2016-02-05

Samedi 6 et dimanche 7 février, près de 500 judokas ont rendez-vous à l’AccorHotels Arena pour le prestigieux Grand Slam de Paris. Parmi eux, deux espoirs tricolores en -60 kg et -100 kg.

Walide Khyar, à l’Insep fin janvier.

Dénicher Walide Khyar n’est pas bien compliqué. Dans l’immense dojo de l’Insep, où les kimonos blancs et bleus trempés de sueur s’usent un peu plus à chaque prise de garde, il n’y a d’ordinaire que les dossards pour permettre au profane du judo de s’y retrouver dans cette fourmilière d’athlètes. Et certaines coupes de cheveux, parfois. C’est le cas de Walide Khyar, seule queue de cheval qui dépasse des têtes glabres ou en brosse qui composent l’essentiel du groupe junior. « C’est la Zlatan attitude. C’est la coupe d’Ibrahimovic », dévoile le judoka, ajustant à l’aide d’un chouchou le petit palmier qui découvre sa nuque rasée. Une folie capillaire dont il n’explique pas l’origine. « C’était un petit délire au début, mais maintenant, j’ai du mal à les couper. D’autant que les gens me reconnaissent grâce à ça. » On ne le contredira pas sur ce point.

A dire vrai, ce n’est pas son penchant certain pour la mode qui nous poussés à nous intéresser de plus près à Walide Khyar. Son palmarès, assez impressionnant en junior, a largement de quoi nous faire penser que le judoka de 20 ans sera appelé, tôt ou tard, à prendre les rênes de la catégorie des -60 kg en France. Champion d’Europe et troisième aux championnats du monde junior en octobre 2015, il a honoré de fort belle manière son entrée dans la cour des grands en remportant une médaille de bronze au Grand prix de Qingdao (Chine) fin novembre. De quoi le propulser au Grand Slam de Paris, le plus prestigieux tournoi du monde, où il lui faudra effectuer un sacré ménage pour se hisser sur le podium, samedi 6 février. « C’est ça qui est le plus difficile quand on arrive des juniors. On est assez mal classé à la ranking-list [le classement mondial des judokas] et dès les premiers tours, on prend les meilleurs mondiaux, explique-t-il. Mais ça ne me dérange pas. De toute façon, pour être le champion, il faut battre les meilleurs et je vais tout faire pour ça. »

Pour autant, n’allez pas lui dire qu’à 20 ans, le jeune homme a encore quelques années pour se rôder. « Se dire qu’on a le temps, c’est la pire des choses. Je ne me fixe aucune limite, tranche le léger. Certains ont été champions olympiques à 18 ans, je ne vois pas pourquoi je devrais me dire que je peux attendre. » Dans l’immédiat, l’objectif pour le rookie français, c’est de voir Rio en août prochain. Actuellement 60e à la ranking-list, le judoka sait bien que le défi sera dur à relever… mais pas impossible. D’autant qu’un facteur de taille joue pour lui : dans la catégorie des -60 kg, la sélection française pour les Jeux olympiques est encore indécise. Si Vincent Limare (2e au Tournoi de Paris en octobre 2015) et Sofiane Milous (champion d’Europe 2010 et 5e aux JO de Londres) sont les deux athlètes pressentis pour l’épreuve planétaire, force est de constater qu’ils ne parviennent pas à accrocher de médaille dans les grands championnats. Et inévitablement, celui des trois qui parviendra à s’illustrer sur le Grand Slam de Paris, toujours très relevé en année olympique, aura fait un grand pas vers la titularisation. « Pour moi l’objectif, ce n’est pas uniquement de faire les Jeux. C’est surtout de les gagner pour être là », explique Walide Khyar en désignant le « Hall of Fame » du dojo de l’Insep où seuls les champions du monde ou olympiques ont le privilège d’avoir leur photo.

