuilles de match, qui présentent les compositions d’équipes, seront nettement plus grandes, dans un style qui se veut « un hommage au jeu vidéo », explique Jérôme Cazadieu, le directeur de la rédaction. Des pages « service » détachables – type calendrier d’une compétition – seront insérées. Une fois par mois, le journal mettra en scène des contributions de ses lecteurs autour d’un grand débat, recueillies par son site Lequipe.fr. Les bases de données abondantes dont bénéficie la rédaction seront mieux utilisées (compositions des équipes, etc.). Au moins deux grandes enquêtes par mois sont promises.

Autant de choix qui tentent de mieux cerner ce à quoi peut encore servir un quotidien sportif, à l’heure où les matches peuvent se suivre en direct sur Twitter et les meilleures actions être visionnées presque instantanément, grâce à des vidéos courtes postées sur les réseaux sociaux. Le journal garde la même base de lectorat qu’il y a quatre ans (environ 8,5 millions par mois) mais ceux-ci l’achètent moins régulièrement.

Pour recréer du désir, Cyril Linette veut « solder l’ère Jacquet ». En 1998, le journal avait mené une campagne contre le sélectionneur de l’équipe de France de football, avant la Coupe du monde en France. Un choix éditorial balayé par la victoire des Bleus, qui avait contraint le directeur de la rédaction de l’époque, Jérôme Bureau, à des excuses publiques. Depuis, estime M. Linette, « la rédaction s’en veut » et hésiterait à donner son avis. Il souhaite que les journalistes soient plus présents sur les fronts de l’analyse et de l’opinion.

En complément, depuis un an, L’Equipe s’est efforcée de recentrer son offre Web gratuite sur les directs, l’information chaude et les formats purement numériques, comme les sondages ou les récits multimédias.

Le journal attend de ce changement une progression de 5 % à 10 % de ses ventes (qui ont encore reculé de 2,22 % au premier semestre, à 211 283 exemplaires quotidiens). Une stabilisation de l’activité journal permettrait au titre de s’attaquer à d’autres chantiers, comme la diversification et la convergence entre son offre numérique et sa chaîne de télévision, dans le cadre d’un groupe Amaury prochainement délesté du Parisien et recentré sur le sport.

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