2015-10-15

Les droits télévisés nationaux de la Premier League anglaise de football vont atteindre un record de 5,136 milliards de livres sterling (près de 7 milliards d’euros) pour les trois saisons de 2016-2017 à 2018-2019.

Cela signifie que les droits TV globaux de la première division du championnat britannique de football pourraient monter à environ 8,4 milliards de livres sterling (près de 11,4 milliards d’euros) pour ces trois saisons une fois la vente des droits internationaux complétée.

Ces 3,8 milliards d’euros annuels potentiels sont à comparer aux 2,35 pour la saison 2015-2016 ou encore avec les 748,5 millions d’euros annuels pour les droits TV du football professionnel français sur la période 2016-2020, droits qui ne reviennent pas intégralement aux clubs de Ligue 1. L’avantage des clubs anglais par rapport aux clubs français est indéniable. Quelles sont les variables explicatives et les conséquences de l’explosion des droits TV de la Premier League anglaise ?

La 8e édition des Jéco de Lyon

Les Journées de l’économie (Jéco) ont lieu cette année du 13 au 15 octobre, à Lyon.

Au programme : environ 40 conférences et plus de 200 personnalités réunies pour échanger et partager leurs analyses autour du thème « Qu’attendons-nous… pour agir ? ».

L’objectif de ces journées est de rendre accessible l’analyse économique au plus grand nombre.

Elles sont organisées chaque année depuis 2008 par la Fondation pour l’université de Lyon sous la direction de Pascal Le Merrer, professeur d’économie internationale à l’Ecole normale supérieure (ENS) de Lyon, avec le soutien de l’ensemble des universités, des grandes écoles lyonnaises, des collectivités et organisations professionnelles locales et de plusieurs entreprises.

Au fil des ans, les JECO sont devenues le lieu et le moment où se croisent les différentes institutions et associations qui animent l’enseignement, la recherche et le débat économique en France.

Entrée libre. Inscriptions obligatoires sur www.journeeseconomie.org.

Il existe deux points clés, aussi bien pour une chaîne TV nationale (côté demande) que pour une ligue (côté offre) : pour une chaîne TV nationale, il s’agit de proposer suffisamment d’argent non seulement pour obtenir les droits (battre la concurrence nationale) mais aussi pour permettre aux clubs nationaux de pouvoir attirer/retenir/payer les meilleurs joueurs mondiaux.

Vente à l’international

Par conséquent, même sans concurrence nationale, une chaîne TV est incitée à dépenser plus que les chaînes étrangères pour leurs championnats domestiques (concurrence indirecte entre chaînes étrangères). Pour une ligue, les deux points clés sont d’avoir un bon produit et de pouvoir le vendre à l’international. Reste à identifier quelles sont les variables explicatives – les caractéristiques – d’un bon produit pouvant être vendu à l’international.

Nous en avons relevé six :

– Au moins un club fort économiquement et sportivement (locomotive).

– Au moins un rival crédible sur le territoire national (incertitude pour le titre).

– Compétitivité continentale (garante de la qualité du produit et facteur d’attractivité en soi, sans oublier que les chaînes TV nationales cherchent aussi à acheter les droits TV des Coupes d’Europe).

– Capacité, taux de remplissage et qualité des stades (potentiel télégénique).

– Travailleurs internationaux (meilleurs joueurs dans le monde et marchés à l’international).

– Capacité à attirer des investisseurs et générer des revenus au-delà des droits TV (chaînes TV pas seules à assurer la compétitivité économique et donc sportive).

Plus de 36 000 spectateurs par match

Dans quelle mesure la Premier League anglaise respecte-t-elle ces six conditions ?

Depuis sa création en 1992, sa locomotive (souvent sportivement et toujours économiquement) a été le club de Manchester United.

La lutte pour le titre est incertaine avec la concurrence d’Arsenal, Chelsea et Manchester City.

L’Angleterre est 2e au classement UEFA des clubs, après avoir été 1re de 2008 à 2012.

Le potentiel télégénique de la Premier League anglaise est largement assuré par un taux de remplissage des stades supérieur à 90 % (plus de 36 000 spectateurs par match en moyenne).

Elle compte entre 65 % et 70 % de joueurs étrangers et parvenait à 78 % d’audiences cumulées hors Royaume-Uni en 2008-2009.

Elle génère des investissements et revenus au-delà des droits TV, particulièrement grâce à de riches investisseurs internationaux (propriétaires, sponsors).

A ces variables côté offre doit être ajoutée la concurrence entre Sky et son rival BT côté demande nationale.

Quelles sont les conséquences ? Le tableau ci-dessous retrace l’évolution récente et à venir des droits TV/recettes distribuées aux clubs (en millions d’euros) en Premier League anglaise, Ligue des champions de l’Union des associations européennes de football (UEFA) et Ligue 1 française.

Il montre que la Premier League est non seulement loin devant la Ligue 1 française, mais également devant la Ligue des champions. Dès lors, la perspective d’une Premier League s’ouvrant aux meilleurs clubs européens non anglais (FC Barcelone, Real Madrid, Bayern Munich, Juventus Turin, Paris-Saint-Germain) – évoquée par Jean-Pascal Gayant, le coordinateur de la session « L’économie du sport – mondialisation et football », lors d’échanges préalables aux Jéco 2015 – pourrait recevoir un écho favorable auprès des principaux intéressés.

Une Super Ligue européenne

Il existe néanmoins une interrogation quant à la capacité de Sky – principal diffuseur national de la Premier League – à assumer le très lourd investissement consenti lors du dernier appel d’offres (4,176 milliards de livres sterling, soit plus de 5,6 milliards d’euros).

Cet investissement doit peut-être être appréhendé du point de vue de la stratégie globale du groupe Sky plc et pas seulement Sky au Royaume-Uni, avec l’internationalisation du groupe britannique de télévision par satellite qui détient depuis 2014 Sky Italia et depuis 2015 Sky Deutschland, diffuseurs respectifs des championnats italien et allemand.

Lire aussi :
L’inflation sans fin des droits du football anglais

À la lumière de ces éléments, une option autre qu’une Premier League plus seulement anglaise peut être envisagée à terme, où Sky plc aurait l’initiative d’une Super Ligue européenne en convainquant les meilleurs clubs continentaux de se partager entre eux l’argent qu’il distribue aux championnats anglais, italien et allemand mais aussi espagnol (Sky est le diffuseur de la Liga espagnole au Royaume-Uni).

Cela lui donnerait un fort degré de contrôle sur le football européen alors qu’il n’est plus le diffuseur de la Ligue des champions au Royaume-Uni depuis cette saison, BT ayant remporté l’exclusivité des droits 2015-2018 fin 2013 auprès de l’UEFA. Avec la possibilité de dicter les règles du jeu pour les années à venir et ainsi « prendre sa revanche » sur BT et l’UEFA ?

Nicolas Scelles (Maître de conférences en économie du sport à l’Université de Stirling, Écosse)

Source link

The post l’explosion des droits TV de la Premier League anglaise menace-t-elle l’UEFA ? appeared first on 23on.com.

Show more