2015-10-09

Le Monde

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09.10.2015 à 15h42

• Mis à jour le

09.10.2015 à 16h19

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Par Rémi Dupré

« Je vais tout faire pour être à la hauteur. » Sur l’antenne de RFI, Issa Hayatou, a pris un ton grave, jeudi 8 octobre, alors qu’il venait d’être nommé président intérimaire de la Fédération internationale de football (FIFA). A 69 ans, le Camerounais se voit temporairement confier les commandes d’un navire à la dérive à la suite de la suspension provisoire de quatre-vingt-dix jours de son amiral suisse Joseph « Sepp » Blatter, 79 ans et en poste depuis 1998. « Toute personne qui déconnera sera suspendue. Personne ne doit être à l’abri », a d’ailleurs lancé celui qui est vice-président « senior » de la FIFA, membre de son comité exécutif depuis 1990 et surtout puissant patron de la Confédération africaine de football (CAF) depuis 1988.

« C’est typique du système FIFA qu’un éléphant comme Hayatou prenne l’intérim », se gausse un ex-compagnon de route de Blatter. Ce dernier n’est pas le seul observateur avisé à mettre en doute la capacité du sexagénaire, doté d’une santé fragile, à conduire les réformes institutionnelles nécessaires (limite des mandats, nomination des membres du comité exécutif) d’ici au congrès électif extraordinaire de l’organisation mondiale, prévu le 26 février. Un scrutin pour lequel le Camerounais ne sera pas candidat.

Un ancien opposant de Blatter

Il faut dire que le dirigeant à poigne, réélu en 2013 pour un septième mandat à la tête de la CAF, ne passe guère pour un réformateur. « La longévité d’Hayatou s’explique par son habileté tactique, assure un fin connaisseur du football africain. L’Afrique est divisée en plusieurs groupes rivaux. Hayatou a parfois eu deux, trois adversaires face à lui. Et donc les voix se sont souvent éparpillées. »

Frère de Sadou Hayatou, premier ministre du Cameroun de 1991 à 1992, le président de la CAF est issu d’une fratrie qui descend des sultans islamisés du XVIe siècle. Successeur à la tête de la Confédération africaine de l’Ethiopien Ydnekatchew Tessema, il peut se targuer d’avoir permis à son continent d’obtenir cinq billets qualificatifs pour la phase finale de Coupe du monde. En 2004, l’attribution du Mondial 2010 à l’Afrique du Sud représente sans conteste l’un des plus grands succès de son règne.

« Il n’est pas issu du sérail politique, explique un ancien pilier de la FIFA. C’est l’un des rares dirigeants francophones à avoir pris la présidence de la CAF. Il a une forte personnalité. On l’entend lorsqu’il prend la parole. Il pense avant tout à l’Afrique et est moins préoccupé par des intérêts politiques. C’est l’un des membres du comité exécutif les plus indépendants. » « Son engagement en faveur du football africain et du sport en général est superbe. C’est plaisant de siéger à côté de lui », loue un ex-membre du comité exécutif de la FIFA.

Avant de devenir le fidèle bras droit de Sepp Blatter, Issa Hayatou avait été pourtant l’un de ses principaux opposants. En 1998, le Camerounais avait vainement exhorté les cinquante-deux associations nationales africaines à soutenir unanimement le Suédois Lennart Johansson, alors président de l’Union des associations européennes de football (UEFA), contre le Suisse, secrétaire général de la FIFA, dans la course à la succession du Brésilien Joao Havelange. Homme d’appareil et de réseaux, Blatter l’avait emporté.

Quatre ans plus tard, le colosse à la fine moustache s’était présenté contre le président sortant, déstabilisé par la faillite en 2001 d’International Sport and Leisure (ISL), société de marketing sportif qui gérait les droits télévisés de la FIFA. Soutenu par cinq membres du comité exécutif, Issa Hayatou s’était pourtant lourdement incliné (56 voix contre 139 pour son adversaire) lors du congrès de Séoul, quelques jours avant l’ouverture du Mondial 2002. « Il n’avait pas fait le plein des voix du côté de la CAF », se souvient un connaisseur de la FIFA.

Allégations de corruption

Loué en interne pour sa probité, le Camerounais fait pourtant l’objet de nombreuses allégations de corruption, notamment dans le cadre du processus d’attribution du Mondial 2022, au Qatar. En janvier 2010, il avait chapeauté le congrès de la CAF à Luanda (Angola), un événement sponsorisé par le richissime émirat contre 1,8 million de dollars. En lice pour obtenir l’organisation du Mondial, la puissance gazière s’était ainsi assuré la présentation exclusive de sa candidature aux délégués du football africain.

Phaedra Almajid, l’ex-responsable de la communication du comité de candidature du Qatar, a depuis affirmé qu’à cette occasion trois dignitaires de la CAF se seraient engagés à voter pour l’émirat en échange de contreparties financières. En mai, elle a notamment accusé nommément Issa Hayatou d’avoir alors réclamé 1,5 million de dollars. En 2011, ce dernier avait reçu un blâme du Comité international olympique (CIO) après avoir reconnu qu’il avait touché, en 1995, pour le 40e anniversaire de la CAF, 100 000 francs (15 200 euros) en liquide de la société ISL. « En dépit de tout ce que la presse raconte, jamais je n’ai été trempé dans ces histoires », a-t-il tonné sur RFI.

Dans sa lourde tâche, Hayatou s’appuiera sur le secrétaire général intérimaire de la FIFA, Markus Kattner, qui a pris la suite du Français Jérôme Valcke, écarté le 17 septembre, et lui aussi suspendu provisoirement pour quatre-vingt-dix jours suite à des allégations de corruption.

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