Le mental, arme de destruction massive de ce petit gabarit, donc. Mais pas seulement. Pour s’en persuader, il n’y a qu’a voir le judo explosif qu’il développe, ces techniques de corps à corps très efficaces comme son ko-soto-gake (prise sur l’arrière) qu’il combine parfois avec un ura-nage (prise de contre) surpuissant.

Walide Khyar a commencé le judo à l’âge de 7 ans à Blanc-Mesnil. Un an plus tard, c’est sur les tatamis de Châtenay-Malabry qu’il enfilait son kimono. Étiqueté « talent à fort potentiel », le judoka a très vite été pris en main par Kilian Le Blouch, son mentor qui disputera lui aussi le Tournoi de Paris dans la catégorie supérieure (-66 kg) samedi. Depuis, les deux amis ont rejoint les rangs du Flam 91, l’écurie créée par Stéphane Nomis qui a aspiré de nombreux talents comme Loïc Korval (-66 kg), Alexandre Iddir (-90 kg) ou encore, chez les femmes, la Belge Charline Van Snick ou l’Allemande Martine Trajdos (championnes d’Europe en -48 kg et en -63 kg). Managé par l’ancien international Baptiste Leroy, le club est désormais l’un des tout meilleurs de France avec Sainte-Geneviève et le Levallois Sporting Club.

Entre ses études de coach sportif (BPJEPS AGFF), ses entraînements quotidiens et ses nombreux déplacements à l’étranger pour aller décrocher des médailles, Walide Khyar n’a pas énormément de temps libre. Mais dès qu’il le peut, il plonge dans les salles obscures, en compagnie de ses deux amis Pierre Duprat et Alexandre Iddir, pour s’adonner à son autre passion : le cinéma. « J’aime bien tous les genres, mais je suis plus porté sur les films d’action. Par exemple, j’adore Tarantino », s’enthousiasme le jeune ambitieux qui espère à son tour créer le spectacle sur les écrans de L’Equipe 21. Si tout se passe bien, il sera au rendez-vous de 17 heures pour les finales du Grand Slam de Paris. La réalité aura alors rattrapé la fiction. Et il aura le regard résolument tournée vers la Corcovado.

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Joseph Terhec, l’armoire normande des -100 kg



Joseph Terhec participera pour la première fois au Grand Slam de Paris, dimanche 7 février.

C’était le dimanche 8 novembre 2015 à la Kindarena de Rouen. Après avoir fait du ménage et collé des pions monumentaux à ses adversaires, Joseph Terhec se retrouvait en finale des championnats de France des -100 kg face à un sérieux client, l’élégant judoka de Sartrouville Vincent Massimino. Le combat s’annonçait difficile. Il n’en fut rien. Le Normand profitait d’une erreur de son adversaire, qui lançait un o-soto-gari (technique sur l’arrière) de trop loin, pour le contrer. Un ippon saillant au bout de 30 petites secondes qui lui apportait son deuxième titre consécutif de champion de France. « En judo, on appelle cela un “sen no sen”. Littéralement, “attaque dans l’attaque”. C’est quelque chose que je fais beaucoup. Je suis très opportuniste et je me sers beaucoup des erreurs de mon adversaire », décrypte le judoka de l’Alliance judo 61, son club d’Alençon (Orne).

Les erreurs, c’est ce qui a poussé Joseph Terhec a se surpasser à Rouen. Car l’une d’elle lui a été fatale dans une compétition, quelques jours plus tôt, qui lui tenait à cœur. « Aux championnats du monde juniors à Abu Dhabi, je me suis fait surprendre au deuxième tour contre un adversaire qui était largement à ma portée. J’étais d’autant plus déçu qu’aux championnats d’Europe, où j’avais fini 3e, j’avais sorti un vice-champion du monde et un champion d’Europe, donc tous les espoirs étaient permis… J’ai eu énormément de mal à me remettre de cette défaite. C’est pourquoi j’avais envie de briller devant mon public. »

