2016-02-07

Le Tournoi des six nations a repris ses droits ce week-end. Entre un XV de France masculin en pleine restructuration, difficile vainqueur de l’Italie, et un XV de France féminin qui reste sur de bons résultats, les situations étaient très différentes. Les Bleues ont largement dominé leurs adversaires transalpines (39-0).

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Deuxièmes du Tournoi 2015, vainqueures du Grand Chelem en 2014 et troisièmes de la Coupe du monde la même année, les Françaises s’engagent donc avec confiance dans la compétition.

Retirée chez elle à Capestang (Hérault), l’ancienne sélectionneuse (2009-2014) Nathalie Amiel possède la double casquette d’éducatrice sportive en école primaire et de responsable de l’école de rugby. Observatrice privilégiée, l’ex-internationale (1986-2002) espère que « les intérêts financiers ne prendront pas le pas sur l’esprit du rugby féminin ».

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Peut-on dire que le sort des joueuses de rugby a évolué positivement malgré leur statut d’amatrices qui perdure ?

Les clubs font du bon travail à la base. La Fédération française de rugby (FFR) met également plein de choses en place pour le rugby féminin, comme l’individualisation des suivis médicaux et de la préparation physique. Les rugbywomen sont mieux encadrées qu’il y a dix ans. Le bien-être de la joueuse est pris plus en compte. En revanche, à la différence du rugby à VII, où les joueuses sont semi-professionnelles, les quinzistes sont encore amatrices. Les choses évoluent doucement. En tout cas, c’est le jour et la nuit par rapport à l’époque où je jouais : nous n’avions ni de suivi médical ni de défraiement.

Les résultats du XV de France féminin sont très réguliers et à un bon niveau. Lors du Mondial 2014, les Françaises sont passées à un rien de la finale (défaite 18-16 contre le Canada)…

Il est vrai que l’équipe de France est mieux classée au niveau mondial, plus régulière. On arrivait à faire illusion en Coupe du monde, mais en demi-finale on prenait 30 à 40 points face aux Néo-Zélandaises (30-0 en 2002, 40-10 en 2006 et 45-7 en 2010). Avec le développement des structures des clubs, tout le monde est gagnant. Du coup, on en demande beaucoup plus aux femmes. Avant, les internationales disputaient environ sept matchs, désormais, elles en disputent entre dix et quinze. Cela permet de se frotter au haut niveau et de s’évaluer.

Les femmes représentent environ 5 % des effectifs de la FFR. Le développement du rugby féminin ne passe-t-il pas par une augmentation de la pratique ?

Plus on sera nombreuses, plus on aura de voix au sein du rugby français. La Fédération peut augmenter un peu son nombre de licenciés chez les hommes, mais sa marge de progression est évidemment chez les rugbywomen. La Coupe du monde 2014 en France a été à ce titre une belle opération (17 000 en 2014 ; 19 600 en 2015).

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Les Bleues ont terminé troisièmes de leur Mondial. Pour la première fois, elles ont connu une belle médiatisation. Est-ce encourageant ?

Les relations presse de la FFR ont bien travaillé ! Les médias ont suivi. L’organisation a été intelligente jusque dans la date choisie pour la compétition. Au mois d’août, le Tour de France était fini, ainsi que la Coupe du monde de football. Jouer à Paris et à Marcoussis, en région parisienne, a permis de mettre un coup de projecteur. Ça a été une belle expérience qui a mis en valeur notre pratique différente du rugby.

Le premier match du XV de France féminin diffusé à la télévision l’a été en 2012. Depuis, des matchs du Tournoi ont été retransmis, et même quelques matchs de championnat de France. Samedi, le match face à l’Italie était diffusé France 4. Est-ce important ?

Il faut en montrer mais pas trop, c’est-à-dire qu’il est nécessaire de sélectionner les matchs que l’on diffuse. Sans dénigrer, je pense que l’on a encore le temps pour diffuser des matchs de championnat. Il faut que les téléspectateurs s’y retrouvent. Une autre option est aussi de passer par le VII, car la pratique est plus facilement adaptable aux exigences d’une retransmission. En tout cas, il est dommage d’attendre tous les quatre ans les Jeux olympiques (le rugby à VII fera ses débuts à Rio) ou la Coupe du monde.

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Le rugby féminin est-il plus joueur que le rugby masculin ?

Je le revendique. Notre rugby est moins basé sur le rapport physique. Il est moins dans la stratégie. Le jeu est moins figé, moins stéréotypé. Il ressemble à notre rugby d’il y a trente ans. Ce qu’il faudrait, c’est un peu plus de stratégie couplée avec le French Flair, ce désir de mener des contre-attaques du bout du terrain. Le genre d’actions qui nous faisaient rêver gamines ou gamins.

Un exemple, lors du match pour la troisième place face à l’Irlande en 2014, les filles ont décidé de jouer la dernière pénalité au lieu de taper en touche : au risque de se faire contrer et de prendre un essai. Cette liberté est liée je pense à l’absence de pression financière. Une liberté qui n’existe peut-être plus chez les hommes. Lorsque les joueuses auront un patron, qu’elles seront professionnelles, peut-être que les choses changeront.

Le sport collectif féminin est souvent tiraillé entre le désir de professionnalisation et l’envie de conserver son état d’esprit et ses valeurs. Qu’en est-il du rugby ?

Si vous me demandez si un tel développement est bénéfique pour les joueuses, je ne sais pas répondre. Moi, je suis contente d’avoir connu les premiers temps, là où c’était un peu n’importe quoi dans les clubs et dans la Fédération. J’aimais bien cette époque. Avec la professionnalisation, il est certain qu’aujourd’hui ma retraite serait plus confortable, mais je pense que j’aurais pris moins de plaisir. Mon souhait est en tout cas que les intérêts financiers ne prennent pas le dessus sur l’état d’esprit du rugby féminin. Un état d’esprit que l’on retrouvait d’ailleurs il y a trente ans dans le rugby masculin.

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