2015-10-17

Le Monde

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16.10.2015 à 16h21

• Mis à jour le

16.10.2015 à 18h57

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Par Henri Seckel

Quoi de mieux pour se mettre en jambes avant le choc face aux All Blacks qu’un petit Agen – Bordeaux-Bègles des familles ? A moins qu’Oyonnax-Racing 92 ne vous semble plus alléchant ? Tous les quatre ans, le phénomène ravit les boulimiques du ballon ovale autant qu’il peut surprendre les non-initiés : pendant la Coupe du monde de rugby, le championnat de France continue.

La 5e journée de la saison 2015-2016 du Top 14 débute vendredi soir, à la veille du quart de finale de la Coupe du monde entre la France et la Nouvelle-Zélande. Et samedi, Brivistes et Toulonnais, qui s’affrontent à 14 h 45 en match décalé, auront tout juste le temps d’achever leur rencontre, prendre une douche, se changer et répondre aux journalistes qui ne sont pas en Angleterre avant de trouver une télé pour regarder le choc entre l’Afrique du Sud et le Pays de Galles, à 17 heures.

Les quatre premières journées du championnat de France ont eu lieu fin août, début septembre. Le coup d’envoi de la Coupe du monde n’avait alors pas encore été donné (18 septembre), mais les meilleurs joueurs de l’Hexagone avaient déjà déserté leur club pour rejoindre leur sélection nationale – les 31 Français, par exemple, sont rassemblés depuis le 6 juillet – et l’exode avait été massif : 90 joueurs du Top 14, de 17 nationalités différentes, ont disputé la phase de poules de la Coupe du monde (et 31 de Pro D2, la seconde division française). Ils sont encore 51 outre-Manche, qualifiés pour les quarts de finale. Comme tous les quatre ans à la même époque, le championnat de France est privé de ses vedettes.

Le champion de France est lanterne rouge

« On est le seul sport professionnel et le seul pays où la Coupe du monde se joue en même temps que le championnat, il n’y a qu’en France que ça arrive », soupire Gonzalo Quesada. L’entraîneur argentin du Stade français oublie de mentionner que la Ligue celtique – qui réunit les meilleures équipes irlandaises, écossaises, galloises et italiennes – a déjà débuté, elle aussi. Mais il est vrai que le championnat anglais ne démarre que ce week-end, et que la saison de Super Rugby – les meilleures formations néo-zélandaises, australiennes, sud-africaines, japonaises et argentines – se déroulera de février à août 2016.

« Franchement, le championnat est complètement faussé avec cette Coupe du monde, glisse Jules Plisson, demi d’ouverture du club parisien, qui aurait peut-être été du voyage en Angleterre sans une blessure à l’épaule en fin de saison dernière. Tu joues quatre matchs, tu as quatre semaines “off”, et puis tu enchaînes seize semaines avec un match par week-end, entre le championnat et la Coupe d’Europe. Il ne faut pas se cacher derrière ça, mais beaucoup de nos joueurs sont partis à la Coupe du monde, c’est extrêmement handicapant. »

Au Stade français, on est bien placé pour en parler : onze joueurs du club ont été appelés pour la Coupe du monde (trois Français, deux Sud-Africains, un Australien, un Fidjien, un Géorgien, un Italien, un Samoan et un Américain, finalement blessé avant le tournoi). Avec quelques blessures en plus à déplorer, « on se retrouve à jouer le championnat avec 18 joueurs en moins, ça devient compliqué », se désole Gonzalo Quesada. Résultat : le club sacré champion de France il y a quatre mois figure aujourd’hui à la dernière place du classement, dominé par Clermont.

« Beaucoup d’équipes sont dans la même situation, on savait depuis longtemps que ça allait être le cas, alors on ne se plaint pas, mais ça reste une situation difficile à gérer », poursuit l’entraîneur parisien, dont l’équipe vise face à Castres, vendredi soir (19 h 45), un second succès en cinq rencontres cette saison. Seuls Toulon (15) et le Racing 92 (12) comptent plus de joueurs absents pour cause de Coupe du monde.

Exceptionnellement, tous les quatre ans, les clubs sont autorisés à recruter des « jokers Coupe du monde » pour pallier les absences. Mais les « bonnes pioches » sont rares, il s’agit souvent de rugbymen trop âgés, trop jeunes, ou pas assez bons

Ce mic-mac auquel on a droit tous les quatre ans résulte de l’absence d’accord entre World Rugby, qui gère les matchs internationaux (Coupe du monde, Tournoi des six nations dans l’hémisphère nord, Four Nations dans l’hémisphère sud, tournées), l’EPCR, qui organise les Coupes d’Europe, et la Ligue nationale de rugby qui s’occupe du Top 14 : ces trois entités ont toutes besoin de faire jouer des matchs pour vivre économiquement, et personne ne veut raccourcir son calendrier en année de Coupe du monde.

Quand on dirige un club, en vient-on à souhaiter l’élimination – et donc le retour – rapide de ses joueurs internationaux ? « Non, sincèrement, assure Gonzalo Quesada. On sait que de toutes façons, on ne les aura pas tout de suite parce qu’ils doivent obligatoirement prendre des vacances. Et s’ils reviennent avec trop mal à la tête, ils vont être marqués de façon négative, ça n’est pas bon. Mais Dieu sait qu’on aurait besoin de certains joueurs en ce moment. »

En juin prochain, au tour du XV de France d’être lésé

Exceptionnellement, tous les quatre ans, les clubs sont autorisés à recruter des « jokers Coupe du monde » pour pallier les absences. Mais les « bonnes pioches » sont rares, il s’agit souvent de rugbymen trop âgés, trop jeunes, ou pas assez bons pour le Top 14. Et qui, surtout, finissent par repartir. « Une équipe c’est un groupe humain qui s’appuie sur un système où les joueurs interagissent, vivent ensemble, créent des liens, explique Quesada. Quand, dans ce groupe, tu as des joueurs qui partent, qui reviennent, qui sont là mais pas avec nous parce qu’ils n’ont pas le droit de jouer, des jokers qui sont venus mais qui repartent dans pas longtemps, pour créer une âme, un état d’esprit, des liens dans le groupe, c’est un peu compliqué. »

Le temps que les internationaux soient revenus, aient pris leurs vacances, puis repris l’entraînement, l’entraîneur du Stade français a calculé que son club « ne se [rapprocherait] de son vrai niveau que fin 2015, au début de la phase retour. Pour l’instant, on se serre les coudes et on essaie de limiter la casse en tâchant de ne surtout pas perdre à la maison. »

Le champion de France, perturbé par la Coupe du monde, puis par le Tournoi des six nations, qui occasionnera encore au moins deux matchs de championnat sans les internationaux à la fin de l’hiver, pourrait-il terminer hors des six premiers, et louper la qualification pour la phase finale ? « J’espère que non. Ça reste notre objectif, on va s’accrocher jusqu’au bout pour y arriver. »

Si le Stade Français parvient à atteindre la demi-finale du Top 14, il prendra alors sa « revanche » sur l’équipe de France : une tournée du XV tricolore est prévue en Argentine en juin 2016, en même temps que les demi-finales et la finale du championnat de France. Mais le nouveau sélectionneur n’aura pas le droit de piocher parmi les clubs s’étant hissé dans le dernier carré.

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