A voir ce colosse de 100 kilos, barbe taillée et cheveux courts, on en oublierait presque qu’il est encore junior. Ce qui ne l’empêche pas, eu égard à son titre national remporté dans son fief, d’être sélectionné pour le Grand Slam de Paris où convergent le gratin mondial de sa catégorie, dimanche 7 février. « Ça va être un moment fort devant un public qui va vraiment nous pousser, anticipe-t-il. Mais je ne me mets pas la pression. Bien sûr, s’il y a une médaille à prendre, j’irai la chercher, mais l’objectif, c’est surtout de prendre des mecs forts et de m’exprimer. » Une chose qu’il n’a pas pu faire au Grand Prix de la Havane, en janvier à Cuba, ou il a été sorti prématurément. « Cette expérience m’a permis de m’apercevoir du chemin qu’il reste à parcourir pour rivaliser avec les meilleurs », analyse-t-il.

Contrairement à Walide Khyar, Joseph Terhec ne fait pas des Jeux olympiques de Rio un de ses objectifs. Le leadership des -100 kg en France, détenu par son ami Cyrille Maret (28 ans), semble hors de portée. « Nous avons un judo un peu similaire dans la mesure où nous sommes tous les deux très stables, très posés. Mais physiquement, je suis encore un ton en-dessous, s’incline le cadet. Et puis, il faut dire que Cyrille est sur le circuit depuis de nombreuses années, donc il a l’expérience… »

Un sentiment partagé par l’intéressé qui n’hésite pas à poser un regard bienveillant sur le prétendant à sa succession. « Aujourd’hui, Joseph, il a deux titres de champion de France 1ère div, alors qu’il n’est encore que junior et qu’il a 21 ans… Peu de judokas ont fait ça, complimente Cyril Maret. Mais bon, même si c’est bien, il doit prendre conscience que la catégorie en France souffre un peu du manque de concurrence. Et aujourd’hui, il a encore beaucoup de boulot pour aller chercher les plus forts à l’international. »



Jospeh Terhec, dans le dojo de l’Insep fin janvier.

La relation entre les deux moins de 100 kg est saine, basée sur des valeurs communes et un même engagement à l’entraînement. Une amitié qui a commencé au début de l’année 2015, lorsque Joseph Terhec était le (sparring)partenaire de Cyrille Maret. « Il vient de la campagne, comme moi, raconte ce dernier. On est des gars de la terre. Nos pères nous ont inculqués les mêmes valeurs, la chasse, la pêche, la nature. Mais ça s’arrête là. A l’entraînement, on s’envoie des grosses bastons. Et il sait très bien que si je l’attrape sur un tatami en compétition, ce sera pour le désosser. »

Si Cyrille Maret est effectivement plus copieux physiquement, Joseph Terhec n’est pas en reste. Sur les tatamis de l’Insep, quelques jours avant le Grand Slam de Paris, l’Ornais sait se montrer autoritaire en déployant une belle diversité technique. Fort au kumikata (prise de garde), il lance ses puissants balayages et ses techniques de sacrifice. Mais là où il se montre le plus incisif, c’est dans l’art du contre et nombreux sont ses partenaires à subir ses ura-nage de bûcheron. Son arme maîtresse qui devrait lui permettre, à l’avenir, de se prémunir contre quelques désossages en règle. Et qui sait, peut-être même dès dimanche à Paris…

Florent Bouteiller

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Programme du Grand Slam de Paris

Vendredi 5 février

Tirage au sort.

Samedi 6 février

Début de la compétition à 9 heures. Bloc final à 17 heures.

Catégories masculines: -60 kg, -66 kg, -73 kg. Catégories féminines: -48 kg, -52 kg, -57 kg, -63 kg.

Dimanche 7 février

Début de la compétition à 9 heures. Bloc final à 17 heures.

Catégories masculines: -81 kg, -90 kg, -100 kg, +100 kg. Catégories féminines: -70 kg, -78 kg et +78 kg.

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